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Tentative d'assassinat de Robert Fico

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Tentative d'assassinat de Robert Fico
Localisation Handlová (district de Prievidza, région de Trenčín, Slovaquie)
Cible Robert Fico
Coordonnées 48° 43′ 38″ nord, 18° 45′ 34″ est
Date
Type Tentative d'assassinat, fusillade
Blessés Robert Fico
Auteurs Juraj Cintula (pt)
Géolocalisation sur la carte : Slovaquie
(Voir situation sur carte : Slovaquie)
Tentative d'assassinat de Robert Fico
Géolocalisation sur la carte : région de Trenčín
(Voir situation sur carte : région de Trenčín)
Tentative d'assassinat de Robert Fico

La tentative d'assassinat de Robert Fico survient le lorsque le président du gouvernement slovaque, Robert Fico, est visé par plusieurs coups de feu. Grièvement blessé, il est transporté à l'hôpital dans un état grave. Le suspect, Juraj Cintula, 71 ans, a été arrêté par la police sur les lieux.

Robert Fico en avril 2024.

À la tête du parti SMER – social-démocratie, Robert Fico est au pouvoir au moment de la tentative d'assassinat depuis sa victoire six mois plus tôt aux élections législatives. Il l'emporte à l'issue d'une campagne électorale très marquée par le taux élevé d'inflation au niveau mondial provoqué par la crise économique liée à la pandémie de Covid-19 dans le contexte d'une crise énergétique provoquée par cette dernière puis par le déclenchement en février 2022 de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Membre de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), le gouvernement slovaque met en œuvre comme ses alliés une aide économique et militaire au gouvernement ukrainien du président Volodymyr Zelensky ainsi que des sanctions économiques à l'encontre de la Russie, qui deviennent rapidement impopulaires au vu de la situation économique[1].

Historiquement de centre gauche, le SMER-SD récupère l'insatisfaction de la population à l'égard de la crise économique pour faire campagne sur la fin des aides accordées à l'Ukraine. Jusqu'alors atlantiste et favorable à l'Union européenne — en soutenant notamment l'adoption de l'euro en 2009 —, Fico adopte une position de plus en plus critique envers l'OTAN et l'UE tout en se rapprochant de la Hongrie de Viktor Orbán et de la Russie de Vladimir Poutine, au point d'adopter ses éléments de langage vis à vis de l'invasion de l'Ukraine. Il rejette ainsi la responsabilité de cette dernière sur l'Ukraine en affirmant que le conflit « a commencé en 2014 lorsque des fascistes ukrainiens ont tué des victimes civiles de nationalité russe ». Il promet par conséquent de cesser les livraisons d'armes en ne fournissant « plus une seule balle » à l'Ukraine[2],[3]. Ses positions trouvent un écho certain auprès de la population slovaque, dont une étude en mars 2023 révèle que seulement 40 % considèrent la Russie responsable du conflit avec l'Ukraine[4].

Le SMER accompagne cette rhétorique de positions anti-immigration. S'il avait déjà fait campagne auparavant sur cette question, il se trouve cette fois-ci renforcé par l'ampleur de la crise migratoire en Europe, qui voit le sud de la Slovaquie traversée par un nombre croissant de migrants de passage par la Hongrie, qui passent de 2 500 en 2021 à 25 000 deux ans plus tard[1]. Qualifié de populiste, le parti est également critiqué pour ses attaques envers la communauté LGBT, dont notamment un spot de campagne dans lequel théorie du genre et mariage homosexuel sont associés au parti Slovaquie progressiste et violemment rejetés, Fico réitérant lui-même son opposition au mariage homosexuel lors d'une conférence de presse, avant de qualifier de « perversion » l'adoption homoparentale[5],[6].

Qualifiée de « défaite pour la démocratie » par la presse slovaque[7], la victoire de Fico le voit devancer le parti libéral pro-européen Slovaquie progressiste, tandis que le HLAS-SD de Peter Pellegrini se retrouve en position de faiseur de rois. Après plusieurs jours de négociations, le SMER-SD conclut le 11 octobre un accord de coalition avec le HLAS-SD et le Parti national slovaque (SNS), permettant à Robert Fico de devenir président du gouvernement le 25 octobre[8],[9]. La conclusion de l'accord provoque le jour suivant la suspension du SMER par le Parti socialiste européen et la perte du statut de parti associé du HLAS, en raison de leur association avec le SNS, qualifié de « parti de droite radicale »[10],[11]. Le gouvernement[12] est nommé et prête serment le 25 octobre, après des semaines de blocages entre Fico et Zuzana Čaputová[13].

