Pesez bien ces douloureuses paroles, c’est le cri du cœur et la confession intime de Marlowe, comme aussi celle de Byron et on pourrait dire de toute la poésie anglaise, cette déesse païenne, sortie des océans du Nord comme une Vénus tragique formée par l’écume des tempêtes et des rafales !
Le personnage d’Edouard II a été traité par le poète avec une élévation et une charité admirables, sans déclamation, sans sermonnage, prouvant encore combien était tolérant, généreux et large ce souffle de renouveau païen au XVIe siècle, combien, tout particulièrement, l’esprit de Marlowe s’impatientait des entraves et des préjugés de la masse ; combien ce hardi et vibrant poète parvenait à magnifier les transgressions et les écarts condamnés par les morales religieuses et les règles générales ! La passion anormale d’Edouard II est si sincère et si impérieuse, tellement dévorante que nous en arrivons à l’excuser et à prendre même son parti et celui de Gaveston contre la reine et les barons, surtout que le coupable expie ses faiblesses par une longue agonie d’humiliations suivie d’un supplice épouvantable. On songe, tant cet amour le consume et l’empoisonne, à la tunique de Nessus enveloppant Hercule.
La Fatalité, l’inéluctable Loi, celle qui se rit des lois, plane, comme dans le théâtre antique, au-dessus de ce drame généreux, le plus hardi sorti de la plume de Marlowe et que ce rebelle, cet outrancier piétineur de dogmes et de veules conformités devait nécessairement écrire.
Gaveston mort, Edouard II fidèle à son instinct reporte son affection défendue sur le jeune Spenser, ou plutôt il ne donne un successeur à l’assassiné que pour jeter un défi à la meute de ses ennemis. Sommé par