Aller au contenu

Page:Marlowe - Édouard II, 1896, trad. Eekhoud.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

clowneries. Le spectacle devait aussi séduire la masse par ses diableries et ses prestiges fantastiques. Le protagoniste de cette œuvre était encore l’acteur Alleyn. Un couplet d’une chanson contemporaine, The Knave of Clubs, nous apprend même que son costume consistait en un surplis avec une croix sur la poitrine[1].

Le Juif de Malte, quoique inférieur à Faust et à Edouard II, contient toutefois des scènes remarquables, des passages d’une beauté sinistre et véhémente, atroces jusqu’à la frénésie, où hurle, écumant, épileptique, tout le préjugé populaire contre la race d’Israël. Il est même curieux que Marlowe, l’athée et le païen, le blasphémateur de la Trinité, semble épouser dans cette œuvre l’instinctive et fatidique exécration des chrétiens pour les enfants des déicides. L’atmosphère de ce drame fait songer aux cuves d’huile bouillante, aux autodafés, aux caroches et aux san-benito soufrés ! La figure, la température grimaçante et bestialement convulsive du juif Barrabas est loin d’avoir la vérité, la puissance du Shylock de Shakespeare. Le Juif de Malte flatte les impulsions de la masse, il en caresse les penchants carnassiers, tandis que le juif du Marchand de Venise, s’il se montre odieux, cupide et implacable, demeure au moins imposant, logique dans son astuce, terrible mais jamais abominable. Comme je l’ai dit ailleurs, un siècle ou deux auparavant le Juif de Malte

  1. The gull gets on a surplis
    With a cross upon his breast,
    Like Alleyn playing Faustus
    In that manner he was dreast.