Racine d'un polynôme
En mathématiques, une racine d'un polynôme P est une valeur α telle que P(α) = 0. C'est donc une solution de l'équation polynomiale P(x) = 0 d'inconnue x, ou encore, un zéro de la fonction polynomiale associée. Par exemple, les racines de x2 – x sont 0 et 1.
Un polynôme non nul à coefficients dans un certain corps peut n'avoir de racines que dans un corps « plus gros », et n'en a jamais plus que son degré. Par exemple x2 – 2, qui est de degré 2 et à coefficients rationnels, n'a aucune racine rationnelle mais a deux racines dans ℝ (donc aussi dans ℂ). Le théorème de d'Alembert-Gauss indique que tout polynôme à coefficients complexes de degré n admet n racines complexes (non nécessairement distinctes).
La notion de « racine » se généralise, sous le nom de « zéro », à un polynôme en plusieurs indéterminées[1].
Définitions
[modifier | modifier le code]On considère un polynôme P(X) à une indéterminée notée ici X, à coefficients dans un corps ou plus généralement un anneau commutatif A (les coefficients pouvant donc appartenir à un sous-anneau).
Définition
[modifier | modifier le code]Définition de racine[1],[2] — Une racine dans A du polynôme P est un élément α de A tel que, si l'on substitue à l'indéterminée X la valeur α, on obtient une expression nulle dans A.
Ainsi, le polynôme X2 – 2, à coefficients dans ℚ (donc aussi dans ℝ ou ℂ), ne possède aucune racine dans ℚ mais en possède deux dans ℝ (√2 et –√2) donc aussi dans ℂ. En effet, si l'on substitue √2 ou –√2 à X dans le polynôme, on trouve bien 0.
Étymologie : Le terme de racine provient des traductions en latin de Robert de Chester et de Gérard de Crémone du terme gizr. Le mot gizr signifie « racine », il est traduit en latin par radix. Le terme gizr est utilisé par le mathématicien d'origine perse du VIIIe siècle Al-Khawarizmi, dans son traité Kitâb al-jabr wa al-muqâbala, qui traite pour la première fois de manière exhaustive, du calcul des racines réelles de l'équation du second degré[3].
Définition alternative
[modifier | modifier le code]Définition équivalente[1] — Une racine dans A du polynôme P est un élément α de A tel que P(X) soit divisible par X – α (dans A[X]).
En effet, si P(X) = (X – α)Q(X) alors P(α) = 0 et réciproquement, si P(α) = 0 alors P(X) est égal à P(X) – P(α), combinaison linéaire de polynômes de la forme Xk – αk, tous divisibles par X – α.
Dans l'exemple choisi, l'égalité :
est une autre manière de remarquer que √2 et –√2 sont bien les deux racines du polynôme.
Définitions connexes
[modifier | modifier le code]Le simple fait que le polynôme X – α soit unitaire permet — sans supposer A intègre — de définir les notions suivantes :
Ordre de multiplicité, racine simple, racine multiple[1] — Si P est non nul alors, pour tout élément α de A :
- le plus grand entier m tel que P(X) soit divisible par (X – α)m est appelé l'ordre, ou la multiplicité, de α relativement à P ;
- cet entier m est caractérisé par l'existence d'un polynôme Q tel que P(X) = (X – α)mQ(X) et Q(α) ≠ 0 ;
- on dit que α est racine simple de P si m = 1, et racine multiple si m > 1.
Le polynôme X2 – 2 est séparable, c'est-à-dire qu'il n'a aucune racine multiple. Il est de plus scindé sur ℝ, au sens suivant :
Polynôme scindé — Si P est produit de polynômes du premier degré à coefficients dans un corps commutatif L, on dit que le polynôme P est scindé sur L.
P est alors non nul, et son coefficient dominant est le produit des coefficients dominants de ces polynômes du premier degré. Plus généralement, on dit qu'un polynôme non nul de L[X] est scindé sur L s'il est le produit d'une constante et d'un produit (éventuellement vide) de polynômes unitaires du premier degré. Une telle décomposition est alors unique : chaque terme constant de l'un de ces polynômes unitaires du premier degré est égal à l'opposé d'une racine de P dans L, et si cette racine est d'ordre m, ce facteur est répété m fois. Le nombre de ces facteurs est donc égal au degré de P.
Existence des racines
[modifier | modifier le code]Toute équation polynomiale réelle de degré impair admet au moins une solution réelle.
C'est une application du théorème des valeurs intermédiaires.
