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Affaire des viols de Mazan

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Affaire des viols de Mazan
Titre Affaire des viols de Mazan
Chefs d'accusation Viols aggravés
Auteurs 51 accusés
dont Dominique Pélicot
Pays Drapeau de la France France
Ville Mazan (Vaucluse)
Lieu Domicile conjugal
Date de
à
Nombre de victimes 1 (Gisèle Pélicot)
Jugement
Statut En cours
Tribunal Cour criminelle départementale du Vaucluse à Avignon
Date du jugement prévu le

Carte

L'affaire des viols de Mazan, également connue comme l'affaire Pélicot ou l'affaire Dominique Pélicot, est une affaire judiciaire française, dans laquelle 51 hommes sont accusés d'avoir violé la même femme, Gisèle Pélicot, droguée à son insu par son mari, Dominique Pélicot, également mis en cause. Les faits se sont déroulés de à dans la commune de Mazan (Vaucluse). Le procès débute le 2 septembre 2024 dans la ville d'Avignon et doit se terminer mi-décembre.

Contexte et faits reprochés

Le , vers 15 h 30, Dominique Pélicot, alors âgé de 67 ans[1], est arrêté et menotté au supermarché Leclerc de Carpentras après avoir filmé sous les jupes de trois clientes à leur insu[2],[3],[1],[4]. Le lendemain matin, le parquet de Carpentras décide de lever sa garde à vue, mais l'enquête préliminaire se poursuit avec une expertise psychiatrique et l'inspection du matériel informatique saisi à son domicile[5],[3]. Cette dernière met au jour des échanges sur le site de rencontres coco.gg[6] (fermé en ), au cours desquels Dominique Pélicot invite des inconnus à violer sa femme, inconsciente sous l'effet de fortes doses d'un puissant anxiolytique, le Temesta (lorazépam), qu'il lui administre, ainsi qu'à regarder les vidéos de ces viols[4],[7]. Après cette découverte, il est de nouveau placé en garde à vue, le , et passe aux aveux[8],[9]. Au même moment, dans une autre pièce du commissariat de Carpentras, un officier de police judiciaire explique la situation à sa femme, qui prend connaissance des faits pour la première fois[9]. Le , Dominique Pélicot est placé en détention provisoire à l'issue de sa garde à vue[8].

Sur l'ordinateur saisi, les enquêteurs découvrent un dossier intitulé « ABUS » dans lequel se trouvent des centaines de vidéos aux titres explicites[10], et déterminent ainsi que les faits se sont déroulés de à , dénombrant 92 viols sur la victime, qui ont eu lieu à Mazan dans la chambre du couple[4]. Cette dernière, mariée à Dominique Pélicot depuis une cinquantaine d'années[11], n'a aucun souvenir des faits à cause de la soumission chimique[1] et découvre ce dont elle a été victime au moment de l'enquête[4].

Les policiers découvrent que la fille aînée du couple apparaît également inconsciente et en sous-vêtements sur certaines images[4]. Dominique Pélicot a aussi filmé à leur insu ses belles-filles et a diffusé les vidéos sur le même site[4],[12].

En , Caroline Darian, la fille de l'accusé et de la victime, publie le livre Et j'ai cessé de t'appeler Papa aux éditions Jean-Claude Lattès[13].

Profil de la victime

Nommée sous le pseudonyme de Françoise P. par la presse, avant d'apparaître à visage découvert sous son vrai nom lors du procès, Gisèle Pélicot[14] est une femme septuagénaire, mariée à Dominique Pélicot. Elle s'est plainte durant de longues années de douleurs gynécologiques, d'absences et de fatigue[4]. La découverte a posteriori des abus commis sur elle alors qu'elle était inconsciente a causé un traumatisme psychique grave, selon un psychiatre l'ayant examinée[4]. Dès la connaissance des faits, elle demande le divorce et déménage[1].

