Mort de Breonna Taylor
Mort de Breonna Taylor | |
Mémorial pour Breonna Taylor à Jefferson Square à Louisville, Kentucky. Le grand portrait présenté est l'œuvre de l'artiste local et défenseur de la communauté Aron Conaway. | |
Fait reproché | Homicide |
---|---|
Chefs d'accusation | Violences policières |
Pays | États-Unis |
Ville | Louisville, Kentucky |
Date | |
Nombre de victimes | 1 |
modifier |
Breonna Taylor, une ambulancière afro-américaine de 26 ans, est tuée par balle par des agents de la police de Louisville dans le Kentucky dans la nuit du au .
Le procureur de l’État du Kentucky annonce en septembre 2020 qu'un seul des policiers (mais pas Myles Cosgrove, celui qui a tué Breonna Taylor) sera poursuivi, les autres ayant agi en état de légitime défense. Myles Cosgrove et un autre policier sont néanmoins renvoyés de la police, et la municipalité verse un dédommagement de douze millions de dollars à la famille de la victime, pendant qu'une enquête pénale distincte se poursuit au niveau fédéral.
Dans le sillage de Black Lives Matter, la mort de Breonna Taylor est rappelée avec le slogan #SayHerName (« dire son nom », « dire le nom de cette femme »), qui cherche à rendre visible les femmes noires victimes de violences policières aux États-Unis.
Circonstances
[modifier | modifier le code]Vers 0 h 45, dans la nuit du 12 au , les policiers de Louisville enfoncent la porte de l'appartement dans lequel dormaient Breonna Taylor, 26 ans[1], et son compagnon, Kenneth Walker[2],[3]. Les agents ne sont pas équipés de caméras. Munis d'un mandat de perquisition, ils agissent dans le cadre d'un avis de recherche erroné portant principalement sur deux hommes, Jamarcus Glover[4] et Adrian Walker, suspectés de vendre de la drogue par le biais de l'appartement de Breonna Taylor. En outre, une voiture enregistrée au nom de Breonna Taylor avait été aperçue à plusieurs reprises devant le domicile de Jamarcus Glover, et les noms de l'infirmière et de son compagnon faisaient également partie de l'avis de recherche[5].
Kenneth Walker, pensant qu'il s'agit d'un cambriolage, fait feu sur les policiers[6]. L’un d’eux est blessé par balle à la jambe, les autres ripostent. Un policier, encore sur le palier, tire seize fois, « à l'aveugle », comme il le reconnait lors de son interrogatoire[5],[3]. Lui et son collègue tirent vingt-deux fois en moins d'une minute. Breonna Taylor reçoit six balles, notamment à l'abdomen, et décède[7]. Un autre policier tire à travers les fenêtres plusieurs balles qui traversent l'appartement et finissent dans celui des voisins, un couple avec un enfant en bas âge, sans les atteindre[3].
Aucune drogue n'est retrouvée dans l’appartement; le revendeur de drogue recherché était en fait déjà interpellé au moment où les policiers interviennent[8].
Le New York Times révèle qu'une douzaine de voisins interrogés affirment ne pas avoir entendu les policiers s'annoncer avant d'enfoncer la porte[9],[3]. Les agents du SWAT admettent la mauvaise préparation de l'équipe qui est intervenue : ils ne savaient pas qui vivait dans l'appartement, ni que Breonna Taylor ne vivait plus avec l'homme qu'ils cherchaient[3].
Réactions officielles et suites judiciaires
[modifier | modifier le code]Enquête locale et nationale
[modifier | modifier le code]Kenneth Walker est arrêté pour tentative de meurtre sur un agent des forces de l’ordre[6] ; il est relâché le [5]. Le procureur de l’État du Kentucky Daniel Cameron annonce en septembre que seul Brett Hankison, le policier qui a tiré sur l'appartement voisin, est poursuivi, pour avoir « [mis] trois personnes [présentes] dans cet appartement en danger grave de blessures physiques ou de mort » ; il est renvoyé[10] et plaide non coupable[11]. Selon le procureur, les autres policiers auraient agi de manière justifiée, notamment en s'annonçant avant d'enfoncer l'appartement[3] et aucune charge n'est retenue contre eux[12]. Un jury a estimé qu'ils auraient « tiré en état de légitime défense »[3],[13].
L’avocat de la famille de la jeune femme dénonce une décision « scandaleuse et insultante ». La NAACP y voit « un déni grossier de justice » et l'ACLU « un maintien de l’ordre et un système de justice criminelle pourris jusqu’à l’os »[14]. La ligue féminine américaine de basket-ball, la WNBA, qui avait dédié sa saison à Breonna Taylor[15] réagit par un communiqué : « La WNBA a dédié sa saison 2020 au combat contre le racisme systémique et les brutalités policières, en se focalisant sur les victimes féminines. La décision décevante d'aujourd'hui dans le cas de Breonna Taylor nous montre que nous devons poursuivre le combat »[16],[17].
