Effet Bruxelles
L’effet Bruxelles est le processus de mondialisation réglementaire unilatérale provoqué par l’extériorisation de facto (mais pas nécessairement de jure) de la législation de l’Union européenne au-delà de ses frontières par le biais des mécanismes de marché : une réglementation européenne est ainsi appliquée au niveau mondial parce qu'il est plus simple et/ou moins couteux de le faire que d'avoir deux lignes de production ou entités séparées (une pour l'UE et une pour le reste du monde).
Le terme Brussels effect a été inventé en 2012 par le professeur américain Anu Bradford de la faculté de droit de Columbia[1],[2] et s'inspire pour son nom de l'effet californien observé aux États-Unis[3].
Causes
[modifier | modifier le code]La combinaison de la taille du marché, de son importance, des normes relativement strictes et de la capacité réglementaire de l’Union européenne peuvent avoir pour effet que les entreprises opérant au niveau international estiment qu’il n’est pas économiquement, juridiquement ou techniquement pratique de maintenir des normes moins strictes en dehors de l'Union[4],[1]. Les entreprises extra-européennes exportant dans le monde entier peuvent décider qu'il est plus avantageux d'adopter les normes établies à Bruxelles de manière uniforme dans toutes leurs activités[5].
Course vers le haut (Californie et Union européenne) et course vers le bas (Delaware)
[modifier | modifier le code]L'« effet californien » et l'effet bruxellois sont une forme de « course au sommet » où la norme la plus stricte séduit les entreprises opérant dans de multiples environnements réglementaires, car elle facilite la production et les exportations au niveau mondial[6]. Ces choix sont à l’opposé de l’effet Delaware, une course vers le bas où les juridictions peuvent délibérément choisir d’abaisser leurs exigences réglementaires pour tenter d’attirer les entreprises à la recherche de la norme la moins stricte.
Exemples
[modifier | modifier le code]Fusions-acquisitions
[modifier | modifier le code]La fusion prévue en entre les compagnies américaines Honeywell et General Electric fut bloquée par les autorités réglementaires européennes sur la base du risque de monopole sur le marché des moteurs d'avion. Cette fusion n'eut donc pas lieu, car en dépit de l'accord du Département américain de la Justice, il était impossible de concrétiser cette fusion dans un marché essentiel[1],[7].
Produits chimiques
[modifier | modifier le code]La multinationale américaine Dow Chemical a annoncé en 2006 qu'elle se conformerait au règlement européen REACH (Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals) relatif à la production et à l'utilisation de substances chimiques dans le cadre de ses activités mondiales[1],[8],[9].
Émissions d'avion
[modifier | modifier le code]En 2012, l'UE a inclus l'aviation dans son système existant d'échange de quotas d'émission. Cela signifie que toute compagnie aérienne, quel que soit son pays d'origine, doit acheter des autorisations d'émettre pour tout vol effectué dans l'Espace économique européen[10]. Le coût de la conformité à la réglementation de l'Union européenne sur les émissions dans l'aviation oblige les constructeurs à concevoir des avions offrant une efficacité accrue et des émissions réduites. Étant donné que les grandes compagnies aériennes n'achèteraient probablement pas d'avion spécifiquement pour leurs vols en dehors de l'EEE, les normes plus strictes de l'UE en matière d'aviation ont une incidence sur les flottes mondiales d'avions, quelle que soit leur juridiction[1].
Protection des données et confidentialité
[modifier | modifier le code]Avec l'introduction de la directive sur la protection des données en 1995, l'UE avait opté pour une approche verticale stricte de la confidentialité des données[11]. Son successeur, le règlement général de l'UE sur la protection des données (RGPD), a été adopté le et a eu un effet global[12],[13]. En 2017, au cours des négociations en vue d'un nouvel accord commercial entre le Japon et l'Union européenne, le gouvernement nippon a mis en place un organisme indépendant chargé de traiter les plaintes concernant le respect de la vie privée conformément au nouveau règlement de l'UE en matière de protection de la vie privée[14].
Au niveau des entreprises, Facebook a annoncé en qu'il mettrait en œuvre des parties du RGPD à l'échelle mondiale[15],[16]. Sonos a annoncé en qu'il mettrait en œuvre le RGPD au niveau mondial[17] et Microsoft a annoncé à son tour, en , qu'il mettrait en œuvre la conformité au RGPD pour tous ses clients, indépendamment de leur localisation[18].
Accueil
[modifier | modifier le code]Les spécialistes n'ont pour l'heure pas pu constater de limite empirique à l'effet Bruxelles en droit international, en particulier en ce qui concerne le droit de l'OMC[19]. En outre, pour que l'effet Bruxelles se produise, il a été démontré que tous les prérequis identifiés par Bradford ne doivent pas nécessairement être cumulés[19]. D'autres recherches ont montré que le pouvoir réglementaire de l'UE variait considérablement en fonction du contexte de la réglementation concernée[20],[21].
Références
[modifier | modifier le code]- Bradford, « The Brussels Effect », Northwestern University Law Review, vol. 107, no 1,
- Lecture, March 2012 – "The Brussels Effect: The Rise of a Regulatory Superstate in Europe"
- David Vogel, Trading Up : Consumer and Environmental Regulation in a Global Economy, Harvard University Press, , 322 p. (ISBN 978-0-674-90083-7)
- Bach et Newman, « The European regulatory state and global public policy: micro-institutions, macro-influence », Journal of European Public Policy, (DOI 10.1080/13501760701497659)
- « The Brussels Effect: The Rise of a Regulatory Superstate in Europe », Columbia Law School,
- Bach, « Three Questions: Prof. David Bach on the Reach of European Privacy Regulations », Yale Insights,
- European Commission – Case No COMP/M.2220 – General Electric/Honeywell
- « Dow and REACH – Protecting human health and the environment », dow.com
- « Reach External FAQs »
- « European Commission – Reducing emissions from aviation »
- Gady, « EU/U.S. Approaches to Data Privacy and the 'Brussels Effect': A Comparative Analysis », Georgetown Journal of International Affairs, , p. 12–23 (JSTOR 43773645)
- (en-GB) « GDPR: How Europe became the World's Data Police », sur Financial Times (consulté le )
- International Centre for Trade and Sustainable Development, « Europe's Data Privacy Rules Set New Global Approach to Consumer Rights »,
- « Europe’s new data protection rules export privacy standards worldwide », sur Politico, (consulté le )
- « Facebook's commitment to data protection and privacy in compliance with the GDPR », facebook.com
- « Complying With New Privacy Laws and Offering New Privacy Protections to Everyone, No Matter Where You Live »
- « We're Updating the Sonos Privacy Statement », sonos.com
- « Microsoft's commitment to GDPR, privacy and putting customers in control of their own data », blogs.microsoft.com
- Sinopoli et Purnhagen, « Reversed Harmonization or Horizontalization of EU standards?: Does WTO Law Facilitate or Contrain the Brussels Effect? », Wisconsin International Law Journal, , p. 92–119
- (en) Alasdair R. Young, « The European Union as a global regulator? Context and comparison », Journal of European Public Policy, vol. 22, no 9, , p.1233-1252.
- (en) Alasdair R. Young, « Europe as a global regulator? The limits of EU influence in international food safety standards », Journal of European Public Policy, vol. 21, no 6, , p.904-922.