« Prosper Alfaric » : différence entre les versions
après un lecture détaillée / précise des sources et de la bibliographie proposée, il y a un problème de POV ultra-bibliste ou Christiano-centrisme Balises : Annulation Révoqué |
Annulation de la modification de Factuellement101 (d) Non argument d'autorité : prétendre avoir lu les sources (ce qui est impossible |
||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
{{Infobox Biographie2 |
{{Infobox Biographie2 |
||
⚫ | |||
| image = |
|||
⚫ | |||
}} |
}} |
||
'''Jean Antoine Prosper Alfaric''' |
'''Jean Antoine Prosper Alfaric,''' né à [[Livinhac-le-Haut]] le {{date|21 mai 1876}} et mort à [[Paris]] le {{date|28 mars 1955}}, est un [[historien]] spécialiste du [[christianisme ancien]] et du [[Manichéisme (religion)|manichéisme]]. |
||
[[Prêtre catholique|Prêtre]] [[Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice|sulpicien]] ayant perdu la vocation, il mène à partir de 1919 une carrière l'[[université de Strasbourg]] où il est le premier titulaire de la chaire d'[[histoire comparée]] [[Histoire des religions|des religions]] et y enseigne jusqu'à sa retraite en 1945. Partisan de la [[thèse mythiste]], militant de la [[Ligue de l'enseignement]] et de l'[[Union rationaliste]], ses positions critiques sur l’histoire du christianisme primitif et sur le Jésus historique entraînent son [[excommunication]] en 1933. |
|||
== Biographie == |
== Biographie == |
||
=== Origines et formation === |
|||
Né dans une famille [[paysan]]ne de vignerons de l’[[Aveyron (département)|Aveyron]], Prosper Alfaric, élevé dans la foi catholique est ordonné [[prêtre catholique|prêtre]] en {{date-|avril 1899}}. Il enseigne tout d'abord la philosophie aux [[grand séminaire|grands séminaires]] de [[Bordeaux]] et de [[Bayeux]] avant d'enseigner le [[dogme]] au [[séminaire (catholique)|séminaire]] d’[[Albi]]. |
|||
=== |
=== Origines et vocation === |
||
Prosper Alfaric nait le {{Date|21|mai|1876}} à [[Livinhac-le-Haut]], une commune de l'[[Aveyron (département)|Aveyron]], dans une famille modeste de [[Vigneron|vignerons]] catholique, profondément pieuse au sein de laquelle il est l'aîné de sept enfants{{Sfn|Strauss|2021}}. Suite à la crise du [[phylloxéra]], l'exploitation familiale est ruinée et le père doit se reconvertir en manœuvre{{Sfn|Strauss|2021}}. Prosper, qui est élève à l'[[Congrégation religieuse en droit français|école congréganiste]] locale entre 1882 et 1887, s'avère être un élément brillant, excellant au [[Certificat d'études primaires|certificat d'études]] et étudiant le [[Latin classique|latin]] avec le prêtre de la paroisse{{Sfn|Strauss|2021}}. |
|||
Après ses études, portant entre autres sur l'[[exégèse]] allemande, Prosper Alfaric, alors prêtre promis à un grand avenir, perd progressivement la [[foi]] pour des raisons intellectuelles. Selon [[Pierre Colin (philosophe)|Pierre Colin]] étudiant la crise du [[Crise moderniste|modernisme]], cet abandon fut progressif. La tentation ne l'avait pas encore effleuré lorsqu'il commença à enseigner la philosophie comme sous-diacre au Grand Séminaire de Bayeux en 1898. Sa véritable évolution commence en 1902 lorsqu'il se met à lire [[René Descartes|Descartes]], [[Baruch Spinoza|Spinoza]], [[Emmanuel Kant|Kant]], [[Herbert Spencer]]. Ce dernier penseur en particulier le trouble. Il écrit dans ''De la foi à la raison'' qui fut publié en 1959 par l'[[Union rationaliste]] que la vision d'un monde chez Spencer « dont tous les composants ont entre eux des relations infiniment variées et sont en voie de perpétuels changements, ouvrait à mon esprit des perspectives illimitées dont je m'enthousiasmai »<ref>{{ouvrage|auteur=Prosper Alfaric|titre=De la foi à la raison|éditeur= éd. Union rationaliste|lieu= Paris|année= 1959 |passage=135}}</ref>. Il découvre alors les revues éditées par Lagrange et [[Alfred Loisy]] et il est avant tout « impressionné par le livre d'[[Albert Houtin]] sur ''La question biblique chez les catholiques de France au {{s-|XIX|e}}''. Il suit avec un intérêt passionné les publications de Loisy. En particulier ses ''Études évangéliques'' et son ouvrage ''Le Quatrième Évangile''»{{sfn|Colin|1997|p=43}}. Il avoue alors que cette dernière étude fit sur lui une impression si forte qu'« Une des assises de ma croyance à l'Évangile s'effondrait »{{sfn|Alfacric|1959|p=140}}. Il est dès lors fortement embarrassé quand on lui demande d'enseigner non plus la philosophie mais la théologie à Bordeaux (1904-1905) et ensuite à [[Albi]] (1905-1906). Il ne se tire d'embarras « qu'en transposant l'enseignement de la dogmatique sur un plan purement historique »{{sfn|Colin|1997|p=43}}. |
|||
En 1888, une bourse lui permet d'intégrer le [[Séminaire (catholicisme)|Petit séminaire]] de Saint-Pierre à [[Rodez]] puis, quatre ans plus tard, le Grand séminaire de Philosophie de Rodez, dirigé par les [[Sulpiciens]]{{Sfn|Strauss|2021}}. Il y reçoit un enseignement [[scolastique]] dont la structure logique le marque durablement{{Sfn|Colin|1997|p=41}}, y étudie la [[Théologie catholique|théologie]] et reçoit un enseignement dogmatique marqué par le [[thomisme]]{{Sfn|Colin|1997|p=42}}. Alfaric perd ses parents en 1894 et doit, à 17 ans, prendre en charge ses six frères et sœurs, qui sont placés dans différents orphelinats religieux{{Sfn|Strauss|2021}}. |
|||
⚫ | |||
Mais cet accord réalisé entre une dogmatique en quelque sorte intemporelle et la critique récemment développée dans le modernisme ou les études exégétiques en général est précaire. En 1907 le décret et l'encyclique condamnant Loisy le placent en contradiction avec les positions [[crise moderniste|anti-modernistes]] du [[pape]] [[Pie X]], alors qu'il appartient lui-même à une aile ''gauche'' du modernisme<ref>Alexander Roper Vidler in ''A Variety of Catholic Modernists'', éd Cambridge University Press, 1970, cité par [[Antoine Guillaumont]] citant, {{article|titre=Chroniques|périodique=Revue de l'histoire des religions| tome= 186 |numéro=2|année= 1974|passage=232|url=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1974_num_186_2_10250}}.</ref>. Pierre Colin considère cet abandon progressif de la foi chez Alfaric comme permettant de « prendre la mesure du phénomène »{{sfn|Colin|1997|p=38}} moderniste. Et pour y parvenir il compare, au départ de son monumental ouvrage sur les dimensions philosophiques du modernisme, l'itinéraire d'Alfaric tel qu'il vient d'être exposé, à celui d'un personnage fictif, le héros éponyme de [[Joseph Malègue]] dans le roman ''[[Augustin ou Le Maître est là]]''. Le personnage fictif et le personnage réel, écrit Pierre Colin sont « tous deux pris dans une crise dont ils subissent l'impact intellectuel et religieux. Des objections qui sont pour une part philosophiques et pour une part exégétiques se conjuguent pour ébranler leur foi. Mais le plus grave vient des conditions dans lesquelles se déroule cette crise. Le milieu catholique auquel ils appartiennent résiste à l'expression de doutes ou de questionnements fondamentaux (…) À ceci s'ajoute le fait qu'il faut bien constater, même s'il résiste aux explications : le trouble n'aurait pas été ce qu'il a de fait été si les innovations n'avaient pas immédiatement trouvé des censeurs sans indulgence ni compréhension »{{sfn|Colin|1997|p=44}}. |