Réactions de la ville et de la police locale
[modifier | modifier le code]La ville de Louisville trouve en septembre un accord à l’amiable avec la famille de la victime pour mettre fin au procès civil contre un dédommagement de douze millions de dollars[18],[19]. L’accord ne met pas fin à l’enquête pénale[18].
Le , le policier auteur du coup de feu qui coûta la vie à Breonna Taylor, Myles Cosgrove, ainsi qu'un second officier chargé de la planification du raid de l'appartement de la victime, Joshua Jaynes, se voient notifier, par les services de police de la municipalité de Louisville, leur renvoi immédiat des forces de l'ordre[20],[21]. Cette décision marque un tournant majeur dans l'affaire, les pouvoirs publics reconnaissant une faute grave[20]. Le , le LMPD licencie Cosgrove, qui a tiré et tué Taylor, et Jaynes, qui a obtenu le mandat pour le raid[22].
Enquête fédérale
[modifier | modifier le code]Le FBI mène une enquête indépendante[23],[19], annoncée le 21 mai 2021[24]. Après l'annonce des accusations du grand jury de l'État, le FBI de Louisville déclare qu'il « poursuit son enquête fédérale sur tous les aspects de la mort de Breonna Taylor. Ce travail se poursuivra au-delà des accusations de l'État annoncées aujourd'hui »[25]. Le 4 août 2022, à la suite de l'enquête du FBI, le ministre de la justice américain annonce des poursuites fédérales contre quatre policiers impliqués dans la mort de Breonna Taylor, l'un pour « pour usage excessif de la force », les trois autres pour avoir menti sur le mandat de perquisition à l’origine du drame[26].
« Say her name »
[modifier | modifier le code]Le , dans la même ville, David McAtee (en), un restaurateur de 53 ans afro-américain est tué par la police[27]. L'indignation de la population redouble après la mort de Daniel Prude (en) le 30 mars[28], et celle de George Floyd, un Afro-Américain asphyxié sous le genou d’un policier blanc le à Minneapolis (Minnesota)[29].
Des militants appellent les gens à « dire le nom de cette femme » (#SayHerName, « dire son nom ») dans le cadre d'un mouvement visant à se souvenir des femmes noires mortes des suites de violences policières, qui n'ont pas attiré la même attention que les victimes masculines[30],[31].
Le , un homme faisant partie de « groupes patriotes armés » tire à l'intérieur d'un parc de Louisville dans lequel se tient une manifestation pacifique contre le racisme, et fait un mort et un blessé[29]. Le , des échauffourées éclatent ; 127 manifestants dénonçant les suites judiciaires de l’homicide sont arrêtés[32].
Hommages nationaux
[modifier | modifier le code]En mai 2020, dans le centre-ville de Louisville, un mémorial est construit en l'honneur de Breonna Taylor. Le centre du square Jefferson, lieu de rassemblements des manifestants contre les violences policières, est rebaptisé « Injustice Square » et devient un site commémoratif où s'accumulent fleurs, dessins et messages d'hommage. Le 7 novembre, une partie du mémorial est déplacée dans un musée local consacré à la culture afro-américaine[33],[34]. Début décembre 2020, à la suite d'une décision municipale, un nom honorifique est attribué à une rue principale du centre de la ville de Grand Rapids, dans le Michigan, lieu de naissance de Breonna Taylor. Monroe Center Street NW est désormais surnommée « Breonna Taylor Way », en mémoire de la jeune Afro-Américaine devenue un symbole national de la lutte contre la brutalité policière et les discriminations raciales[35]. Mi-décembre 2020, un buste à l'effigie de Breonna Taylor et une plaque portant l'inscription « Dites son nom : Breonna Taylor » sont installés sur une place, près de la mairie d'Oakland, en Californie. L'œuvre en céramique, réalisée à la main par un sculpteur local, est vandalisée puis volée fin décembre. Grâce à une collecte de fonds, via la plate-forme de financement participatif GoFundMe, l'artiste a pu rassembler suffisamment d'argent pour entreprendre la création d'une nouvelle statue, cette fois en bronze, en hommage à l'ambulancière de Louisville et au mouvement Black Lives Matter[36],[37],[38].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Shooting of Breonna Taylor » (voir la liste des auteurs).
- (en-US) Eva Lewis, « Remembering Breonna Taylor’s Greatness », sur Teen Vogue, (consulté le ).
- Sans lien de parenté avec son homonyme Adrian Walker.
- Valérie Cantié, « Le New York Times pointe les fautes de la police dans la mort de Breonna Taylor », sur www.franceinter.fr, (consulté le ).
- Avec qui elle avait eu une relation sentimentale, deux ans auparavant.
- « Tout savoir sur l'affaire Breonna Taylor », sur CNEWS, (consulté le ).