Profils des accusés

Entre 2011 et 2020, 92 faits de viol sont commis sur la même victime[15]. Les policiers dénombrent 83 violeurs potentiels, parmi lesquels 51 sont identifiés, auxquels s'ajoute le mari de la victime[4]. Tous ont été arrêtés lors d'une dizaine de vagues d'interpellations puis incarcérés[4],[11]. Il s'agit d'hommes « ordinaires »[4],[11], ayant entre 26 et 73 ans, venant tous de la même région que le couple[4]. Ces accusés sont sans pathologies psychiques, mais nourrissent un sentiment de « toute-puissance » sur les corps féminins[16]. Certains sont retraités, d'autres exercent des professions et des fonctions diverses, pour certaines d'utilité publique : pompier, militaire, gardien de prison, conseiller municipal[4]. Plusieurs d'entre eux ont déjà été condamnés pour des faits de violence conjugale ou de viols. D'importantes quantités d'images pédopornographiques sont retrouvées lors de l'enquête[4].

Profil de Dominique Pélicot

Dominique Pélicot, né le à Quincy-sous-Sénart et père de trois enfants, a longtemps travaillé chez EDF et dans l’immobilier[17]. Il partage une existence apparemment tranquille avec Gisèle, son épouse depuis 1973. Ensemble, ils façonnent alors une vie conjugale qui semble, aux yeux de tous, tout à fait ordinaire[pertinence contestée][18].

Affaires judiciaires antérieures

Viol et meurtre de Sophie Narme en 1991

Dominique Pélicot est également mis en examen le , pour le viol précédé ou suivi du meurtre non élucidé de Sophie Narme, âgée de 23 ans en à Paris[19], stagiaire dans une agence immobilière, qui présente plusieurs éléments de similarité avec l'agression d'Estella B[4],[12]. Il nie être l'auteur des faits. L'ADN n'a pu être comparé[4].

Tentative de viol en 1999

Son ADN, prélevé suite aux agressions sexuelles en 2010, correspond à l'ADN retrouvé sous la chaussure d'Estella B., une jeune agente immobilière de 19 ans, victime d'une agression le à Villeparisis[4]. Dominique Pélicot, qui dans un premier temps nie les faits, finit par les reconnaître puisque le même ADN est sur d’autres femmes. Il est mis en examen pour l’agression d’Estella[20].

Agressions sexuelles en 2010

L'enquête révèle également que Dominique Pélicot a déjà été arrêté en 2010 pour avoir filmé l’entrejambe de femmes à leurs insu, dans un supermarché de Seine-et-Marne[4]. À cette occasion, un prélèvement ADN est réalisé et fait le lien avec l'affaire de 1999[4].

Profils des autres accusés

Principal accusé
  • Dominique Pélicot, mari de la victime au moment des faits[21], 71 ans.
Accusés de viols
  • Charly A., 29 ans, cariste intérimaire[4],[22];
  • Redouane A., 40 ans, chômeur[23];
  • Ludovik B., magasinier[4];
  • Joseph C., 55 ans, retraité célibataire sans enfant[22];
  • Jacques C., 72 ans[24];
  • Vincent C., déjà condamné pour violences conjugales[4];
  • Dominique D., ancien militaire devenu chauffeur routier, marié, un enfant[4],[22];
  • Cyrille D., 59 ans, ouvrier dans le bâtiment[4];
  • Redouan E., 55 ans, infirmier, détenu pour des violences contre sa compagne[23],[4];
  • Nicolas F., correspondant local de presse d'un quotidien régional[4],[22];
  • Quentin H., gardien de prison au centre pénitentiaire d'Avignon-Le Pontet[4];
  • Joan K., 26 ans, militaire, séparé, un enfant[4];
  • Christian L., 55 ans, pompier, en couple, deux enfants[4],[22];
  • Adrien L., 34 ans, chef de chantier, condamné à dix-huit ans de prison pour viols et violences sur ses anciennes compagnes[4],[23];
  • Jean-Pierre M., 63 ans, père de 6 enfants, que Dominique Pélicot aurait « formé[25]» à agresser sa femme de la même manière[23],[25];
  • Simoné M., ancien chasseur alpin qui travaille dans le BTP[4];
  • Patrice N., 54 ans, électricien[4];
  • Mohamed R., ancien détenu pendant cinq ans pour avoir violé sa fille[4];
  • Lionel R., 44 ans[4],[24];
  • Didier S., 66 ans, retraité[4];
  • Karim S. 40 ans, informaticien, célibataire sans enfant[4],[22];
  • Jérôme V., ancien pompier volontaire qui travaille dans l'alimentation[4].

