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Critiques de l'Organisation des Nations unies

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Les critiques de l'Organisation des Nations unies sont idéologiquement diverses, bien que beaucoup de critiques soient centrées sur des accusations d'inefficacité et de partialité.

Critique du Conseil de sécurité de l'ONU

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Manque de représentativité des membres permanents

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Le rôle des 5 membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Chine) qui sont tous des puissances nucléaires[1], dans la formation d'un club nucléaire exclusif a été critiqué. Le Conseil de sécurité a été accusé de ne s'occuper que des intérêts stratégiques et des intentions politiques de ses membres permanents, particulièrement dans les interventions humanitaires. Par exemple, la protection apportée en 1991 aux Koweïtiens possédant des ressources en pétrole a été plus importante que celle apportée en 1997 aux Rwandais possédant peu de ressources naturelles[2].

De plus, les pays occidentaux sont surreprésentés parmi les membres permanents ; aucun pays d'Afrique ou du Moyen-Orient, par exemple, ne figure parmi les membres permanents[3].

Faible nombre des membres non permanents

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Tout pays peut être élu membre non permanent du Conseil de sécurité, mais certains pays déclarent que c'est insuffisant et souhaitent un élargissement[4],[5],[6],[7]. D'autres pays préconisent l'abandon de la notion de membre permanent. Ainsi, sous le gouvernement de Paul Martin, le Canada utilise cette approche[8].

Droit de veto

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Le droit de veto des cinq membres permanents est également critiqué. En son état, le droit de veto permet à tout membre permanent de bloquer toute résolution ou décision du Conseil de sécurité. L'utilisation du droit de veto par un pays, plutôt que l'opinion d'une majorité de pays, peut geler toute réponse armée ou diplomatique possible des Nations unies à une crise. Par exemple, John J. Mearsheimer a déclaré que « depuis 1982, les États-Unis ont mis leur veto sur 32 résolutions du Conseil de Sécurité cruciales pour Israël, plus que le nombre total de vetos exercés par tous les membres du Conseil de Sécurité »[n 1],[9]. La Russie et la Chine sont également accusées d'avoir un « recours abusif » à leur droit de veto durant le conflit syrien[10].

Depuis le , il est demandé que la raison de l'application du droit de veto soit explicitée par le pays qui en fait usage[11].

Critique de l'Assemblée générale de l'ONU

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L'Assemblée générale de l'ONU, où délibèrent les représentants des 193 États, n'émet que des recommandations non contraignantes à destination des États, élit les membres non permanents du Conseil du sécurité et vote le budget. Selon le juriste Alain Pellet, les réunions de l'Assemblée sont tenues pour « un forum négligeable où se déversent des flots de paroles sans portée juridique et sans influence politique »[12].

Critique de l'inefficacité de l'ONU

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Gestion des conflits

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La question de l'utilité de l'ONU au XXIe siècle a été évoquée[13]. Bien que la charte des Nations unies exige de l'ONU de « Maintenir la paix et la sécurité internationales »[14], en raison de sa structure administrative restrictive, les membres permanents du Conseil de sécurité ont parfois empêché l'ONU de respecter cette charte[15]. Lors de la guerre en Syrie, de la guerre au Yémen, ou de l'annexion de la Crimée par la Russie, l'ONU n'a en rien empêché les violations du droit international[3]. Une intervention sous l'égide de l'ONU n'est possible que si les cinq membres permanents votent en sa faveur, or cette unanimité est difficile à atteindre[3].

Si l'ONU a traité de manière relativement acceptable des confits interétatiques entre des armées régulières, en revanche sa gestion des guerres civiles est particulièrement défaillante, avec des conséquences catastrophiques comme au Rwanda[16]. Le taux d'échec de l'ONU est plus élevé quand des groupes nombreux sont aux prises ; de plus les groupes armés irréguliers ont plus tendance à ne pas respecter leurs engagements, voire à attaquer les Casques bleus[16].