- AFP, « Aux Etats-Unis, indignation après la mort d’une jeune ambulancière noire, tuée par la police », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
- (en) « Breonna Taylor’s boyfriend says police didn’t try to save her as she lay dying », sur the Guardian, (consulté le ).
- « Le cas Breonna Taylor, l'autre affaire de violences policières qui secoue les États-Unis », sur France 24, (consulté le ).
- How the Police Killed Breonna Taylor (The New York Times).
- « Le policier impliqué dans la mort de Breonna Taylor officiellement renvoyé », Paris Match, (lire en ligne, consulté le ).
- AFP, « Mort de Breonna Taylor : le policier inculpé plaide non coupable », Le Monde, (consulté le ).
- « Aux Etats-Unis, aucune poursuite pour les policiers ayant tiré sur Breonna Taylor, la colère relancée », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Guardian staff and agencies, « Breonna Taylor: grand juror speaks out, saying homicide charges weren't offered », sur the Guardian, (consulté le ).
- Cyril Julien et Camille Camdessus, « Mort de Breonna Taylor: un policier inculpé, mais pas pour homicide », sur ledevoir.com, (consulté le ).
- (en) Leah Asmelash, « WNBA dedicates season to Breonna Taylor and Say Her Name campaign », sur cnn.com, (consulté le ).
- Leah, « Mort de Breonna Taylor : la NBA et la WNBA « découragées » après les charges retenues contre un seul policier », sur basketusa.com, (consulté le ).
- (en) « WNBA Statement On Breonna Taylor Case », sur wnba.com, (consulté le ).
- AFP, « Etats-Unis : la famille de Breonna Taylor, tuée par la police, obtient 12 millions de dollars de dédommagement », Le Monde, (consulté le ).
- « Un an après la mort de Breonna Taylor, ses proches réclament que justice soit faite », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- (en-US) Nicholas Bogel-Burroughs, « Louisville Officer Who Shot Breonna Taylor Will Be Fired », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
- (en-US) Tessa Duvall, Darcy Costello and Bailey Loosemore, « Louisville police seek to fire 2 detectives connected to Breonna Taylor's shooting death », sur The Courier-Journal (consulté le ).
- Dylan Lovan, « 2 detectives involved in Breonna Taylor's death are fired », sur AP News, (consulté le ).
- (en-US) Darcy Costello and Tessa Duvall, « Who are the Louisville officers involved in the Breonna Taylor shooting? What we know », sur The Courier-Journal (consulté le ).
- Scottie Andrew, « The FBI has opened an investigation into the shooting death of Kentucky EMT Breonna Taylor », sur CNN (consulté le ).
- (en-US) Matt Mencarini, « FBI investigation into Breonna Taylor case continues even after grand jury indicts officer », sur The Courier-Journal (consulté le ).
- Le Monde, « Mort de Breonna Taylor aux Etats-Unis : des poursuites fédérales engagées contre quatre policiers », Le Monde, (lire en ligne , consulté le )
- « Violences policières aux Etats-Unis : la double peine des habitants de Louisville », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- « Aux Etats-Unis, le chef de la police de Rochester démissionne après la mort d’un homme suite à une interpellation violente », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- AFP, « Un tireur fait un mort et un blessé lors d’un rassemblement contre le racisme à Louisville, aux Etats-Unis », Le Monde, (consulté le ).
- (en-GB) « Breonna Taylor: Protesters call on people to 'say her name' », BBC News, (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Richard Hall, « Breonna Taylor and the underreported scourge of police violence against black women », The Independent, (consulté le ).
- AFP, « A Louisville, couvre-feu prolongé et colère persistante après les suites judiciaires du meurtre de Breonna Taylor », Le Monde, (consulté le ).
- (en) Fallon Glick, « Breonna Taylor memorial moved from Jefferson Square Park to downtown Louisville museum », WDRB News, (consulté le ).
- (en) Gray Media, « Breonna Taylor memorial moved to Roots 101 Museum permanently », WYMT-TV, (consulté le ).
- (en) John Tunison, « Signs installed in downtown Grand Rapids for ‘Breonna Taylor Way’ », sur mLive Michigan, Advance Publications, (consulté le ).
- (en) Neil Vigdor et Jacey Fortin, « Weeks-Old Statue of Breonna Taylor Is Battered in Oakland, Calif. », The New York Times, (consulté le ).
- « Une statue à la mémoire de Breonna Taylor vandalisée deux semaines après son installation », CNews, (consulté le ).
- (en) Erik Ortiz, « A Breonna Taylor sculpture was vandalized. Its artist says it's an "act of racist aggression" », NBC News, (consulté le ).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Lien interne
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en-US) Malachy Browne, Anjali Singhvi, Natalie Reneau et Drew Jordan, « How the Police Killed Breonna Taylor » [« Comment la police a tué Breonna Taylor »], The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne [vidéo], consulté le ).