Cas de divulgation complète

Mode opératoire

Des discussions ont lieu sur le forum Coco entre le mari et les suspects pour leur donner des premières consignes. Les somnifères sont évoqués, afin que son épouse soit inconsciente pour qu'ils puissent abuser d'elle. Ensuite d'autres consignes plus précises s'ajoutent : se garer à distance pour ne pas éveiller les soupçons des voisins, ne pas avoir mis de parfum ni avoir fumé de cigarette pour ne pas laisser de trace olfactive. À leur arrivée, ils doivent se déshabiller dans la cuisine, se laver les mains et chuchoter pour ne pas faire de bruit[26]'[27].

Procès

Avant le procès

Le parquet d'Avignon requiert le renvoi devant la cour criminelle du Vaucluse pour viol avec circonstances aggravantes[4]. Le couple est officiellement divorcé depuis le , soit une dizaine de jours avant l'ouverture du procès, ce que l'avocat de Gisèle Pélicot estime être une « portée symbolique » avant le début du procès[28].

Pendant le procès

Le procès s'ouvre le et doit s'étendre jusqu'au de la même année[29]. À l'ouverture du procès, l'avocat général demande le huis clos, mais la victime s'y oppose[30] et la cour criminelle opte finalement après délibération pour la publicité des débats[14]. Le , les avocats de plusieurs accusés annoncent porter plaintes pour menaces sur leurs clients suite à la « diffusion d'informations personnelles suivie de menaces » portant préjudice aux proches et enfants des accusés[31].

Couverture journalistique internationale

De nombreux médias étrangers assistent au procès, qui est couvert entre autres par la BBC, plusieurs tabloïds anglais, The New York Times, le Washington Post, El País et Der Spiegel[32], ou encore The Guardian[33], Hindustan Times[34], El Mundo[35], parmi les 36 médias accrédités[36]. Tous rendent hommage au courage de la victime qui a demandé la publicité des débats « pour que la honte change de camp » selon la formule reprise par son avocat. Ils s'accordent sur la nécessité qu'il y a à ne pas qualifier de « monstres » les violeurs présumés, afin de ne pas, comme l'indique l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, participer à leur « mécanisme de défense » alors qu' « il serait bien plus inquiétant de devoir admettre que les violeurs sont tous ancrés dans un tissu social continu de misogynie banalisée»[32].

