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Jennifer Lufau

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Jennifer Lufau
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Streameuse, entrepreneuse, conférencièreVoir et modifier les données sur Wikidata
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Illustration de Jennifer Lufau de 2021

Jennifer Lufau, née en au Togo, est une gameuse et experte en marketing digital, qui vit en France.

Elle est fondatrice et présidente de l'association Afrogameuses, qui lutte contre le racisme dans le domaine du jeu vidéo et tente de favoriser une meilleure représentativité des femmes noires.

Active et impliquée dans le domaine des jeux vidéo, elle est également l'autrice du blog Call me Jane Bond.

Jennifer Lufau, naît au Togo, en 1993. Elle grandit au Bénin, puis emménage en France vers l'âge de sept ans[1]. Elle joue beaucoup aux jeux vidéos dès son enfance[2].

Experte en marketing digital[3] en tant que consultante en diversité et inclusion (D&I) et sensitivity reader dans le domaine du jeu vidéo[4], elle est l'autrice d'une thèse professionnelle intitulée « En quoi le Big Data transforme déjà le marketing ? », publiée en [5].

Enfant, elle fréquente quotidiennement un cybercafé à la sortie de l'école, pour y jouer à Prince of Persia[6],[7]. Plus tard elle joue à League of Legends, Mortal Kombat et Tekken[8]. Autour d'elle, il n'existe aucune fille pour partager sa passion et ce n'est pas un sujet abordé par ses copines de classe. Une fois arrivée en France, elle reste longtemps dépourvue d'ordinateur et ce n'est que vers l'âge de dix-sept ans qu'elle recommence à jouer régulièrement. Une nouvelle fois, elle constate qu'elle est l'une des rares jeune femme à jouer. Une fois adulte, une autre question s'impose à elle : « Où sont les femmes noires dans les jeux vidéo ? »[9]. Elle réalise qu'en tant que joueuse, elle se perçoit comme une espèce d’anomalie : femme et noire. Elle y dit rencontrer des personnes extraordinaires sur les plateformes de jeux multi-joueurs et apprécier cet aspect socialisant qui permet de se faire beaucoup d’amis. Cependant, « ce n’est pas le monde des Bisounours, loin de là »[7].

Pour Jennifer Lufau, être une femme noire geek, dans l'univers raciste et sexiste du gaming, constitue en soi un geste militant. Cela représente un motif de harcèlement, subi à travers la réception régulière de commentaires haineux. Le fait de jouer des personnages noirs est un véritable « aimant à insultes »[7]. Pour éviter cette situation, de nombreuses femmes racisées évoluent dans ce milieu sous des pseudos à consonance masculine[10]. Trop souvent témoin, mais aussi victime, de comportements discriminants, elle rapporte être souvent victime de racisme dans le monde du streaming et déplore le fait que la seule action possible pour contrer les insultes est de bannir, signaler et bloquer les personnes. Ces personnes conservent cependant « la possibilité de reproduire à l’infini ces mêmes insultes »[7]. Pour elle, c'est aux plate-formes de prendre leurs responsabilités ; elle cite à titre d'exemple celle Twitch, qui ne fait pas ce travail-là[7]. De fait, les joueuses développent de nombreuses stratégies d’évitement pour esquiver ces harcèlements. Par exemple, en modifiant leurs pseudos, en désactivant leurs micros ou en jouant des personnages masculins, ceux de l'action, car ceux-ci sont « réputés comme plus forts, plus virils »[7], les personnages féminins étant considérés comme des personnages faibles[7].

Inspirée par le mouvement Black Lives Matter, elle se lance dans la rédaction d'un article sur la communauté d'afrogameuses[9], qu'elle publie sur le blog Call me Jane Bond[11], qu'elle tient depuis . Ses rencontres avec d’autres femmes dans cette même situation lui permettent d'échanger autour de leurs expériences respectives. C'est ainsi qu'elle crée, en compagnie de trois autres femmes, le [12], le collectif « Afrogameuses », dans le but remédier à cette invisibilisation[6],[13], en contactant des femmes concernées par le biais de réseaux féministes, tels que Women in Games, et des groupes anti-racistes, comme Black Geeks[12]. Depuis, cette association milite activement pour rendre l’industrie du jeu vidéo plus inclusive, en dénonçant le racisme et le sexisme et en appellant les entreprises du secteur à s'emparer du sujet[7].

En , la chaine de télévision suisse RTS lui consacre une partie de son émission Vertigo, dans un reportage intitulé « Être une femme racisée dans lʹunivers sexiste des jeux vidéo »[14].

En , le magazine Vanity Fair élit Jennifer Lufau comme l'une des « cinquante Françaises qui ont fait 2020 »[15],[16],[17],[18].