Le gouvernement Fico IV poursuit rapidement la mise en œuvre de réformes du code pénal et du pouvoir judiciaire qui provoquent une controverse et d'importantes manifestations. La réforme prévoit en effet la suppression du bureau du procureur dédié aux affaires de corruption de haut niveau, l’assouplissement des sanctions en cas de corruption ainsi que la suppression de la protection des lanceurs d'alerte pour les policiers, et ce alors même que Robert Fico et plusieurs haut responsables du SMER-SD sont concernés par de telles affaires[14]. La nouvelle ministre de la culture, Martina Šimkovičová, dépose quant à elle un projet de loi visant à remplacer la direction de la Rozhlas a televízia Slovenska (RTVS), accusée de pratiquer la censure en n'« autorisant qu'une seule opinion » sur le Covid-19 et le conflit en Ukraine, le gouvernement se présentant depuis plusieurs mois comme victime des juges et des journalistes[15].

Le second tour de l'élection présidentielle slovaque de 2024 voit s'affronter Ivan Korčok et Peter Pellegrini, dans ce qui prend la forme d'un référendum sur la politique pro-russe du gouvernement de Robert Fico, soutenue par Pellegrini. Bien qu'arrivé deuxième, ce dernier se montre confiant, la répartition des voix envers les autres candidats laissant dégager une majorité nationaliste, ce qui l'amène à affirmer que la majorité de la population slovaque « ne veut pas d’un président libéral progressiste » mais plutôt d'un président qui « n’entraînera pas la Slovaquie dans la guerre » et « parlera de paix »[16]. L'élection de Pellegrini au second tour est largement perçue comme une victoire pour le gouvernement de Robert Fico, qui s'était pleinement engagé dans la campagne en soutien à son partenaire de coalition, mais également pour la Russie dans le contexte de son invasion de l'Ukraine[17],[18]. Les positions isolationnistes du gouvernement et son désengagement de toute aide à l'Ukraine sortent en effet renforcées d'un scrutin qui avait pris l'allure d'un référendum sur cette politique[19],[20].

Tentative d'assassinat

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La fusillade se produit le à l'extérieur d'un centre culturel à Handlová qui accueille un débat gouvernemental. Robert Fico prononce un discours devant une foule au moment de la fusillade. Selon les journalistes, plusieurs coups de feu sont entendus avant que le président du gouvernement s'effondre au sol[21]. L'agresseur est capturé par plusieurs personnes et la police boucle la zone[22],[23].

Robert Fico est emmené dans une voiture par ses officiers de sécurité. Il est ensuite transporté à l'hôpital pour ses blessures, puis transporté par avion vers un autre établissement[24]. Selon TA3, une chaîne de télévision locale, quatre coups de feu sont tirés, un coup touchant Fico au niveau de l'estomac et d'autres touchant sa tête et sa poitrine[25],[26]. Plus jeden deň rapporte que l'état de Fico est grave. Trois autres ministres sont escortés hors des lieux[27].

Le principal suspect de l'agression est identifié par la police peu après la fusillade. Selon le journal Denník N, il s'appelle Juraj Cintula (pt), est né en 1953 et réside à Levice. Il est en possession légale de la supposée arme du crime, un pistolet. Poète de 71 ans, il avait peu avant l'attaque critiqué ouvertement Robert Fico et son gouvernement sur les réseaux sociaux[28],[29].

En 2016, Juraj Cintula a participé à un événement organisé par un petit groupe paramilitaire pro-russe appelé « Slovenskí Branci » (« recrues slovaques »). Selon Vsquare, le groupe a collaboré avec le club de motards russe Les Loups de la nuit et a annoncé sa dissolution en octobre 2022. Le groupe recevait une formation d'anciens membres russes des Spetsnaz. Sur ses réseaux sociaux, Cintula a écrit plusieurs articles faisant l'éloge de Slovenski Branci et de sa position anti-immigration[30]. Selon le ministre slovaque de la défense, Cintula a exhorté le groupe à ne pas utiliser d'armes[31].

