Bettina Graziani
Naissance | |
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Décès | |
Nom de naissance |
Simonne Micheline Bodin |
Nationalité | |
Activité | |
Conjoints |
Taille |
1,70 m[1] |
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Cheveux |
roux (1947) |
Représentée par | |
Distinction |
Bettina Graziani, née Simone Micheline Bodin, connue professionnellement sous le nom de Bettina[n 1], est une mannequin française née le à Laval et morte le à Paris. Elle est célèbre dans les années 1950 pour son rôle dans la mode, mannequin vedette de Givenchy et Fath puis, plus tard, pour sa liaison avec le prince Ali Khan. Paris Match la cite à l'époque comme « la Française la plus photographiée de France ».
Biographie
[modifier | modifier le code]Simone Bodin naît le 8 mai 1925 à Laval[3],[n 2] qu'elle quitte à l'âge de six mois pour rejoindre la Normandie : son père, employé des Chemins de fer, abandonne sa famille, ; elle est élevée avec sa sœur aînée par sa mère, institutrice à l'école Paul-Bert, de Caudebec-lès-Elbeuf. Au début de l'adolescence juste avant la Guerre, elle s'intéresse à la peinture. Durant l'exode, elle part avec sa sœur et sa mère vivre quelques années à Angers, avant de revenir en Normandie où elle découvre la danse[4].
Mannequin
[modifier | modifier le code]Simone Bodin arrive à Paris à l'époque de la Libération pour devenir dessinatrice de mode[5]. Elle garde des enfants et obtient un rendez vous avec le jeune couturier Jacques Costet pour lui présenter ses dessins[6]. Celui-ci préfère lui faire essayer une robe ; Simone Bodin est embauchée le jour même comme mannequin et, dès le lendemain, commence à travailler[6], apprenant là son métier[7]. Financièrement, les débuts ne sont pas florissants. Elle fait ses premières photos avec les frères Séeberger[8],[9]. Elle rencontre le journaliste français Gilbert « Benno » Graziani, reporter photographe pour Paris Match ; elle abandonne son métier et part avec lui vivre un an à Juan-les-Pins[8]. Ils se marient à Paris[10] mais divorcent rapidement fin 1946 . Elle garde son nom d'épouse.
Après son divorce d'avec Benno Graziani, alors que la maison Costet est fermée, Simone Graziani reprend son métier et obtient un rendez vous chez Lucien Lelong[8]. Elle est invitée à rejoindre la cabine de Christian Dior, « Si Monsieur Lelong ne vous prend pas, moi, je vous engage car je vais ouvrir ma maison de couture » lui dit le futur grand couturier, alors inconnu, qu'elle croise dans le bureau de Lelong[8]. Mais elle s'ennuie chez Lelong et part se présenter un mois plus tard chez Jacques Fath qui l'engage immédiatement ; son salaire précédent est multiplié par cinq[8].
Bettina Graziani
[modifier | modifier le code]La carrière de Bettina Graziani débute réellement[11] en 1947, année du New Look. Fath, qui a déjà une « Simone » dans sa cabine de mannequins, lui donne le pseudonyme de Bettina[12],[n 3] : le succès est immédiat[14]. Elle devient la muse de Fath pendant quatre ans, influençant parfois le couturier[1] et travaillant également pour les magazines, posant en Grès[15], Balmain ou Dior. Elle représente alors la Parisienne[16] moderne et élégante[17], comme une alternative plus jeune à ce que créaient Dior ou Balmain[18]. Sollicitée de toute part, elle quitte le couturier pour se consacrer à sa carrière de modèle photographique[19]. Dans les années 1950, invitée par Vogue à se rendre aux États-Unis , elle intègre l'agence d'Eileen Ford[2]. Elle voyage beaucoup pour son plaisir[2].
Muse de Hubert de Givenchy
[modifier | modifier le code]Bettina travaille alors avec Hubert de Givenchy lors de l'ouverture de sa maison de couture. C'est elle qui organise le premier défilé en février 1952 ; elle demande à ses amies, les plus célèbres mannequins de l'époque telles que Suzy Parker, Ivy Nicholson ou Sophie Litvak, de participer[20]. « Bien sûr, c'était Bettina qui symbolisait peut-être le plus le style de la maison à ses débuts. Elle a été une précieuse collaboratrice, surtout au moment du lancement de la maison, et un fabuleux mannequin, qu'elle était déjà avant de venir chez moi. Elle était différente des autres par son style, et incarnait une image très forte de ces années là[21]. ». Elle reste deux ans chez Givenchy[11], alternant défilés et relations publiques[22] comme attachée de presse[23],[24]. Laissant de côté un temps les séances photos pour les magazines, refusant diverses propositions, elle se consacre entièrement à la maison de couture, accompagnant Givenchy partout[22]. Le couturier donne le nom de Bettina à une des créations de sa première collection[18], un chemisier blanc, la « Blouse Bettina »[25],[23] immortalisé par un dessin de Gruau.