Son personnage préféré est Vella, dans le jeu Broken Age, une femme noire métisse, « un personnage qui prend son propre destin en main et sort de ce cadre stéréotypé. C’est aussi le personnage principal du jeu, ce qui est assez rare ». Elle apprécie aussi Darcy Stern, dans Urban Chaos, une femme noire qui joue le rôle d’une policière, qui lui plait « même si elle correspond à cette image d’agressivité trop souvent associée aux femmes noires ». Elle regrette que si peu de personnages d’origine indienne ou pakistanaise soient représentés dans les jeux, à part quelques exceptions, comme dans Unknown9: Awakening, où le personnage principal, Haroona, est une petite fille indienne[6].

Questionnements

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« Le jeu vidéo a-t-il peur du noir ? »

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Cette question est posée en 2015, dans le cadre de la table ronde organisée par le média Arrêt sur images[12],[19].

En France, les statistiques ethniques sont très encadrées. Il n'existe aucun chiffre pour évaluer la place des personnes racisées dans les studios, ce qui, pour Jennifer Lufau, est un « schéma est assez universel : globalement, peu de minorités travaillent dans la tech » alors qu'il existe une « vraie demande de la part des personnes racisées pour que les studios mettent en place des dispositions concrètes pour faire évoluer cette situation »[6]. Environ 15 % des postes de travail liés au secteur du jeu vidéo sont occupés par des femmes. De ce manque de représentativité à l'échelon créatif découle la mise en scène de personnages féminins stéréotypée et hypersexualisée. De plus, les héroïnes noires sont exoticisées, sous formes objets sexuels fétichisés, et sont déshumanisées, présentées comme agressives et dénuées de sentiments. Leur représentation physique reste superficielle car les studios ne se donnent pas les moyens de créer une représentation réaliste des coiffures afro ou de la couleur de peau. Elles n’occupent que très rarement un premier rôle, car les studios et les investisseurs les considèrent comme un risque[6].

Activités et engagement

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Le collectif Afrogameuses

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Jennifer Lufau est la fondatrice et présidente de l'association Afrogameuses[20],[21],[22],[23], qui lutte contre le racisme dans le domaine du jeu vidéo et tente de favoriser une meilleure représentativité des femmes noires, à travers des actions inscrites dans un courant afroféministe. Elle crée l'association en plein confinement[24],[2]. Elle regrette qu'on ne parle pas assez du fait que de nombreuses personnes sont victimes à fois de racisme et de sexisme. Pour elle, « le féminisme, à l’origine, n’a pas été pensé pour les personnes racisées, et ne poursuit donc pas les mêmes objectifs. Être noir est un marqueur social qui s’ajoute au fait d’être une femme, et c’est quelque chose qui fait la différence aujourd’hui, dans le monde entier »[6],[25].

Le monde du jeu vidéo est porteur de ces mêmes conflictualités[12]. En 2021, on compte 47 % de joueuses et 53 % de joueurs en France[7]. Cependant, le sexisme reste très courant, concrétisé par des commentaires portant sur le choix des personnages, ainsi que par des remarques en vocal, le plus souvent au moment où certains joueurs se rendent compte que la personne qui joue « ou streame » est de genre féminin[7].

L'association Afrogameuses est active autour de quatre axes. Tout d'abord, elle vise à soutenir l'amélioration de la représentation des personnes racisées dans le monde du jeu vidéo, à travers la mise en avant de rôles modèles visant à développer l'intérêt des femmes noires pour ce milieu, tant pour y travailler que pour y streamer. Ensuite, elle renforce l'information et l'accompagnement des membres de l’association dans leurs projets, par le biais de la mise en place d'ateliers de coaching. De plus, elle propose un espace de soutien destiné à recevoir les personnes qui subissent des comportements toxiques, tels que des commentaires ou des agressions racistes en ligne, dans le cadre d'espace bienveillant d’écoute. Enfin, elle favorise sensibilisation du grand public et des acteurs du secteur du jeu vidéo à travers divers événements et partenariats[6]. Parmi leurs propositions figurent l'édition d'un guide de référence à destination des éditeurs des studios[12] et d'un guide anti-misogynoir (anti-sexisme et anti-racisme), destiné à accompagner les jeunes gameuses victimes de harcèlement, ainsi que la publication d'un manifeste revendiquant la création personnages féminins noirs non stéréotypés[9]. Le collectif a également la volonté de contribuer à la mise en place d'une étude permettant de mesurer la toxicité présente dans le monde du jeu vidéo, envers les femmes noires et toutes les personnes susceptibles d’être discriminées[6].

Le , sur la plateforme Twitch, les membres du collectif animent une Master Class sur la chaîne de Madmoizelle[12].