|||
Réformé du service militaire{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}}, il poursuit sa formation et est admis en octobre 1897 au scolasticat sulpicien de Paris{{Sfn|Strauss|2021}}. Il suit des cours de philosophie à l'[[Institut catholique de Paris]]{{Sfn|Colin|1997|p=42}} et y est particulièrement séduit par l'enseignement de l'abbé [[Clodius Piat]] qui lui fait découvrir la [[psychologie expérimentale]] et l'[[histoire des idées]], qui constituent pour Alfaric autant de révélations{{Sfn|Colin|1997|p=42}}. |
|||
=== Après la rupture === |
|||
Quoiqu'il ne fût pas un proche d'[[Alfred Loisy]], il sollicite ses conseils pour la préparation de sa reconversion en vue de son abandon de la [[soutane]]. [[Alfred Loisy]] lui offre alors ses conseils et lui ouvre son carnet d'adresses<ref>Préface de Michel Onfray à la publication d'un regroupement d' articles et de conférences d'Alfaric sous le titre ''Jésus-Christ a-t-il existé ?'', éd. Coda, 2005.</ref>. Alfaric abandonne sa condition religieuse en [[1909]]<ref>ou [[1908]], ou [[1910]].</ref> et reprend des études d'histoire, puis se spécialise dans l'[[histoire des religions]] ; il prépare sa thèse en Allemagne et la soutient en [[Sorbonne]]{{sfn|Alfacric|1959|p=267-268}}. En 1910, bien qu'il ait déjà perdu la foi, la sympathie qu'il éprouve pour l'[[Liste des évêques d'Albi|archevêque d'Albi]] [[Eudoxe Irénée Mignot]] — un des prélats soutenant Loisy et pour lequel Alfaric avait rédigé plusieurs mandements<ref>Ordonnance ou notification d'un évêque pour son diocèse.</ref> – lui fait accepter la rédaction d'une apologie du ''[[Le Sillon|Sillon]]'' mis à mal par le courant conservateur de l'Église catholique<ref>{{harvsp|Alfaric|1959|p=235}}, cité par {{ouvrage|auteur=Albert Marty|titre=L'Action française racontée par elle-même|éditeur= éd. Nouvelles éditions latines|année= 1968 |passage=448|url=https://books.google.com/books?id=NB1jKrLevvgC&pg=PA448}}.</ref> et qui sera dissous peu après. De 1914 à 1919, il est [[Répétiteur (pédagogie)|répétiteur]] au [[collège Chaptal]]<ref name="ref_auto_1">{{Base Léonore}}</ref>. |
|||
=== Carrière ecclésiale === |
|||
Il approfondit l'étude de la [[philosophie]]. Il le fait sous la férule de penseurs tels que [[Lucien Lévy-Bruhl]], [[Léon Brunschvicg]] ou [[Victor Delbos]], et obtient en [[1919]] la chaire d’[[histoire des religions]] de l’[[université de Strasbourg]] qu’on venait de créer, ainsi que l'Institut d'Histoire des religions, dans l'intention non dissimulée « d'établir un contrepoids laïc à l'enseignement des deux facultés de théologie, maintenues dans l'[[université de Strasbourg]] par statut dérogatoire<ref>[http://www.unistra.fr/index.php?id=355 Institut d'histoire des religions] </ref> » et qui devient, après Paris, le centre le plus important pour l’étude de l’histoire des religions. Dès son arrivée, il crée la bibliothèque de l'Institut qui compte rapidement plusieurs milliers d'ouvrages. Il y enseigne jusqu'en [[1939]]<ref name="Claude Lorentz">Claude Lorentz, ''Les fonds anciens de l’université Marc-Bloch de Strasbourg : historique, essai d’évaluation et situation générale'', Mémoire d'étude pour l'École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, 2000 [http://enssibal.enssib.fr/bibliotheque/documents/dcb/lorentz.pdf document en ligne].</ref>. |
|||
En 1898, après avoir été admis au [[Sous-diacre|sous-diaconat]], il est nommé professeur de [[philosophie]] au Grand séminaire de [[Bayeux]]{{Sfn|Colin|1997|p=42}} à [[Sommervieu]]{{Sfn|Colin|1997|p=42}}, dans un environnement ecclésiastique traditionnaliste{{Sfn|Colin|1997|p=42}}. [[Ordination|Ordonné prêtre]] à Paris le {{Date|1|avril|1899}}, le jeune professeur achève sa formation au noviciat sulpicien de la ''Solitude'' à [[Issy-les-Moulineaux]]<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Prosper |nom1=Alfaric |titre=De la foi à la raison |sous-titre=Scènes vécues |éditeur=Publications de l'Union rationaliste |année=1955 |passage=109 |isbn=979-10-410-4688-1}}</ref>, dans un environnement préservé qui le tient à l'écart des turbulences de la [[crise moderniste]] qui agitent le catholicisme français{{Sfn|Colin|1997|p=42}}. |
|||
Il accorde une grande importance à l'enseignement pour tous et s'intéresse à [[Jean Macé]]<ref>{{ouvrage|nom1=Alfaric|prénom1= P |nom2= Sarrailh |prénom2=J |année=1955|titre=Jean Macé, fondateur de la Ligue française de l'enseignement|éditeur=Le Cercle parisien de la Ligue française de l'enseignement}}.</ref> ; {{Refnec|il milite pour la défense et le développement de l'école publique dans les trois départements d'Alsace-Moselle, avec la création du cercle Jean Macé de Strasbourg.|date=24 octobre 2020}} |
|||
En 1902, il reprend l'enseignement à Bayeux{{Sfn|Strauss|2021}} où son évolution intellectuelle commence lorsqu'il s'attache à lire méthodiquement les philosophes modernes [[René Descartes|Descartes]], [[Baruch Spinoza|Spinoza]], [[Gottfried Wilhelm Leibniz|Leibniz]], [[Emmanuel Kant|Kant]] et [[Herbert Spencer]], ce dernier l'impressionnant particulièrement{{Sfn|Colin|1997|p=42}}. Il s'intéresse alors aux publications de l'exégète catholique [[Marie-Joseph Lagrange]] et sa ''[[Revue biblique]],'' ainsi qu'à l'historien et théologien [[Alfred Loisy]] et sa ''Revue d'histoire et de littérature religieuse'', Loisy dont il suit bientôt avec passion les travaux{{Sfn|Colin|1997|p=43}}. Il est également fort impressionné par l'ouvrage d'[[Albert Houtin]] sur ''Les questions bibliques chez les catholiques de France au {{S-|XIX}}'' tandis que la lecture du ''Quatrième Évangile'' de Loisy fait s'effondrer sa croyance en l'Évangile{{Sfn|Colin|1997|p=43}}. |
|||
Durant la [[seconde Guerre mondiale]], il accompagne l'université de Strasbourg dans son repli à [[Clermont-Ferrand]] (et [[Aigueperse (Puy-de-Dôme)|Aigueperse]]) jusqu’en [[1945]], avant d'être remplacé après sa [[Retraite (économie)|retraite]] à la Libération par [[Marcel Simon (historien)|Marcel Simon]]<ref name="Claude Lorentz" />. |
|||
