Shöl
Shöl ཞོལ, zhol, | |
Village de Shöl intra-muros en 1939, vu du Potala | |
Administration | |
---|---|
Pays | Chine |
Province ou région autonome | Tibet |
Statut administratif | Communauté de quartier |
Indicatif | 86 (0) |
Géographie | |
Coordonnées | 29° 39′ 29″ nord, 91° 07′ 02″ est |
Localisation | |
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Shöl, parfois orthographié Shoel, Shhol (tibétain : ཞོལ, Wylie : zhol), est un village ou bourg fortifié situé au pied du palais du Potala, à Lhassa, au Tibet. Jusqu'à fin de l'État lamaïste, il abritait, derrière ses remparts, des résidences de notables et de religieux, la prison d'État, des bâtiments administratifs, des services annexes au palais (écuries, étables), la cour de justice, le trésor public, deux imprimeries, une taverne, un dépôt de grains. Au Shöl intérieur, était venu s'ajouter un faubourg, Shöl extérieur, qui a été démoli en 1995.
Le village a été ouvert au public le , avec 12 bâtiments visitables et un office du tourisme.
Étymologie
[modifier | modifier le code]Le terme shöl, qui signifie « en dessous » en tibétain, désigne en particulier un village ou bourg situé en contrebas d'un château perché sur le flanc d'une montagne.
Shöl intra-muros
[modifier | modifier le code]Situation
[modifier | modifier le code]Le village ou bourg de Shöl (Xuencheng) est situé en contrebas de la face sud du palais du Potala. De plan rectangulaire, il est ceint d'une muraille sur trois côtés, le 4e étant occupé par la base de la colline où se dresse le palais. Au milieu de chaque côté, se dresse un bâtiment d'entrée : l'entrée principale (Shhol Shhungo), l'entrée orientale (Shhol Shargo) et l'entrée occidentale (Shhol Nubgo)[1].
Ensemble historique « Palais du Potala et Shöl »
[modifier | modifier le code]Selon l'architecte André Alexander, à l'été 1995, plus de 140 familles résidant à Shöl furent expropriées et relogées au nord de Lhassa. Plus de 40 bâtiments anciens, faisant partie de l'ensemble historique « Palais du Potala et Shoel », dont beaucoup du XVIIe siècle, furent démolis tant intra-muros qu'extra-muros, étant jugés à l'époque comme d'importance trop faible pour faire partie de l'ensemble monumental[2].
La zone de Shöl, qui était occupée par des institutions et des particuliers, fut prise en main par le Bureau de gestion du palais du Potala en 2002 dans le cadre d'un « Projet spécial de conservation et d'amélioration » qui s'occupa de fournir aux habitants un logement de remplacement. On élabora des plans pour convertir Shöl en « ensemble d'expositions des arts et traditions populaires » et pour y héberger des activités compatibles avec le fonctionnement du palais du Potala[3].
Bâtiments
[modifier | modifier le code]L'actuel village de Shöl couvre une superficie de 50 000 m2 à l'intérieur du complexe du palais du Potala. Il compte 22 bâtiments anciens couvrant une aire de 33 470 m2 : des résidences de notables et de religieux, la prison d'État, des bâtiments administratifs, des services annexes au palais (écuries, étables), la cour de justice, le trésor public, l'imprimerie occidentale des sutra, l'imprimerie de l'Est, la taverne, le dépôt de grains[4].
Le village a été ouvert au public le , avec 12 bâtiments visitables et un office du tourisme[5]. Des expositions vantent les « réalisations de la région autonome du Tibet » en les opposant à l'« archaïsme de l'ancien Tibet »[6].
La résidence Spe Zhi
[modifier | modifier le code]Le bâtiment abrite aujourd'hui une exposition sur la situation passée et actuelle de la région autonome du Tibet et sur ses projets de développement économique[6].
La résidence Dobo Khyenrab Wangchuk
[modifier | modifier le code]L'exposition est consacrée à l'architecture tibétaine et son évolution ainsi qu'au développement de l'agriculture et de l'élevage[6]. Il pourrait peut-être s'agir de l'ancienne résidence de Lobsang Khyenrab Wangchuk, régent du Tibet à l'époque du 12e dalaï-lama.
La résidence de Mkham Zur
[modifier | modifier le code]Le moine Ngawang Tendzin habitait ce bâtiment.
À l'étage, est retracée la vie des trois classes dirigeantes d'avant 1959 tandis qu'au rez-de-chaussée est retracée celle des Tibétains[6].
La résidence de Lungshar
[modifier | modifier le code]La résidence de Lungshar est le siège d'une exposition permanente permettant de découvrir « le train de vie de la riche maisonnée » de Lungshar, un homme politique mort en 1938[7].
Cette demeure, qui était la propriété de la famille Lhalu, fut réquisitionnée en 1904 lors de Expédition militaire britannique au Tibet. Elle est décrite comme ayant trois étages, des vitres aux fenêtres[8].
Les cinq cours
[modifier | modifier le code]Dans ces bâtiments autrefois habités par des nobles et des personnages officiels, on a installé des ateliers de démonstration de travaux de tissage, de réalisation de thangka, d'orfèvrerie et de moulage de statues en argile[7].
Le bureau du trésor
[modifier | modifier le code]On peut y voir la reproduction d'une machine à fabriquer les pièces et les billets tibétains et l'évolution de la monnaie jusqu'en 1959. Les textes expliquent que l'émission de 90 millions de billets sans contrepartie entre 1912 et 1959 a entraîné des dévaluations et de graves difficultés économiques[7].
Les imprimeries
[modifier | modifier le code]Dans ses mémoires publiées en 1954, Heinrich Harrer signale que le bâtiment le plus important du quartier de Shöl est l'imprimerie d'État[9].
Il y a deux imprimeries : l'imprimerie de l'Est et l'imprimerie de l'Ouest[7].
La taverne
[modifier | modifier le code]L'auberge censée avoir été fréquentée par le 6e dalaï-lama, Tsangyang Gyatso[10], a été restaurée. Aujourd'hui, à travers un parcours qui se déroule sur deux étages, on peut assister à la préparation, la distillation, le transport et la consommation du chang, la bière d'orge[7].
La prison
[modifier | modifier le code]Selon Heinrich Harrer, la prison d'État hébergeait des délinquants condamnés à porter des chaînes toute leur vie[11]. Elle est celle où fut enfermé, à la fin des années 1940, le moine, poète et peintre Gendün Chöphel pour une durée d'un an[12]. C'est également à Shöl que fut emprisonné, en 1947, le 5e Reting Rinpoché, qui avait été régent de 1936 à 1941. Accusé de conspiration et de tentative d'assassinat contre le régent Taktra Rinpoché, il y est mort au bout d'une semaine[13]. La prison de Shöl, selon le 14e dalaï-lama, ne comportait que 20 ou 40 détenus dans les années 1940[14].
Aujourd'hui, le bâtiment est divisé en deux parties, ayant chacune son entrée propre : tout d'abord une cour entourée de pièces servant d'entrepôts, ensuite une cour desservant quelques cellules où l'on présente les supplices autrefois utilisés[15].
Le Las Khong
[modifier | modifier le code]Dans cet ancien bâtiment administratif, une exposition retrace les différentes étapes des travaux de restauration et d'entretien entrepris dans le palais du Potala. Des bureaux et un dépôt de grains y ont été reconstitués[16].
Les écuries et les étables
[modifier | modifier le code]Cet ensemble de bâtiments délimite quatre cours intérieures et semble tracer un svastika au sol. Les montures nécessaires aux déplacements du dalaï-lama et de sa suite occupaient quelques-uns des bâtiments. Les étables abritaient des vaches produisant le lait destiné au Palais. Deux des quatre cours sont ouvertes au public : dans celle de l'Ouest, on peut assister à un spectacle de chants et de danses ; dans celle de l'Est on peut se rafraîchir ou se restaurer[16].
École de beaux-arts
[modifier | modifier le code]Amdo Jampa, un peintre tibétain connu pour son style photo-réaliste, a ouvert à Shöl une école de beaux-arts[17].