Juraj Cintula est l'auteur de trois livres de poésie, d'un roman et d'un livre sur les Roms de Slovaquie intitulé Efata. Dans ce livre, Cintula a fait l'éloge du programme du Parti populaire Notre Slovaquie, classé à l'extrême-droite[32].

Toujours en 2016, il cofonde le Mouvement contre la violence, une référence au mouvement anticommuniste Société contre la violence, qui affiche son soutien à la candidate sociale-libérale Slovaquie progressiste Zuzana Čaputová lors de l'élection présidentielle slovaque de 2019. Après l'invasion russe de l'Ukraine, le mouvement a condamné l'agression russe en déclarant : « Quelle fraternité slave ? Il n'y a qu'un agresseur et un agressé »[33]. Le journal slovaque Sme a déclaré avoir identifié Cintula sur la base de photos prises lors de manifestations contre les réformes controversées du gouvernement de Fico, organisées par l'opposition pro-occidentale trois mois avant la fusillade[34]. Trois semaines avant la fusillade, Cintula a été vu brandissant des symboles pro-occidentaux et criant des slogans anti-Fico lors de manifestations contre le gouvernement de Fico à Dolná Krupá[35],[36].

Au cours de son interrogatoire, Cintula a déclaré qu'il avait agi principalement en raison de l'opposition du gouvernement Fico à l'assistance militaire à l'Ukraine lors de l'invasion russe de l'Ukraine[37].

Le vice-président du Parlement, Ľuboš Blaha (en), confirme la fusillade lors d'une session parlementaire qui est ensuite suspendue. Le ministère de l'Intérieur la décrit comme une « tentative d'assassinat »[38]. Zuzana Čaputová, présidente de la République slovaque, qualifie la fusillade de « brutale et impitoyable » et exprime son choc face à l'attaque et sa solidarité avec Fico. Des sentiments similaires sont exprimés par Michal Šimečka, chef du parti d'opposition Slovaquie progressiste[39].

Le président du gouvernement tchèque, Petr Fiala, condamne l'attaque[40]. Le chancelier fédéral d'Allemagne, Olaf Scholz, et le Premier ministre de Hongrie, Viktor Orbán, expriment également leur choc et leur condamnation. Le président de l'Ukraine, Volodymyr Zelensky, qualifie quant à lui l'attaque d'« épouvantable » et exprime sa solidarité avec le peuple slovaque.