Se trouvant déjà dans un grand embarras intellectuel{{Sfn|Colin|1997|p=43}}, Alfaric est nommé en 1904 professeur de [[Dogmes de l'Église catholique|dogmes]] au Grand Séminaire de [[Bordeaux]] mais est bientôt contraint de quitter l'établissement religieux par les effets de la [[Loi du 7 juillet 1904|loi Combes sur les congrégations]]{{Sfn|Strauss|2021}}. L'année suivante, il est invité à enseigner au Grand séminaire d'Albi par l'[[Liste des évêques d'Albi|archevêque d'Albi]] [[Eudoxe Irénée Mignot]], partisan d'une modernisation de la foi catholique et qui incarne alors, en pleine [[crise moderniste]], « l'espoir d'une réconciliation entre les jeunes sciences religieuses et l'Église »<ref>{{Chapitre |prénom1=Christoph |nom1=Theobald |lien auteur1=Christoph Theobald |titre chapitre=L'exégèse catholique au moment de la crise moderniste |auteurs ouvrage=Claude Savart et Jean Noël Aletti (dirs.) |titre ouvrage=Le monde contemporain et la Bible |éditeur=Beauchesne |année=1985 |passage=399 |isbn=978-2-7010-1094-6}}</ref>. À Albi, il tente d'allier sa « mysticité première et [son] esprit critique récemment développé » en enseignant la dogmatique sur un plan strictement historique, mais l'équilibre trouvé lui reste précaire{{Sfn|Colin|1997|p=43}}. |
|||
Il milite alors à la [[Ligue de l'enseignement]] et à l'[[Union rationaliste]], qu'il présidera en [[1955]]. Il fonde avec [[Georges Ory]] le cercle Ernest-Renan en 1949<ref name="SocRenan">Il convient de distinguer ce cercle de la ''[[Société Ernest Renan]]'', fondée en [[1919]] par [[Paul Alphandéry]] pour enseigner l'histoire des religions (on a parlé par la suite de ''[[fait religieux]]'' dans l’enseignement scolaire) et vulgariser l'histoire du christianisme, et du comité de laquelle Alfaric sera membre. Cf. ''Bulletin de la société Ernest Renan'', ''Revue de l'histoire des religions'', {{t.|143}}, {{numéro|1}}, 1953, [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1953_num_143_1_7252 Bulletin].</ref>, voué à l'histoire des religions, à la [[critique biblique]] et à la recherche des [[origines du christianisme]]. |
|||
⚫ | |||
En janvier 1951, il est président du cercle parisien de la Ligue française de l'enseignement et décide l'édition des cahiers laïques<ref>{{article|périodique=Cahiers laïques|titre= Éditorial|numéro=211 |titre numéro=Tribalisme et pouvoir politique|date= janvier/février 1988}}</ref>. |
|||
Les publications en 1907 du décret ''[[Lamentabili sane exitu|Lamentabili]]'' puis de l'encyclique ''[[Pascendi Dominici gregis|Pascendi]]'' par le pape [[Pie X]] qui entend condamner radicalement le [[Modernisme dans l'Église catholique|modernisme]], provoquent chez Alfaric une profonde crise de conscience{{Sfn|Colin|1997|p=43}} et le cheminement intellectuel qui en résulte lui fait progressivement perdre toute forme de croyance<ref>{{Chapitre |langue=fr |prénom1=Frédéric |nom1=Gugelot |titre chapitre=Apologie de l’abandon ou conversion à rebours |sous-titre chapitre=Témoignages d’abandon du catholicisme au {{s-|XX}} |auteurs ouvrage=Didier Boisson et Élisabeth Pinto-Mathieu (dirs.) |titre ouvrage=L’apologétique chrétienne |sous-titre ouvrage=Expressions de la pensée religieuse, de l’Antiquité à nos jours |éditeur=Presses universitaires de Rennes |collection=Histoire |année=2012 |passage=444 |isbn=978-2-7535-6872-3}}</ref>. |
|||
Le dénouement de cette crise personnelle, qui l'a impacté à la fois sur le plan intellectuel et sur le plan religieux{{Sfn|Colin|1997|p=44}}, aboutit vers 1909-1910 à sa sortie de l'Église{{Sfn|Colin|1997|p=41}}, qu'il décrit dans ''De la foi à la raison'' (1955) — un livre de mémoires paru l'année de sa mort, dans lequel il retrace les expériences et réflexions qui l’ont conduit à quitter l’Église<ref name=":0">{{Chapitre |langue=en |prénom1=Henri-Charles |nom1=Puech |lien auteur1=Henri-Charles Puech |titre chapitre=Alfaric, Prosper |titre ouvrage=Encyclopædia Iranica |volume=I |tome=8 |lieu=Londres |éditeur=Routledge |année=1985 |passage=835-836 |isbn=978-0-7100-9099-7}}</ref> — comme un « exode » qu'il ressent comme un passage de la servitude à la liberté<ref>{{Chapitre |langue=fr |prénom1=Frédéric |nom1=Gugelot |titre chapitre=Apologie de l’abandon ou conversion à rebours |sous-titre chapitre=Témoignages d’abandon du catholicisme au {{s-|XX}} |auteurs ouvrage=Didier Boisson et Élisabeth Pinto-Mathieu (dirs.) |titre ouvrage=L’apologétique chrétienne |sous-titre ouvrage=Expressions de la pensée religieuse, de l’Antiquité à nos jours |éditeur=Presses universitaires de Rennes |collection=Histoire |année=2012 |passage=443 |isbn=978-2-7535-6872-3}}</ref>. De manière étonnante et probablement par reconnaissance, il rédige encore en 1907 pour l'archevêque Mignot un [[mandement]] sur ''Les nécessités de l'enseignement chrétien'' et, bien qu'il ait déjà perdu la foi, un autre sur ''Les harmonies des dogmes et de la raison,'' ainsi que divers éléments d'une apologie du mouvement du ''[[Le Sillon|Sillon]]{{Sfn|Sardella|2018|p=78}}, alors'' mis à mal par le courant conservateur de l'Église et dissous peu après<ref name=":1">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Albert|nom1=Marty|lien auteur1=Albert Marty|titre=L'Action française racontée par elle-même|éditeur=Nouvelles Èditions Latines|année=1968|passage=448|isbn=978-2-7233-0325-5}}</ref>. |
|||
=== Théories mythistes === |
|||
Bien qu'il ne se connaissent pas personnellement, Alfaric sollicite alors le conseils de Loisy en vue de sa reconversion vers la vie laïque : ce dernier lui offre alors ses conseils et lui ouvre son carnet d'adresses<ref>Préface de Michel Onfray à la publication d'un regroupement d' articles et de conférences d'Alfaric sous le titre ''Jésus-Christ a-t-il existé ?'', éd. Coda, 2005.</ref>. |
|||
Il sera frappé d'[[excommunication]] [[anathème#Dans les Églises chrétiennes|majeure]], déclaré ''vitandus''<ref>traduction : « qu'il faut éviter »</ref>, et puni de la peine de dégradation par décret du [[Saint Office]] en date du {{date|29|juillet|1933}}<ref>"Chronique des actes du Saint-Siège", ''Revue apologétique'', {{30e|année}}, tome 59, 1934, {{p.|470}}, note 1, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57625421.image.r=revue apologétique.f472.pagination.langFR document en ligne] (consulté le 30 août 2010)</ref>. Cette excommunication est prononcée à la suite de la publication, en collaboration avec [[Paul-Louis Couchoud]] et [[Albert Bayet]], de son ouvrage ''Le Problème de Jésus et les origines du christianisme''<ref>P. Alfaric, Paul-Louis Couchoud et [[Albert Bayet]], ''Le Problème de Jésus et les Origines du Christianisme'', Bibliothèque Rationaliste, Les œuvres représentatives, Paris, 1932</ref> pour ses thèses sur l'inexistence historique de [[Jésus de Nazareth]] et de [[Marie de Nazareth]]. L'œuvre de cet érudit, à l'origine de la plupart des [[thèse mythiste|théories mythistes]] contemporaines, {{refsou|est cependant restée confinée aux cercles des spécialistes pendant une cinquantaine d'années}}, jusqu'à ce que le philosophe [[Michel Onfray]] préface en 2005 la publication d'un regroupement d' articles et conférences d'Alfaric sous le titre ''Jésus-Christ a-t-il existé ?''. |
|||
⚫ | |||
