Lutte de Jacob avec l'ange
Lutte de Jacob avec l'ange | ||||||||
Épisode du Livre de la Genèse | ||||||||
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Alexandre-Louis Leloir, Lutte de Jacob avec l'ange (1865), Clermont-Ferrand, musée d'art Roger-Quillot. | ||||||||
Localisation | Genèse 32:22-32 | |||||||
Parasha | Vayishla'h | |||||||
Lieu(x) de l’action | Peniel, sur les rives du Jabbok | |||||||
Personnages | Jacob/Israël et son adversaire | |||||||
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La lutte de Jacob avec l'ange est un épisode biblique du livre de la Genèse.
Revenu à Canaan, Jacob est demeuré seul sur la rive du Jabbok après avoir pris diverses dispositions en vue des retrouvailles redoutées avec son frère Esaü. Durant la nuit et jusqu’à l’aube, il lutte contre un mystérieux adversaire, se fait blesser par lui à la hanche et reçoit sa bénédiction ainsi que le nouveau nom d’Israël sous lequel sa descendance sera désormais connue.
Cet épisode est à l'origine de la coutume juive d'abstention de consommer le ligament de la hanche. Suivant la foi, l'incident est interprété diversement.
Extrait biblique
[modifier | modifier le code]Livre de la Genèse, chapitre 32, 23-32 (traduction Bible de Jérusalem)
« Cette même nuit, il se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants et passa le gué du Yabboq. Il les prit et leur fit passer le torrent, et il fit passer aussi tout ce qu'il possédait. Et Jacob resta seul. Quelqu'un lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore. Voyant qu'il ne le maîtrisait pas, il le frappa à l'emboîture de la hanche, et la hanche de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lui. Il dit : Lâche-moi, car l'aurore est levée, mais Jacob répondit : Je ne te lâcherai pas, que tu ne m'aies béni. Il lui demanda : Quel est ton nom ? - Jacob, répondit-il. Il reprit : On ne t'appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort contre Dieu et contre tous les hommes et tu l'as emporté. Jacob fit cette demande : Révèle-moi ton nom, je te prie, mais il répondit : Et pourquoi me demandes-tu mon nom ? et, là même, il le bénit. Jacob donna à cet endroit le nom de Penuel, car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face et j'ai eu la vie sauve. Au lever du soleil, il avait passé Penuel et il boitait de la hanche. »
— Genèse 32, 24-32
Interprétations
[modifier | modifier le code]L'identité de l'adversaire de lutte de Jacob est un sujet de débat[1]. Il est nommé diversement, tantôt comme une figure de rêve, une vision prophétique, un ange (comme Michael et Samael), un esprit de rivière protecteur, Dieu ou Jésus, ou une réminiscence mythologique[2].
Judaïsme
[modifier | modifier le code]Le personnage contre lequel lutte Jacob est souvent décrit comme un « ange ». Cet adversaire de Jacob est dit être malakh qui signifie effectivement « ange ». C'est déjà le cas dans le livre d'Osée[3] :
« Dans le sein maternel Jacob saisit son frère par le talon, et dans sa vigueur, il lutta avec Dieu. Il lutta avec l’ange, et il fut vainqueur, il pleura, et lui adressa des supplications. Jacob l’avait trouvé à Béthel, et c’est là que Dieu nous a parlé. »
L'âge relatif du texte de la Genèse et d'Osée[3] n'est pas clair car tous deux font partie de la Bible hébraïque telle que rédigée à l'époque du Second Temple, et il a été suggéré que malakh pourrait être une modification tardive du texte, et représenterait en tant que tel une première interprétation juive de l'épisode[4].
Rachi (XIe) pense que Jacob a lutté avec l'ange gardien d'Ésaü (identifié comme Samael)[5], son frère jumeau aîné[6] tandis que Moïse Maïmonide (XIIe) considère que l'incident est « une vision de prophétie »[7] ; Zvi Kolitz (1993) fait référence à Jacob « luttant avec Dieu »[8].
