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Mort d'Alhoussein Camara

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Mort d'Alhoussein Camara
Fait reproché Homicide volontaire
Pays Drapeau de la France France
Ville Saint-Yrieix-sur-Charente
Lieu Intersection de la rue de Royan et de l'échangeur RN 10
Date
Nombre de victimes 1

La mort d'Alhoussein Camara résulte du tir d'un policier, le à Saint-Yrieix-sur-Charente dans la banlieue d'Angoulême en Charente. C'était un jeune Guinéen arrivé en France en 2018 et travaillant dans une base logistique. Le drame se produit peu avant la mort de Nahel Merzouk et dans des circonstances apparemment identiques, à ceci près qu'il n'y a ni témoin ni vidéo. Les résultats de l'enquête affaiblissent la thèse policière de la légitime défense.

À la suite de l'affaire des policiers brûlés à Viry-Châtillon, la loi sur l'usage des armes à feu par les policiers est modifiée en pour être alignée sur celle des gendarmes, autorisant les premiers à faire feu sur un véhicule « dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui » alors qu'ils devaient jusqu'alors être en situation de légitime défense pour pouvoir faire usage de leurs armes[1],[2].

Le terme « susceptible » laisse ainsi aux policiers le loisir d'évaluer la situation, et rend l'appréciation ambigüe en permettant aux policiers d'agir avant qu'un délit ne soit commis[2].

Ce changement dans la loi se traduit dans les faits par une augmentation des cas de tirs mortels de policiers sur des conducteurs récalcitrants[3], une étude statistique a montré que les tirs policiers mortels sur les véhicules en mouvement ont été multipliés par cinq entre avant et après le vote de la loi de 2017. Selon l'inspection générale de la Police nationale (IGPN) le nombre de tirs est resté constant, dans une fourchette de 137 à 170 entre 2016 et 2022. Selon le sociologue Sebastian Roché, spécialiste des polices dans l'Union européenne, en 2021, 2 675 refus d’obtempérer graves ont été enregistrés par la police nationale, pour 157 tirs, soit « 5,9 % des cas. C’est un risque tout à fait conséquent et pas un phénomène marginal ». De plus, « les tirs mortels dans des situations comparables sont passés de 2 en 2021 à 13 en 2022 ». En comparaison, « un seul tir mortel à la suite d’un refus d’obtempérer a été recensé en dix ans en Allemagne »[4].

La mort de Alhoussein Camara constitue la deuxième fusillade mortelle lors d'un contrôle routier en France en 2023. En 2020, il y a eu 3 décès, suivis de 2 en 2021 et 13 en 2022[5].

Protagonistes

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Alhoussein Camara

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Alhoussein Camara
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Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Activité
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Alhoussein Camara est un jeune Guinéen de 19 ans arrivé en Charente en 2018. Originaire de Matam, l’une des six communes de Conakry, il résidait au foyer de jeunes travailleurs (FJT) Pierre-Sémard, dans le quartier de Bel-Air, à Angoulême. Il travaillait à la base d'Intermarché de Roullet[6],[7].

Âgé de 52 ans, il exerce en brigade de nuit de police-secours depuis 2006[8].

Version policière

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Selon la version de la police dans le cadre de l'enquête pénale en cours, la seule version disponible en l'absence de témoin ou de vidéo, Alhoussein Camara est repéré par la police alors que sa voiture « zigzague » (mais les policiers se sont contredits sur les raisons du contrôle, l'un d'eux a d'abord affirmé qu'il qu’Alhoussein Camara roulait de « manière saccadée », avant de dire en garde à vue que rien de particulier n'avait motivé le contrôle[9]). Il est poursuivi sur environ 5 kilomètres « à allure réduite ». Quand une seconde patrouille « tente une première fois de l’intercepter », il accélère avant de s'arrêter à un feu rouge, où il est enserré par les deux voitures de police. Il aurait alors fait marche arrière puis « orienté le nez du véhicule vers un autre policier qui s’approchait de lui ». « Touché aux jambes lors de cette manœuvre, [le policier] fait usage simultanément de son arme de service (…) au niveau du haut du corps ». Alhoussein Camara décède, atteint d'une balle dans le thorax. Le policier présente quant à lui une entorse au genou avec une incapacité totale de travail estimée à 30 jours[10],[11].

Garde à vue et information judiciaire

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Le 16 juin 2023, la famille d'Alhoussein Camara est reçue dans le bureau de la procureure de la République d'Angoulême, Stéphanie Aouine. Plus tard dans la matinée, la tante du jeune homme dépose une plainte pour homicide, au siège départemental de la gendarmerie[12].

Le , à h du matin, le policier auteur du tir mortel est placé en garde à vue. Durant cette dernière, il maintient sa version des faits. Dans la soirée, il est mis en examen pour homicide volontaire et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de détenir une arme et d'exercer son métier[13],[14].

Les résultats de l'enquête contredisent la version policière: selon l'autopsie, Alhoussein Camara aurait été tué dans le dos par un policier, ce qui affaiblit la thèse de la légitime défense. Les vidéos de surveillance montrent que le jeune homme ne zigzaguait pas sur la chaussée, et n'attestent pas d'une course poursuite après l'interpellation. Les analyses toxicologiques sont négatives, alors qu'un policier décrivait un état d'ivresse[9],[15].

Le , l'avocat Arié Alimi, spécialisé dans les violences policières, fait savoir sur Twitter que la famille d'Alhoussein Camara l'a choisi pour défendre ses intérêts[16].

Dans Libération, le journaliste Daniel Schneidermann relève que la mort de ce jeune Guinéen n'a été pratiquement couverte que par la presse régionale[17].

Conséquences

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Marches blanches

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Une marche blanche en hommage à Alhoussein Camara est organisée le à Angoulême. Elle rassemble près de 800 personnes au départ du Champ-de-Mars parmi lesquelles Senkoun Sylla, ambassadeur de Guinée en France[18].

Un rassemblement « Vérité et justice » pour Alhoussein Camara est organisé le à Grenoble par l'Association des Guinéens de Grenoble-Isère (AGIS) en partenariat avec plusieurs autres associations locales, dont l'Association pour les droits et l’accompagnement des livreurs indépendants (ADALI)[19],[20].

Enterrement de la victime

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Le corps d'Alhoussein Camara est rapatrié en Guinée, à Conakry, le [21],[22] ou le [23] pour y être enterré le [14].

Références

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  1. (en) « Tensions erupt in a Paris suburb after a 17-year-old delivery driver is killed in a police standoff », sur AP News, (consulté le ).
  2. a et b « Mort de Nahel à Nanterre : que dit la loi de 2017 qui régit l’usage des armes à feu par la police, et pourquoi fait-elle débat ? », sur CNEWS, (consulté le )
  3. « «Refus d’obtempérer» : depuis 2017, une inflation létale », sur Libération (consulté le )
  4. Mort de Nahel : Un chiffre « trompeur » du ministère de l’Intérieur sur les refus d’obtempérer, 20minutes, 29/6/2023
  5. « VIDEO. Refus d’obtempérer : forte hausse des tirs mortels au cours des cinq dernières années », sur Franceinfo, (consulté le )
  6. « « Pourquoi personne n’en parle ? » : 15 jours avant Nahel, Alhoussein, 19 ans, a été tué par la police à Angoulême ».
  7. « Qui était Alhoussein Camara, le jeune homme tué sur un contrôle de police à Saint-Yrieix? », sur CharenteLibre.fr, (consulté le )
  8. « Une grande marche en mémoire d'Alhoussein Camara », Charente Libre, (consulté le )
  9. a et b David Perrotin, « Révélations sur la mort d’Alhoussein Camara, 19 ans, tué par un policier à Angoulême », sur Mediapart, (consulté le )
  10. « A Angoulême, la mort d’un Guinéen lors d’un contrôle de police suscite des interrogations », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. M.L., « Charente: des centaines de personnes marchent pour un Guinéen tué par un policier », BFM TV, (consulté le )
  12. Pierre Marsat et Julien Fleury, « Jeune homme tué par un tir policier : plainte et marche blanche à Angoulême », France Bleu La Rochelle, (consulté le )
  13. Antoine Beneytou et Ismaël Karroum, « Mort d'Alhoussein Camara : le policier mis en examen pour homicide volontaire », Charente Libre, (consulté le )
  14. a et b Marie-Ange Cristofari et Dorian Bercheny, « VIDEO Mise en examen pour homicide volontaire du policier auteur d'un tir mortel à Saint-Yrieix, près d'Angoulême », France 3 Nouvelle-Aquitaine, (consulté le )
  15. Benoît Collombat, « Mort d’Alhoussein Camara près d’Angoulême : la version policière remise en cause par l’enquête », sur France Inter, (consulté le )
  16. Antoine Beneytou, « La Guinée demande justice pour la mort d'Alhoussein Camara à Saint-Yrieix », Charente Libre, (consulté le )
  17. « Avant Nahel, Alhousseim Camara, un mort sans images, par Daniel Schneidermann », sur Libération (consulté le )
  18. Lionel Gonzalez-Renois, « VIDÉO. Une marche blanche en hommage à Alhoussein Camara, tué par un policier à Angoulême », France 3 Nouvelle-Aquitaine, (consulté le )
  19. « Rassemblement "Vérité et justice" pour Alhoussein Camara (tué le 14 juin par un policier) », sur ici-grenoble.org, (consulté le )
  20. Manuel Pavard, « Grenoble : des manifestants réclament « justice » pour le jeune Guinéen tué par un tir de policier près d’Angoulême », sur Place Gre'net, (consulté le )
  21. Ousmane D Yansané, « Aéroport Ahmed Sékou Touré: le corps du jeune Alhoussein Camara est arrivé à Conakry », sur lolaplus.org, (consulté le )
  22. Sonny Lakata Camara, « Mort De Alhoussein Camara, Le Policier Mis En Examen Et Placé Sous Contrôle Judiciaire, Le Corps Du Jeune Rapatrié À Conakry », sur guineenondi.com, (consulté le )
  23. Abdoulaye Bella Diallo, « Le corps d’Alhoussein Camara rapatrié à Conakry : ‘’la Guinée tient à ce que la justice fasse tout son travail en France’’ », sur visionguinee.info, (consulté le )

Article connexe

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Liens externes

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