[[Henri Desroche]] rapproche certains éléments de ses théories de la notion de messianose de [[Pierre-Joseph Proudhon]]<ref>« Cette dernière interprétation était celle de Proudhon et de sa théorie de la Messianose exposée dans un ouvrage au titre proche de celui-ci et récemment réédité. » « À cette mythisation d'un personnage historique, P. Alfaric finit par préférer l'historicisation d'un personnage mythique ({{p.|363-4}}), en faisant appel à quelque chose d'ailleurs d'équivalent à la messianose proudhonienne » [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/assr_0003-9659_1959_num_8_1_2066_t1_0167_0000_3 archive de sciences sociales des religions, 1959, volume 8.] </ref>. L'essentiel de sa thèse repose sur l'absence de mention de [[Jésus]] chez les historiens du {{s-|I|er}}, en particulier chez [[Juste de Tibériade]]. Dans les articles qui en parlent, Alfaric signale que l'œuvre de Juste a été perdue. Il signale que [[Photios Ier de Constantinople|Photius de Constantinople]]<ref>Celui-là même du [[monoénergisme]] et du ''schisme de Photius''</ref> qui, au {{s-|IX|e}}, l'a lue<ref>''Bibliothèque'' de Photius, ch. 33 :''Juste de Tibériade [http://remacle.org/bloodwolf/erudits/photius/juste.htm Texte sur le site Remacle.org]</ref>, s'est étonné de n'y rien trouver concernant Jésus. |
|||
Ayant obtenu à Paris un poste de [[Répétiteur (pédagogie)|répétiteur]] au [[Collège Chaptal]] en 1914, Alfaric, rendu à la vie laïque, reprend alors son cursus universitaire{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}} et, le 29 juillet 1915<ref>{{Ouvrage|titre=World Biography|volume=I|lieu=New York|éditeur=Institute for Research in Biography.|année=1947|passage=466}}</ref>, épouse Jeanne Prévot, employée des postes, avec laquelle il a trois filles{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}}. Encouragé par de grands maîtres parisiens<ref name=":2">{{Chapitre |prénom1=Marcel |nom1=Simon |lien auteur1=Marcel Simon (historien) |titre chapitre=Alfaric, Prosper |titre ouvrage=Nouveau Dictionnaire de biographie alsacienne |lieu=Strasbourg |éditeur=Fédération des sociétés d'Histoire et d'archéologie d'Alsace |année=1984 |lire en ligne=https://www.alsace-histoire.org/netdba/alfaric-prosper/ |consulté le=14/09/2024}}</ref>, il soutient en 1918 en [[Sorbonne]] deux thèses préparées en Allemagne{{sfn|Alfaric|1955|p=267-268}}, l'une sur l’''Évolution intellectuelle de saint Augustin'' et l'autre sur ''Les écritures manichéennes'' – couronnée par l’[[Académie des inscriptions et belles-lettres|Académie des inscriptions et belles lettres]]{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}}. Bien qu'elle ait reçu le prix de l’[[Académie des sciences morales et politiques|Académie des Sciences morales et politiques]], la thèse sur saint Augustin apparaît à certains comme iconoclaste<ref>Pour Alfaric, les ''Confessions'' sont tendancieuses et ne sont pas fiables au point qu'il met en cause la sincérité de la conversion de l'évêque d'Hippone au christianisme qui serait feinte alors que, moralement et intellectuellement, c’est au néoplatonisme que celui-ci se serait converti ; cf. Julien Ries, op.cit., 2001, p.286.</ref> et provoque de multiples réactions, dont celle — négative — de Loisy, au point que plusieurs ouvrages favorables aux ''Confessions'' paraissent en réponse dans les années qui suivent<ref>{{Chapitre |langue=fr |prénom1=Julien |nom1=Ries |lien auteur1=Julien Ries |titre chapitre=Augustin d’Hippone |sous-titre chapitre=Du manichéisme au néoplatonisme et au christianisme |titre ouvrage=''Kêpoi'' |sous-titre ouvrage=De la religion à la philosophie |éditeur=Presses universitaires de Liège |nature ouvrage=Mélanges offerts à André Motte |collection=Kernos suppléments |année=2001 |passage=286 |isbn=978-2-8218-2899-5}}</ref>. |
|||
Néanmoins, la qualité de ses recherches lui ouvre les portes du milieu universitaire et, avec les encouragements de [[Camille Jullian]] et l’appui des historiens [[Ernest Lavisse]], [[Lucien Lévy-Bruhl]], [[Salomon Reinach]] et [[Charles Guignebert]]{{Sfn|Ducoeur|2019|p=2}}, il pose sa candidature à la Faculté des Lettres de Strasbourg{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}}. Celle-ci se heurte à la résistance des Alsaciens conservateurs qui voient dans cette candidature une provocation laïque à leur encontre et obtiennent qu'[[Alexandre Millerand]], alors [[Commissaire général de la République chargé de réorganiser les trois anciens départements d'Alsace-Lorraine|Commissaire général de la République à Strasbourg]], oppose un veto contre lequel se mobilisent les soutiens universitaires d'Alfaric{{Sfn|Ducoeur|2019|p=30}}. |
|||
Au cours des [[années 1920]]–[[Années 1930|1930]], certains des travaux d'Alfaric sur les [[Évangiles]] et les [[Épîtres de Paul de Tarse]] sont publiés dans la ''[[Revue de l'histoire des religions]]'' d'[[Émile Guimet]] ou encore la ''[[Revue historique (France)|Revue historique]]'' de [[Gabriel Monod]]<ref>Comme la ''Revue d'Histoire des Religions'' d'[[Émile Guimet]] ou la ''Revue d'Histoire'' de [[Gabriel Monod]] ; cf. bibliographie.</ref>. {{refnec|Cependant, pour érudits qu'aient pu être ses travaux sur Jésus de Nazareth et le christianisme des origines, les revues scientifiques de validation avec des comités de lecture n'ont jamais publié les thèses mythistes d'Alfaric.}} Elles le seront dans le ''Bulletin du Cercle Ernest Renan''<ref name="SocRenan"/>, cercle cofondé par Alfaric lui-même en 1949<ref>En compagnie de Georges Ory, membre de l'union rationaliste.</ref> et les ''Cahiers rationalistes'', revue de l'[[Union rationaliste]]. |
|||
Il est ainsi engagé à l'université où il devient le premier titulaire de la chaire d’Histoire des religions nouvellement créée dans le but « d'établir un contrepoids laïc à l'enseignement des deux facultés de théologie, maintenues dans l'[[université de Strasbourg]] par statut dérogatoire »<ref>[http://www.unistra.fr/index.php?id=355 Institut d'histoire des religions]</ref>. Strasbourg devient ainsi, après Paris, le centre le plus important pour l’étude de l’histoire des religions{{Sfn|Simon|1983}}. |
|||
Il se brouilla avec son collègue [[Charles Guignebert]]<ref>François Laplanche, ''La crise de l'origine : La science catholique des Évangiles et l'histoire au {{s-|XX|e}}'', Albin Michel, coll. « Bibliothèque de l'évolution de l'humanité », Paris, 2006, {{p.|98}}</ref> qui combattit dans son ''Jésus'', en 1933<ref>Charles Guignebert, ''Jésus'', éd. La Renaissance du Livre 1933, rééd. Albin Michel 1969</ref>, les six thèses mythistes de Couchoud, de B. Smith, de Robertson, de Jensen, de Kalthoff et de Drews, sans jamais parler de celles de Bayet ou de celles de son collègue Alfaric, qu'il avait poussé pour l'obtention de la chaire de Strasbourg. |
|||