À la suite de la blessure à la hanche que Jacob a subie pendant la lutte, la loi juive interdit de manger le gid hanasheh (nerf sciatique), qui passe par l'orbite de la hanche, exigeant qu'il soit retiré de la viande par le processus de nikkur[9], comme mentionné dans le récit de Genèse 32 :33[10].
Christianisme
[modifier | modifier le code]L'interprétation selon laquelle « Jacob a lutté avec Dieu » (glosé dans le nom d'Israël) est courante dans la théologie protestante, approuvée par les réformateurs protestants Martin Luther et Jean Calvin (bien que Calvin croyait que l'événement n'était « qu'une vision »)[7], ainsi que des écrivains ultérieurs tels que Joseph Barker (1854)[11] ou Peter L. Berger (2014)[12]. D'autres commentaires traitent l'expression de Jacob ayant vu « Dieu face à face » comme faisant référence à l'Ange du Seigneur comme au « Visage de Dieu »[13].
La proximité des termes « homme » et « Dieu » dans le texte de certains commentaires chrétiens est également considérée comme évocatrice d'une christophanie. J. Douglas MacMillan (1991) suggère que l'ange avec lequel Jacob lutte est une « apparition pré-incarnation du Christ sous la forme d'un homme »[14].
Selon un autre commentaire chrétien sur l'incident biblique décrit, « Jacob a dit : « J'ai vu Dieu face à face », la remarque de Jacob ne signifierait pas nécessairement que « l'homme » avec lequel il a lutté est Dieu. Au contraire, comme pour d'autres déclarations similaires, quand on voyait « l’ange du Seigneur », il convenait de prétendre avoir vu le visage de Dieu »[13].
Islam
[modifier | modifier le code]L'histoire du combat de Jacob n'est jamais mentionnée dans le Coran mais elle est évoquée dans les commentaires musulmans[15],[16], en l'utilisant pour expliquer d'autres événements de la Bible hébraïque qui sont discutés dans le Coran et qui ont des parallèles, comme Moïse (Moussa) attaqué par un ange[17], et pour expliquer les coutumes alimentaires juives[15].
Comme certains commentateurs juifs, les commentateurs islamiques décrivent l'événement comme une punition pour Jacob qui ne donnait pas la dîme à Dieu mais faisait une offrande comme une dîme à Ésaü[17].
Autres vues
[modifier | modifier le code]Dans une analyse du livre de 1968 du philosophe marxiste Ernst Bloch, Atheism in Christianity, Roland Boer[18] dit que Bloch considère l'incident comme tombant dans la catégorie du « mythe, ou du moins de la légende ». Boer appelle cela un exemple de "Dieu assoiffé de sang et vengeur... surpassé par des êtres humains rusés désireux d'éviter sa fureur".
L'incident de la lutte au bord d'un ruisseau est comparé aux récits de la mythologie grecque du duel du héros Achille avec le dieu du fleuve Scamandre[19] et du roi Ménélas luttant avec le dieu de la mer Protée[20].
On prétend également que cet incident, ainsi que d'autres histoires de l'Ancien Testament sur les patriarches juifs, reposent sur la mythologie égyptienne liée au pharaon Akhénaton, où Jacob serait le dieu Osiris/Wizzer, Ésaü serait la divinité Seth, et l'événement figurerait la lutte entre eux.