Références

  1. a b c et d « Vaucluse : ce que l’on sait de l'affaire des viols subis pendant dix ans par une femme, droguée par son mari », France TV info,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. J.S., « Carpentras : le sexagénaire filmait sous les jupes des femmes », La Provence Grand Vaucluse, no 8492,‎ , p. 4 (lire en ligne)
  3. a et b R.D., « Il filmait sous les jupes des femmes », Vaucluse Matin,‎ , p. 4 (lire en ligne)
  4. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac ad ae af ag ah ai aj ak et al Lorraine de Foucher, « « C’est sa femme, il fait ce qu’il veut avec » : comment Dominique P. a livré son épouse, qu’il droguait, aux viols d’au moins 51 hommes », Le Monde,‎ (lire en ligne Accès limité, consulté le )
  5. « Expertise psychiatrique attendue de l’homme qui filmait sous les jupes des femmes », La Provence Grand Vaucluse, no 8493,‎ , p. 4 (lire en ligne)
  6. « ”J’étais sa chose” : comment un retraité a invité plus de 80 personnes à violer sa femme sous sédatifs pendant dix ans », La Libre,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. « Trois nouvelles arrestations dans l’enquête sur les viols de Mazan », 20 Minutes,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. a et b J.-X.P., « Un homme aurait drogué sa femme pour la violer et la filmer », Vaucluse Matin,‎ , p. 4 (lire en ligne)
  9. a et b François Barrère, « Droguée par son mari, Marie a été violée par plus de cinquante hommes », Midi libre, no 27706,‎ , p. 17 (lire en ligne)
  10. Louise Colcombet, « « Ce sont des gamins, des vieux, c’est tout le monde » : 51 hommes accusés d’avoir abusé d’une femme droguée par son mari », Le Parisien,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. a b et c « Vaucluse: 49 hommes interpellés, soupçonnés d'avoir violé une sexagénaire, droguée par son mari », RMC,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. a et b « Vaucluse : un sexagénaire accusé d'avoir drogué sa femme pour la livrer à des dizaines de violeurs », Marie Claire,‎ (lire en ligne Accès libre, consulté le )
  13. Justine Chevalier, « "Elle ignore avec quel homme elle a vécu": son père a drogué sa mère pour la livrer à des inconnus », BFM TV,‎ (lire en ligne)
  14. a et b François Barrère, « Affaire des viols de Mazan : la cour criminelle du Vaucluse rejette le huis clos, le procès sera public, comme le veut la victime », Midi Libre,‎ (lire en ligne Accès libre, consulté le )
  15. Salomé Tafforeau, « Procès des viols de Mazan : une victime, 10 ans de sévices, 51 accusés… ce que l’on sait sur l’affaire du mari qui droguait sa femme et la faisait violer », La Dépêche du Midi (consulté le )
  16. « Affaire des viols de Mazan : des accusés sans pathologie psychique, au profil de "Monsieur Tout-le-monde" », sur France Bleu, (consulté le )
  17. Aurélie Sarrot, « Il droguait sa femme pour que des hommes la violent : qui est Dominique Pelicot, jugé aux côtés de 50 accusés à partir de ce lundi ? », sur TF1 Info, (consulté le )
  18. aufeminin.com
  19. Jean-Alphonse Richard, « Meurtre Sophie Narme : une énigme de 32 ans bientôt résolue ? », RTL,‎ (lire en ligne Accès libre, consulté le )
  20. Henri Seckel, « Les autres « affaires Dominique P. », accusé d’avoir drogué sa femme pour qu’elle soit violée par d’autres hommes », Le Monde,‎ (lire en ligne Accès limité, consulté le )
  21. AFP, « Affaire des viols de Mazan : le divorce du couple Pelicot a été prononcé fin août après 51 ans de mariage », sur La Voix du Nord, (consulté le )
  22. a b c d e et f « La vertigineuse banalité des hommes accusés d’avoir violé Gisèle Pélicot », sur www.20minutes.fr, (consulté le )
  23. a b c et d Marlène Thomas et Juliette Delage, « Affaire des viols de Mazan : le procès d’un long supplice », Libération (consulté le )
  24. a et b « Procès des viols de Mazan : au tour du mari, «chef d'orchestre» d'une décennie de viols », sur Europe 1, (consulté le )
  25. a et b « Procès des viols de Mazan : auditions du mari, de la femme, de la fille, du "clone" Maréchal... les cinq temps forts à venir », sur France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur, (consulté le )
  26. Centre France, « Faits divers - Procès de Mazan : ne pas être parfumé, chuchoter... Les consignes du mari, accusé d'avoir drogué et fait violer sa femme », sur www.lamontagne.fr, (consulté le )
  27. Marlène Thomas et Juliette Delage, « Affaire des viols de Mazan : le procès d’un long supplice », sur Libération (consulté le )
  28. AFP, « Affaire des viols de Mazan : le divorce du couple Pelicot a été prononcé fin août après 51 ans de mariage », sur La Voix du Nord, (consulté le )
  29. Adèle Bossard, « Affaire des viols de Mazan : le procès démarrera le 2 septembre à Avignon », France Bleu,‎ (lire en ligne Accès libre, consulté le )
  30. « Viols de Mazan : 51 accusés, soumission chimique... Un procès hors normes s'est ouvert », sur Franceinfo, (consulté le )
  31. « Affaire des viols de Mazan : les avocats de la défense vont déposer plusieurs plaintes pour menaces sur leurs clients », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  32. a et b Nelly Didelot, « Procès des viols de Mazan : la presse internationale se bouscule à l’audience », sur Libération (consulté le )
  33. (en-GB) Angelique Chrisafis, « Woman tells trial of husband who invited men to rape her: ‘I was sacrificed on altar of vice’ », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  34. (en) Trisha Sengupta, « Husband who ‘drugged wife’ allegedly invited HIV man to rape her over 6 times : ‘He showed no pity, no pity at all », sur Hindustan Times, (consulté le )
  35. (es) Raquel Villaécija, « Gisèle Pélicot, drogada por su marido para ser violada por otros hombres: "Me trataron como una muñeca, una bolsa de basura" », sur El Mundo, (consulté le )
  36. Catherine Fournier, Juliette Campion, « Affaire des viols de Mazan : comment l'attitude de Gisèle Pélicot a déjà donné au procès une dimension historique et internationale », sur Franceinfo, (consulté le )

Voir aussi

Audiographie

Bibliographie

Ouvrages

Articles

Articles connexes