Alfaric y officie comme chargé de cours (1919-1920), puis comme professeur adjoint (1921-1924) et enfin comme professeur titulaire jusqu'en 1945{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}}, tout en donnant également et volontiers des conférences populaires dans les différents cafés de la ville<ref>{{Chapitre |langue=fr |titre chapitre=Débat : de Renan à Guignebert |auteurs ouvrage=Yves-Marie Hilaire (éd.) |titre ouvrage=De Renan à Marrou |sous-titre ouvrage=L’histoire du christianisme et les progrès de la méthode historique (1863-1968) |éditeur=Presses universitaires du Septentrion |collection=Histoire et civilisations |année=1999 |pages totales=60 |isbn=978-2-7574-3466-6}}</ref>. Il met sur pied l’Institut d’histoire des religions{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}}, un musée d'étude{{Sfn|Ducoeur|2022|p=35}} ainsi que la bibliothèque, qui compte dès 1923 plusieurs milliers d'ouvrages{{Sfn|Ducoeur|2022|p=33}}. Mais le cours d'histoire des religions n’attire que peu d’étudiants et son activité la plus importante est consacrée à la Commission des Publications de la Faculté des Lettres de l’Université de Strasbourg – les futures [[Presses universitaires de Strasbourg]]{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}} – dont il a pris la direction{{Sfn|Strauss|2021}} et à laquelle il assure un véritable rayonnement scientifique tant en France qu'à l’étranger{{Sfn|Ducoeur|2022|p=2}}. |
|||
Selon Mimouni, les théories mythistes que défendait Alfaric sont désormais frappées d'obsolescence<ref name="mimouni-43" />, infirmées par les progrès ultérieurs de la recherche, à l'instar de ses travaux défendant l'idée d'un christianisme aux origines esséniennes<ref>[[Émile Puech]], « Essénisme et christianisme. Les Esséniens, Jean-Baptiste et Jésus » dans [[Farah Mébarki]] et [[Émile Puech]], ''Les manuscrits de la mer Morte'', [[Éditions du Rouergue]], 2002, {{p.|245-281}}</ref>. |
|||
Alfaric accorde en outre une grande importance à l'enseignement pour tous et, s'intéressant à [[Jean Macé]]<ref>{{Ouvrage |prénom1=P |nom1=Alfaric |prénom2=J |nom2=Sarrailh |titre=Jean Macé, fondateur de la Ligue française de l'enseignement |éditeur=Le Cercle parisien de la Ligue française de l'enseignement |année=1955}}.</ref>, devient en 1926 président de l'antenne régionale la [[Ligue de l'enseignement]], le Cercle Jean Macé de Strasbourg{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}}. En 1929, il reçoit le prix de l’Académie des Sciences morales et politiques, pour ''Pierre Laromiguière et son École{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}}'', mais ses prises de positions mythistes, qui d'une part lui aliènent progressivement le milieu académique et par ailleurs lui valent une [[Excommunication|excommunication majeure]] « ''vitandus'' » et une en juillet 1933{{Sfn|Sardella|2018|p=91}}, amenuisent considérablement son rayonnement qui s'exerce dès lors surtout en dehors de l’université, auprès d'un public alsacien restreint par le biais du Cercle Jean Macé<ref name=":2" />. |
|||
{{nonneutre|En effet, la thèse de l'inexistence historique de Jésus, apparue à la fin du {{s|XVIII}} et restée marginale au sein de la [[quêtes du Jésus historique|recherche historique académique]], a été complètement rejetée par les spécialistes universitaires du [[christianisme ancien]] depuis la fin des années 1930<ref>{{citation|Nous ne sommes plus au temps où B. Bauer (1840), ou P. L. Couchoud (1937) s'ingéniaient à nier que Jésus eut existé : le sens de ses faits et gestes, non son existence fait aujourd'hui débat »}} introduction de [[Daniel Marguerat]] à ''Jésus de Nazareth: nouvelles approches d'une énigme'' (Daniel Marguerat, Michel Bouttier, Enrico Norelli, Jean-Michel Poffet), Labor et Fides, 1998, {{p.|13}} [https://books.google.com/books?id=vlkpTHaOaJYC]. Selon [[Pierre Geoltrain]], fondateur de la [[Chaire universitaire|chaire]] des ''origines du christianisme'' à la Section des [[Sciences des religions|sciences religieuses]] de l'[[École pratique des hautes études]] : « quant aux thèses des mythologues qui, devant les difficultés rencontrées par l'[[historien]], ont pensé les résoudre toutes en expliquant les [[Évangiles]] comme un mythe solaire ou un drame sacré purement symbolique, elle ne résiste pas à l'analyse. L'étude des Évangiles permet de dire, non seulement que Jésus a existé, mais encore bien plus. » (Pierre Geoltrain, ''Encyclopædia Universalis'', art. ''Jésus'', éditions de 1965 à 2002.)</ref>. Elle apparaît aujourd'hui comme dépassée<ref name="mimouni-43" /> même si elle a continué d’être reprise régulièrement par des auteurs pour la plupart en dehors du circuit académique, « dans une certaine presse marquée par l'idéologie et pas assez par la connaissance scientifique »<ref name="mimouni-43" />, se diffusant notamment par le biais d’[[Internet]]<ref>Comme le reconnaît le mythiste Earl Doherty : « Le problème est que, à l'exception de [[Robert M. Price]], […] personne dans le milieu académique n'a mis sérieusement en question l'existence de Jésus[…]. Cela montre que la communauté des "extérieurs", centrée sur l'Internet et les ouvrages à [[compte d'auteur]] est toujours en avance sur l'établissement académique et universitaire en matière d'innovation et de courage » (The « problem is, with the exception of Robert M. Price, […], no one inside mainstream academia has been seriously questioning Jesus’ existence, […]. It shows that the ‘outsider’ community, centered on the Internet and privately produced books, is still miles ahead of established, university-based academia in its innovation and courage. » [http://jesuspuzzle.humanists.net/JesusProject.htm] - </ref>.}} |
|||
En 1939, Alfaric reçoit à nouveau le prix de l’Académie des Sciences pour ''Les manuscrits de la « Vie de Jésus » d’Ernest Renan'' (1939){{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}}. Quand éclate la [[seconde Guerre mondiale]], Alfaric accompagne l'université de Strasbourg dans son repli à [[Clermont-Ferrand]], où il continue à enseigner l’histoire des religions jusqu’en [[1945]]{{Sfn|Ducoeur|2022|p=40}}. Au lendemain du conflit, il prend sa retraite, le 5 novembre 1945<ref name=":4" />, et l'historien [[Marcel Simon (historien)|Marcel Simon]] reprend son enseignement, avant d’être nommé titulaire de la chaire d’histoire des religions en 1947{{Sfn|Ducoeur|2022|p=41}}. Il milite alors à la [[Ligue de l'enseignement]] dont il préside Cercle parisien en 1949 et au sein de laquelle il fonde la même année le Cercle Ernest Renan{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}}, voué à l'histoire des religions, à la [[critique biblique]] et à la recherche des [[origines du christianisme]]. Il adhère également à l'[[Union rationaliste]], qui lui confie la présidence peu avant sa mort{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}} qui survient à son domicile parisien de la [[Rue Belliard (Paris)|rue Belliard]] le 28 mars 1955{{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}}. |
|||
== Travaux == |
|||