Dans The Encyclopedia of Angels, Rosemary Ellen Guiley donne ce résumé[21] :
- « Cette scène dramatique a suscité de nombreux commentaires de la part des théologiens judaïques, catholiques et protestants, des biblistes et des critiques littéraires. Jacob lutte-t-il avec Dieu ou avec un ange ? … Il n'y a pas de réponse définitive, mais l'histoire a été rationalisée : romancée, traitée comme un mythe et traitée symboliquement. »
Arts plastiques
[modifier | modifier le code]Ce passage a inspiré de nombreux artistes, on trouve notamment ce sujet dans :
- une peinture de Rembrandt (1659), Berlin, Gemäldegalerie[22] ;
- une peinture de Paul Baudry (1853), musée municipal de La Roche-sur-Yon ;
- une gravure de Gustave Doré (1855) ;
- une peinture murale d'Eugène Delacroix pour la chapelle des Saints-Anges de l'église Saint-Sulpice de Paris (1861) ;
- une peinture d'Alexandre-Louis Leloir (1865), Clermont-Ferrand, musée d'Art Roger-Quilliot ;
- une peinture de Léon Bonnat (1876) dont l'une des versions et des esquisses sont au Musée Bonnat-Helleu de Bayonne ;
- une peinture de Gustave Moreau (1878), Paris, musée Gustave-Moreau[23] ;
- une peinture de Paul Gauguin (1888), également intitulée La Vision après le sermon, Édimbourg, Galerie nationale d'Écosse[24] ;
- une peinture de Maurice Denis (vers 1893), collection particulière[25] ;
- une peinture d'Odilon Redon (vers 1910), Paris, musée d'Orsay[26] ;
- une sculpture de René Iché (1942), Paris, musée national d'Art moderne[27] et Montpellier, musée Fabre ;
- plusieurs peintures et vitraux de Marc Chagall, dont l'une est conservée à Nice au musée national Marc Chagall[28].
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Chapiteau de la basilique de Vézelay (XIIe siècle).
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Par Gustave Doré (1855), gravure.
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Par Eugène Delacroix (1861), église Saint-Sulpice de Paris.
Littérature et cinéma
[modifier | modifier le code]- Le début du roman de Dodie Smith I Capture the Castle (1948).
- Dans The Stone Angel (L'Ange de pierre) de Margaret Laurence.
- La pièce de théâtre de Tony Kushner de 1990 Angels in America (Des anges en Amérique). La version jouée sur scène s'inspire du tableau de 1865 d'Alexandre-Louis Leloir.
- Zadie Smith la mentionne dans son roman de 2005 On Beauty (Sur la beauté), notamment celle peinte par Rembrandt (spécialité de son personnage principal : le Professeur Howard Belsey).
- La Lutte de Jacob avec l'Ange est omniprésente dans le film de Sally Potter La Leçon de tango (sortie en France en 1998) comme une métaphore de la danse et de la vie.[réf. nécessaire]
- La lutte avec l'ange (1939-1949) Publication 1950, Claude Vigée. Réédition L'Harmattan 2005 : Collection Poètes des cinq continents.
- Numéro spécial La Lutte avec l'ange, Temporel, no 1, [29].
- Dans Les Faux-monnayeurs d'André Gide (1925), au chapitre 13 de la troisième partie.
- Dans Feux de Marguerite Yourcenar (1936), dans une des notes qui suivent "Léna ou le secret" et précèdent "Marie-Madeleine ou le salut".
- Dans Le Livre des nuits (Gallimard, 1984), premier roman de l'écrivain française Sylvie Germain.
- Bernard Teyssèdre analyse le travail de l'imaginaire qui sous-tend la peinture de Delacroix dans son prologue à l'ouvrage Anges, astres et cieux: figures de la destinée et du salut [archive] publié en 1987.
- La Lutte avec l'Ange de Jean-Paul Kauffmann, 2001, Éd. La Table Ronde.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- https://archive.org/details/martialartsworld00gree p. 788
- (en) Psychology and the Bible. 2: From Genesis to apocalyptic vision, Greenwood Press, (ISBN 978-0-275-98349-9), p. 77
- Osée, 12, 4-5 (lire sur Wikisource).
- (en) Myrto Theocharous, Lexical Dependence and Intertextual Allusion in the Septuagint of the Twelve Prophets: Studies in Hosea, Amos and Micah, Bloomsbury Publishing USA, (ISBN 978-0-567-11252-1, lire en ligne) :
« (trad.) le mot est considéré comme une glose par de nombreux écrivains »
- (en)Howard Schwartz; Elliot K. Ginsburg (2006). Tree of Souls: The Mythology of Judaism (illustrated, reprint, annotated ed.). Oxford University Press. p. 359. (ISBN 9780195327137).
