Aller au contenu

Wikipédia:Wikimag/2008/27/Interview Anthere

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Wikimag
Wikimag

Interview réalisée par Mikani (d · c · b) par envoi de courriel entre Mikani et Anthere (d · c · b) pendant le mois de juin 2008 et publiée le 7 juillet 2008

Wikimag
Depuis 2006, Anthere alias Florence Devouard est la présidente du conseil d'administration de la Wikimedia Foundation, qui gère et héberge plusieurs wiki. Vous expliquez dans votre blog les raisons de votre départ. Pour vous qu'elle est la plus grande réalisation que la Foundation Wikimedia ait réalisé depuis que vous êtes présidente du CA ?
Anthere
Par pur esprit de contradiction, j'en citerais deux :-)
  • Croissance et maturité de l'organisation
  • Internationalisation
J'ai expliqué ici les raisons qui m'ont poussé à ne pas me re-présenter. Pour être honnête, ce n'est pas une décision que j'ai prise sans douleur. Il y a beaucoup de façons différentes d'aider au développement de nos projets et à la diffusion de la connaissance. Certains trouvent leur épanouissement dans la rédaction d'articles, d'autres aident au niveau du logiciel, d'autres encore deviennent photographes, ou donnent de leur temps pour répondre à la presse, participer aux conférences promotionnelles, répondre aux questions sur OTRS etc... Il existe de très nombreuses voies, et celle que j'avais choisie, la Foundation, me convenait assez bien.
La raison primaire pour laquelle j'avais souhaité rejoindre l'organisation était le souhait de voir se développer une organisation internationale. A l'époque, la Foundation existait essentiellement sur le papier. Nous n'avions pas de locaux, ni d'employés, un budget d'environ 40 000 dollars. Les "possessions" de la Foundation étaient trois serveurs et quelques noms de domaine. Et pratiquement tout était géré par Jimbo (considéré comme président directeur général). Le rôle des premiers membres du conseil était en réalité un rôle de conseil et de support pour Jimbo. Il n'existait aucune stratégie, aucun contrôle, aucune concertation puisque l'on avait affaire à un "one-man-show".
Face à cette situation, j'ai souhaité m'investir de telle façon à garantir d'une part l'indépendance de nos projets et d'autre part, le respect de notre diversité communautaire.
Par indépendance, j’entends non seulement indépendance vis à vis de groupes d'intérêts (par exemple, sociétés commerciales ou gouvernements), mais aussi vis-à-vis du fondateur. Une phrase que l'on lisait souvent en 2004 était "et si Jimbo est renversé par un bus demain, est-ce que Wikipedia survivra ?". En 2002, Wikipédia n'aurait peut être pas survécu. Aujourd'hui, il est probable que seule la presse craindrait les conséquences d'un tel accident. Ni les projets ni la Foundation n'ont besoin de lui pour fonctionner. C'est tout de même de bon augure pour le futur !
J'ai aussi la petite satisfaction d'avoir tracé la voie pour montrer que la Foundation pouvait être dirigée par une personne autre que Jimbo. Aux yeux de beaucoup, le fait de pouvoir "passer la main" était un signe de maturité de l'organisation.
Nous avons aussi réussi à rester relativement indépendants de groupes d'influence. Malgré des besoins financiers pressants, nous avons réussi à résister aux sirènes de la monétisation (publicité etc...), pour nous positionner fermement sur la voie caritative. Ce n'était pas du tout acquis en 2004 !
A l'époque où je suis devenue présidente, nous naviguions en eaux assez boueuses. Il existait des tensions fortes entre employées; certains ont démissionné, il a été nécessaire de se séparer du directeur exécutif de l'époque et de lui trouver une remplaçante. L'année horribilis s'est terminé avec l'histoire Caroline Doran et un audit financier en retard de 6 mois. J'ai vécu une année 2007 difficile et il a fallu faire preuve de fermeté sur le terrain :-)
Aujourd'hui, le train est à nouveau sur les rails. Nous avons une directrice de qualité, des employés heureux, les finances sont saines, la presse est plutôt favorable (sauf en France...), de grosses Foundations américaines ont décidé de nous soutenir publiquement, les procès sont limités (et surtout gagnés), de nouvelles fonctionnalités sont en cours de développement ou de mise en place (eg, SUL ou Flaggued Revisions).