Shöl extra-muros
[modifier | modifier le code]Kate Saunders, directeur de communication de l'association Campagne internationale pour le Tibet, précise que le groupe de bâtiments connu sous le nom de Shöl extra-muros et situé à l'extérieur des murailles du village de Shöl a été détruit en 1994-1995[18].
Piliers de Shöl
[modifier | modifier le code]Le pilier de pierre (rdo-ring) de Shöl dit doring chima (« pilier de pierre extérieur »)[19] se trouve devant la muraille sud de Shöl. Un deuxième pilier se trouve à l'intérieur du bourg, le doring nangma (« pilier de pierre intérieur »).
Érigé aux environs de 764 ou « peu après »[20], le pilier extérieur arbore les inscriptions les plus anciennes en tibétain à ce jour[21]. Elles rendent compte des campagnes tibétaines contre la Chine, dont le point culminant fut la brève capture de la capitale chinoise de Chang'an, aujourd'hui Xi'an, en 763[22], durant laquelle les Tibétains installèrent temporairement un empereur, parent de la Princesse Jincheng Gongzhu (Kim-sheng Kong Co), épouse chinoise du père de Trisong Detsen, Tridé Tsuktsen[23],[24].
Le pilier intérieur ne comporte aucune inscription[25].
Galerie
[modifier | modifier le code]-
En contrebas du palais du Potala, Shöl intra-muros et extra-muros et le parc de Shugtri Lingka (1938)
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Le village de Shöl s'étendant devant le Potala (1938)
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Espace découvert devant l'entrée sud de Shöl et le Potala, avec le pilier extérieur (1938)
Références
[modifier | modifier le code]- Dénominations portées sur la carte de Lhassa en 1959 dessinée de mémoire par Zasak J. Taring en 1964.
- (en) André Alexander, Different Approaches to Conservation in Tibet, IATS Standing Committee for the Study of the Tibetan Architectural Heritage and Mural Art, International Association for Tibetan Studies, 2006 : « In summer 1995, over 140 Tibetan families residing in Shoel were evicted from their homes and resettled to the north of Lhassa. Over 40 historic buildings in outer and inner Shol were demolished. Even though they formed part of the historic ensemble "Potala and Shoel," and many dated to the 17th century, they were not deemed important at the time, not "part of the monument". »
- (en) UNESCO CONVENTION CONCERNING THE PROTECTION OF THE WORLD CULTURAL AND NATURAL HERITAGE, World Heritage Committee, Twenty-ninth Session, Durban, South Africa, 10-17 July 2005 : « In the Shöl Area, which is composed of a number of buildings that historically related to the Potala Palace, many incompatible additions and alterations have taken place over the past four decades. This area, which was occupied by private institutions and owners, was taken over by the Management Office of Potala Palace in 2002 under a special Conservation and Improvement Project, which provided alternative accommodation for inhabitants. Plans have been made to convert the Shöl Area into an Exhibition Complex of Tibetan Folk Arts and accommodate only those activities which are compatible with the functioning of the Potala Palace. This seems to be in line with the recommendations made in the 2003 ICOMOS Mission Report. »
- C. Deweirdt et al., Le Tibet, Les guides Peuples du monde, Éditions de l'Adret, 2008, pp. 255-258.
- (en) Page consacrée au palais du Potala sur Tibettrip.com.
- C. Deweirdt et al., op. cit., p. 255.
- C. Deweirdt et al., op. cit., p. 256.
- Patrick French, Tibet, Tibet, une histoire personnelle d'un pays perdu, traduit de l'anglais par William Oliver Desmond, Albin Michel, 2005.
- Heinrich Harrer, Sept ans d'aventures au Tibet, traduction de Henry Daussy, Paris, Arthaud, 1954, 292 p., pp. 242 et 243.
- (en) Thomas Laird, « The Story of Tibet. Conversation with the Dalai Lama, Grove Press, 2007, p. 182, (ISBN 0-8021-4327-X et 9780802143273) : « The teenager (...) went drinking in the brothels ».
