Le Pauvre Diable/Édition Garnier
Comme il est parlé de vous dans cet ouvrage de feu mon cousin Vadé#[1], je vous le dédie. C’est mon Vade mecum : vous direz sans doute Vade retro[2], et vous trouverez dans l’œuvre de mon cousin plusieurs passages contre l’État, contre la religion, les mœurs, etc. ; partant vous pouvez le dénoncer, car je préfère mon devoir à mon cousin Vadé.
Faites l’analyse de l’ouvrage ; ne manquez pas d’y répandre un filet de vinaigre en souvenance de votre premier métier. J’ai des préjugés légitimes[3] que vous êtes un des plus absurdes barbouilleurs de papier qui se soient jamais mêlés de raisonner ; ainsi personne n’est plus en droit que vous d’obtenir, par vos raisonnements et par votre crédit, qu’on brûle ce petit poëme, comme si c’était un mandement d’évêque, ou le Nouveau Testament de frère Berruyer. Continuez de faire honneur à votre siècle, ainsi que tous les personnages dont il est question dans ce livret que je vous présente.
« Quel parti prendre ? où suis-je, et qui dois-je être ?
Né dépourvu, dans la foule jeté,
Germe naissant par le vent emporté,
Sur quel terrain puis-je espérer de craître ?
Comment trouver un état, un emploi ?
Sur mon destin, de grâce, instruisez-moi.
— Il faut s’instruire et se sonder soi-même,
S’interroger, ne rien croire que soi,
Que son instinct ; bien savoir ce qu’on aime ;
Et, sans chercher des conseils superflus,
Prendre l’état qui vous plaira le plus.
— J’aurais aimé le métier de la guerre.
— Qui vous retient ? allez ; déjà l’hiver
À disparu ; déjà gronde dans l’air
L’airain bruyant, ce rival du tonnerre :
Du duc Broglie[8] osez suivre les pas :
Sage en projets, et vif dans les combats,
Il a transmis sa valeur aux soldats ;
Il va venger les malheurs de la France :
Sous ses drapeaux marchez dès aujourd’hui,
Et méritez d’être aperçu de lui.
— Il n’est plus temps ; j’ai d’une lieutenance
Trop vainement demandé la faveur,
Mille rivaux briguaient la préférence :
C’est une presse ! En vain Mars en fureur
De la patrie a moissonné la fleur,
Plus on en tue, et plus il s’en présente ;
Ils vont trottant des bords de la Charente,
De ceux du Lot, des coteaux champenois,
Et de Provence, et des monts francs-comtois,
En botte, en guêtre, et surtout en guenille,
Tous assiégeant la porte de Cremille[9],
Pour obtenir des maîtres de leur sort
Un beau brevet qui les mène à la mort.
Parmi les flots de la foule empressée,
J’allai montrer ma mine embarrassée ;
Mais un commis, me prenant pour un sot,
Me rit au nez, sans me répondre un mot ;
Et je voulus, après cette aventure,
Me retourner vers la magistrature.
— Eh bien, la robe est un métier prudent ;
Et cet air gauche et ce front de pédant
Pourront encor passer dans les enquêtes :
Vous verrez là de merveilleuses têtes !
Vite achetez un emploi de Caton,
Allez juger : êtes-vous riche ? — Non,
Je n’ai plus rien, c’en est fait. — Vil atome !
Quoi ! point d’argent, et de l’ambition !
Pauvre impudent ! apprends qu’en ce royaume
Tous les honneurs sont fondés sur le bien.
L’antiquité tenait pour axiome
Que rien n’est rien, que de rien ne vient rien[10].
Du genre humain connais quelle est la trempe ;
Avec de l’or je te fais président,
Fermier du roi, conseiller, intendant :
Tu n’as point d’aile, et tu veux voler ! rampe.
— Hélas, monsieur, déjà je rampe assez.
Ce fol espoir qu’un moment a fait naître,
Ces vains désirs pour jamais sont passés :
Avec mon bien j’ai vu périr mon être.
Né malheureux, de la crasse tiré,
Et dans la crasse en un moment rentré,
À tous emplois on me ferme la porte.
Rebut du monde, errant, privé d’espoir,
Je me fais moine, ou gris, ou blanc, ou noir,
Rasé, barbu, chaussé, déchaux, n’importe.
De mes erreurs, déchirant le bandeau,
J’abjure tout ; un cloître est mon tombeau,
J’y vais descendre ; oui, j’y cours. — Imbécile,
Va donc pourrir au tombeau des vivants.
Tu crois trouver le repos ; mais apprends
Que des soucis c’est l’éternel asile,
Que les ennuis en font leur domicile,
Que la discorde y nourrit ses serpents ;
Que ce n’est plus ce ridicule temps
Où le capuce et la toque à trois cornes,
Le scapulaire et l’impudent cordon,
Ont extorqué des hommages sans bornes.