Laurence Benaïm, en résumant ces années là pour Hubert de Givenchy, rapporte à propos de Bettina : « Son égérie, la rousse Bettina, est le mannequin le plus photographié du moment : elle incarne cette nouvelle Parisienne qui fume en blouse de shirting au bar des Théâtres. Taille souple, œil de biche et lèvres Rouge Baiser[n 4], elle a cette insolence nouvelle qui ravit Penn[26] ».
Magazines de mode
[modifier | modifier le code]Elle apparaît au cours de sa carrière dans de nombreux magazines de mode et en couverture du Elle français, sa première à l'initiative du photographe Jean Chevalier[17], de L'Officiel de la mode, de l'Album du Figaro, ou du Vogue français et américain ; l'exception restera le Harper's Bazaar, grand concurrent de Vogue[17]. Paris Match lui consacre un reportage à la suite d'une séance chez le coiffeur d'où elle ressort avec les cheveux très courts, lançant ainsi une nouvelle mode[27] reprise plus tard par Victoire. Elle travaille avec les plus grands photographes de mode, comme Henry Clarke[28],[29], Horst P. Horst, Erwin Blumenfeld, Norman Parkinson[27], Irving Penn, Lionel Kazan[30], Georges Dambier, Mark Shaw, Willy Maywald[31], Jean-Philippe Charbonnier ou Gordon Parks, est photographiée avec Picasso portant un chemisier décoré par l'artiste[32], avec Bardot, et est dessinée par Christian Bérard[33]. Elle a une relation avec l'Américain Peter Viertel[34] puis avec l'éditeur Guy Schoeller[35] qui publiera un livre à son sujet[36]. L'année 1955 est le point culminant de sa carrière, elle s'affiche dans les magazines du monde entier, avec des séances de photos à sept mille francs par heure[37].
Ali Kahn
[modifier | modifier le code]En 1955 elle entame une longue relation avec le prince Ali Khan[32] , divorcé de Rita Hayworth , qu'elle avait déjà croisé chez Fath plusieurs années avant[n 5], et arrête sa carrière de mannequin du jour au lendemain[37] passant de la cabine aux salons des maisons de couture, comme cliente. Mais elle travaille encore ponctuellement pour Valentino, toujours dans les relations publiques. En 1960, alors enceinte, elle survit à l'accident de voiture où Ali Khan trouve la mort[33] mais perd son enfant.
En 1969, c'est Chanel qui la sollicite pour une collection[37], puis elle devient attachée de presse aux États-Unis pour Emmanuel Ungaro[11]. En 1972, Vogue Paris publie un article, L'éminence rousse, écrit par Françoise Sagan[19].
Elle fait deux apparitions au cinéma, dans Bete Balanço ainsi que dans La Folie douce dix ans plus tard[39]. En 1990, une exposition a lieu à la galerie Jean-Gabriel Mitterrand à Paris. La même année, elle est photographiée par Pierre et Gilles pour leur exposition sur les saintes[40], et chez Azzedine Alaïa deux ans plus tard par Mario Testino[41].
Bettina Graziani est nommée Commandeur des Arts et des Lettres[42] en 2010 ; « Vous êtes devenu un emblème d'une certaine mode française » dira le ministre Frédéric Mitterrand lors de la cérémonie de remise de la décoration[25]. Elle est proche d'Azzedine Alaïa[11],[n 6] qui l'habille régulièrement[44] et a qui elle a fait don de sa collection de photographies pour sa fondation[25].
Postérité
[modifier | modifier le code]Telle Barbara Goalen, Suzy Parker, Anne Saint-Marie, Lisa Fonssagrives, ou Dovima, Bettina est l'un des premiers « supermodels » des années 1940 à 1950, véritable icône[45], Life la décrivant comme « le modèle de Paris ayant le plus de succès[32] ». Mais Bettina Graziani reste surtout reconnue comme la muse de Jacques Fath et Hubert de Givenchy[11],[n 7].
Décorations
[modifier | modifier le code]Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Ne pas confondre avec Bettina Lauer, mannequin en activité vers les années 1960 ayant souvent été photographiée par Rico Puhlmann, mais également par Irving Penn.
- Plusieurs sources citent Laval, à la frontière de la Bretagne dans les Pays de la Loire.
- Jacques Fath a également dans sa cabine Simone Steur, amie de Bettina depuis 1946, qu'il embauche un an après Bettina et rebaptise Sophie[13] (Sophie Litvak plus tard).