- (en) Heinrich Harrer, Seven years in Tibet, translated from the German by Richard Graves; with an introduction by Peter Fleming; foreword by the Dalai Lama, E. P. Dutton, 1954 (ISBN 0874778883) p. 192 : « Criminals condemned to a life in chains are either shut up in the state prison à Sho (Shöl) or sent to a district governor who is responsible for their custody. »
- (en) Hisao Kimura, Japanese Agent in Tibet: My Ten Years of Travel in Disguise, as Told to Scott Berry, Serindia Publications Inc., 1990, p. 193 : « Gedun Choephel (...) was arrested, put on trial, flogged, and locked away in the damp darkness of Shol Prison below the Potala along with murderers and thieves (...) He was only in prison for a year »
- (en) The fifth Reting Thubden Jampal Yeshe Tempai Gyaltsen (1912-1947).
- Le Dalaï Lama : "Je suis un marxiste en robe bouddhiste", interview du dalaï-lama par Ursula Gauthier, Le Nouvel Obs, 18/01/2008.
- C. Deweirdt et al., op. cit., p. 256 : « Ce bâtiment de 1050 m2 est divisé en deux parties, chacune dotée d'une entrée. On pénètre d'abord dans une cour entourée de pièces qui servaient de stockage. La cour suivante dessert quelques cellules où les supplices sont présentés sur des personnages en bronze. »
- C. Deweirdt et al., op. cit., p. 258.
- (en) Obituary of the painter Amdo Jampa, TIN, 22 May 2002, 3 p. (ISSN 1355-3313).
- (en) Kate Saunders, More demolition of Traditional Tibetan Housing Planned in Lhasa, The Guardian, 30 août 2003 : « The area known as 'outer Shol', representing the buildings outside the Shol fortification walls, was demolished to create the Potala Square in 1994-95. »
- (en) Knud Larsen et Amund Sinding-Larsen, The Lhasa Atlas: Traditional Tibetan Architecture and Landscape, Shambhala Books, Boston, 2001, p. 78.
- (en) Hugh E. Richardson, A Corpus of Early Tibetan Inscriptions, in Royal Asiatic Society, 1985, p. 2.
- (en) Florian Coulmas, « Tibetan writing », Blackwell Reference Online, (consulté le ).
- (en) David Snellgrove & Hugh Richardson, A Cultural History of Tibet, 1re édition en 1968, édition augmentée en 1995, Shambhala, Boston & London, 1995, p. 91.
- (en) Hugh E. Richardson, Tibet & Its History, 1re édition 1962, 2e édition, revue et corrigée en 1984, Shambhala Publications, Boston, p. 30.
- (en) Christopher I. Beckwith, The Tibetan Empire in Central Asia, Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 1987, p. 148.
- Christian Deweirdt, Monique Masse, Marc Monniez, Le Tibet, Les guides Peuples du monde, 3e édition, Les éditions de l'Adret, 2008, p. 279-280.
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Zhol Village » (voir la liste des auteurs).
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- André Alexander, (2002). "Zhol Village and a Mural Painting in the Potala: Observations Concerning Tibetan Architecture." Tibet Journal. Winter 2002, Vol. 27 Issue 3/4, p111, 12pp.
- Ancient Tibet: Research Materials from the Yeshe De Project. (1986). Dharma Publishing. Berkeley, California. (ISBN 0-89800-146-3).
- Christopher I. Beckwith (1987). The Tibetan Empire in Central Asia. Princeton University Press. Princeton, New Jersey. (ISBN 0-691-02469-3).
- Knud Larsen et Amund Sinding-Larsen (2001). The Lhasa Atlas: Traditional Tibetan Architecture and Landscape, Shambhala Books, Boston. (ISBN 1-57062-867-X).
- Hugh E. Richardson (1984) Tibet & Its History. 1st edition 1962. Second Edition, Revised and Updated. Shambhala Publications. Boston (ISBN 0-87773-376-7).
- Hugh E. Richardson. (1985). A Corpus of Early Tibetan Inscriptions. Royal Asiatic Society. (ISBN 0 94759300-4)
- David Snellgrove & Hugh Richardson. (1995). A Cultural History of Tibet. 1st edition 1968. 1995 edition with new material. Shambhala. Boston & London. (ISBN 1-57062102-0).