Université Al Quaraouiyine
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Al Quaraouiyine (en arabe : جامعة القرويين, en français : Université Al Quaraouiyine) est une université située à Fès, au Maroc. Selon la tradition, sa construction débute en 859 sous le règne de la dynastie idrisside. Elle est considérée comme la plus ancienne université au monde encore en activité par l'UNESCO[2],[3], le Livre Guinness des records[4], et par plusieurs historiens[5],[6],[7],[8],[9],[10],[11],[12].
Au XIIe siècle, toute une série de noms parmi les plus grands vont être associés d'une manière ou d'une autre à la Quaraouiyine : les grands précurseurs du soufisme, tels Ibn Hrizim, Abou Madyane, Abdeslam Ben Mchich Alami, les philosophes Avenpace et Averroès, le géographe Al Idrissi mais aussi Maïmonide, Ibn Khaldoun et Léon l'Africain pour ne citer qu'eux.
Elle est classée 95e dans le classement régional 2016 des universités arabes (U.S.News & World Report)[13].
Histoire et fondation
[modifier | modifier le code]La fondation de la Quaraouiyine
[modifier | modifier le code]La tradition ainsi que la majorité des historiens contemporains attribuent la fondation de la Quaraouiyine à Fatima al-Fihriya, fille d'un riche homme d'affaires immigré de Kairouan (actuelle Tunisie) et une membre de la famille des Fihrides[14]. Cette famille est originaire de Fès.
Dans l'histoire racontée par Ibn Abi Zar, à la suite d’une période d’anarchie à Kairouan (entre 818 et 825-826), Muhammad ibn Abdallâh al-Fihri, riche commerçant, s’installa avec sa famille à Fès. À sa mort, ses deux filles Fatima et Maryam recueillirent un important héritage qu’elles décidèrent de consacrer à des œuvres de bienfaisance. Dans le quartier des Andalous, Maryam construisit la mosquée des Andalous. Sa sœur Fatima acheta un jardin maraîcher et obtient l’accord du prince idrisside Yahyâ ibn Idrîs pour ériger le premier noyau de la future al-Quaraouiyine. Pour assurer l’entretien de l’édifice et en garantir le fonctionnement, elle légua en biens de mains mortes (waqf) tous ses trésors. La première mosquée était un simple oratoire, la prière du vendredi continuant d’être prêchée à la mosquée al-Shurafa. Elle n’y fut transférée qu’à partir de 933. La mosquée fut alors dotée d’un minbar et appelée mosquée "al Quaraouiyine" (mosquée des Kairouanais)[15], en hommage à la ville d'origine de Fatima al-Fihriya.
La mosquée Al Quaraouiyine vit son architecture évoluer et s'agrandir. Elle devient, du Xe siècle au XIIe siècle, un important centre d'enseignement et une des premières universités au monde. Sa bibliothèque abrite toujours la plus ancienne copie d'une œuvre de Platon, datant du Xe siècle[16].
Du lieu de culte au lieu d'enseignement « universel »
[modifier | modifier le code]L'historien marocain Mohammed Al-Manouni pense que c'est sous le règne des Almoravides que l'université s'ajouta réellement à la mosquée[17]. D'autres historiens comme Alfred Bel[18] et Évariste Lévi-Provençal[19] ne donnent à la Quaraouiyine le titre d’université qu’à partir de l’époque mérinide, bien que le premier affirme qu'elle fut le cœur religieux et intellectuel du Maghreb depuis l'époque idrisside[20]. Selon Abdelhadi Tazi il est difficile, voir impossible, d'établir la date à laquelle l'éducation formelle a été dispensée pour la première fois. La plus ancienne preuve trouvée d'enseignement daterait de 1121[21].
Ainsi, il faut attendre la première moitié du XIIe siècle pour voir sortir de Fès de grands philosophes (à l'image d'Avempace), mathématiciens (comme Ibn Al-Yasmine, inventeur du Triangle de Pascal), en plus de nombreux théologiens et personnalités littéraires. Cela signifie naturellement qu'à cette époque la ville de Fès est devenue capable de présenter des enseignements dans diverses branches (théologie (pas exclusivement islamique) jurisprudence, philosophie, médecine, mathématiques, astronomie, sciences de la langue…). Ces diverses branches qui, si elles sont concentrées dès l'époque à la Quaraouiyine avec logiquement des professeurs pour chaque matière, peuvent symboliser les futures facultés d'après les futures notions occidentales.
