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Formule d'eulogie dans l'Égypte antique

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Une formule d'eulogie[1] suit le nom d'une personne dont la mémoire est vénérée ; c'est en principe une épithète ou une courte proposition exclamative appelant sur l'intéressé toutes sortes de bénédictions. « Ânkh ouedja seneb » (𓋹𓍑𓋴 ˁnḫ wḏȝ snb) apparaît souvent après le nom des pharaons, dans les références à leur maison, ou à la fin des titulatures. La formule se compose de trois hiéroglyphes égyptiens sans clarification de la prononciation, ce qui rend sa forme grammaticale exacte difficile à reconstituer. Elle peut être exprimée par « vie, prospérité et santé », mais Alan Henderson Gardiner a proposé qu'ils représentent des verbes sous la forme : « Sois vivant, fort et en bonne santé ».

Les hiéroglyphes égyptiens n'ont pas enregistré les valeurs des voyelles, ce qui rend impossible la prononciation exacte de la plupart des mots. Les prononciations égyptologiques conventionnelles des mots ˁnḫ, wḏȝ, et snb sont respectivement ânkh, ouedja et seneb.

Vie, force et santé

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ânkh oudja seneb
S34
 
U28
 
S29
ˁnḫ(=w), wḏȝ(=w), snb(=w)

En égyptien, le nom ou les désignations du souverain sont presque toujours suivis de ˁ.w.s., abréviation de ˁnḫ(=w), wḏȝ(=w), snb(=w), « qu'il soit vivant, intact et en bonne santé ! », au féminin ˁnḫ=t(j), wḏȝ=t(j), snb=t(j)[6].

En français, cette formule est traduite, de façon erronée mais traditionnelle, par vie, santé, force (en abrégé, v. s. f.) et dans le langage courant par vie, force et santé.

La formule se rencontre exceptionnellement à la suite du nom d'un particulier[7].

« v. s. f. » sur la pierre de Rosette

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Pour les actions du pharaon Ptolémée V, les dieux le récompensent (ligne R5)[8] :

« ...Les dieux et les déesses lui ont donné la victoire, et la puissance, et la vie, et la force, et la santé [A.U.S.], et toutes les belles choses de toute sorte...[9] :

R9R9R9
 
X7 W24
Z9
D40
N35
M3
Aa1 X1
 
S34U28S29
 
F18
D21
Aa1 X1
V30
nfrD21
F40
O34
N35
Z2

ΔΕΔΩΚΑΣΙΝ ΑΥΤΩΙ ΟΙ ΘΕΟΙ ΥΓΙΕΙΑΝ ΝΙΚΗΝ ΚΡΑΤΟΣ ΚΑΙ ΤΑ ΑΛΛ ΑΓΑΘ [Α...] »

Doué de vie

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ânkh djet
anxD&t&N17
ˁnḫ(=w) ḏ.t
dou ânkh
X8anx
d(w) ˁnḫ

Après le nom d'un roi, on rencontre aussi ˁnḫ(=w) ḏ.t, « qu'il soit vivant à jamais » et d(w) ˁnḫ, « doué de vie ». Après celui d'une reine, ces expressions sont accordées au féminin : ˁnḫ=tj ḏ.t, « qu'elle soit vivante à jamais » et d(w).t ˁnḫ, « douée de vie ».

Ces formules sont parfois développées :

  • ˁnḫ(=w) ḏ.t r nḥḥ, « qu'il soit vivant pour toujours et à jamais » ;
  • d(w) ˁnḫ mj Rˁ, « doué de vie comme Rê ».

On peut même trouver comme sur un montant de la chapelle blanche de Sésostris Ier à Karnak :

  • d(w) ˁnḫ nb, ḏd(.t) nb, wȝs nb, snb nb ; ˁnḫ(=w) ḏ.t, « doué de toute vie, de toute stabilité, de tout pouvoir et de toute santé ; qu'il soit vivant à jamais »
mȝˁ ḫrw (Juste de voix)
U5
a
Aa1
r
E23P8A2
 
or
 
im
t
P8t
mȝˁ-ḫrw

Maâ Kherou (ancien égyptien : mȝˁ ḫrw) est une expression signifiant « vrai de voix » ou « justifié »[10] ou « l'acclamation qui lui est faite est juste »[11]. Le terme est impliqué dans les anciennes croyances égyptiennes sur la vie après la mort, selon lesquelles les âmes décédées devaient être jugées moralement justes. Une fois que l'âme avait passé l'épreuve, la pesée du cœur, elle était jugée mȝˁ ḫrw et était autorisée à entrer dans l'au-delà[10]. L'expression était souvent utilisée pour désigner quelqu'un qui était passé et était devenu un dieu en la plaçant à la fin du nom de l'individu en question. En tant que telle, elle se retrouve fréquemment dans les inscriptions des tombes égyptiennes et des temples mortuaires royaux, notamment dans le cadre d'une clause introductive pour les inscriptions autobiographiques célébrant les réalisations du propriétaire de la tombe ou du temple dans la vie[12].

Notes et références

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  1. Eulogie, subst. fém, formule d'action de grâces, mot emprunté au latin eulogia « bénédiction ; objet bénit donné en cadeau » du grec εὐλογία « louange, bénédiction ; bienfait, aumône ».
  2. I,_193.8–198.10,_198.11–200.8_2-0">↑ Erman, Vol. I, 193.8–198.10, 198.11–200.8.
  3. I,_399.14–401.2_3-0">↑ Erman, Vol. I, 399.14–401.2.
  4. I,_401.3–8_4-0">↑ Erman, Vol. I, 401.3–8.
  5. IV,_158.2–159.5_5-0">↑ Erman, Vol. IV, 158.2–159.5.
  6. Le =w ou le =t(j) est une désinence du parfait.
  7. (j)m(y)-r(ȝ) ḥw.t-nṯr Ḥr-m-sȝ=f, ˁ.w.s., « le directeur du temple Horemsaf, v. s. f. » - Papyrus Berlin 10031
  8. *Ernest Alfred Thompson Wallis Budge, The Rosetta Stone, 1929, Dover Pub, New-York
  9. Budge, l. 2905.
  10. a et b James Peter Allen, Middle Egyptian: An Introduction to the Language and Culture of Hieroglyphs, Cambridge University Press, , p. 95.
  11. Rudolph Anthes, « The Original Meaning of Mꜣˁ ḫrw », Journal of Near Eastern Studies, vol. 13, no 1,‎ , p. 50 (lire en ligne).
  12. Alice Grenfell, « Egyptian Mythology and the Bible », The Monist, vol. 16, no 2,‎ , p. 169–200 (DOI 10.5840/monist190616223, JSTOR 27899648, lire en ligne).

Bibliographie

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  • (de) Johann Peter Adolf Erman, et al., eds., Wörterbuch der ägyptischen Sprache im Auftrage der deutschen Akademien, Leipzig, J.C. Hinrichsschen Buchhandlungen, 1926–1953,
    reimprimé à Berlin par Akademie-Verlag GmbH en 1971.
  • E.A. Wallis Budge, The Rosetta Stone, .