Au niveau administration du conseil proprement dit, les bases sont saines, et j'espère que le futur président saura maintenir le cap !
En bref, ce dont je suis la plus fière est probablement d'avoir aidé l'organisation a passer ce cap de "petite assoc gérée sur un coin de table de cuisine".
Wikimag
Wikimag
Le deuxième aspect qui me tenait à cœur était le respect de notre diversité communautaire et l'implication de la communauté dans le fonctionnement de la Foundation. En dépit des efforts fournis, je suis moins convaincue du résultat. Il me semble que la Foundation ne tient pas suffisamment en compte les opinions des éditeurs. Ceci ne résulte nullement d'une manœuvre délibérée visant à retirer aux wikipédiens leur mot à dire, mais plutôt de la difficulté à interagir avec une très large communauté, multilingue, et souvent anonyme. S'il existe des initiatives locales de communication telles que le SignPost ou le WikiMag, il n'y a pas vraiment de démarche globale de sondage, de vote ou de représentation de la communauté auprès de la structure administrative (comme aurait pu l'être un wikicouncil, proposition rejetée par le ca).
Il y a des siècles de cela, j'ai écrit Future_of_international_Wikipedias_as_part_of_the_main_community. Ce texte date de 2002. Aujourd'hui, on ne parle plus des "wikipédias internationales". L'égalité entre langues sur les projets est totalement admise et prise en compte. Cette égalité de prise en compte n'est cependant pas acquise au niveau de la Foundation. A mon grand regret, la Fondation occupe de plus en plus le rôle que devrait tenir une association américaine (eg, Wikimedia USA), voire locale (Wikimedia San Francisco). Elle organise des rencontres à San Francisco, répond à la presse américaine en priorité, obtient des dons de fondations américaines etc... A nouveau, ceci ne signifie nullement une volonté délibérée d'ignorer le reste du monde. Simplement, par exemple, 10h de vol entre SF et l'Europe, ou 9 heures de décalage horaire, et des langues différentes, constituent une barrière à l'activité et à l'interaction avec les participants européens.
Notre directrice essaye cependant de faire au mieux pour accommoder cette particularité de notre organisation, et le conseil va voter de nouvelles recommandations sur ce sujet avant mon départ (en particulier, Policy: Pluralism, Internationalism, Diversity).
Bien que le respect de notre diversité ne soit pas totalement suffisant, je crois avoir très largement aidé à véhiculer l'importance de cet aspect, d'une part en devenant présidente française d'une organisation américaine, et d'autre part en me battant sur ce sujet à chaque fois que cela était possible.
Et j'ai la ferme intention de continuer ;-)
Wikimag
Pour les élections, on peut voir que de nombreux candidats veulent une communication plus fluide entre tous les projets et stopper une sorte d'autocratie de Wikipedia par rapport aux projets sœurs, sur un plan médiatique me semble-t-il. Serait-il envisageable des campagnes de publicité IRL pour promouvoir Wikimédia foundation et ses projets, dans les plus gros pays comme les EU, le Canada, ou encore la France ?
Anthere
Je ne suis pas sure de comprendre le sens de ta question. Des actions de promotion des projets et de la Foundation sont déjà régulièrement menées. Par exemple, la tenue annuelle de Wikimania est une action de promotion, qui va bien au delà de Wikipédia. Les associations locales ont aussi un rôle important à jouer pour la promotion des projets autre que Wikipédia. J'ajoute qu'à titre personnel, j'essaye de toujours mentionner tous les projets quand je présente Wikipédia. A plusieurs reprises, j'ai dédié une présentation uniquement à Wikinews ou à Wikibooks. Je suis certaine de ne pas être la seule. Le site de l'association allemande (http://wikimedia.de/) présente un workshop dédié à la prise de photos (avantage wikicommons).
Le fait que les candidats soutiennent ce genre d'initiatives ne veut pas dire qu'elles ne se produisent pas déjà. Par exemple, Harel fait partie de l'association Wikimedia Israel et doit déjà à titre personnel être engagé dans ce type d'activité.
Wikimag
Merci de nous avoir consacré un bon moment pour cet interview.