=== Religions orientales === |
|||
Prosper Alfaric s'intéresse assez tôt au [[Manichéisme (religion)|manichéisme]], sujet à propos duquel il apporte des contributions notables, aidant notamment [[Paul Pelliot]] à commenter ''Un traité manichéen retrouvé en Chine'' paru en 1911<ref name=":0" />. Par ailleurs, sa thèse de doctorat sur le manichéisme tel que le connaissait [[Augustin d'Hippone]] parue en 1918 brosse un large éventail des doctrines théologiques et morales manichéennes<ref name=":0" />. |
|||
Alfaric est l'auteur de nombreux articles sur les origines du christianisme<ref name=":0" />, vivement intéressé par tout ce qui y touche y compris le [[gnosticisme]], les [[Hérésie|hérésies]] ou encore l'[[Esséniens|essénisme]]<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=François |nom1=Laplanche |lien auteur1=François Laplanche |titre=La Crise de l'origine |sous-titre=L'Histoire et la science catholique des Évangiles au {{S-|xx}} |éditeur=Albin Michel |année=2006 |passage=194 |isbn=978-2-226-38022-7}}.</ref>. Membre de la [[Société asiatique]], il s'intéresse également aux religions orientales et publie en 1917 un long article sur « La vie chrétienne du Bouddha » dans le ''[[Journal asiatique]]''<ref name=":4">{{Chapitre |langue=fr |prénom1=Guillaume |nom1=Ducœur |titre chapitre=Prosper Alfaric, Sylvain Lévi et le premier musée asiatique de Strasbourg durant les Années folles |auteurs ouvrage=Thomas Beaufils et Chang Ming Peng (éds.) |titre ouvrage=Histoire d'objets extra-européens |sous-titre ouvrage=Collecte, appropriation, médiation |éditeur=Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion |collection=Histoire et littérature du Septentrion (IRHiS) |année=2021 |passage=119 |isbn=978-2-490296-37-8}}</ref>. Plusieurs de ses travaux touchent en outre à l’Iran : dans un article intitulé « Zoroastre avant l’Avesta » paru en 1921, il défend par exemple l’hypothèse de l’existence d’un poème grec attribué à [[Zoroastre]] dès le {{-s-|VI}} mais la théorie est aussitôt réfutée par [[Franz Cumont]], l'année suivante<ref name=":0" />. |
|||
=== Théorie mythiste === |
|||
Dans la lignée de la méthode historico-critique, qui prend son essor en France depuis le {{S-|XIX}} dans le domaine des religions avec les travaux de l’[[Orientalisme (études orientales)|orientaliste]] [[Eugène Burnouf]], puis de celle de la [[critique historique]] telle que la pratiquent et l’enseignent l'[[Exégèse|exégète]] [[Ordre des Prêcheurs|dominicain]] [[Marie-Joseph Lagrange|Albert Lagrange]] ou encore l'historien [[Alfred Loisy]] — qui a lui aussi quitté le sacerdoce catholique et est excommunié en 1908 — Alfaric développe une lecture « mythologique » de la figure de Jésus{{Sfn|Ducoeur|2019|p=3}} : celle-ci ne relèverait pas d’un récit historique, mais d’un récit traditionnel communautaire à portée symbolique, à l'instar d'autres figures antiques de fondateurs de communautés religieuses{{Sfn|Ducoeur|2019|p=3}}. |
|||
En 1929, il publie une traduction de l’[[évangile selon Marc]], accompagnée d’un examen critique intitulé ''Pour comprendre la vie de Jésus''<ref name=":0" /> dans lequel il en vient ainsi à considérer que « la personnalité de Jésus, qui a dominé jusqu’ici l’esprit des historiens aussi bien que celui des croyants, s’évanouit peu à peu, au regard des premiers, dans les régions du mythe »{{Sfn|Ducoeur|2019|p=5}}. En 1932, il publie ''Le problème de Jésus et les origines du christianisme'' avec la collaboration du médecin [[Paul-Louis Couchoud]] et du sociologue [[Albert Bayet]], dans lequel est développée la thèse de l'inexistence de Jésus et qui lui vaut son excommunication{{Sfn|Ducoeur|2019|p=7}}. |
|||
Dès les années 1930, les hypothèses mythistes sont réfutées par [[Alfred Loisy]] puis par [[Maurice Goguel]]<ref name=":3">{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=François |nom1=Laplanche |lien auteur1=François Laplanche |titre=La Crise de l'origine |sous-titre=L'Histoire et la science catholique des Évangiles au {{S-|xx}} |éditeur=Albin Michel |année=2006 |passage=537 |isbn=978-2-226-38022-7}}.</ref>, et le ralliement à celles-ci par Alfaric occasionne en octobre 1930 une vive altercation et une rupture avec [[Charles Guignebert]]<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=François |nom1=Laplanche |lien auteur1=François Laplanche |titre=La Crise de l'origine |sous-titre=L'Histoire et la science catholique des Évangiles au {{S-|xx}} |éditeur=Albin Michel |année=2006 |passage=98 |isbn=978-2-226-38022-7}}.</ref>. Quand ce dernier, dans son ''Jésus'' paru en 1933'','' réfute les thèses des théoriciens mythistes, il ne cite pas même Alfaric et explique : « les efforts, souvent érudits et ingénieux des mythologues n'ont gagné à leurs thèses aucun des savants indépendants (...) que rien n'empêcherait se s'incliner devant un fait bien établi »<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Charles |nom1=Guignebert |lien auteur1=Charles Guignebert |titre=Jésus |éditeur=Albin Michel |collection=Évolution de l'Humanité |année=1969 |passage=67 |isbn=978-2-226-21638-0}}</ref>. |
|||
=== Postérité === |
|||
En 1939, il publie encore une étude sur les manuscrits de la ''[[Vie de Jésus (Renan)|Vie de Jésus]]'' d’Ernest Renan<ref name=":0" /> mais sur le plan scientifique, l'influence d'Alfaric, qui adopte « des positions de plus en plus aberrantes », n'a cessé de s'amenuiser<ref name=":2" />. Après sa mort, une compilation de dossiers inachevés est réunie en 1959 sous le titre ''Origines sociales du christianisme'' par les Publications de l'Union rationaliste<ref name=":0" /> mais la cause mythiste est progressivement démonétisée : [[Marcel Simon (historien)|Marcel Simon]], successeur d'Alfaric à Strasbourg, s'étonne avec quelque peu d'ironie en 1968 de la fidélité à la thèse mythiste de l'[[Union rationaliste]] dont Prosper Alfaric est « promu par [celle-ci] comme pape infaillible » de l'histoire religieuse<ref name=":3" /> et, en 1982, l'historien [[Henri Guillemin]] décrit la thèse d'Alfaric comme « entièrement impraticable, aucun historien, à quelque courant de pensée qu'il appartienne, ne [sachant] désormais s'y rallier »<ref>{{Ouvrage |prénom1=Henri |nom1=Guillemin |lien auteur1=Henri Guillemin |titre=L'affaire Jésus |lieu=Paris |éditeur=Seuil |année=1982 |passage=22}}</ref>. |
|||
De manière générale, au {{S-|XXI}}, la question de l'existence de Jésus ne se pose plus dans le champ académique, « dépassée aujourd'hui, sauf dans une certaine presse trop marquée par l'idéologie et pas assez par la connaissance scientifique »<ref>{{Chapitre |lien auteur1=Simon Claude Mimouni |titre chapitre=Introductions politiques et religieuses |auteurs ouvrage=Simon Claude Mimouni et Pierre Maraval |titre ouvrage=Le Christianisme des origines à Constantin |éditeur=Presses universitaires de France |collection=Nouvelle Clio/L'histoire et ses problèmes |année=2006 |passage=43-44 |isbn=978-2-13-052877-7}}</ref>, la recherche scientifique s'attachant moins aux enjeux d'historicité tels qu'ils avaient cours à l'époque d'Alfaric qu'à « saisir les processus de construction mis en œuvre par les communautés religieuses, elles-mêmes soumises à des facteurs sociétaux extra-communautaires, dans l’édification de leur figure fondatrice »{{Sfn|Ducoeur|2019|p=6}}. |