Soient K un corps commutatif et P un polynôme à une indéterminée et à coefficients dans K.
Une extension de K est un corps contenant K ; ainsi, ℝ et ℂ sont des extensions de ℚ.
Une question naturelle se pose, si L1 et L2 sont deux extensions de K sur lesquelles P est scindé, les racines, vues comme éléments de L1, sont-elles « équivalentes » aux racines vues comme éléments de L2 ? Cette équivalence existe : il existe dans L1 une « plus petite » sous-extension, appelée corps de décomposition de P, contenant toutes les racines de P, et de même dans L2, et ces deux sous-extensions de K sont identiques. Dans l'exemple K = ℚ, P = X2 – 2, ce corps de décomposition est l'ensemble des nombres de la forme a b√2, où a et b sont des nombres rationnels. Cet ensemble s'identifie (par un isomorphisme non unique) à un unique sous-corps de ℝ et du corps ℚ des nombres algébriques. Ainsi, la paire de racines {√2, –√2} incluse dans ℝ peut être considérée comme identique à celle incluse dans ℚ.
Existence des racines — Il existe une plus petite extension L de K, unique à isomorphisme près, telle que P soit scindé sur L. L'extension L est appelée corps de décomposition de P sur K.
Le corps L est tel que le polynôme P est scindé ; en revanche, un autre polynôme à coefficients dans K n'est pas nécessairement scindé sur L. A fortiori, un polynôme à coefficients dans L n'est pas non plus nécessairement scindé sur L. On dit qu'un corps L est algébriquement clos si tout polynôme à coefficients dans L est scindé sur L.
Existence d'une clôture algébrique — Il existe une plus petite extension algébriquement close de K, unique à isomorphisme près. L'extension L est appelée clôture algébrique de K.
Le corps ℂ est algébriquement clos, résultat connu sous le nom de théorème de d'Alembert-Gauss. La clôture algébrique de ℝ est ℂ. Celle de ℚ est le sous-corps ℚ.
Critère différentiel pour la multiplicité d'une racine
[modifier | modifier le code]Théorème[4],[5] — Soient A un anneau commutatif, P un polynôme à coefficients dans A et α une racine d'ordre m de P. Alors :
- α est une racine d'ordre au moins m – 1 du polynôme dérivé P' de P, et même d'ordre exactement m – 1 si m est simplifiable dans A ;
- α est racine de P, P', P'', …, P(m–1) ;
- si m! est simplifiable dans A, α n'est pas racine de P(m).
En particulier :
- une racine de P est multiple si et seulement si elle est aussi racine de P' ;
- si A est un corps de caractéristique 0 alors, pour que α soit une racine d'ordre r de P, il faut et il suffit que P(α), P'(α), P''(α), …, P(r–1)(α) soient nuls et P(r)(α) soit non nul.
Sur un corps de caractéristique p > 0, ce dernier critère n'est pas valide car le polynôme dérivé de Xp est nul.
Relations entre les coefficients et les racines
[modifier | modifier le code]Calcul des racines
[modifier | modifier le code]On peut utiliser la méthode de Muller pour calculer les racines d'un polynôme. On interpole le polynôme P par un polynôme de degré deux : selon l'interpolation lagrangienne. On retrouve les coefficients en évaluant P en trois points () :
avec :
Mais en utilisant ce polynôme d’approximation, le choix de la racine de ce polynôme est problématique. Müller eut alors l’idée d’utiliser le même polynôme, mais sous la forme : avec qui va tendre vers la racine. Particularité de cet algorithme : peut être un nombre complexe. Coefficients :
Cette méthode est autoconvergente : le calcul de la racine va s'affiner petit à petit. On peut donc commencer avec , et et . Tant que le polynôme ne s'annule pas en , on passe à l'itération suivante avec :
- , où peut être négatif ou complexe.
- si
- sinon
Finalement, le zéro est
Notes et références
[modifier | modifier le code]- N. Bourbaki, Algèbre (lire en ligne), chap. IV, p. A.IV.14.
- Gilles Godefroy, L'aventure des nombres, Odile Jacob, (lire en ligne), p. 211.
- La première inconnue par l'IREM de Poitiers p. 27.
- Bourbaki, p. A.IV.16.
- Aviva Szpirglas, Algèbre L3 : Cours complet avec 400 tests et exercices corrigés [détail de l’édition], Proposition 10.25.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Lien externe
[modifier | modifier le code]Racines entières d'un polynôme à coefficients entiers sur gecif.net