Le Parnasse contemporain/1876/À une autre (2)
III
A UNE AUTRE
Tu n’as pas voulu quand j’avais vingt ans ;
Tu n’as pas voulu dans le temps des roses
Où, n’ayant souci des plus douces choses,
Je n’aimais que toi de tout le printemps ;
Où j’aurais franchi les monts et les plaines
Pour te voir une heure et m’en retourner,
Où ma vie entière était à donner,
Où mon avenir avait les mains pleines.
J’allais devant moi d’un pas résolu,
J’avais pour étoile une tête blonde :
Si tu m’avais dit : « Donne-moi le monde ! »
Je l’aurais conquis. — Tu n’as pas voulu.
Voici l’heure, hélas ! où naissent les rides,
Déjà le soleil paraît décliner ;
Je n’ai plus ma vie entière à donner
Bientôt l’avenir aura les mains vides ;
Tristes, nous comptons les ans révolus…
Tu ne voulais pas dans le temps des roses,
L’automne est venu plein d’heures moroses,
Et tu voudrais bien, — mais je ne veux plus !