|||
Ainsi, en 2013, le philosophe [[Michel Onfray]], qui reprend à son compte la thèse de la fiction mythologique de Couchoud et d'Alfaric<ref>{{Article |langue=fr |prénom1=Philippe |nom1=Foro |titre=Introduction |périodique=Anabases. Traditions et réceptions de l’Antiquité |numéro=28 |pages=129–134 |date=2018-11 |issn=1774-4296}}</ref> et a préfacé un recueil de textes d'Alfaric publié en 2005 aux éditions Coda, constate, pour le déplorer, qu' « un demi-siècle [après sa mort], [les] livres [d'Alfaric] ne se trouvent plus, n'ont jamais été réédités, son nom ne dit plus rien à personne, son travail semble ne jamais avoir existé »{{Sfn|Onfray|2013|p=18}}. |
|||
⚫ | |||
Alfaric meurt en son domicile parisien de la [[Rue Belliard (Paris)|rue Belliard]] le 28 mars 1955<ref>[https://archives.paris.fr/arkotheque/visionneuse/visionneuse.php?arko=YTo2OntzOjQ6ImRhdGUiO3M6MTA6IjIwMjItMDctMjMiO3M6MTA6InR5cGVfZm9uZHMiO3M6MTE6ImFya29fc2VyaWVsIjtzOjQ6InJlZjEiO2k6NDtzOjQ6InJlZjIiO2k6Mjc1MTQ2O3M6MTY6InZpc2lvbm5ldXNlX2h0bWwiO2I6MTtzOjIxOiJ2aXNpb25uZXVzZV9odG1sX21vZGUiO3M6NDoicHJvZCI7fQ==#uielem_move=348,9&uielem_rotate=F&uielem_islocked=0&uielem_zoom=113 Archives de Paris] Acte de décès {{numéro|1116}} dressé au [[18e arrondissement de Paris|18{{e}} arrondissement]], vue 13 / 31</ref>. |
|||
== Publications == |
== Publications == |
||
* |
* {{Ouvrage |préface=Michel Onfray |titre=Jésus a-t-il existé ? |éditeur=Coda |nature ouvrage=Recueil d'articles contenant notamment ''Jésus a-t-il existé ?'' (1932), ''Comment s’est formé le mythe du Christ ?'' (1947), ''Le problème de Jésus'' (1954) |année=2005 |isbn=978-2-8496-7022-4}} |
||
* ''A l'école de la raison : études sur les origines chrétiennes, |
* ''A l'école de la raison : études sur les origines chrétiennes, éd. Nouvelles éditions Rationalistes, 1988 ({{1re}} éd. [[1959]])'' |
||
* ''De la foi à la raison'', éd. Nouvelles éditions Rationalistes, rééd. 1984 ({{1re}} éd. 1932) |
|||
* ''Origines sociales du christianisme'', Publications de l’Union rationaliste, 1959 |
* ''Origines sociales du christianisme'', Publications de l’Union rationaliste, 1959 |
||
* {{Ouvrage |langue=fr |titre=De la foi à la raison |sous-titre=Scènes vécues |éditeur=Publications de l'Union rationnaliste |année=1955 |isbn=979-10-410-4688-1}}. |
|||
* |
* {{Ouvrage |titre=Jean Macé, fondateur de la Ligue française de l'enseignement |éditeur=Le Cercle Parsien de la Ligue française de l'enseignement |année=1955}}. |
||
* |
* {{Ouvrage |titre=Les manuscrits de la « Vie de Jésus » d'Ernest Renan |éditeur=Publications de la faculté des Lettres de l’université de Strasbourg, 1939 |numéro dans collection=90 |année=1939}}. |
||
* ''Pour comprendre la vie de Jésus, Examen critique de l'évangile selon Marc'', éd. Rieder, Paris, 1929 |
* ''Pour comprendre la vie de Jésus, Examen critique de l'évangile selon Marc'', éd. Rieder, Paris, 1929 |
||
* ''La plus ancienne vie de Jésus : l'évangile selon Marc (traduction nouvelle avec introduction et notes)''. éd. Rieder, Paris, 1929 |
|||
* ''[[Laromiguière]] et son école'', éd. Les Belles Lettres, 1929 |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |titre=Laromiguière et son école |sous-titre=Étude biographique |éditeur=Les Belles lettres |année=1929}}. |
|||
⚫ | * Avec [[Ernest Hoepffner]], ''La Chanson de Sainte Foy'', t.I : ''Fac-similé du manuscrit et texte critique, introduction et commentaire philologiques'' par Ernest Hoepffner ; t. II : ''traduction française et sources latines, introduction et commentaire historiques'' par P. Alfaric, Paris, les Belles-Lettres, 1926 |
||
* ''Les Écritures manichéennes'', 2 tomes : I. Vue Générale et II. Étude Analytique, éd. Émile Nourry, 1918 |
* ''Zoroastre avant l'Avesta''. éd. Nourry 1921 |
||
* ''Les Écritures manichéennes'', 2 tomes : I. Vue Générale et II. Étude Analytique, éd. Émile Nourry, 1918. |
|||
* ''L' Évolution intellectuelle de saint Augustin |
* ''L' Évolution intellectuelle de saint Augustin. Du manichéisme au néoplatonisme.'' éd.Émile Nourry, Paris, 1918. |
||
=== Collectifs === |
=== Collectifs === |
||
* P. Alfaric, Paul-Louis Couchoud et Albert Bayet, ''Le Problème de Jésus et les Origines du Christianisme'', éd. Bibliothèque Rationaliste, Les |
* P. Alfaric, Paul-Louis Couchoud et Albert Bayet, ''Le Problème de Jésus et les Origines du Christianisme'', éd. Bibliothèque Rationaliste, Les Œuvres représentatives, Paris, 1932. |
||
⚫ | * Avec [[Ernest Hoepffner]], ''La Chanson de Sainte Foy'', t.I : ''Fac-similé du manuscrit et texte critique, introduction et commentaire philologiques'' par Ernest Hoepffner ; t. II : ''traduction française et sources latines, introduction et commentaire historiques'' par P. Alfaric, Paris, les Belles-Lettres, 1926. |
||
=== Articles === |
=== Articles === |
||
* « |
* « Les prologues de Luc », in ''Revue de l'histoire des religions'', 1937, vol.58-115, {{p.|37-52}}. |
||
* « Le Jésus de Paul », in ''Revue de l'histoire des religions'', 1927, vol.48-95, {{p.|256-286}} |
* « Le Jésus de Paul », in ''Revue de l'histoire des religions'', 1927, vol.48-95, {{p.|256-286}}. |
||
* « |
* « Gnostiques et gnosticisme », in ''Revue de l'histoire des religions'', 1926, vol.47-93, {{p.|108-115}}. |
||
* « |
* « La préparation évangélique », in ''Revue de l'histoire des religions'', 1925, vol.46-91, {{p.|153-174}}. |
||
* « Christianisme et [[gnosticisme ]]», in ''Revue historique'', 1924, vol. 145, {{p.|42}} |
* « Christianisme et [[gnosticisme ]]», in ''Revue historique'', 1924, vol. 145, {{p.|42}}. |
||
== Postérité == |
== Postérité == |
||
Ligne 72 : | Ligne 94 : | ||
== Distinctions == |
== Distinctions == |
||
* {{Déco CLH}} (1934){{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}} |
|||
* {{Déco CLH}}<ref>Travaux de l'université de Strasbourg pendant l'année scolaire 1933-1934</ref> (promotion 1934). |
|||
* |
* {{Déco Officier de la Légion d'honneur}} (1955){{Sfn|Ducoeur|2022|p=30}} |
||
== Notes et références == |
== Notes et références == |
||
{{Références}} |
|||
{{références|colonnes=2 | références = |
|||
⚫ | |||
<ref name="mimouni-43">{{ouvrage|auteur=[[Simon Claude Mimouni]]|titre=Le christianisme des origines à Constantin|éditeur= éd. P.U.F/Nouvelle Clio|année= 2006|passage= 43}}.</ref> |
|||
}} |
|||