Du vil berceau de son illusion,
La France arrive à l’âge de raison ;
Et les enfants de François et d’Ignace,
Bien reconnus, sont remis à leur place.
« Nous faisons cas d’un cheval vigoureux
Qui, déployant quatre jarrets nerveux,
Frappe la terre, et bondit sous son maître :
J’aime un gros bœuf, dont le pas lent et lourd,
En sillonnant un arpent dans un jour,
Forme un guéret où mes épis vont naître.
L’âne me plaît : son dos porte au marché
Les fruits du champ que le rustre a bêché ;
Mais pour le singe, animal inutile,
Malin, gourmand, saltimbanque indocile,
Qui gâte tout et vit à nos dépens,
On l’abandonne aux laquais fainéants.
Le fier guerrier, dans la Saxe, en Thuringe,
C’est le cheval ; un Pequet, un Pleneuf[11],
Un trafiquant, un commis, est le bœuf ;
Le peuple est l’âne, et le moine est le singe.
— S’il est ainsi, je me décloître. Ô ciel !
Faut-il rentrer dans mon état cruel !
Faut-il me rendre à ma première vie !
— Quelle était donc cette vie ? — Un enfer,
Un piège affreux, tendu par Lucifer.
J’étais sans bien, sans métier, sans génie,
Et j’avais lu quelques méchants auteurs ;
Je croyais même avoir des protecteurs.
Mordu du chien de la métromanie,
Le mal me prit, je fus auteur aussi.
— Ce métier-là ne t’a pas réussi,
Je le vois trop çà, fais-moi, pauvre diable,
De ton désastre un récit véritable.
Que faisais-tu sur le Parnasse ? — Hélas !
Dans mon grenier, entre deux sales draps,
Je célébrais les faveurs de Glycère,
De qui jamais n’approcha ma misère ;
Ma triste voix chantait d’un gosier sec
Le vin mousseux, le frontignan, le grec[12].
Buvant de l’eau dans un vieux pot à bière ;
Faute de bas, passant le jour au lit,
Sans couverture, ainsi que sans habit,
Je fredonnais des vers sur la paresse ;
D’après Chaulieu, je vantais la mollesse.
« Enfin un jour qu’un surtout emprunté
Vêtit à cru ma triste nudité[13],
Après midi, dans l’antre de Procope[14]
(C’était le jour que l’on donnait Mérope),
Seul en un coin, pensif, et consterné,
Rimant une ode, et n’ayant point dîné,
Je m’accostai d’un homme à lourde mine,
Qui sur sa plume a fondé sa cuisine,
Grand écumeur des bourbiers d’Hélicon,
De Loyola chassé pour ses fredaines,
Vermisseau né du cul de Desfontaines,
Digne en tous sens de son extraction,
Lâche Zoïle, autrefois laid giton :
Cet animal se nommait Jean Fréron[15].
« J’étais tout neuf, j’étais jeune, sincère,
Et j’ignorais son naturel félon :
Je m’engageai, sous l’espoir d’un salaire,
À travailler à son hebdomadaire,
Qu’aucuns nommaient alors patibulaire.
Il m’enseigna comment on dépeçait
Un livre entier, comme on le recousait,
Comme on jugeait du tout par la préface[16],
Comme on louait un sot auteur en place,
Comme on fondait avec lourde roideur
Sur l’écrivain pauvre et sans protecteur.
Je m’enrôlai, je servis le corsaire ;
Je critiquai, sans esprit et sans choix[17],
Impunément le théâtre, la chaire,
Et je mentis pour dix écus par mois.
« Quel fut le prix de ma plate manie ?
Je fus connu, mais par mon infamie,
Comme un gredin que la main de Thémis
À diapré[18] de nobles fleurs de lis,
Par un fer chaud gravé sur l’omoplate.
Triste et honteux, je quittai mon pirate,
Qui me vola, pour fruit de mon labeur,
Mon honoraire, en me parlant d’honneur.
« M’étant ainsi sauvé de sa boutique,
Et n’étant plus compagnon satirique,
Manquant de tout, dans mon chagrin poignant,
J’allai trouver Lefranc de Pompignan[19],
Ainsi que moi natif de Montauban,
Lequel jadis a brodé quelque phrase
Sur la Didon qui fut de Métastase ;
Je lui contai tous les tours du croquant :
« Mon cher pays, secourez-moi, lui dis-je,
« Fréron me vole, et pauvreté m’afflige.
« — De ce bourbier vos pas seront tirés,
« Dit Pompignan ; votre dur cas me touche :
« Tenez, prenez mes Cantiques sacrés ;
« Sacrés ils sont, car personne n’y touche[20] ;
« Avec le temps un jour vous les vendrez :
« Plus, acceptez mon chef-d’œuvre tragique
« De Zoraïd[21] ; la scène est en Afrique :
« À la Clairon vous le présenterez ;
« C’est un trésor : allez, et prospérez. »
« Tout ranimé par son ton didactique,
Je cours en hâte au parlement comique,
Bureau de vers, où maint auteur pelé
Vend mainte scène à maint acteur sifflé.