Conseil des droits de l'homme

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Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU dont les 47 États membres représentent équitablement les différentes zones géographiques, et sont élus pour trois ans, est critiqué parce que ses décisions ne sont pas contraignantes[17]. Le Conseil des droits de l'homme répond à ce sujet que le seul fait de qualifier des crimes nuit à la réputation des Etats et limite leur marge de manoeuvre[17]. Une autre critique porte sur les contradictions entre les principes de droit énoncés par le Conseil et la violation de ces mêmes principes par certains de ses membres[17].

Critique de la sélectivité de l'ONU

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Les États-Unis sont le pays qui apporte la contribution financière la plus élevée aux opérations de paix de l’ONU[18]. Après l'échec de l'intervention américano-onusienne en Somalie en 1993 (Opération des Nations unies en Somalie II), les États-Unis ont préféré l'inaction dans certains conflits, comme lors du génocide rwandais en 1994, quand les chances d'un succès rapide et éclatant leur paraissaient incertaines[18]. Voir à ce sujet Rôle de la communauté internationale dans le génocide des Tutsi au Rwanda#L'Organisation des Nations unies.

L'échec de l'ONU au Rwanda est considéré comme un des plus graves dans l'histoire de cette institution[18].

Échecs notoires

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Plusieurs conflits mal traités figurent parmi les échecs notoires de l'ONU : en Sierra Leone en 1991-2002, en Somalie en 1993, au Rwanda en 1994, à Srebrenica (Bosnie) en 1995 ; la guerre du Kosovo en 1998-1999 ; le conflit israélo-palestinien ; la guerre d'Irak[18].

Critiques idéologiques

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Alors que dans l'historiographie traditionnelle, l'ONU est, à l'exemple des autres organisations internationales, présenté positivement comme une institution au service du « salut de l'humanité » (à la différence des Etats, qui servent des intérêts « égoïstes »), ce jugement favorable a été remis en cause depuis les années 2000 [19]. Les dysfonctionnements de certaines institutions internationales sont davantage étudiés[19].

Ainsi l'historien Mark Mazower montre en 2010 que la naissance de l’ONU est le résultat de préoccupations politiques, l'ONU est issu « non pas seulement de la politique de lutte pour la paix et la justice mondiales, mais de la politique de puissance plus brutale de l’impérialisme », écrit l'historien son ouvrage No Enchanted Palace: The End of Empire and the Ideological Origins of the United Nations[19]. Mark Mazower met en lumière notamment l'orientation idéologique du rédacteur du préambule de la Charte des Nations Unies, Jan Smuts (auparavant un des fondateurs de la Société des Nations). Jan Smuts a instauré une politique d'apartheid en Afrique du Sud, en tant que premier ministre de ce pays ; il croyait à la supériorité de la race blanche, défendait l'« apport » de l'Empire britannique, et voyait dans l'ONU un instrument qui permettrait aux Européens de gouverner le monde - dans le sillage de l'Empire britannique[19].

Mark Mazower montre cependant que ces tendances impérialistes incarnées par Jan Smuts ont été contrariées par l'homme d'Etat indien, Nehru, qui a obtenu de l'Assemblée générale de l'ONU la condamnation de l'Afrique du Sud pour discrimination raciale envers les Indiens d'Afrique du Sud[19].

Autres critiques

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Les questions relatives à l'état d'Israël, aux Palestiniens et à d'autres aspects du conflit israélo-arabe occupent une place importante en temps de débat, en ressources et en résolutions aux Nations unies. Dore Gold (en) considère également que l'attention des Nations unies donnée au traitement des Palestiniens par Israël est excessive[20]. Des activistes en droits humains Elie Wiesel, Anne Bayefsky (en) et Bayard Rustin, et les féministes Phyllis Chesler et Sonia Johnson accusent les Nations unies de tolérer des remarques antisémites en ses murs[21],.

Notes et références

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  1. Traduction de « since 1982, the US has vetoed 32 Security Council resolutions critical of Israel, more than the total number of vetoes cast by all the other Security Council members ».