À cette époque, la Quaraouiyine remettait également à ses étudiants la « Ijazah » (qui veut dire « permission », « autorisation » ou « licence »). Document dont le professeur Georges Makdisi avance l'hypothèse qu'il serait une sorte de qualification ou doctorat délivré dans le système éducatif islamique médiévale et pourrait même être à l'origine de la Licentia docendi (doctorat européen médiéval), opinion partagée par d'autres chercheurs comme le professeur Alfred Guillaume[22].
Au XIVe siècle et au-delà (époques wattasside, saadienne, alaouite), la plupart des grands savants et lettrés du Maghreb et de ce qui restait de l’Andalousie sont passés à Fès et sa Quaraouiyine en tant qu’étudiants, professeurs ou simples auditeurs tels que Ibn al-Khatib, Ibn Khaldoun, Léon l'Africain, Al Yusi, et bien d'autres.
Certains des plus grands érudits chrétiens, comme le Belge Nicolaus Clenardus et le Néerlandais Jacob Golius, ont également enrichi le système éducatif d'Al-Quaraouiyine[23].
L'université sous la dynastie alaouite
[modifier | modifier le code]Moulay Rachid, premier sultan de la dynastie des Alaouites, portait un réel intérêt pour le domaine scientifique et en fit profiter l'université Al Quaraouiyine. Il y attira des Oulémas d’autorité venus sous le nom de « Achcharratine » et institua la tradition dite « Soltane Tolba » (sultan des étudiants) ; manifestation qui avait lieu chaque année durant les vacances du printemps sous le Patronage de l’Etat et du Roi lui-même, et au cours de laquelle la masse des étudiants choisissait un Sultan, désignait son gouvernement pour une période de quinze jours.
À cette occasion, on organisait des colloques scientifiques, des débats autour des questions cruciales ; on prononçait des discours et on lisait des poèmes. Une élite de notables de la ville honorait de sa présence cette manifestation et entourait de sa sollicitude le « sultan des étudiants ».
Cette manifestation qui revêtait les aspects d’une fête populaire mais d’un type particulier était aussi marquée – événement rare - par la visite du sultan alaouite qui à l’occasion, offrait des cadeaux aux étudiants, écoutait leurs doléances et veillait à ce que leurs vœux fussent satisfaits. C’était le témoignage le plus sûr et la preuve la plus directe que le sultan pût apporter de son intérêt pour la science et ses promoteurs attitrés et à venir ; un geste qu’on n’enregistrât nulle part ailleurs, du moins sous cette forme, dans le monde entier.
L’action des Alaouites au profit de l’université Al Quaraouiyine continua en la personne de Sidi Mohammed Ben Abdellah (Mohammed III) dont l’intervention infléchit de façon décisive les efforts de l'université pour réorganiser ses enseignements, voire les adapter aux besoins et attentes des étudiants qu’elle accueillait. Il ouvrit ainsi un dossier consacré à l'université Al Quaraouiyine et promulgua un dahir royal en l'an 1203 de l'Hégire (1789 de l’ère chrétienne) où il demanda au cheikh d’Al Quaraouiyine de définir les matières enseignées et d’en indiquer les ouvrages de référence.
À cette époque, plusieurs sources s’accordent sur l’existence à Fès d’une centaines de chaires d’enseignement dont vingt étaient établies à l’université Al Quaraouiyine et les autres disséminées à travers la ville dans ses différentes dépendances ou annexes. Les mêmes sources font état d’un grand nombre de bibliothèques autant publiques que privées[24].
Architecture
[modifier | modifier le code]Tous les matériaux nécessaires furent extraits d'une carrière établie sur le terrain même. L'eau fut fournie par un puits creusé également au même lieu.
La mosquée mesurait alors 150 empans (environ 35 mètres) de longueur du nord au sud. Elle comprenait quatre nefs, une petite cour, un mirhab ainsi qu'un minaret peu élevé.