J’entre, je lis d’une voix fausse et grêle
Le triste drame écrit pour la Denèle[22].
Dieu paternel, quels dédains, quel accueil !
De quelle œillade altière, impérieuse,
La Dumesnil rabattit mon orgueil !
La Dangeville est plaisante et moqueuse :
Elle riait ; Grandval me regardait
D’un air de prince, et Sarrazin dormait ;
Et, renvoyé penaud par la cohue,
J’allai gronder et pleurer dans la rue.
« De vers, de prose, et de honte étouffé,
Je rencontrai Gresset dans un café ;
Gresset doué du double privilége[23]
D’être au collège un bel esprit mondain,
Et dans le monde un homme de collège ;
Gresset dévot : longtemps petit badin,
Sanctifié par ses palinodies,
Il prétendait avec componction
Qu’il avait fait jadis des comédies,
Dont à la Vierge il demandait pardon.
— Gresset se trompe, il n’est pas si coupable :
Un vers heureux et d’un tour agréable
Ne suffit pas ; il faut une action,
De l’intérêt, du comique, une fable,
Des mœurs du temps un portrait véritable,
Pour consommer cette œuvre du démon.
Mais que fit-il dans ton affliction ?
— Il me donna les conseils les plus sages :
« Quittez, dit-il, les profanes ouvrages ;
« Faites des vers moraux contre l’amour ;
« Soyez dévot, montrez-vous à la cour. »
« Je crois mon homme, et je vais à Versaille :
Maudit voyage ! hélas ! chacun se raille
En ce pays d’un pauvre auteur moral ;
Dans l’antichambre il est reçu bien mal,
Et les laquais insultent sa figure
Par un mépris pire encor que l’injure.
Plus que jamais confus, humilié,
Devers Paris je m’en revins à pied.
« L’abbé Trublet alors avait la rage[24]
D’être à Paris un petit personnage ;
Au peu d’esprit que le bonhomme avait
L’esprit d’autrui par supplément servait.
Il entassait adage sur adage ;
Il compilait, compilait, compilait ;
On le voyait sans cesse écrire, écrire
Ce qu’il avait jadis entendu dire,
Et nous lassait sans jamais se lasser :
Il me choisit pour l’aider à penser.
Trois mois entiers ensemble nous pensâmes,
Lûmes beaucoup, et rien n’imaginâmes.
« L’abbé Trublet m’avait pétrifié ;
Mais un bâtard du sieur de Lachaussée
Vint ranimer ma cervelle épuisée,
Et tous les deux nous fîmes par moitié
Un drame court et non versifié,
Dans le grand goût du larmoyant comique,
Roman moral, roman métaphysique.
— Eh bien, mon fils, je ne te blâme pas.
Il est bien vrai que je fais peu de cas
De ce faux genre, et j’aime assez qu’on rie ;
Souvent je bâille au tragique bourgeois,
Aux vains efforts d’un auteur amphibie
Qui défigure et qui brave à la fois,
Dans son jargon, Melpomène et Thalie.
Mais après tout, dans une comédie,
On peut parfois se rendre intéressant
En empruntant l’art de la tragédie,
Quand par malheur on n’est point né plaisant.
Fus-tu joué ? ton drame hétéroclite
Eut-il l’honneur d’un peu de réussite ?
— Je cabalai ; je fis tant qu’à la fin
Je comparus au tripot d’arlequin[25].
J’y fus hué ce dernier coup de grâce
M’allait sans vie étendre sur la place ;
On me porta dans un logis voisin,
Prêt d’expirer de douleur et de faim,
Les yeux tournés, et plus froid que ma pièce.
— Le pauvre enfant ! son malheur m’intéresse ;
Il est naïf. Allons, poursuis le fil
De tes récits : ce logis, quel est-il ?
— Cette maison d’une nouvelle espèce,
Où je restai longtemps inanimé,
Était un antre, un repaire enfumé,
Où s’assemblait six fois en deux semaines
Un reste impur de ces énergumènes[26],
De Saint-Médard effrontés charlatans,
Trompeurs, trompés, monstres de notre temps.
Missel en main, la cohorte infernale
Psalmodiait en ce lieu de scandale,
Et s’exerçait à des contorsions
Qui feraient peur aux plus hardis démons.
Leurs hurlements en sursaut m’éveillèrent ;
Dans mon cerveau mes esprits remontèrent ;
Je soulevai mon corps sur mon grabat,
Et m’avisai que j’étais au sabbat.
Un gros rabbin de cette synagogue,
Que j’avais vu ci-devant pédagogue,
Me reconnut : le bouc s’imagina
Qu’avec ses saints je m’étais couché là[27].
Je lui contai ma honte et ma détresse.
Maître Abraham[28], après cinq ou six mots
De compliment, me tint ce beau propos :
« J’ai comme toi croupi dans la bassesse,
« Et c’est le lot des trois quarts des humains :
« Mais notre sort est toujours dans nos mains.
« Je me suis fait auteur, disant la messe,
« Persécuteur, délateur, espion ;
« Chez les dévots je forme des cabales :
« Je cours, j’écris, j’invente des scandales,
« Pour les combattre et pour me faire un nom,
« Pieusement semant la zizanie,
« Et l’arrosant d’un peu de calomnie[29].
« Imite-moi, mon art est assez bon ;
« Suis, comme moi, les méchants à la piste ;
« Crie à l’impie, à l’athée, au déiste,
« Au géomètre ; et surtout prouve bien
« Qu’un bel esprit ne peut être chrétien :
« Du rigorisme embouche la trompette ;
« Sois hypocrite, et ta fortune est faite. »
« À ce discours saisi d’émotion,
Le cœur encore aigri de ma disgrâce[30],
Je répondis en lui couvrant la face
De mes cinq doigts ; et la troupe en besace,
Qui fut témoin de ma vive action,
Crut que c’était une convulsion.
À la faveur de cette opinion,
Je m’esquivai de l’antre de Mégère.
— C’est fort bien fait ; si ta tête est légère,
Je m’aperçois que ton cœur est fort bon.
Où courus-tu présenter ta misère ?
— Las ! où courir dans mon destin maudit !
N’ayant ni pain, ni gîte, ni crédit,
Je résolus de finir ma carrière,
Ainsi qu’ont fait au fond de la rivière
Des gens de bien, lesquels n’en ont rien dit.
« Ô changement ! ô fortune bizarre !
J’apprends soudain qu’un oncle trépassé,
Vieux janséniste et docteur de Navarre,
Des vieux docteurs certes le plus avare,
Ab intestat, malgré lui, m’a laissé
D’argent comptant un immense héritage.
« Bientôt, changeant de mœurs et de langage,
Je me décrasse ; et m’étant dérobé
À cette fange où j’étais embourbé,
Je prends mon vol, je m’élève, je plane ;
Je veux tâter des plus brillants emplois,
Être officier, signaler mes exploits,
Puis de Thémis endosser la soutane,
Et, moyennant vingt mille écus tournois,
Être appelé le tuteur de nos rois[31].
J’ai des amis, je leur fais grande chère ;
J’ai de l’esprit alors, et tous mes vers
Ont comme moi l’heureux talent de plaire :
Je suis aimé des dames que je sers.
Pour compléter tant d’agréments divers,
On me propose un très-bon mariage ;
Mais les conseils de mes nouveaux amis,
Un grain d’amour ou de libertinage,
La vanité, le bon air, tout m’engage
Dans les filets de certaine Laïs
Que Belzébut fit naître en mon pays,
Et qui depuis a brillé dans Paris.
Elle dansait à ce tripot lubrique[32]
Que de l’Église un ministre impudique
(Dont Marion[33] fut servie assez mal)
Fit élever près du Palais-Royal.
« Avec éclat j’entretins donc ma belle ;
Croyant l’aimer, croyant être aimé d’elle,
Je prodiguais les vers et les bijoux ;
Billets de change étaient mes billets doux :
Je conduisais ma Laïs triomphante,
Les soirs d’été, dans la lice éclatante
De ce rempart, asile des amours,
Par Outrequin rafraîchi tous les jours[34].
Quel beau vernis brillait sur sa voiture !
Un petit peigne orné de diamants
De son chignon surmontait la parure ;
L’Inde à grands frais tissut ses vêtements ;
L’argent brillait dans la cuvette ovale
Où sa peau blanche et ferme, autant qu’égale,
S’embellissait dans des eaux de jasmin.
À son souper, un surtout de Germain[35]
Et trente plats chargeaient sa table ronde
Des doux tributs des forêts et de l’onde.
Je voulus vivre en fermier général :
Que voulez-vous, hélas ! que je vous dise ?
Je payai cher ma brillante sottise,
En quatre mois je fus à l’hôpital.
« Voilà mon sort, il faut que je l’avoue.
Conseillez-moi. — Mon ami, je te loue
D’avoir enfin déduit sans vanité
Ton cas honteux, et dit la vérité ;
Prête l’oreille à mes avis fidèles.
Jadis l’Égypte eut moins de sauterelles
Que l’on ne voit aujourd’hui dans Paris
De malotrus, soi-disant beaux esprits,
Qui, dissertant sur les pièces nouvelles,
En font encor de plus sifflables qu’elles :
Tous l’un de l’autre ennemis obstinés,
Mordus, mordants, chansonneurs, chansonnés[36],
Nourris de vent au temple de Mémoire,
Peuple crotté qui dispense la gloire.