En , le collectif signe son premier partenariat avec Maratus Game, un studio indépendant belge, notamment développeur du jeu Arisen, un jeu de cartes narratif sur l'esclavage, basé sur un choix de personnages féminins, masculins, binaires, homosexuels, hétérosexuels et bisexuels[26].

En , soit neuf mois après sa création, le collectif Afrogameuses compte plus de 3 000 abonnés sur son compte Twitter[27].

Notes et références

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  1. Océane Viala | 19 août 2020 | 2 commentaires, « Afrogameuses et Jennifer Lufau : lutter contre le racisme et le sexisme dans les jeux vidéos », sur madmoiZelle.com, (consulté le )
  2. a et b « Journée des droits des femmes : Jennifer Lufau, « l’Afrogameuse » qui combat sexisme et racisme dans le jeu vidéo », sur www.20minutes.fr (consulté le )
  3. « Jennifer Lufau, Afrogameuses : "Les discriminations n’épargnent pas le monde du gaming" », sur JEU.VIDEO, (consulté le )
  4. (en) « Consultante D&I et Sensitivity Reader », sur JENNIFER LUFAU, (consulté le )
  5. Lufau, Jennifer, Intelligence artificielle : en route vers un marketing 4.0?, Paris, Institut Léonard de Vinci, , 88 p. (lire en ligne)
  6. a b c d e f g et h « Jennifer Lufau | Institut français », sur www.institutfrancais.com (consulté le )
  7. a b c d e f g h i et j « Jennifer Lufau, la gameuse qui combat les dérives de l'industrie du jeu video », sur Maddyness - Le Magazine sur l’actualité des Startups Françaises, (consulté le )
  8. « Les Afrogameuses : un mouvement pour inclure les femmes noires dans le jeu vidéo », sur Les Éclaireurs, (consulté le )
  9. a b et c « "Comme le cinéma, le jeu vidéo est là pour faire rêver. Tout le monde devrait pouvoir s'identifier" (Jennifer Lufau) », sur ladepeche.fr (consulté le )
  10. « Femme noire dans le monde des jeux vidéos, un acte militant », sur rts.ch, (consulté le )
  11. « À propos de Jane Bond de l'auteur », sur CallMeJaneBond (consulté le )
  12. a b c d e et f 01net, « Le combat des Afrogameuses pour être visibles dans la communauté gaming est un combat pour la réalité », sur 01net (consulté le )
  13. « Afrogameuses veut valoriser les joueuses et streameuses noires », sur Les Echos Start, (consulté le )
  14. « Être une femme racisée dans lʹunivers sexiste des jeux vidéo - Radio », sur Play RTS (consulté le )
  15. La Rédaction de Vanity Fair et Condé Nast Digital France, « Les 50 Françaises les plus influentes en 2020 », sur Vanity Fair, (consulté le )
  16. (en-US) « JENNIFER LUFAU, UNE AFROGAMEUSE QUI VEUT CHANGER LE GAME », sur Nanas Benz (consulté le )
  17. « Ces 50 femmes qui ont marqué 2020 selon Vanity Fair : Despentes, Marine Serre, Assa Traoré... », sur RTBF (consulté le )
  18. « Les Françaises de moins de 35 ans qui ont fait l'année 2020 », sur Les Echos Start, (consulté le )
  19. « Le jeu vidéo a-t-il peur du noir ? - Par La rédaction | Arrêt sur images », sur www.arretsurimages.net (consulté le )
  20. (en-US) « Les Portraits du jeu vidéo : Jennifer Lufau », sur Xbox Wire en Francais, (consulté le )
  21. « Les femmes noires à la conquête du jeu vidéo : avec AfroGameuses, "une génération qui ne veut plus rester silencieuse" », sur France 3 Hauts-de-France (consulté le )
  22. « Le journal de 12h30 du vendredi 12 novembre 2021, présenté par Gaëlle Malet [REPLAY] », sur Réunion la 1ère (consulté le )
  23. « Inclusivité et jeux vidéo : de la nécessité de diversifier le médium », sur Red Bull (consulté le )
  24. « Jeux vidéo. Contre le racisme et le sexisme, « Afrogameuses doit faire bouger les choses » », sur www.msn.com (consulté le )
  25. « Les femmes noires à la conquête du jeu vidéo : avec AfroGameuses, "une génération qui ne veut plus rester silencieuse" », sur France 3 Hauts-de-France (consulté le )
  26. « Afrogameuses signe son 1er partenariat pour une industrie plus inclusive », sur AFJV (consulté le )
  27. « https://twitter.com/afrogameuses », sur Twitter (consulté le )

Liens externes

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