La mosquée compte 270 colonnes formant 16 nefs de 21 arcs chacune. Chaque nef contient 4 rangées de 210 fidèles, soit 840 ce qui donne pour les 16 nefs 13 440. Ajoutons 160, nombre des fidèles pouvant se placer au besoin devant les colonnes ; 2700 autres peuvent trouver place dans la cour et 6000 dans la galerie, les vestibules et les seuils des portes. Au total, pas moins de 22 700 fidèles peuvent entendre la prière à la fois.
L'université moderne
[modifier | modifier le code]L'université Quaraouiyne s'est instituée en université moderne à partir des années 1960. Les études aujourd'hui enseignées sont fortement orientées vers la religion (histoire et exégèse), la littérature (Critique littéraire, la Philologie, la Linguistique, les Méthodes de recherche) et le droit (étude de la théologie islamique) et les langues dans une moindre mesure. L'université est subdivisée en facultés réparties sur plusieurs villes du Maroc (Fès, Agadir, Tétouan, Marrakech). L'université délivre des diplômes visés par l'État marocain[25].
Facultés :
- Faculté Chariâa (Théologie) à Fès
- Faculté Allogha Al Arabia (Langue arabe) à Marrakech
- Faculté Oussoul Addine (Théologie) à Tétouan
- Faculté Chariâa (Théologie) à Agadir
- Faculté des Sciences de la Chariâa (Théologie) à Smara
Diplômes :
Depuis 2003, la nouvelle organisation pédagogique de l’Université Al Quaraouiyine s’inscrit dans le cadre du Système « LMD » (Licence-Master-Doctorat) des formations supérieures.
- Certificat Universitaire d'Études Littéraires (CUEL)
- Al Ijaza Oulya (Licence)
- Atakhssiss (DES)
- Al A’limya (Doctorat d’État)
Publications périodiques :
- Revue Al Quaraouiyine
- Revue de la faculté Al Logha al Arabia (Marrakech)
- Revue de la faculté Ach-charia (Fès)
- Revue de la faculté Ach-chariat (Agadir)
- Revue de la faculté Ossouleddine (Tétouan)
Statistiques (1996-1997) :
- Étudiants : 6 178
- Enseignants : 64
- Personnel administratif : 8 260
Références
[modifier | modifier le code]- https://medias24.com/2015/10/20/amal-jallal-nomme-president-de-luniversite-qaraouyine/
- UNESCO World Heritage Center, The Medina of Fez http://whc.unesco.org/en/list/170
- http://icon.org.uk/news/10-facts-about-worlds-oldest-library
- The Guinness Book Of Records, Published 1998, (ISBN 0-553-57895-2), p. 242
- Verger, Jacques: "Patterns", in: Ridder-Symoens, Hilde de (ed.): A History of the University in Europe. Vol. I: Universities in the Middle Ages, Cambridge University Press, 2003, (ISBN 978-0-521-54113-8), pp. 35–76 (35)
- The Report: Morocco 2009 - Page 252 Oxford Business Group "... yet for many Morocco's cultural, artistic and spiritual capital remains Fez. The best-preserved ... School has been in session at Karaouine University since 859, making it the world's oldest continuously operating university. "
- John Esposito, The Oxford Dictionary of Islam, Oxford University Press, (ISBN 0-19-512559-2), « Terurl », p. 328
- Illustrated Dictionary of the Muslim World, Publisher: Marshall Cavendish, 2010 [1] p. 161
- Hidden Giants, 2d Edition, by Sethanne Howard, Publisher: Lulu.com 2008 [2] p. 60
- Civilization: The West and the Rest by Niall Ferguson, Publisher: Allen Lane 2011 - (ISBN 9781846142734)
- The marketisation of higher education and the student as consumer by Mike Molesworth & Richard Scullion, Publisher: Taylor & Francis 2010 [3] p. 26
- عبد الهادي التازي. جامع القرويين: المسجد و الجامعة بمدينة فاس، موسوعة لتاريخها المعماري و الفكري ( المجلد الاول). دار نشر المعرفة. الرباط. المغرب
- « Search Top Arab Region Universities | US News Best Arab Region Universities » (consulté le )