J’estime plus ces honnêtes enfants
Qui de Savoie arrivent tous les ans,
Et dont la main légèrement essuie
Ces longs canaux engorgés par la suie :
J’estime plus celle qui, dans un coin,
Tricote en paix les bas dont j’ai besoin ;
Le cordonnier qui vient de ma chaussure
Prendre à genoux la forme et la mesure,
Que le métier de tes obscurs Frérons.
Maître Abraham, et ses vils compagnons,
Sont une espèce encor plus odieuse.
Quant aux catins, j’en fais assez de cas ;
Leur art est doux, et leur vie est joyeuse :
Si quelquefois leurs dangereux appas
À l’hôpital mènent un pauvre diable,
Un grand benêt, qui fait l’homme agréable,
Je leur pardonne, il l’a bien mérité.
« Écoute, il faut avoir un poste honnête.
Les beaux projets dont tu fus tourmenté
Ne troublent plus ta ridicule tête ;
Tu ne veux plus devenir conseiller ;
Tu n’as point l’air de te faire officier,
Ni courtisan, ni financier, ni prêtre.
Dans mon logis il me manque un portier :
Prends ton parti, réponds-moi, veux-tu l’être ?
— Oui-da, monsieur. — Quatre fois dix écus
Seront par an ton salaire ; et, de plus,
D’assez bon vin chaque jour une pinte
Rajustera ton cerveau qui te tinte ;
Va dans ta loge ; et surtout garde-toi
Qu’aucun Fréron n’entre jamais chez moi.
— J’obéirai sans réplique à mon maître,
En bon portier ; mais, en secret, peut-être
J’aurais choisi, dans mon sort malheureux,
D’être plutôt le portier des Chartreux[37]. »
- ↑ Jean-Joseph Vadé était mort en 1757, à trente-sept ans. Voltaire a mis à quelques autres de ses ouvrages le nom de Vadé, mais avec des prénoms qui n’étaient pas ceux du personnage réel ; voyez les notes de la page 3. (B.)
- ↑ Marc, chapitre VIII, verset 33.
- ↑ Abraham Chaumeix avait fait un livre intitulé Préjugés légitimes contre l’Encyclopédie. (K.) — L’ouvrage de Chaumeix parut en 1758-59, en quatre volumes in-12. (B.)
- ↑ Voltaire semble vouloir dire ici que Gauchat était le rédacteur anonyme de ces Nouvelles. (G. A.)
- ↑ Voltaire antidate son œuvre à cause du nom dont il la signe. Vadé était mort à la fin de 1758. Catherine semble avoir hâte de publier les vers posthumes de son cousin. (G. A.)
- ↑ On nous assure que l’auteur s’amusa à composer cet ouvrage en 1758, pour détourner de la carrière dangereuse des lettres un jeune homme sans fortune, qui prenait pour du génie sa fureur de faire de mauvais vers. Le nombre de ceux qui se perdent par cette passion malheureuse est prodigieux. Ils se rendent incapables d’un travail utile ; leur petit orgueil les empêche de prendre un emploi subalterne, mais honnête, qui leur donnerait du pain ; ils vivent de rimes et d’espérances, et meurent dans la misère. (Note de Voltaire, 1771.)
- ↑
C’est Voltaire lui-même qui a mis à cette pièce la date de 1758 ; mais je crois
devoir faire remarquer qu’elle n’est que de 1760. C’est en effet à cette date que
les éditeurs de Kehl l’ont comprise dans leur table chronologique. Lefranc de
Pompignan venait de prononcer, pour sa réception à l’Académie française, un
discours au moins déplacé, que Voltaire a immortalisé par les facéties qu’il publia
à cette occasion. Ce qui prouve que le Pauvre Diable n’est que de 1760, c’est que :
1° Voltaire en parle pour la première fois dans sa lettre à d’Alembert, du 10 juin
1760, et pour la seconde dans celle à M. d’Argental, du 27 juin 1760 ; 2° ce fut en
1760 que parut le Pauvre Diable, chant second, misérable rapsodie, sans aucun
sel, où Voltaire est traité aussi mal qu’on peut l’être par un écrivain sans esprit ;
il n’est pas à croire qu’on eût attendu deux ans pour faire cette suite et critique
du Pauvre Diable ; 3° on sait aujourd’hui que le héros de cette pièce est Siméon
Valette, mort le 29 décembre 1801. (Voyez sur ce personnage une notice intéressante,
par M. Tourlet, dans le Magasin encyclopédique, année 1811, II, 75.) Or Voltaire ne
connut Valette qu’à la fin de 1759, ainsi qu’on le voit par ses lettres à d’Alembert,
des 25 auguste et 15 décembre de cette année.