- (en) Shammai Engelmayer; Joseph S. Ozarowski; David Sofian (1997). Lipman, Steve (ed.)., Common ground: the weekly Torah portion through the eyes of a Conservative, Orthodox, and Reform rabbi, Jason Aronson, (ISBN 978-0-7657-5992-4), p. 50
- (en)Loades, Ann; McLain, Michael, eds. (1992). "Wrestling with the Angel: A Study in Historical and Literary Interpretation". Hermeneutics, the Bible, and Literary Criticism (illustrated ed.). Springer. pp. 133–4. (ISBN 9781349219865).
- (en) Zvi Kolitz, Confrontation: the existential thought of Rabbi J. B. Soloveitchik, KTAV Publ. House, (ISBN 978-0-88125-431-0), p. 50
- (en) Ze'ev Maghen, After hardship cometh ease: the Jews as backdrop for Muslim moderation, W. de Gruyter, coll. « Studien zur Geschichte und Kultur des islamischen Orients », (ISBN 978-3-11-018454-9), p. 117
- (en)Eli Yassif (2009). The Hebrew Folktale: History, Genre, Meaning. Indiana University Press. p. 13. (ISBN 9780253002624).
- (en)Joseph Barker (1854). Seven Lectures on the Supernatural Origin & Divine Authority of the Bible. By J. Barker. Containing his reply to the Rev. Mr. Sergeant, etc. George Turner. p. 87.
- (en)Peter L. Berger (2014). Redeeming Laughter: The Comic Dimension of Human Experience (2, reprint ed.). Walter de Gruyter. p. 88. (ISBN 9783110354003).
- Tremper Longman; David E. Garland (2008). pp. 255-256
- (en)MacMillan, J. Douglas (1991). Wrestling with God: Lessons from the Life of Jacob. Evangelical Press of Wales. p. 56.
- (en) Ibn Kathir, « Story of Ya'qub (Jacob) - The Stories of the Prophets », sur sunnahonline.com (consulté le )
- (en) Scott B. Noegel et Brannon M. Wheeler, The A to Z of Prophets in Islam and Judaism, Scarecrow Press, (ISBN 978-1-4617-1895-6, lire en ligne), p. 160-162
- (en) Brannon M. Wheeler, Moses in the Quran and Islamic Exegesis, Psychology Press, (ISBN 978-0-7007-1603-6, lire en ligne), p. 55
- Roland Boer (2007). Criticism of Heaven: On Marxism and Theology. Brill. pp. 39, 41. (ISBN 9789004161115).
- (en)Donald H. Mills (2002). The Hero and the Sea: Patterns of Chaos in Ancient Myth. Bolchazy-Carducci Publishers. pp. 145–149. (ISBN 978-0-86516-508-3).
- (en)Bruce Louden (2011). Homer's Odyssey and the Near East. Cambridge University Press. pp. 114–118. (ISBN 9781139494908).
- (en)Guiley, Rosemary E. (2004). The Encyclopedia of Angels. Infobase Publishing. p. 195. (ISBN 9781438130026).
- « SMB-digital | Jakob ringt mit dem Engel », sur www.smb-digital.de (consulté le )
- « Gustave Moreau | Jacob et l'Ange », sur RMN-Grand Palais (consulté le )
- (en) « Vision of the Sermon (Jacob Wrestling with the Angel) », sur National Galleries of Scotland (consulté le ).
- Catherine Verleysen, Maurice Denis et la Belgique, 1890-1930, Louvain, Leuven University Press, , 176 p. (ISBN 978-90-5867-808-9, lire en ligne), p. 62
- « Musée d'Orsay: Notice d'Oeuvre », sur www.musee-orsay.fr (consulté le )
- « Etude pour Jacob et l'ange | Centre Pompidou », sur www.centrepompidou.fr (consulté le )
- « La lutte de Jacob et de l'ange | Chagall - Musées nationaux des Alpes maritimes », sur musees-nationaux-alpesmaritimes.fr (consulté le ).
- temporel.fr.