Ah ! Mélac, si ce qu’on dit est vrai… votre père…
Mon père ?
On soupçonne…
Quoi ?
Qu’il aurait détourné les fonds…
L’argent de sa caisse ?
Voilà ce qu’ils ont dit.
Quelle horreur !
Saint-Alban n’en a plus trouvé.
C’est une imposture ; hier au soir j’y comptai cinq cent mille livres ; mais il vous aime, et, s’il cherche à nuire à mon père, croyez que c’est pour m’éloigner de vous.
Puissiez-vous n’avoir pas d’autre malheur à redouter ! Non, mon cher Mélac, vous n’aurez jamais de rivaux dans le cœur de Pauline.
Vous m’aimez !
Que cet aveu soutienne votre courage ! nous en aurons besoin. Saint-Alban est jaloux. Le sort de votre père me fait trembler.
Lui faites-vous, Pauline, l’injure de le croire coupable ?
Ah ! ne voyez que mon effroi. Mais nous perdons un temps précieux. Courez à votre père, allez le consoler.
Je vais l’enflammer de courroux contre un traître.
S’il n’y avait que Saint-Alban qui l’accusât… mais mon oncle lui-même…
Votre oncle !
Il va revenir. Vous connaissez sa franchise, elle ne lui permet pas toujours de garder, avec les malheureux, les ménagements dont ils ont tant besoin…
Vous me glacez le sang.
Soyez présent aux explications ; que votre bon esprit en prévienne l’aigreur. Si votre père est embarrassé, mon oncle est le seul dont on puisse espérer un prompt secours…
Quoi ! votre oncle est persuadé…
Craignez surtout de vous oublier avec lui : songez que notre sort en dépend. (Avec une grande effusion.) Mon cher Mélac !… dans le péril qui nous menace, ah !… vous m’aurez assez méritée, si vous réussissez à m’obtenir.
Ô mélange inouï !… Non ! je ne puis comprendre… N’importe, vous serez obéie. — Je me contiendrai. — Vous connaîtrez, Pauline, s’il est des ordres remplis comme ceux que l’amour exécute.
ACTE TROISIÈME
Scène I
Ne me suivez pas, mon fils.
Eh ! le puis-je, mon père ?
Je vous l’ordonne.
Vous abandonner dans un moment si fâcheux !
Votre douleur m’importune…, elle m’offense.
Je connais trop mon père pour soupçonner rien qui lui soit injurieux. Mais si votre bonté me laissait percer un mystère…
Mon fils !
Refuserez-vous de m’indiquer les moyens de vous servir ? d’adoucir au moins vos peines ?
Il est des devoirs dont ton âge et ta vivacité t’empêcheraient de sentir toute l’obligation.
Vous m’avez appris à respecter tous ceux qui sont sacrés pour vous. Ayez confiance aux principes de votre fils : ce sont les vôtres.
Mon ami, tu commences ta carrière quand je finis la mienne, et l’on voit différemment. L’intérêt du passé touche peu les jeunes gens, ils sacrifient beaucoup à l’espérance. Mais quand la vieillesse vient nous rider le visage et nous courber le