Aller au contenu

Max Régis

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Max Régis
Illustration.
Fonctions
Maire d'Alger

(1 mois et 20 jours)
Prédécesseur Auguste Guillemin
Successeur Edmond Voinot
Prédécesseur Edmond Voinot
Successeur Jean-André-Raphaël Antonini
Biographie
Nom de naissance Massimiliano Milano
Date de naissance
Lieu de naissance Sétif, Département de Constantine, Algérie
Date de décès (à 76 ans)
Lieu de décès Hautes-Pyrénées
Nationalité Drapeau de la France Français
Profession Journaliste
Liste antijuive

Massimiliano Milano, plus connu sous le nom de Max Régis, est un journaliste et homme politique français, né le à Sétif, en Algérie et mort dans les Hautes-Pyrénées en 1950.

Le décret Crémieux (1870), conjugué avec les rebondissements de l'affaire Dreyfus, avait alimenté à des degrés inouïs le ressentiment antijuif parmi les colons pieds-noirs d'Algérie en 1898. Max Régis, partisan d'Édouard Drumont, se fit alors connaître à la fin des années 1890, en tant qu'agitateur antisémite. À seulement 25 ans, il fut élu maire d'Alger, à la tête d'une « liste antijuive » mais fut bientôt révoqué de ses fonctions. Il fut à nouveau élu maire en 1900, mais démissionna dès l'année suivante.

Contexte de l'époque

[modifier | modifier le code]

En Algérie, les colons n'ont accepté qu'en maugréant le décret Crémieux de 1870, qui a fait des Juifs d'Algérie des citoyens français à part entière. Le nouvel électorat juif a tendance à voter toujours pour le même parti « opportuniste », c'est-à-dire l'aile droite du front républicain, menée par Léon Gambetta et Jules Ferry. L'aile gauche, celle des « radicaux », entre en guerre contre le « vote juif », et mesure ainsi l'efficacité électorale des slogans antijuifs.

Pendant les années 1890, la lutte antijuive, les associations antijuives prennent un essor impressionnant avec l'accord tacite ou explicite des gouverneurs généraux, des autorités et de la gauche en métropole.

Origines et formation

[modifier | modifier le code]

Max Régis naît en 1873 à Sétif[1], alors département de Constantine[2]. Ses parents, Émilie Guelpa et Jean Régis dit Milano (1832-1895)[3],[4] sont Italiens ; son père est un serrurier, né à Riello, originaire de Mosso Santa Maria (Piémont), venu s'installer en Algérie en 1864 comme ouvrier forgeron et qui obtient sa naturalisation française en 1888[2]. Il s'y fait une situation confortable après être entré à la Compagnie ferroviaire de l'Est-algérien et devenu entrepreneur[5]. Max a un frère aîné Alfred et une sœur Claudine, tous deux ayant gardé la nationalité italienne[6], et un autre frère Louis Régis (1876-1873) qui est naturalisé à sa majorité[7].

À dix ans, Max Régis part faire ses études au Lycée Louis-Le-Grand à Paris, puis retourne au Lycée d'Alger, pour finalement passer son baccalauréat ès-lettres et ès-sciences à Montpellier. Avant de s'inscrire à la faculté de droit d'Alger, en 1896-1897, il effectue un voyage d'étude en Allemagne[2].

Il est d'abord rédacteur en chef du Progrès de Sétif, puis responsable du journal L'Antijuif algérien de 1897 à 1904[2].

Régis vit à Alger, avec madame Gabaude, qui tient ladite « brasserie antijuive »[2].

En route pour la mairie d'Alger

[modifier | modifier le code]
Une du supplément illustré de L'Antijuif figurant l'hommage de Drumont et Régis au journaliste antisémite Fernand Grégoire (25 septembre 1898).

Début 1897, la nomination à Alger à l'école supérieure de droit d'un jeune professeur de droit romain nommé Emmanuel Lévy (1871-1944) déclenche grèves et manifestations antisémites d'étudiants[8],[9],[2]. Cette agitation se trouve un leader, Max Régis, 24 ans et appelé le « beau Max »[10], avide de casser du juif lors de « youpinades ». Épaulé par son frère Louis Régis, il encadre les émigrés récents et de jeunes Arabes recrutés pour leurs razzias[8]. Lui et ses soutiens obtiennent que le professeur Lévy soit nommé en Métropole mais les frères Régis sont condamnés par le conseil de discipline à six mois d'interdiction de cours pour Louis étudiant en médecine et à deux ans pour Max[11],[2].

Le à Paris, Max Régis déclare : « On arrosera de sang juif l'arbre de la liberté »[12].

Bientôt, Max Régis, qui déchaîne la passion des furies algéroises et de tous les fiers-à-bras de la politique, est maître de la rue. Il a repris le journal L'Antijuif, qui, trois fois par semaine, hurle la haine et réclame l'abrogation du décret Crémieux, puis l'expulsion des Juifs d'Algérie ou leur extermination.

Max Régis à la prison d'Alger (1898).

Le , le jugement est rendu condamnant Max Régis : confirmation par la Cour d'appel d'Alger du jugement condamnant Max Régis à quatre mois de prison, à la suite du duel entre Max Régis et le capitaine Oger, ce dernier est insulté dans L'Anti-juif[13].

Il est arrêté le et sera condamné à 3 ans de prison avec amende, le , par la Cour d'assises, et fuira alors en Espagne.

Aux élections de 1898, Régis convainc Édouard Drumont, l'auteur du pamphlet La France juive, leader et « penseur » de l'antisémitisme en France, de se présenter aux élections législatives à Alger, étant lui-même trop jeune pour être éligible. Drumont lui promet de se retirer lorsqu'il aura atteint l'âge légal, mais ne le fait pas, ce qui provoque entre eux un début de conflit.

Le , l'arrivée de Drumont déclenche une liesse populaire sans précédent. Les Juifs sont maltraités dans les faubourgs. Max Régis fait publier les noms des femmes de la ville qui se fournissent dans les magasins juifs.

Le , Édouard Drumont est élu triomphalement, et, sur six députés algérois, quatre sont élus sur la seule étiquette d'antijuifs.

En réaction, le , a lieu la première assemblée de la Ligue française des Droits de l'Homme qui avait été créée par Ludovic Trarieux.

Le , le Conseil des Ministres, présidé par Jules Méline, décide d'accueillir favorablement les recours en grâce formés en faveur des auteurs des troubles d'Alger, notamment Max Régis.

Le , de violentes agressions antijuives éclatent à Alger, toutes menées par Max Régis.

Le , Drumont appelle de ses vœux un nouveau Massacre de la Saint-Barthélemy, cette fois-ci contre les Juifs.

Le , Max Régis est condamné à huit jours de prison pour coups et blessures.

Maire d'Alger

[modifier | modifier le code]
Max Régis en 1898.

Viennent, en novembre 1898, les élections municipales : les trente-six candidats de la liste antijuive sont élus.

Max Régis est maire d'Alger et sa première déclaration est : « Maintenant, il faut qu'ils crèvent tous ! »[14].

Premières mesures :

  • les cafés qui reçoivent des Juifs ne peuvent avoir de terrasse,
  • refus de circuler pour les colporteurs,
  • les cochers juifs doivent stationner à des endroits déterminés,
  • le Théâtre municipal est fermé aux Juifs.

Les mises à sac de magasins juifs sont monnaie courante. La vague algérienne qui porte les antijuifs est si puissante que Régis rêve d'autonomie : « Si la France refuse de se libérer des Juifs, que le peuple algérien prenne en main ses destinées ! »

Un mois plus tard, le , Max Régis est suspendu pour trois mois de ses fonctions de maire d'Alger. M. Lutaud est nommé préfet de la ville.

Le , un duel oppose Régis à Le Pic, les deux hommes sont légèrement blessés.

Le , Max Régis est révoqué de ses fonctions de maire d'Alger à la suite de propos injurieux contre les pouvoirs publics.

À partir de 1900, la vie publique de Max Régis est marquée par ses démêlés à répétition avec Étienne Laberdesque, un aventurier de sensibilité radicale-socialiste. Probablement commandité par les adversaires politiques de l'ancien maire, Laberdesque crée le journal La Revanche du peuple, dans lequel il attaque violemment les frères Régis. Plusieurs duels l'opposent à des partisans de Max Régis.

Manifestation place de la République pour l'élection de Max Régis.

Max Régis se rend ensuite à Paris, où il se présente à une élection législative partielle dans la première circonscription du 11e arrondissement en . Au premier tour, il arrive en tête avec 2 718 suffrages, contre 2 108 pour le socialiste Jean Allemane, soutenu par les autres candidats républicains au second tour. Ce dernier bat Régis le avec 4 255 voix contre 3 347 pour Régis[15]. La candidature de Régis a été soutenue par les dirigeants de l'Union du commerce et de l'industrie pour la défense sociale, hostiles avant tout au socialisme. Toutefois, la personnalité de Régis et son antisémitisme provoquèrent une crise au sein de cette association patronale catholique née en 1897-98 et ses dirigeants furent désavoués par plusieurs adhérents[16]. Il est soutenu aussi au second tour par les nationalistes de la Ligue de la patrie française[17]. Il est en revanche combattu par la section locale de la Ligue des droits de l'homme[18]. Un quotidien républicain modéré et bourgeois comme Le Temps se désole des appuis que Régis a reçus et se félicite de son échec dans la mesure où il « incarne l'antisémitisme sous sa forme la plus révoltante » et parce qu'il n'est qu'un démagogue révolutionnaire « hostile à l'ordre social » à l'instar d'Allemane [15]. Un autre quotidien modéré, Le Figaro, critique les dirigeants de l'Union du commerce et de l'industrie, tandis que le quotidien catholique La Croix prend leur défense[19].

Le , une bagarre générale oppose place du Gouvernement Laberdesque, les frères Régis et leurs partisans respectifs. Max Régis est blessé par des coups de revolver[20]. Selon l'historien Bertrand Joly, Laberdesque aurait été payé pour tuer l'ancien maire d'Alger[21]. Max Régis retourne ensuite à Paris, mais Laberdesque le suit pour continuer à l'affronter. Un duel organisé au vélodrome du Parc des Princes oppose finalement les deux hommes. Le combat, qui se déroule pendant deux jours, les 7 et , en présence de nombreux journalistes et curieux, se solde par la défaite de Max Régis, blessé à l'avant-bras[22].

Régis se présente de nouveau à la mairie d'Alger en . Réélu, il est révoqué dans la foulée. En effet, il n'avait toujours pas purgé sa peine du , ayant pris le maquis en Espagne. Aux élections législatives de 1902, les quatre députés antijuifs sont battus, dont Édouard Drumont de (seulement) 1 000 voix.

Max Régis quitte ensuite définitivement l'Algérie, passant notamment par l'Espagne. La suite de sa vie est mal connue ; il se reconvertit dans l'hôtellerie[23], se marie à Beausoleil (Alpes maritimes) en 1910 et meurt en 1950 dans les Hautes-Pyrénées, en France métropolitaine, dans l'oubli[24].

Pour l'historien Richard Ayoun, il reste un symbole représentatif de l'antijudaïsme d'Algérie[2].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Centre de documentation juive contemporaine, Revue d'histoire de la Shoah : le monde juif, La revue du Centre de documentation juive contemporaine, , p. 144.
  2. a b c d e f g et h Richard Ayoun, « Max Régis : un antijuif au tournant du XXe siècle », Revue d’Histoire de la Shoah, vol. 173, no 3,‎ , p. 137–169 (ISSN 1281-1505, DOI 10.3917/rhsho1.173.0138, lire en ligne, consulté le )
  3. ANOM, état civil de Sétif, registre des naissances de 1876, acte no 173.
  4. Archives de Paris, état civil du 9e arrondissement, registre des décès de 1973, acte no 60 (vue 9 sur 31).
  5. Eugène Masson, Max Régis et son œuvre (avec portrait), Paris, P. Dupont, 1901, 10 p., p. 3. Archives départementales de l'Isère (ADI), 51 m 25, Police générale.
  6. « A Max Régis », La Lanterne algérienne, Alger, 1re année, n° 17, jeudi 30 juin 1898, p. 2. ADI, 51 M 25. Police générale.
  7. Le Siècle, 20 janvier 1901, p. 2.
  8. a et b Le Journal des débats, 13 février 1897, p. 2.
  9. Yves Guyot, L'Œuvre de M. Jules Cambon. La politique radicale socialiste en Algérie, Paris, E. Flammarion, 1897, XII 156 p., p. 118.
  10. Myriam Ben, Quand les cartes sont truquées : Mémoires, Editions L'Harmattan, , p. 173
  11. La Vigie algérienne, L'Akhbar, Le Télégramme algérien, La Dépêche algérienne des 23 janvier au 15 février 1897.
  12. Erik Fechner, « L'arbre de la liberté : objet, symbole, signe linguistique », Mots. Les langages du politique, vol. 15, no 1,‎ , p. 23–42 (DOI 10.3406/mots.1987.1350, lire en ligne, consulté le )
  13. Geneviève Dermenjian, « La « crise antijuive » (1895-1902) », dans Antijudaïsme et antisémitisme en Algérie coloniale : 1830-1964, Presses universitaires de Provence, coll. « Le temps de l’histoire », , 39–62 p. (ISBN 979-10-365-7739-0, lire en ligne)
  14. Colette Weinstein, « Morial - 22 janvier 1898 : violentes manifestations antisémites dans toute l’Algérie française », sur Morial (consulté le )
  15. a et b Le Temps, 19 février 1901
  16. Le Temps, 11 février 1901 ( Appel de Max Régis, appel de l'Union, lettres d'adhérents de l'Union ). Cf. aussi les numéros suivants/
  17. Le Temps, 13 février 1901
  18. Le Temps, 14 février 1902
  19. La Croix, 13 février 1901
  20. Le Figaro, 1er mai 1901, p. 1-2.
  21. Bertrand Joly, Dictionnaire biographique et géographique du nationalisme français (1880-1900), Paris, Honoré Champion, 2005, et p. 343.
  22. Raphaël Viau, Vingt ans d'antisémitisme (1889-1909), Paris, Fasquelle, 1910, p. 307-313
  23. Michelbach 1994, p. 93.
  24. André Micaleff, Le mur de silence : petite chronique allemande, Paris, L'Harmattan, , 139 p. (ISBN 978-2-296-05951-1, lire en ligne).

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Dermenjian G., Antijudaïsme et antisémitisme dans l'Algérie coloniale, Presses Universitaires de Provence, 2018.
  • Hebey P.,« Alger 1898. La grande vague antijuive », Nil, 1994.
  • Eugène Masson (d), Max Régis et son œuvre, Paris, Paul Dupont, 1901.
  • Pierre Michelbach, « Max Régis, le Drumont d'Alger », L'Histoire, no 173,‎ , p. 90-93.

Liens externes

[modifier | modifier le code]