Références

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  1. « Le club nucléaire », sur L'Express
  2. (en) [PDF] Rajan, Chella (2006). "Global Politics and Institutions". Frontiers of a Great Transition. Vol. 3. Tellus Institute, p. 3.
  3. a b et c Zone International- ICI.Radio-Canada.ca, « Avons-nous encore besoin de l’ONU? », sur Radio-Canada, (consulté le )
  4. « Élargissement, veto : comment réformer le Conseil de sécurité de l'ONU », sur L'Obs
  5. (en) « India makes strong case for UNSC expansion » [archive du ], HindustanTimes.com,
  6. « Le G4 propose un élargissement du Conseil de sécurité de l'ONU », sur Le Monde
  7. « Réforme du Conseil de sécurité : le groupe "Unis pour le consensus" propose une voie «plus démocratique» », sur le site des Nations unies
  8. (en) « Déclaration de l'Ambassadeur Allan Rock », Global Policy Forum,
  9. (en) John J. Mearsheimer and Stephen Walt, « The Israel Lobby and U.S. Foreign Policy »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), KSG Faculty Research Working Paper Series, Harvard University
  10. « Bachar Al-Assad, principal meurtrier de son peuple », sur Le Monde
  11. L'ONU impose l'obligation de justifier tout veto, sur fond de blocage russe sur l'Ukraine, rfi, 27 avril 2022
  12. Alain Pellet, « Inutile assemblée générale? », Pouvoirs, vol. 109, no 2,‎ , p. 43–60 (ISSN 0152-0768, DOI 10.3917/pouv.109.0043, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) « Bush Discusses Relevance/ Irrelevance of UN », (consulté le ) George W. Bush s'adresse aux Nations unies, questionnant la pertinence des NU si elles n'autorisent pas l'invasion de l'Irak par les États-Unis
  14. (en) « Charte des Nations unies », (consulté le )
  15. « ONU : 70 ans de maintien de la paix ? », sur France Culture
  16. a et b « « L’impuissance de l’ONU découle de son mode de fonctionnement et du type d’intervention qu’elle met sur pied ». Entretien avec Ronald Hatto », sur Les dossiers du CERI, (consulté le )
  17. a b et c (en-US) Camille Cressent, « Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU : instance utile ou coquille vide ? », sur The Conversation, (consulté le )
  18. a b c et d David AMBROSETTI, LES OPÉRATIONS DE PAIX DE L’ONU FACE AU RISQUE D ’ UN DISCRÉDIT IRRÉMÉDIABLE : LA FAIBLESSE ET LA SÉLECTIVITÉ,Studia Diplomatica Vol. LIX, 2006, No. 2 , lire en ligne
  19. a b c d et e Jan Klabbers, «Mark Mazower. No Enchanted Palace: The End of Empire and the Ideological Origins of the United Nations», European Journal of International Law, Volume 21, Issue 3, August 2010, Pages 789–790, https://doi.org/10.1093/ejil/chq053, lire en ligne
  20. (en) Gold, p. 20.
  21. "Transcripts." CNN 6 août 2004.

Bibliographie

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  • CHÂTAIGNER, Jean-Marc. « Réformer l'ONU : mission impossible ? », Revue française d'administration publique, 2008/2 n° 126, 2008. p.359-372, shs.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2008-2-page-359?lang=fr.
  • Monique Chemillier-Gendreau, « Hégémonies et inégalités: les ambiguïtés des Nations Unies », Temps modernes, no 610,‎ , p. 227–242 (ISSN 0040-3075, lire en ligne, consulté le )
  • Monique Chemillier-Gendreau, Pour un Conseil mondial de la Résistance, éd. Textuel, coll. "Petite encyclopédie critique", 2020[1],[2]
  • C. Wenaweser, « Working methods: The ugly duckling of security council reform, » dans The UN Security Council in the Twenty-First Century, Sebastian von Einsiedel, David M. Malone, and Bruno Stagno Ugarte ed., 2016, lire en ligne
  • Rob Murphy, « The United Nations Security Council », Hodder Education Magazines. Politics Review,, vol. 32, no 2,‎ 2022-2023 (lire en ligne)