- Rouge Baiser est un rouge à lèvres des Parfums Christian Dior qui a un énorme succès durant les années d'après guerre.
- Pour l'anecdote : en mai 1949, le Prince épouse Rita Hayworth ; celle-ci porte une robe de mariée créée par Fath[38].
- En complément, Laurence Benaïm dans la biographie d'Azzedine Alaïa, cite une anecdote : « En 1991, Bettina Graziani, invitée au mariage de Liz Taylor dans la propriété de Michael Jackson, en Californie, se fait littéralement mitrailler par les photographes : elle porte le fameux sac « Tati » créé par Azzedine Alaïa […][43] ».
- Le mannequin et muse le plus important d'Hubert de Givenchy était Capucine, également amie personnelle du couturier[46].
Références
[modifier | modifier le code]- Schoeller, p. 9
- Schoeller, p. 12
- Schoeller, p. 5
« Née Simone Micheline Bodin, Bettina vit les premières années de sa vie en Bretagne. »
- Schoeller, p. 6
- Liaut, p. 69
- Schoeller, p. 7
- Liaut, p. 69 et 70
- Schoeller, p. 8
- Schoeller, p. 76 « L'une des premières photos de Bettina mannequin, posant pour Jacques Costet […] (vers 1948) »
- Benoît Leprince, « Benno Graziani, photographe légendaire de Paris Match », Culture, sur parismatch.com, HFM, (consulté le ) : « En 1948, je suis marié avec Bettina, le mannequin vedette de chez Jacques Fath »
- (en) « Questionnaire: Bettina, model and muse », Fashion, sur interviewmagazine.com, Interview Magazine (consulté le )
- (en) Adrian Room, Dictionary of Pseudonyms : 13,000 Assumed Names and Their Origins, Jefferson (N.C.), McFarland, , 536 p. (ISBN 978-0-7864-4373-4), p. 206
- Liaut - Sophie (Litvak), p. 81, 83 et 84
- Liaut, p. 70
- Liaut, p. 71
- Laurence Benaïm, « Givenchy, pour Audrey Quarante ans de couture fêtés au palais Galliera », Le Monde, (ISSN 0395-2037) « Bettina, l'égérie d'Hubert, incarne cette nouvelle Parisienne rive droite »
- Schoeller, p. 10
- (en) Design Museum et Paula Reed, Fifty fashon looks that changed the 1950s, Londres, Conran Octopus, , 112 p. (ISBN 978-1-84091-603-4), « Jacques Fath & Bettina. Le style parisien 1951 », p. 24 à 25
- Schoeller, p. 75
- Liaut - Témoignage d'Hubert de Givenchy, p. 57
- Hubert de Givenchy cité in : Liaut - Témoignage d'Hubert de Givenchy, p. 58
- Schoeller, p. 13 et « Je posais pour Givenchy et je m'occupais aussi de ses relations publiques. » p. 78
- Patrick Cabasset, « Julien Macdonald restaure Givenchy », L'Officiel de la mode, Éditions Jalou, no 858, , p. 124 à 125 (ISSN 0030-0403) « Il exhume le style original de Givenchy avec précaution, comme cette « Blouse Bettina », créée pour la collection printemps-été 1952 en l'honneur de Bettina Graziani, mannequin vedette, puis attachée de presse de la maison. »
- Didier Grumbach, Histoires de la mode, Paris, Éditions du Regard, (1re éd. 1993 Éditions du Seuil), 452 p. (ISBN 978-2-84105-223-3), « Les nouvelles ressources de la profession », p. 123
- (en) Rosemary Feitelberg, « Honoring Bettina Graziani », sur wwd.com, WWD, (consulté le )
- Laurence Benaïm, Yves Saint Laurent : Biographie, Le Livre de poche, (1re éd. 1995), 928 p., poche (ISBN 978-2-253-13709-2), « Une éducation parisienne », p. 58
- Schoeller, p. 11, et p. 79 « Bettina lance la mode des cheveux courts (crew cut), inspirée des marines américains. C'était Jacques Fath qui rapporta cette idée de l'un de ses voyages aux États-Unis. »
- Dictionnaire mondial de la Photographie, Paris, Larousse, , 766 p. (ISBN 2-03-750014-9, lire en ligne), « Clarke Henry - photographe américain », p. 130
« Avec la complicité des grands mannequins comme Suzy Parker, Capucine, Bettina, Anne Saint-Marie, etc., il traduit admirablement l'élégance de la femme « moderne », celle qui est jeune, vivace, insouciante et prête à séduire. »
- Schoeller, p. 79 « Une grande complicité me liait à Henry Clarke, avec qui je travaillait souvent. »
- (fr en) Alexandra Kazan (préf. Olivier Saillard), Lionel Kazan, photographe, 1930-2016 / raconté par sa fille... Alexandra Kazan, Paris, Liénart, , 280 p. (ISBN 2359061585, BNF 45034179), p. 57, 63, 65, 73, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 11
- « Place des Vosges. Bettina en robe Jacques Fath, 1950 ». Image visible in : François Besse et Mathilde Kressmann (trad. du français), Paris Mode : 100 photos de légende, Paris, Parigramme, , 128 p. (ISBN 978-2-84096-880-1, présentation en ligne), p. 26 Note : Willy Maywald est l'auteur de la célèbre photo, utilisée de multiples fois dans les ouvrages, du Tailleur Bar prise sur les quais de Seine en 1947. C'est lui également qui a découvert Lisa Fonssagrives plusieurs années auparavant.
- (en) « A Famous Model in New Poses », Life, vol. 39, no 25, , p. 12 à 13 (ISSN 0024-3019)
- Patrick Cabasset, « Folies couture », L'Officiel de la mode, Éditions Jalou, no 888, , p. 184 (ISSN 0030-0403) « Le charme de Bettina, fraîche beauté normande, qui posait également pour les dessins de Gruau ou de Bérard et quelques photographes, n'échappa pas à Ali Khan. Épris aussi de vitesse, l'imprudent homme du monde périt dans un accident de voiture avant d'avoir pu épouser la belle »
- (en) Douglas Martin, « Peter Viertel, 86, Author and Screenwriter, Is Dead », Arts, sur nytimes.com, New York Times, (consulté le ) : « Mr. Viertel wrote that he abandoned her when she was pregnant for Bettina, a famous French model of the 50s. After Bettina dropped Mr. Viertel for Aly Khan. »
- Gérard Meudal, « Guy Schoeller », Portrait, sur liberation.fr, Libération, (consulté le ) : « De son premier amour tout de même il consent à se souvenir, le mannequin Bettina Graziani, peut-être parce qu'elle le quitta pour un rival illustre, Ali Khan. »
- Voir bibliographie : Schoeller.
- Schoeller, p. 14
- Liaut - Sophie (Litvak), p. 82
- « Bettina Graziani » (présentation), sur l'Internet Movie Database
- Liaut, p. 73
- Schoeller, p. 80
- (en) Suzy Menkes, « Roster of French Honors », Fashion, sur nytimes.com, New York Times, (consulté le ) : « the “Arts et Lettres,” which is given to worthy fashion contributors. Bettina Graziani, whose muse status ranges from Hubert de Givenchy in the late 1950s to Azzedine Alaïa today, was decorated in May »
- Laurence Benaïm, Azzedine Alaïa, le Prince des lignes, Paris, Grasset, coll. « Documents Français », , 160 p. (ISBN 978-2-246-81055-1, présentation en ligne), « Anatomie du temps », p. 114
- Schoeller, p. 15
- Olivier Saillard, « Dans le secret des muses des créateurs », Styles, sur lexpress.fr, L'Express, (consulté le ) : « Il faut attendre les années 1950 pour qu'un prénom, souvent d'emprunt, devienne un nom. Praline, Lucky et la plus connue d'entre elles, Bettina, inaugurent l'ère des mannequins vedettes. »
- Liaut - Témoignage d'Hubert de Givenchy, p. 59
- « Nomination ou promotion dans l'ordre des Arts et des Lettres janvier 2010 », sur www.culture.gouv.fr (consulté le )
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Guy Schoeller, Bettina, Paris, Assouline, coll. « Mémoire De La Mode », , 80 p. (ISBN 978-2-84323-084-4, OCLC 406217524, présentation en ligne)
- Association Azzedine Alaïa, Bettina, Carla Sozzani Editore srl, , 60 p. (ISBN 978 88 7942 855-2)
Autobiographie
[modifier | modifier le code]- Bettina par Bettina, Flammarion, , 252 p. (OCLC 491781978, BNF 32921186, présentation en ligne)
Bibliographie connexe
[modifier | modifier le code]- Jéromine Savignon, Jacques Fath, Paris, Éditions Assouline, , 79 p. (ISBN 978-2-7863-0547-3, présentation en ligne)
- Jean-Noël Liaut, Modèles et mannequins : 1945 - 1965, Paris, Filipacchi, , 220 p. (ISBN 978-2-85018-341-6, BNF 35660421, présentation en ligne), « Bettina », p. 69 à 73
Exposition
[modifier | modifier le code]Bettina, du 13 novembre au 11 janvier 2015, galerie Azzedine Alaïa, Paris, Présentation en ligne
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Hélène Guillaume, « Bettina Graziani, à toute allure », sur madame.lefigaro.fr, (consulté le )