Jean-Claude Richard de Saint-Non
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Jean-Claude Richard, abbé de Saint-Non, né le à Paris où il est mort le , est un graveur, dessinateur et amateur d’art français.
Le zèle et le dévouement qu’il a apporté à son grand œuvre, auquel il a consacré sa fortune[1], le font considérer comme l’amateur d’art le plus distingué de la seconde moitié du XVIIIe siècle[2].
Biographie
[modifier | modifier le code]Fils de Jean-Pierre Richard, receveur général et payeur des rentes de l’hôtel de ville de Paris et de Marie-Anne, fille du peintre Louis de Boullogne, il est destiné, comme cadet de sa famille, à entrer dans les ordres et la magistrature. Pour complaire à ses parents, il prend la tonsure et la robe[a], et siège à regret au palais de la Cité pendant plusieurs années[4].
Las d’exercer la magistrature, il demande un congé pour aller passer quelques mois en Angleterre[4]. En 1753, les querelles engendrées par la bulle Unigenitus et l’affaire des billets de confession (1752-1757) ayant conduit à l’exil de cent quatre-vingts parlementaires de Paris, il est compris dans cette mesure, et se retire à Poitiers, où il restera plus d’une année. Cette période de sa vie a été un des moments les plus heureux de sa vie : rendu à la vie privée, il s’occupe de musique et de dessin, il apprend la gravure en aquatinte auprès de son inventeur François-Philippe Charpentier[5], et se livre dès lors entièrement à son inclination pour les arts, qui ne faisait qu’augmenter[4], et dont il reste une trace dans une petite estampe de lui intitulée « Vue des environs de Poitiers », datant de 1753[1].
Après la réconciliation du roi et du Parlement, voulant se livrer entièrement à l’art, il vend sa charge, et obtient en commende l’abbaye de Pothières en 1759[3], à la suite de quoi il fait, en octobre de la même année, le voyage d’Italie[6], où il se lie étroitement avec Fragonard et Hubert Robert[7], dont il deviendra le protecteur et principal commanditaire[8]. Il accomplit avec eux le voyage de Sicile et de Naples, gravissant les sommets du Vésuve, descendant sous les profondeurs d’Herculanum, habitant même plusieurs mois de suite à Tivoli, et dans la Villa d’Este, que lui avait prêtée l’envoyé de Modène. Le roi de Naples lui fait présent d’un magnifique recueil des gravures d’Herculanum[4]:8. Il se livre également à des observations sociologiques, frappé, notamment, par le grand nombre de castrats à Naples[9].
À son retour en France, en juin 1761[6], il entreprend de publier la précieuse collection de ses deux ans de travaux intitulée Voyage pittoresque de Naples et de Sicile, chez Jean-Baptiste Delafosse, Paris, 1781-1786, 5 vol. in-fº, accompagnées de 542 planches et vignettes, gravées par lui-même et par les meilleurs artistes du temps (entre autres Charles-Nicolas Cochin, Pierre-Philippe Choffard, Heinrich Guttenberg, Joseph de Longueil) d’après ses propres dessins, ceux de Clément-Pierre Marillier, de Jean-Robert Ango[10], et de Claude-Louis Châtelet, et ceux de ses compagnons de voyage, car il en a exécuté un grand nombre, soit à l’eau-forte, soit au lavis par un procédé de son invention, et qui diffère de celui de Jean-Baptiste Le Prince[11], artiste dont Saint-Non a d’ailleurs lui-même gravé, en 1755, une suite de paysages d’après des dessins réalisés dans la propriété voisine du collectionneur et amateur de gravures Claude-Henri Watelet[12].
Une semblable publication, ne s’adressant qu’à un nombre très restreint de riches amateurs, était au-dessus des forces d’un simple particulier. Elle s’est avérée ruineuse pour Saint-Non, absorbant non seulement sa propre fortune, mais aussi celle d’un de ses frères[4]. En 1783, tous deux sont tellement pressés d’argent qu’ils doivent faire appel à leur commanditaire, Jean-Benjamin de La Borde[13],[14]. Il n’en remplira pas moins sa tâche jusqu’au bout, ne conservant pour ressource que les revenus de son abbaye, évalués à 7 000 livres. Cependant, aux premiers jours de la Révolution, aux idées desquelles il était très favorable[b] , il n’hésite pas à en offrir la moitié à la nation[3].
Saint-Non était lié avec les principaux philosophes et écrivains de son temps, il faisait partie de cette société de lettrés qui répandait et défendait les idées nouvelles et préparait la Révolution. Il fréquentait assidûment le salon de Franklin[15],[16], à Passy et[c], lorsqu’il part pour l’Italie, Rousseau le recommande tout particulièrement à son ami[d], le pasteur Vernes[18], et D’Alembert à Voltaire[e].
Saint-Non a encore gravé un certain nombre de pièces dont les principales sont : une suite de huit Vues du moulin Joli ; un Recueil de griffants, grand in-fol. de 294 pl. ; deux eaux-fortes originales : la Visite à la malade et Le Concert, et un grand nombre d’estampes d’après François Boucher, Hubert Robert, Fragonard, Jean-Georges et Pierre-Alexandre Wille, Le Prince, Berchem, et ses propres dessins[3].
Saint-Non avait été admis, à l’unanimité[4], sous le titre d’honoraire associé libre, dans l’Académie de peinture, le [20]. Fidèle à la Révolution jusqu’à son dernier souffle, ses dernières paroles ont été : « Et le patriotisme, se soutient-il[4] ?… »
Galerie
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Jean-Claude Richard, l'‘bbé de Saint-Non, vêtu à l’espagnole par Jean-Honoré Fragonard (1769), Barcelone, musée national d'Art de Catalogne.
-
Les Deux Sœurs, pastel sur papier (1770), Metropolitan Museum of Art
Publications
[modifier | modifier le code]- Voyage pittoresque ou Description des royaumes de Naples et de Sicile en 5 tomes, Précis historique de leurs Révolutions, vues du royaume et de la ville de Naples, ses palais, ses églises, ses tombeaux. Ses poètes, peintres, musiciens les plus connus. Le Vésuve avec l’histoire de ses éruptions les plus connues. Les mœurs et usages du peuple napolitain, ainsi qu’une idée de son gouvernement, commerce et des productions naturelles de ce pays sur Gallica, vol. 1, 1re partie ; Antiquités d’Herculanum et de Pompéi, des Champs Phlégréens, de la Campanie sur Gallica, volume 1, 2e partie ; Le Voyage ou circuit de la partie méridionale de l’Italie appelée anciennement Grande-Grèce sur Gallica, vol. 3 ; lire en ligne sur Gallica, vol. 4, 1re partie ; Description de la Sicile sur Gallica, vol. 4, 2e partie.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Il ne prend cependant que le sous-diaconat et achète, en 1749, une charge de conseiller clerc au Parlement de Paris[3].
- Un de ses amis députés de la noblesse aux États généraux ayant fait tous ses efforts pour empêcher la réunion des ordres, Saint-Non, l’a rayé de ses amis[4].
- Saint-Non a réalisé une estampe de Franklin intitulée « Le Docteur Franklin couronné par la liberté », aquatinte, Paris, Bibliothèque Nationale de France, département des estampes et de la photographie[17].
- À son retour d’Italie, Saint-Non lui offrira quelques gravures des paysages dont il avait enrichi son Voyage de Naples, estampes que Rousseau a acceptées avec plaisir. Quelqu’un ayant parlé de les enluminer, « Non, non, dit Rousseau, mon imagination y mettra les couleurs. »[4].
- Lettre nº 3934 de D’Alembert à Voltaire datée de Paris, le 27 septembre 1759[19].
Références
[modifier | modifier le code]- (en) Emilia Francis Strong Dilke et Lessing J. Rosenwald, French engravers and draughtsmen of the XVIIIth century, Londres, G. Bell & Sons, , xix-227 p., pl., portr. ; 29 cm (OCLC 1903733, lire en ligne), p. 15xix-227 p.&rft_id=info:oclcnum/1903733&rfr_id=info:sid/fr.wikipedia.org:Jean-Claude Richard de Saint-Non">.
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- (en) Philadelphia Museum of Art Bulletin, vol. 41-45, Philadelphie (lire en ligne), p. 22.
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- Louis Guimbaud, Saint-Non et Fragonard : d’après des documents inédits, Paris, Le Goupy, , 219 p., illus., ports. ; in-8º (OCLC 791923, lire en ligne), p. 141.
- Œuvres complètes de Voltaire : nouvelle édition précédée de la Vie de Voltaire, par Condorcet et d’autres études biographiques, vol. 40 Correspondance, t. VIII années 1759-1760, Paris, A. Quantin et Cie, , 588 p., 52 vol. ; in-8º (OCLC 916497302, lire en ligne sur Gallica), chap. 3740-4281, p. 180.
- Charles Nisard, éd., Correspondance inédite du comte de Caylus avec le P. Paciaudi, théatin (1757-1765) suivie de celles de l’abbé Barthelemy et de P. Mariette avec le même, t. 1, Paris, Impr. nationale, , 2 vol. ; in-8º (OCLC 422187291, lire en ligne), p. 103.
Iconographie
[modifier | modifier le code]- Jean-Honoré Fragonard, Figure de fantaisie, vers 1775, huile sur toile, portrait de Jean-Claude Richard de Saint-Non, Paris, musée du Louvre.
- Jean-Honoré Fragonard, Jean-Claude Richard, l’abbé de Saint-Non, vêtu à l’espagnole, 1769, huile sur toile, Barcelone, musée national d'Art de Catalogne.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Gabriel Brizard, notice sur Jean-Claude Richard de Saint-Non, abbé commendataire de l’abbaye de Pouttières, Paris, Crapelet, (1re éd. 1792), 22 p., in-8º (OCLC 1176866838, lire en ligne sur Gallica).
- Louis Guimbaud (de), Saint-Non et Fragonard : d’après des documents inédits, Paris, Le Goupy, , 219 p., illustr., portr. ; in-8º (OCLC 791923, lire en ligne).
- Christian Lebrument, « Jean-Claude Richard de La Bretèche, Abbé de Saint-Non (1727-1791) », (consulté le ).
Liens externes
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- Ressources relatives aux beaux-arts :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- · base Joconde