Utilisateur:Manchot sanguinaire/Banquise
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L'Espagne des Habsbourg couvre une période de près de deux siècles, allant de 1516 à 1700, et correspond à une apogée sans précédent dans l'histoire du pays. Au cours du règne de l'empereur Charles Quint, qui accéda au trône espagnol suite à la mort de son grand-père Ferdinand II d'Aragon, l'Espagne habsbourgeoise contrôla un territoire s'étendant des Philippines aux Pays-Bas et s'érigea, pour un temps, en première puissance européenne. L'époque, pour cette raison, a souvent été définie comme l'« âge d'expansion » de l'histoire espagnole. Sous la longue domination de la famille des Habsbourg, l'Espagne connut à la fois le zénith de son influence internationale et le début de son lent déclin.
La suprématie navale de l'Espagne, à cette période, fut mise en évidence par la victoire éclatante et fortement symbolique remportée contre l'Empire ottoman à la bataille de Lépante, en 1571. Malgré le désastre que connut l'Invincible Armada en 1588, la domination espagnole sur les mers fut ensuite confirmée par une série d'affrontements contre l'Angleterre lors de la guerre anglo-espagnole de 1585-1604. Toutefois, la puissance navale de l'Espagne habsbourgeoise entama un déclin irrémédiable à partir du milieu du XVIe siècle, comme en témoignent des défaites de plus en plus sévères face aux navires d'Angleterre ou des Provinces-Unies. Dès les années 1660, Madrid eut du mal à défendre ses possessions coloniales des harcèlements menés par les pirates ou les corsaires. Sur la terre ferme, l'Espagne fut d'abord entraînée dans la vaste guerre de Trente Ans, avant d'être régulièrement mise en échec par la France de Louis XIV. La domination des Habsbourg sur l'Espagne s'acheva en 1700 avec la mort de Charles II, ce qui provoqua la guerre de Succession d'Espagne.
Les années habsbourgeoises furent aussi celles d'un véritable âge d'or espagnol, et d'un épanouissement culturel profond. L'époque compte un grand nombre de figures prestigieuses, parmi lesquelles Diego Velázquez, Le Greco, Miguel de Cervantes ou Pedro Calderón de la Barca.
Les débuts de l'empire (1504-1521)
[modifier | modifier le code]L'Espagne, telle que nous la connaissons aujourd'hui, a été unifiée pour la première fois en 1469, suite au mariage de Ferdinand II d'Aragon et d'Isabelle de Castille. La conquête de la Grenade, en 1492, acheva ensuite la Reconquête et symbolise l'avènement d'une nouvelle ère pour le pays. La reine Isabelle s'éteignit cependant en 1504, et bien que Ferdinand ait tenté de garder la mainmise sur la Castille en dépit de cette disparition, les Cortes Generales castillanes choisirent de couronner la fille de la défunte, Jeanne. Le mari de cette dernière, Philippe, était le fils de l'empereur habsbourgeois Maximilien Ier du Saint-Empire et de Marie de Bourgogne. Le couronnement de Jeanne fit qu'il devint le roi consort Philippe Ier de Castille. Peu après, Jeanne commença à sombrer dans la folie : Philippe dût assumer en son nom la régence en 1506, mais mourut cette même année dans des circonstances mystérieuses, peut-être empoisonné par son beau-père. Charles, le fils aîné du couple, n'étant âgé que de six ans, les Cortes acceptèrent à contre-cœur que le père de Jeanne, Ferdinand, assume temporairement la régence au nom de Jeanne et de Charles.
L'Espagne était donc désormais unie sous une seule autorité, celle de Ferdinand II d'Aragon. Sa position de monarque unique lui permit d'adopter une politique plus agressive qu'il n'avait pu le faire en tant que mari d'Isabelle : le roi œuvra notamment à élargir la sphère d'influence espagnole en Italie, au détriment de celle de la France. En tant que roi d'Aragon, Ferdinand s'était en effet retrouvé impliqué dans la lutte opposant la France à Venise pour le contrôle de la péninsule, et les guerres d'Italie devinrent la priorité de la politique étrangère de Ferdinand. La première intervention des troupes espagnoles se fit au côté des Français dans le cadre de la guerre de la ligue de Cambrai, au cours de laquelle les Espagnols se distinguèrent particulièrement à la bataille d'Agnadel, en 1509. À peine un an plus tard, Ferdinand rejoint la Ligue catholique contre la France, y voyant l'occasion de s'emparer à la fois de Naples - sur laquelle il avait des revendications dynastiques - et de la Navarre, qu'il réclamait suite à son mariage avec Germaine de Foix. Cette guerre fut un moins grand succès que celle contre Venise, et en 1516, la France accepta une trêve qui confirmait son emprise sur Milan mais cédait de le nord de la Navarre à l'Espagne. Cependant la mort de Ferdinand, cette même année, changea entièrement la donne.
