M. de Montluzac ne vous a pas raconté cela ?
— Non. Qu’est-ce donc ?
Tout en servant le sirop avec de jolis mouvements adroits, Roselyne conta son rêve, et l’apparition d’Odon de Montluzac. M. de Capdeuilles l’écoutait avec un sourire au fond de ses yeux tristes — des yeux d’homme sur sa fin, songeait Odon. Puis la jeune fille versa du lait dans une tasse de vieille porcelaine et la posa sur la petite table ronde. Odon remarqua les soins tendres et discrets dont elle entourait son aïeul. Assise près de lui, elle tenait sa main ridée dans la sienne, si fine, si joliment modelée, un peu meurtrie, probablement par des travaux de ménage. En la voyant plus longuement, en l’entendant causer, M. de Montluzac se convainquait que cette exquise petite créature conservait vraiment son âme d’enfant. Et, contraste piquant, elle avait une culture d’esprit fort avancée déjà.
— C’est son curé et Mme Geniès qui l’ont instruite, expliqua M. de Capdeuilles. Le premier lui a même appris le latin et le grec.
— Une jeune intellectuelle du grand siècle ! dit en riant Odon. Qui se douterait que cette petite fille renferme tout cela dans sa jeune tête ?
Il la considérait avec un intérêt plus vif. Une jeune fille comme celle-là était à ses yeux un objet