- Parmi les historiens contemporains qui ont attribué la fondation de la Qarawiyyin à Fāṭima al-Fihriya : Edmond Pauty, Le plan de l’Université Qarawiyin à Fès, Hespéris, IV, 1923, p. 539. L’article concernant l’histoire de la Qarawiyyĭn sur le site www.qantara-med.org (consulté le 21/11/09) reprend mot pour mot le récit d'Ibn Abi Zar. Du côté des historiens marocains, Faṭima al-Fihriya est considérée comme un symbole exceptionnel de l’ouverture d’esprit de l’islam, femme pionnière dans l’histoire de l’humanité. Henri Pérès dit « Il n’est pas douteux pourtant que Fes, à partir du IXe siècle, ait été, grâce à sa mosquée université d’al-Karawiyyin, « la demeure de la science et de la sagesse », comme l’avait prédit son fondateur. Alfred Bel tient à peu près le même discours (Al-Jaznaï, Zahrat al-Âs, trad. Alfred Bel, Publications de la faculté des lettres d’Alger, fascicule 59, 1923, p.85, note 1). Mais en plus de l’inexistence de sources parlant de la Qarawiyyin avant Ibn Abi Zar (XIVe siècle), la malchance a voulu que les archives des Awqāf (conservés à la Qarawiyyĭn) brûlent en 1323, au moment précis où l’histoire des premiers Idrissides, des fondations de Fès et de la Qarawiyyĭn est en train d’être fixée par les Mérinides
- « Qantara - Mosquée al-Qarawiyyîn », sur www.qantara-med.org (consulté le )
- Hughes 2010, p. 359.
- Gaston Deverdun, al-Karawiyyîn, Encyclopédie de l'Islam, E.J.Brill/Maisonneuve & Larose, Leyde/Paris, 1971, volume IV, p. 659.
- Al-Jaznaï, Zahrat al-Âs, trad. Alfred Bel, Publications de la faculté des lettres d’Alger, fascicule 59, 1923, p. 7.
- Evariste Lévi-Provençal, Les historiens des Chorfa : essai sur la littérature historique et biographique au Maroc du XVIe au XXe siècle ; suivi de La fondation de Fès, Maisonneuve & Larose, , 500 p. (ISBN 978-2-7068-1507-2, lire en ligne)
- Al-Jaznaï, Zahrat al-Âs, trad. Alfred Bel, Publications de la faculté des lettres d’Alger, fascicule 59, 1923, note 1, page 85 de la traduction)
- A. L. Tibawi, « Review of Jami' al-Qarawiyyin: al-Masjid wa'l-Jami'ah bi Madinat Fas (Mausu'ah li-Tarikhiha al-Mi'mari wa'l-Fikri). Al Qaraouiyyine: la Mosquée-Université de Fès (histoire architecturale et intellectuelle) », Arab Studies Quarterly, vol. 2, no 3, , p. 286–288 (ISSN 0271-3519, lire en ligne, consulté le )
- https://www.journal-jmsr.net/uploads/113/7188_pdf.pdf
- http://education.uok.edu.in/Files/4f96dde9-9a35-46c7-9b3e-c80291ed5689/Journal/b518cb44-5e17-49a6-9974-78fa5b5fb3c0.pdf#page=343
- http://www.alquaraouiyine.com/fr/
- « Loading... », sur alquaraouiyine.com via Internet Archive (consulté le ).
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Roudh el Cartas par Abou Mohammed Saleh Ben Abd el Halim, 1325 (traduction d'Auguste Beaumier, 1858).
- Monographie sur Fez par le Capitaine Thomas, 1892-1893, papiers La Martinière.
- Article sur l'histoire Idrisside dans la revue anglaise al-Masaq (Publication of The Society of The Medieval Mediterranean)
- (en) Bettany Hughes, The Hemlock cup. Socrates, Athens and the search for a good life, Londres, Jonathan Cape,
- Pierre Vermeren, « Une si difficile réforme : La réforme de l’université Qarawiyyin de Fès sous le Protectorat français au Maroc, 1912-1956 », Cahiers de la Méditerranée, no 75 « Islam et éducation au temps des réformes », , p. 119-132 (lire en ligne)
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Liste des universités islamiques
- Mosquée des Andalous
- Bibliothéque Al Quaraouiyine
- Horloge Qarawiyyin de Fès
Liens externes
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- (ar) Site officiel
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :