Fraichiches
Régions d’origine | Afrique du Nord |
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Langues | Arabe |
Religions | Islam |
Ethnies liées | Berbères et Arabes |
Les Fraichiches, Frachiches ou Frechich ou encore Ferchich (berbère : Fraycic ; arabe : الفراشيش) sont une confédération tribale tunisienne tantôt présentée comme berbère, tantôt comme arabe, autrefois qualifiée de tribus arabo-berbères (ou sang-mêlés) au début du XXe siècle[1]. Établie dans les plaines de la Haute Steppe occidentale de la Tunisie méridionale, entre Thala et Thélepte[2], elle forme une alliance de sécurité pour la majeure partie des populations vivant principalement dans les régions de Kasserine et de Thala.
Ils ont pour rivaux les Jlass[3], les Nemencha algériens et les Hamama, et pour alliés les Beni Zid et les Madjer[1].
Histoire
[modifier | modifier le code]Origines
[modifier | modifier le code]La tribu des Fraichiches est historiquement liée aux Frexes, un peuple berbère antique très ancien dans la région[4], qui est mentionné par Corippe[5],[6]. Joseph Partsch et Charles Diehl indiquent que la localisation actuelle des Fraichiches correspondait bien à une partie de la Byzacène antique, et aussi à un paysage de moyenne montagne compatible avec les premiers exploits d'Antalas[4].
Gabriel Camps, historien spécialisé du monde berbère, fait remarquer que le nom des Fraichiches présente une analogie certaine avec celui des Frexes, cités plusieurs fois dans la Johannide de Corippe[1]. Il avance notamment que ces Maures occupent durant le VIe siècle la Byzacène occidentale et qu'il semble bien que leur chef, Antalas, plutôt que de régner sur le prétendu « royaume de la Dorsale » évoqué par Christian Courtois, étend alors son autorité sur la vaste steppe coupée de petite massifs propices aux embuscades et qui est restée le domaine des Fraichiches[1].
Des personnalités telles que Lucien Bertholon[7] ou Ernest Fallot[8] évoquent une origine arabe, notamment hilalienne. Cependant, Lazhar Mejri insiste sur l'origine berbère des Fraichiches et Mejer en les décrivant comme la définition du mot Imazighen (« hommes libres »)[9].
Époque moderne
[modifier | modifier le code]Au XVIIIe siècle, les Fraichiches et Madjer sont réunis sous la même autorité d'un caïd qui réside à Sbeïtla mais sont séparés et fractionnés après la signature du traité algéro-tunisien de 1821[1].
En 1853, les Fraichiches attaquent Tébessa en Algérie française, dans le cadre de leurs affrontements avec les Nemencha[1], puis mènent à nouveau des expéditions dans l'Est algérien, chez les Ouled Abd-Nour et les Ouled Sidi Yahia en 1864[10],[3]. La même année, lors de l'insurrection de la mejba, les Fraichiches et les Madjer conduits par Ali Ben Ghedhahem multiplient les raids et menacent même Gabès, mais les Hamama réussissent à surprendre les rebelles qui perdent 150 hommes et de nombreuses montures[1].
Suite à cela, les Fraichiches se retournent contre leurs alliés des Beni Zid avec des reproches voire des menaces au travers de la poésie d'après l'historien Lazhar Mejri[11]. On note plus tard dans une représentation de la bataille de Haïdra du [12] entre les troupes françaises et les guerriers fraichiches que ces derniers portent un étendard rouge et sont habillés en partie en rouge, montrant que cette couleur a une importance symbolique de souveraineté chez les tribus fraichiches qui possèdent leur propre domaine dans la dorsale tunisienne, que l'on peut décrire comme une chefferie sous forme caïdale connue pour ses révoltes et ses prises de positions souvent opposées au pouvoir beylical[13], la tribu et sa région sont un problème historique au point où certains parlent de sa « culture de la dissidence » et de sa « tradition belliqueuse autonomiste » de l'Antiquité, avec la guerre des Mercenaires et celle des Musulames-Gétules de Tacfarinas, à l'époque moderne, avec les révoltes de Thala-Kasserine et de Sidi Bouzid[8],[10].
En 1881, décimés par la famine de 1867 et le choléra, ne comptent plus que 4 000 hommes prêts à porter les armes et deux caïdats, les Ouled Ouezzez et les Ouled Ali et Nadji[14]. Les Fraichiches jouent tout de même un rôle limité lors de la lutte contre la colonisation française[1]. Le , ils attaquent sans succès l'armée française, ce qui se solde par une perte d'une dizaines d'hommes. Le lendemain, la tribu voisine des Majer leur vient en aide et attaque le camp français. Le mouvement insurrectionnel est dirigé par le caïd des Ouled Nadji, El-Hadj Harrat[15]. En , ils se regroupent autour de Sbeïtla, arrivent à pénétrer en Algérie en août et gagnent la vallée de l'oued Mellègue avant de participer à la prise de Kairouan[1]. Toutefois, les forces françaises soumettent les tribus les unes après les autres, la colonne du général Forgemol se heurtant aux Fraichich renforcés par des Hamama mais ces derniers sont défaits le , conduisant El-Hadj Harrat et ses partisans à se réfugier en Tripolitaine[1].
En , le résident général de France en Tunisie et le commandant des corps d'occupations écrivent sur la situation des Fraichiches, indiquant qu'ils refusent de payer des taxes[16] aux autorités beylicales et françaises d'Algérie et qu'ils occupent le territoire qu'ils revendiquent contre les Nemencha dans la région de Djebel Bou Roumane, Bekkaria et d'autres territoires dans le prolongement des montagnes de la dorsale tunisienne[17]. L'Association française pour l'avancement des sciences les décrit en 1896 comme vigoureux, intelligents, assez instruits, très attachés à leur sol et acquis à l'influence française[9].
Les et , les Fraichiches se révoltent contre leur marginalisation et leur pauvreté, en raison d'une confiscation de leurs terres, et sont durement réprimés[18].
Sous le protectorat français, les caïdats des Fraichiches et des Madjer sont réunis dans la circonscription du contrôle civil de Thala[19]. Dans ce contexte, Ali Srir est décrit comme un personnage important de la tribu dont le neveu, Mohamed ben Salah, est envoyé à la tête de 250 cavaliers pour secourir le capitaine Deporter à Tozeur et faire fuir des Hamamas en révolte[20]. Cependant, opposé au bey, Srir est destitué et emprisonné[20].
Mode de vie
[modifier | modifier le code]Historiquement, les Fraichiches constituent une tribu semi-nomade qui pratique un nomadisme pastoral (moutons barbarins et caprins) associé à une petite céréaliculture. Elle est aussi réputée cavalière et guerrière[1]. Ses forgerons sont par ailleurs connus pour leur savoir-faire[1].
À la fois pasteurs et agriculteurs, l'Association française pour l'avancement des sciences indique en 1896 qu'ils ensemencent environ 16 000 hectares dans les bonnes années et ne possèdent pas moins de 75 000 moutons, 4 000 chameaux, 2 000 bœufs et 30 000 chèvres[14].
Composition
[modifier | modifier le code]Les Fraichiches sont constitués de trois fractions principales[1], à savoir :
- Ouled Ali (à ne pas confondre avec les Ouled Ali Kroumirs) autour de Thala[21] ;
- Ouled Nadji autour de Foussana[21] ;
- Ouled Ouezzez (ou Ouzzel) autour de Kasserine[21].
Il s'agit de l'une des plus importantes confédérations tribales tunisiennes, et aurait été peuplée d'environ 46 000 personnes en 1857[22]. Dans le registre du secrétariat général du gouvernement tunisien qui recense la nomenclature et la répartition des tribus en 1900, ils sont subdivisés en multiples cheikhats, fractions et sous-fractions[23].