La mort de Ferdinand eut pour conséquence la montée sur le trône du jeune Charles, le fils de Jeanne, sous le titre de Charles Ier d'Espagne (ou « de Castille et d'Aragon »), fondant ainsi de facto la monarchie espagnole. L'héritage incluait toutes les possessions espagnoles dans le Nouveau Monde et autour de la Méditerranée. De plus, à la mort de son père habsbourgeois en 1506, Charles avait hérité des Pays-Bas et de la Franche-Comté, et avait grandi dans les Flandres. Par la suite, avec la mort de son grand-père paternel Maximilien Ier en 1519, le même Charles reçut les territoires des Habsbourg en Allemagne, et fut dûment élu nouvel empereur romain germanique la même année. Sa mère, Jeanne la Folle, garda son titre de reine de Castille jusqu'à sa mort, en 1555, mais son état mental permit à Charles d'exercer toute la réalité du pouvoir sur la Castille. En quelques années, le jeune Charles Quint s'est ainsi imposé comme l'homme le plus puissant de la Chrétienté.
L'accumulation de tant de pouvoirs sur les épaules d'un seul homme et d'une seule dynastie a bien sûr été le principal sujet de préoccupation du roi de France, François Ier, qui se voyait soudain entouré de terres habsbourgeoises. En 1521, François envahit les possessions espagnoles en Italie, inaugurant ainsi un nouveau cycle de conflits franco-espagnols. L'opération fut un désastre pour la France, qui subit des défaites répétées à la Bicoque (1522), à Pavie (1525), où le roi fut même capturé, et enfin à Landriano (1529), avant que François ne finisse par baisser les bras et à laisser une fois de plus Milan à l'Espagne.
Un empereur et un roi (1521-1556)
[modifier | modifier le code]La victoire remportée par Charles Quint à la bataille de Pavie surprit bon nombre d'Italiens et d'Allemands, et fit craindre que l'empereur ne cherche à acquérir encore plus de pouvoir. Le pape Clément VII changea d'alliance et choisit de rejoindre la France et les grandes principautés italiennes dans leur lutte contre l'empereur, au cours de la septième guerre d'Italie. En 1527, du fait de l'incapacité de Charles à rémunérer suffisamment ses armées, ces dernières se mutinèrent et se livrèrent au sac de Rome et de ses richesses, ce qui contraignit la papauté à davantage de prudence par la suite : le refus papal d'annuler le mariage de Henri VIII d'Angleterre et de Catherine d'Aragon (la tante de Charles) était directement lié à la crainte d'offenser l'empereur et de provoquer un second pillage de Rome. La paix de Barcelone, conclue entre l'empereur et le pape en 1529, instaura une relation plus cordiale entre les deux puissances et consacra de facto l'Espagne comme la grande puissance protectrice de la cause catholique. Elle reconnaît par ailleurs Charles comme roi de Lombardie, en contrepartie de quoi le pape obtint une intervention espagnole pour renverser la république florentine.
En 1543, le roi de France François Ier annonça une alliance sans précédent avec le sultan de l'Empire ottoman, Soliman le Magnifique, et la concrétisa aussitôt en prenant le contrôle de la ville espagnole de Nice avec l'appui des forces turques. Henri VIII, qui avait pour le roi de France une antipathie encore plus prononcée que pour Charles Quint, s'allia à ce dernier pour envahir la France. Bien que l'armée espagnole ait subi une sévère défaite à Cerisolles, en Savoie, les Anglais connurent meilleure fortune et poussèrent les Français à négocier. Les troupes autrichiennes, quant à elles, menées par Ferdinand, le frère de Charles, continuaient à combattre les Ottomans à l'est. Une fois la France vaincue, Charles se tourna vers un nouvel ennemi, la ligue protestante de Smalkade.