Notes et références

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  1. a et b « Élections législatives en Slovaquie : la montée d'un candidat d'extrême droite pro-russe », sur France Info, (consulté le ).
  2. « Elections en Slovaquie : ancien communiste, pro Poutine… Qui est Robert Fico ? », sur SudOuest.fr (consulté le ).
  3. La-Croix.com, « Robert Fico, le populiste slovaque, remporte les législatives », sur La Croix, lacroix.journal, (consulté le ).
  4. (en) bbcnews, « Ukraine war: Slovakia's Robert Fico eyes comeback in Saturday's election », sur BBC News (consulté le ).
  5. Agence AFP, « Le ton de la campagne électorale en Slovaquie inquiète la communauté LGBTQ », sur Fugues, FuguesMagazine, (consulté le ).
  6. FRANCE24, « Populiste, misogyne et pro-Poutine, Robert Fico a reconquis la Slovaquie », sur France 24, France 24, (consulté le ).
  7. Courrier international, « Législatives. En Slovaquie, la victoire de Robert Fico est “une défaite de la démocratie” », sur Courrier international, (consulté le ).
  8. « Slovaquie : le populiste Robert Fico gouvernera avec l'extrême droite », sur Les Echos, (consulté le ).
  9. (en) « New government emerges in Slovakia, with Robert Fico as prime minister », sur politico.eu, Politico, (consulté le ).
  10. Barbara Zmušková, « Les socialistes européens suspendent leurs membres slovaques affiliés à Robert Fico », sur www.euractiv.fr, (consulté le ).
  11. (en) « European socialists suspend Robert Fico’s Smer party and its ally Hlas », sur politico.eu, Politico, (consulté le ).
  12. (cs) TASR, « Fico predstavil nominácie ministrov za Smer-SD v novej vláde (zoznam) », sur hnonline.sk, (consulté le ).
  13. (sk) « Prezidentka vymenovala Ficovu vládu, tá bude podľa neho robiť suverénnu zahraničnú politiku », sur Minúta po minúte (consulté le ).
  14. RFI, « Slovaquie: la mobilisation contre la réforme du Code pénal du gouvernement Fico ne faiblit pas », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  15. « En Slovaquie, le premier ministre, Robert Fico, veut mettre la main sur l’audiovisuel public », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  16. « En Slovaquie, l’élection présidentielle se transforme en référendum sur la politique prorusse de Robert Fico », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  17. « En Slovaquie, la victoire de Peter Pellegrini à l’élection présidentielle valide le courant prorusse du gouvernement », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  18. « En Slovaquie, Peter Pellegrini remporte la présidentielle », sur Le Figaro.fr, Le Figaro, (ISSN 0182-5852, consulté le ).
  19. « Le candidat pro-Russie élu président en Slovaquie », sur euronews (consulté le ).
  20. FRANCE24, « Slovaquie : l'allié du gouvernement populiste Peter Pellegrini remporte la présidentielle », sur France 24, France 24, (consulté le ).
  21. (en) « Slovakia’s PM Robert Fico in life-threatening condition after assassination attempt - live updates », sur The Telegraph,
  22. (en) « Slovak PM Robert Fico shot and wounded », sur BBC News,
  23. (en) « "Slovakia's prime minister wounded in shooting », sur The Washington Post,
  24. (en) « Slovakia's Prime Minister Robert Fico injured in shooting », sur France24,
  25. (en) « Slovakia: PM Fico shot, in 'life threatening condition' », sur Deutsche Welle,
  26. (en) « Slovak PM Robert Fico in ‘life-threatening condition’ after being shot », sur Politico,
  27. (sk) « Atentát na premiéra: Na Roberta Fica strieľal útočník, premiér padol na zem », sur Plénum,
  28. (sk) « Šokujúce detaily atentátu na Roberta Fica: Muž, ktorý strieľal, písal básne o smrti », sur Plus 7 Dní,
  29. (en) « Slovak PM Robert Fico Was Shot By Writer And Activist Juraj Cintula, Allege Local Media », (consulté le )
  30. « Atentátníka spojují s proruskou polovojenskou skupinou », Novinky.cz, 15 mai 2024.
  31. « Atentátnik pred rokmi "brancom" dohováral, tvrdí Kaliňák », sur sme.sk
  32. « Básník, sekuriťák, sympatizant opozice. Kdo je podezřelý z útoku na Fica », iDNES.cz, 15 mai 2024.
  33. (sk) Tomáš Dugovič et Dana Vitálošová, « Branci sú minulosť. Atentátnik podporoval Čaputovú a Ukrajinu, odsudzoval Trumpa a Fica », Štandard,‎ (lire en ligne)
  34. (sk) Ján Krempaský, « Pred rokmi natáčal videá proti násiliu, teraz strieľal na premiéra », sur Sme, Petit Press a.s
  35. (sk) Štefan Chovanec, « Protest pred rokovanim vlady v Dolnej Krupej », MAFRA Slovakia a.s.,‎ (lire en ligne, consulté le )
  36. (sk) « Rokovanie vlády na družstve v Dolnej Krupej », sur Youtube, HNtelevízia, (consulté le )
  37. « Fico’s ‘Judas’ government should have backed Ukraine, shooting suspect says ».
  38. (en) « Robert Fico: Slovakian PM in life-threatening condition after being shot multiple times », sur Sky News,
  39. (it) « Spari contro il premier slovacco Robert Fico: “È in pericolo di vita”. Arrestato l’aggressore », sur Il Fatto Quotidiano,
  40. (sk) « Fiala: Správa o postrelení Fica je šokujúca, násilie sa nedá tolerovať », sur TASR,