Références
[modifier | modifier le code]- Gabriel Camps et André Martel, « Fraichich », dans Gabriel Camps (dir.), Encyclopédie berbère, vol. 19 : Filage – Gastel, Aix-en-Provence, Édisud, (ISBN 2-85744-994-1, lire en ligne), p. 2930-2933.
- Charles Monchicourt, La région du Haut Tell en Tunisie, Paris, Armand Colin, , p. 297 et suiv..
- Mohamed Larbi Haouat, Habib Bourguiba : le combattant suprême, Casablanca, Centre culturel du livre, , 144 p. (lire en ligne), p. 78.
- « Les Maures de l'intérieur au temps de la reconquête byzantine », dans Yves Modéran, Les Maures et l'Afrique romaine (IVe – VIIe siècle), Rome, Publications de l'École française de Rome, coll. « Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome », (ISBN 978-2-728-31003-6, lire en ligne), p. 315-415.
- Joh., II, 43 et 184 ; III, 187 ; VII, 384 ; VIII, 648
- Jehan Desanges, « Frexes », dans Gabriel Camps (dir.), Encyclopédie berbère, vol. 19 : Filage – Gastel, Aix-en-Provence, Édisud, (ISBN 2-85744-994-1, lire en ligne), p. 2935.
- Lucien Bertholon, Les Arabes en Berbérie, Lyon, Société linnéenne de Lyon, , 60 p. (lire en ligne), p. 59.
- Ernest Fallot, Notice géographique, administrative et économique sur la Tunisie, Tunis, Imprimerie franco-tunisienne, , 139 p. (lire en ligne), p. 31.
- Association française pour l'avancement des sciences 1896, p. 446.
- Abdeljelil Temimi, « Considérations nouvelles sur la révolution d'Ali ben Gadehem », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, vol. 7, no 1, , p. 175–176 (DOI 10.3406/remmm.1970.1062, lire en ligne, consulté le ).
- (en) Bootheina Majoul et Yosra Amraoui, On History and Memory in Arab Literature and Western Poetics, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars Publishing, , 278 p. (ISBN 978-1-5275-6042-0), p. 175.
- (en) « French cavalry fighting Fraichiches at Haydra, Tunisia, 18 October 1881 », sur lookandlearn.com (consulté le ).
- Charles Philebert, La 6e brigade en Tunisie, Paris, Charles-Lavauzelle, , 232 p. (lire en ligne), p. 97.
- Association française pour l'avancement des sciences, La Tunisie : histoire et description, t. I, Paris, Berger-Levrault, , 495 p. (lire en ligne), p. 445.
- « Rétrospective : le 24 avril 1881, les tribus tunisiennes résistent aux occupants français », sur kapitalis.com, (consulté le ).
- (en) Brock Cutler, Ecologies of Imperialism in Algeria, Lincoln, University of Nebraska Press, , 254 p. (ISBN 978-1-4962-3695-1), p. 62.
- Houda Baïr, Cartographie et représentations de l'espace en Tunisie au XIXe siècle (1830-1881), Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, , 207 p. (ISBN 979-10-300-0112-9), p. 171.
- « La lutte armée (1881-1956) », sur hmp.defense.tn (consulté le ).
- Rapport au Président de la République sur la situation de la Tunisie en 1897, Paris, Imprimerie nationale, , 227 p. (lire en ligne), p. 98.
- Philebert 1895, p. 211-212.
- Association française pour l'avancement des sciences 1896, p. 444.
- Jean Ganiage, « La population de la Tunisie vers 1860 : essai d'évaluation d'après les registres fiscaux », Population, vol. 21, no 5, , p. 878 (ISSN 0032-4663, lire en ligne, consulté le ).
- Secrétariat général du gouvernement tunisien, Nomenclature et répartition des tribus de Tunisie, Chalon-sur-Saône, Imprimerie de E. Bertrand, , 403 p. (lire en ligne), p. 245-253.