La brochure qui parut en 1760 sous le titre de Réponse au Pauvre Diable ne diffère que par le frontispice, et l’addition du feuillet qui le suit, des Pièces échappées du portefeuille de M. de Voltaire, comte de Tournay, 1759, in-12. Il n’y a point eu de réimpression.
J’ai vu un exemplaire in-4o du Pauvre Diable, sur lequel étaient écrits ces mots, de la main de Voltaire : « Melle Catherine Vadé a l’honneur de vous envoier cette coyonerie, feu Vadé vous était très attaché. » (B.)
- ↑ Victor-François, duc de Broglie, né le 19 octobre 1718, créé maréchal de France le 16 décembre 1759, mort à Munster en 1804. Son père et son aïeul avaient été aussi maréchaux de France.
- ↑ M. de Cremille, lieutenant-général, était chargé alors du département de la
guerre, sous M. le maréchal de Belle-Isle. (Note de Voltaire, 1771.) - ↑ C’est ce qu’ont dit Lucrèce et Perse dans des vers que Voltaire cite ou rappelle souvent.
- ↑ Pequet était un premier commis des affaires étrangères ; Pleneuf était
un entrepreneur des vivres. (Note de Voltaire, 1771.) — Berthelot de Pleneuf était le père de la marquise de Prie, à qui est dédié l’Indiscret ; voyez tome I du Théâtre, page 245. - ↑ Variante :
.....le xérès, le vin grec.
- ↑ Variante :
.....ma pauvre nudité.
- ↑ C’est le café qui existe encore dans la rue de l’Ancienne-Comédie.
- ↑ Fréron ne se nomme pas Jean, mais Caterin. Il semble que cet homme soit le cadavre d’un coupable qu’on abandonne au scalpel des chirurgiens. Il a été
méchant, et il en a été puni. Il dit, dans une de ses feuilles de l’année 1756 :
« Je ne hais pas la médisance, peut-être même ne haïrais-je pas la calomnie. »
Un homme qui écrit ainsi ne doit pas être surpris qu’on lui rende justice. (Note de Voltaire, 1771.)
- ↑ L’abbé Mercier de Saint-Léger, qui achetait de Fréron les livres nouveaux dont
celui-ci rendait compte, ne trouvait d’ordinaire que la préface dont les feuillets fussent coupés. (Magasin encycl., 1812, tome VI, page 414.) - ↑ Variante :
Je critiquai sans esprit et sans choix ;
Et je mentis pour dix écus par mois
Comme un laquais : je parvins à déplaire
Même en province, à tel point que parfois
De nos écrits on fit de vils emplois.
- ↑ Variante :
Avait gaufré.....
- ↑ L’homme dont il s’agit ici était d’ailleurs un magistrat et un homme de
lettres et de mérite. Il eut le malheur de prononcer à l’Académie un discours peu mesuré, et même très-offensant. Il est vrai que sa tragédie de Didon est faite sur le modèle de celle de Metastasio ; mais aussi il y a de beaux morceaux qui sont à l’auteur français. Il faut avouer qu’en général la pièce est mal écrite. Il n’y a qu’à voir le commencement :
Tous mes ambassadeurs, irrités et confus,
Trop souvent de la reine ont subi les refus.
Voisin de ses États, faibles dans leur naissance,
Je croyais que Didon, redoutant ma vengeance,
Se résoudrait sans peine à l’hymen glorieux
D’un monarque puissant, fils du maître des dieux.
Je contiens cependant la fureur qui m’anime ;
Et déguisant encor mon dépit légitime,
Pour la dernière fois, en proie à ses hauteurs,
Je viens sous le faux nom de mes ambassadeurs,
Au milieu de la cour d’une reine étrangère,
D’un refus obstiné pénétrer le mystère ;
Que sais-je ?… n’écouter qu’un transport amoureux.
Des ambassadeurs ne subissent point des refus ; on essuie, on reçoit des refus.
Si tous ses ambassadeurs irrités et confus ont subi des refus, comment ce Jarbe - ↑ Dans sa lettre à d’Argental, du 27 avril 1760, Voltaire dit que les Cantiques
de Lefranc sont d’autant plus sacrés que personne n’y touche. On a remarqué que
Voltaire a, par inadvertance, fait rimer le mot touche avec lui-même. (B.) - ↑ Zoraïde était une tragédie africaine du même auteur. Les comédiens le
prièrent de leur faire une seconde lecture pour y corriger quelque chose ; il leur
écrivit cette lettre :
« Je suis fort surpris, messieurs, que vous exigiez une seconde lecture d’une
tragédie telle que Zoraïde. Si vous ne vous connaissez pas en mérite, je me connais en procédés, et je me souviendrai assez longtemps des vôtres pour ne plus
m’occuper d’un théâtre où l’on distingue si peu les personnes et les talents. Je
suis, messieurs, autant que vous méritez que je le sois, votre, etc. » (Note de - ↑ Quinault-Denèle était dans ce temps-là une assez bonne comédienne, pour
qui principalement Zoraïde avait été faite. Les noms qui suivent sont les noms des comédiens de ce temps-là. (Note de Voltaire, 1771.) - ↑ Gresset, auteur du petit poëme de Ver-Vert, d’autres ouvrages dans ce goût,
et de quelques comédies. Il y a des vers très-heureux dans tout ce qu’il a fait.
Il était jésuite quand il fit imprimer son Ver-Vert. Le contraste de son état et des termes de b… et f… qu’on voyait dans ce petit poëme fit un très-grand éclat dans le monde, et donna à l’auteur une grande réputation. Ce poëme n’était fondé à la vérité que sur des plaisanteries de couvent, mais il promettait beaucoup ; l’auteur fut obligé de sortir des jésuites. Il donna la comédie du Méchant, pièce un peu froide, mais dans laquelle il y a des scènes extrêmement bien écrites. Revenu depuis à la dévotion, il fit imprimer une Lettre dans laquelle il avertissait le public qu’il ne donnerait plus de comédies, de peur de se damner. Il pouvait cesser de travailler pour le théâtre sans le dire. Si tous ceux qui ne font point de comédies en avertissaient tout le monde, il y aurait trop d’avertissements imprimés. Cet avis au public fut plus sifflé que ne l’aurait été une pièce nouvelle, tant le public est malin. (Id., 1771.) - ↑ L’abbé Trublet, auteur de quatre tomes d’Essais de littérature. Ce sont
de ces livres inutiles, où l’on ramasse de prétendus bons mots qu’on a entendu
dire autrefois, des sentences rebattues, des pensées d’autrui délayées dans de
longues phrases, de ces livres enfin dont on pourrait faire douze tomes avec le seul secours du Polyanthe. (Note de Voltaire, 1771.) — On appelle Polyanthea le volume intitulé Florilegii magni, seu Polyanthea floribus novissimis sparsæ libri XXIII, etc. C’est un recueil par ordre alphabétique de matières, de définitions, pensées, maximes, adages d’auteurs célèbres. (B.)
— En entrant dans Paris, le Pauvre Diable entra, pour ainsi dire, dans la
mémoire de tous les gens de goût… Le lendemain mème, M. Suard rencontre l’abbé Trublet sous les guichets du Carrousel. Ce bon diable avait aussi retenu la pièce tout entière, et ce qu’il savait mieux, c’étaient les vers sur lui, si sanglants et si gais. Il ne les récitait pas seulement, il les commentait. « Observez bien, disait-il à M. Suard, qu’un homme de peu de goût et de peu de talent aurait pu faire le vers composé d’un même mot répété trois fois :
Il compilait, compilait, compilait.
mais qu’il n’y avait qu’un homme de beaucoup de talent et de beaucoup de goût
qui pouvait le laisser. » Voltaire, qui ne l’a pas ignoré, aurait pu écrire à Trublet,
comme Horace à Tibulle :
Albi, nostrorum sermonum candide judex.
(Garat, Mémoires historiques sur le dix-huitième siècle, Paris, 1829, tome Ier, pages 129-130. - ↑ Voltaire désigne ainsi le comité de la Comédie italienne.
- ↑ Il y avait en effet alors, auprès de l’hôtel de la Comédie italienne, une maison où s’assemblaient tous les convulsionnaires, et où ils faisaient des miracles.
Ils étaient protégés par un président au parlement, nommé du Bois, après l’avoir
été par un Carré de Montgeron, conseiller au même parlement. Cette secte de convulsionnaires, celle des moraves, des ménonistes, des piétistes, font voir comment certaines religions peuvent aisément s’établir dans la populace, et gagner ensuite les classes supérieures. Il y avait alors plus de six mille convulsionnaires à Paris. Plusieurs d’entre eux faisaient des choses très-extraordinaires. On rôtissait des filles sans que leur peau fût endommagée ; on leur donnait des coups de bûche sur l’estomac sans les blesser ; et cela s’appelait donner des secours. Il y eut des boiteux qui marchèrent droit, et des sourds qui entendirent. Tous ces miracles commençaient par un psaume qu’on récitait en langue vulgaire ; on était saisi du Saint-Esprit, on prophétisait ; et quiconque dans l’assemblée se serait permis de rire aurait couru
risque d’être lapidé. Ces farces ont duré vingt ans chez les Welches. (Note de Voltaire, 1771.)
- ↑ Variante :
..... caché là.
- ↑ C’est Abraham Chaumeix, vinaigrier et théologien, dont on a parlé ailleurs.
(Note de Voltaire, 1771.) — Voyez ci-après une note du Russe à Paris. - ↑ Variante :
L’assaisonnant d’un peu de calomnie.
Imite-moi, mon sort est assez bon. - ↑ Variante :
.....navré de ma disgrâce.
- ↑ C’était la prétention des parlementaires. (G. A.)
- ↑ L’Opéra, situé alors sur un emplacement voisin de la cour des Fontaines
actuelle.
- ↑ Marion de Lorme, courtisane du temps du cardinal de Richelieu, et qui fit
une assez grande fortune avec ce ministre, qui était fort généreux. (Note de Voltaire, 1771.) - ↑ La mode était alors de se promener en carrosse ou à pied sur les boulevards
de Paris, que M. Outrequin avait soin de faire arroser tous les jours pendant l’été. Les jeunes gens se piquaient d’y faire paraître leurs maîtresses dans les voitures les plus brillantes. On y voyait des filles de l’Opéra couvertes de diamants ; elles renouaient leurs cheveux avec des peignes où il y avait autant de diamants que de dents. Les boulevards étaient bordés de cafés, de boutiques de marionnettes, de - ↑ Voyez la note 2, page 86.
- ↑ Variante :
Sifflés, sifflants.....
- ↑ Le Portier des Chartreux est un livre qui n’est pas de la morale la plus austère. On y trouve un portrait de l’abbé Desfontaines, plus hardi que tous ceux qu’on lit dans Pétrone. Cet ouvrage est de l’auteur de la petite comédie intitulée le B… L’auteur était d’ailleurs aussi savant dans l’antiquité que dans l’histoire des mœurs modernes ; et il a composé des discours sérieux pour des personnages très-graves, qui ne savaient pas les faire eux-mêmes. (Note de Voltaire, 1771 et 1775.) — Le comte de Caylus (voyez tome VIII, page 599) est auteur de la comédie intitulée le Bordel, ou le J. -F. puni, comédie en prose, en trois actes, 1736, in-8o ; mais c’est par plaisanterie que Voltaire lui attribue le Portier des Chartreux,
imprimé, pour la première fois, sous le titre d’Histoire de Dom B….., portier des Chartreux, 1748, deux parties in-8o ; réimprimé plusieurs fois, tantôt sous le titre d’Histoire de Gouberdom (nom anagrammatique), portier des Chartreux, 1772, in-8o, 1790, deux parties ; tantôt sous celui de Mémoires de Saturnin, 1787, deux parties in-18, 1803, deux volumes in-18, etc. L’auteur de ce roman obscène est Jean-Charles Gervaise de La Touche, avocat au parlement de Paris depuis 1744, mort en 1782 ; il était né à Amiens. (B.)
joueurs de gobelets, de danseurs de corde, et de tout ce qui peut amuser la jeunesse. (Note de Voltaire, 1771.)
Voltaire, 1771.) — Le sujet de Zoraïde est, comme Alzire, la peinture des mœurs américaines opposée au portrait des mœurs européennes. Voltaire réclama auprès des Comédiens français ; voyez tome II du Théâtre, page 369.
pouvait-il croire que Didon se soumettrait sans peine à cet hymen glorieux ? Jarbe d’ailleurs a-t-il envoyé tous ses ambassadeurs ensemble, ou l’un après l’autre ? Il contient cependant la fureur qui l’anime, et il déguise encore son dépit légitime. S’il déguise ce dépit légitime, et s’il est si furieux, il ne croit donc pas que Didon l’épousera sans peine. Épouser quelqu’un sans peine, et déguiser son dépit légitime, ne sont pas des expressions bien nobles, bien tragiques, bien élégantes. Il vient, sous le faux nom de ses ambassadeurs, être en proie à des hauteurs ? Comment vient-on sous le faux nom de ses ambassadeurs ? on peut venir sous le nom d’un autre, mais on ne vient point sous le nom de plusieurs personnes. De plus, si on vient sous le nom de quelqu’un, on vient à la vérité sous un faux nom, puisqu’on prend un nom qui n’est pas le sien ; mais on ne prend pas le faux nom d’un ambassadeur quand on prend le véritable nom de cet ambassadeur même. Il veut pénétrer le mystère d’un refus obstiné. Qu’est-ce que le mystère d’un refus si net, et déclaré avec tant de hauteur ? Il peut y avoir du mystère dans des délais, dans des réponses équivoques, dans des promesses mal tenues ; mais quand on a déclaré avec des hauteurs à tous vos ambassadeurs qu’on ne veut point de vous, il n’y a certainement là aucun mystère. Que sais-je ?… n’écouter qu’un transport amoureux. Que sait-il ? il n’écoutera qu’un transport, il sera terrible dans le tête-à-tête. Le grand malheur de tant d’auteurs est de n’employer presque jamais le mot propre ; ils sont contents pourvu qu’ils riment, mais les connaisseurs ne sont pas contents. (Note de Voltaire, 1771.) — Voltaire avait, en 1736, publié le Fragment d’une lettre sur Didon ; il répéta encore ses observations en 1774. (B.)