* {{Chapitre |prénom1=Guillaume |nom1=Ducoeur |titre chapitre=Cent ans d’histoire des religions à l’Université de Strasbourg |auteurs ouvrage=Guillaume Ducoeur et Jean-Marie Husser (éds.) |titre ouvrage=Religions et identités collectives |sous-titre ouvrage=Actes du colloque du centenaire de l’Institut d’histoire des religions (1919-2019) |éditeur=Université de Strasbourg |collection=Publication de l'Institut d'histoire des religions |numéro dans collection=1 |année=2022 |passage=21-56 |isbn=978-2-9582518-2-6}}. |
|||
⚫ | |||
* {{Article |langue=fr-FR |prénom1=Guillaume |nom1=Ducoeur |titre=Histoires de figures construites : les fondateurs de religion. Introduction |périodique=Archimède. Archéologie et histoire ancienne |numéro=6 |pages=1–8 |date=2019}}. |
|||
* [[Louis-Pierre Sardella]], ''Une amitié intellectuelle au risque du malentendu, {{Mgr}} Mignot et l'abbé Prosper Alfaric (1905-1910)'', in ''Bulletin de Littérature Ecclésiastique'', {{nobr|vol. 102}}, décembre-janvier, 2001 |
|||
* {{Chapitre |prénom1=Guillaume |nom1=Ducoeur |titre chapitre=Histoire comparée des religions |auteurs ouvrage=Roland Recht et Jean-Claude Richez (éds.) |titre ouvrage=Dictionnaire culturel de Strasbourg 1880-1930 |éditeur=Presses universitaires de Strasbourg |année=2017 |passage=251-253 |isbn=978-2-8682-0988-7}}. |
|||
⚫ | |||
* {{Chapitre |prénom1=Jean-Claude |nom1=Richez |titre chapitre=Alfaric, Prosper |auteurs ouvrage=Roland Recht et Jean-Claude Richez (dir.) |titre ouvrage=Dictionnaire culturel de Strasbourg |sous-titre ouvrage=1880-1930 |lieu=Strasbourg |éditeur=Presses universitaires de Strasbourg |année=2017 |passage=25 |isbn=978-2-8682-0988-7}}. |
|||
* {{article|auteur=[[Henri Desroche]]|titre=Alfaric (Prosper) Origines sociales du christianisme|périodique=Archives des sciences sociales des religions|année= 1959|volume= 8 |numéro=1|passage=167-168|url=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/assr_0003-9659_1959_num_8_1_2066_t1_0167_0000_3 }} |
|||
* {{Ouvrage |prénom1=Louis-Pierre |nom1=Sardella |titre=Regards sur la crise moderniste en France |éditeur=Karthala |année=2018 |isbn=978-2-8111-1958-4 |partie=I |numéro chapitre=4 |titre chapitre=Une amitié intellectuelle au risque du malentendu : Mgr Mignot et l’abbé Prosper Alfaric (1905-1910)}}. |
|||
* Michel Onfray, ''Le Magnétisme des solstices'', Flammarion, 2013 {{p.|12-20}} {{ISBN|978-2-0812-9075-4}} |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Michel |nom1=Onfray |lien auteur1=Michel Onfray |titre=Le Magnétisme des solstices |éditeur=Flammarion |année=2013 |passage=12-20 |isbn=978-2-08-132375-9 |lire en ligne=https://books.google.be/books?id=rZHFAQAAQBAJ |sous-titreJournal hédoniste V}}. |
|||
* [[Jacqueline Marchand]], ''Prosper Alfaric'', Cahier rationaliste n°149 |
|||
*{{Chapitre | |
* {{Chapitre |langue=fr |prénom1=Léon |nom1=Strauss |lien auteur1=Léon Strauss |titre chapitre=ALFARIC Jean, Antoine, Prosper |titre ouvrage=Le Maitron |éditeur=Maitron/Èditions de l'Atelier |année=2008 |lire en ligne=https://maitron.fr/spip.php?article9848 |consulté le=2024-09-11}} |
||
⚫ | |||
* {{Chapitre |prénom1=Marcel |nom1=Simon |lien auteur1=Marcel Simon (historien) |titre chapitre=Une originalité à l’Université de Strasbourg : la chaire d’Histoire des Religions |auteurs ouvrage=Charles-Olivier Carbonnel et Georges Livet (éds.) |titre ouvrage=Au berceau des Annales |sous-titre ouvrage=Le milieu strasbourgeois. L’histoire en France au début du {{s-|XX}} |éditeur=Presses de l'Institut d'études politiques de Toulouse |année=1983 |passage=59-63 |isbn=978-2-9038-4705-0}} |
|||
* {{Article |auteur1=Edmond Fournout |auteur2=Georges Ory |auteur3=Victor Daumer |auteur4=Jacqueline Marchand |lien auteur4=Jacqueline Marchand |auteur5=Gilbert Brunet |titre=Prosper Alfaric |sous-titre=L'homme et l'œuvre |périodique=Cahiers du Cercle Ernest Renan |volume=47 |date=1965}}. |
|||
* {{Article |prénom1=Jacqueline |nom1=Marchand |lien auteur1=Jacqueline Marchand |titre=Prosper Alfaric |périodique=Cahier rationaliste |numéro=149 |mois=Septembre |date=1955}}. |
|||
== Voir aussi == |
== Voir aussi == |
Version du 17 septembre 2024 à 15:51
Naissance | |
---|---|
Décès | |
Nationalité | |
Activités |
A travaillé pour |
Université de Strasbourg (d) (- |
---|---|
Membre de | |
Condamnation |
Excommunication dans l'Église catholique (en) () |
Jésus a-t-il Existé ? (1932) |
Jean Antoine Prosper Alfaric, né à Livinhac-le-Haut le et mort à Paris le , est un historien spécialiste du christianisme ancien et du manichéisme.
Prêtre sulpicien ayant perdu la vocation, il mène à partir de 1919 une carrière l'université de Strasbourg où il est le premier titulaire de la chaire d'histoire comparée des religions et y enseigne jusqu'à sa retraite en 1945. Partisan de la thèse mythiste, militant de la Ligue de l'enseignement et de l'Union rationaliste, ses positions critiques sur l’histoire du christianisme primitif et sur le Jésus historique entraînent son excommunication en 1933.
Biographie
Origines et vocation
Prosper Alfaric nait le à Livinhac-le-Haut, une commune de l'Aveyron, dans une famille modeste de vignerons catholique, profondément pieuse au sein de laquelle il est l'aîné de sept enfants[1]. Suite à la crise du phylloxéra, l'exploitation familiale est ruinée et le père doit se reconvertir en manœuvre[1]. Prosper, qui est élève à l'école congréganiste locale entre 1882 et 1887, s'avère être un élément brillant, excellant au certificat d'études et étudiant le latin avec le prêtre de la paroisse[1].
En 1888, une bourse lui permet d'intégrer le Petit séminaire de Saint-Pierre à Rodez puis, quatre ans plus tard, le Grand séminaire de Philosophie de Rodez, dirigé par les Sulpiciens[1]. Il y reçoit un enseignement scolastique dont la structure logique le marque durablement[2], y étudie la théologie et reçoit un enseignement dogmatique marqué par le thomisme[3]. Alfaric perd ses parents en 1894 et doit, à 17 ans, prendre en charge ses six frères et sœurs, qui sont placés dans différents orphelinats religieux[1].
Réformé du service militaire[4], il poursuit sa formation et est admis en octobre 1897 au scolasticat sulpicien de Paris[1]. Il suit des cours de philosophie à l'Institut catholique de Paris[3] et y est particulièrement séduit par l'enseignement de l'abbé Clodius Piat qui lui fait découvrir la psychologie expérimentale et l'histoire des idées, qui constituent pour Alfaric autant de révélations[3].
Carrière ecclésiale
En 1898, après avoir été admis au sous-diaconat, il est nommé professeur de philosophie au Grand séminaire de Bayeux[3] à Sommervieu[3], dans un environnement ecclésiastique traditionnaliste[3]. Ordonné prêtre à Paris le , le jeune professeur achève sa formation au noviciat sulpicien de la Solitude à Issy-les-Moulineaux[5], dans un environnement préservé qui le tient à l'écart des turbulences de la crise moderniste qui agitent le catholicisme français[3].
En 1902, il reprend l'enseignement à Bayeux[1] où son évolution intellectuelle commence lorsqu'il s'attache à lire méthodiquement les philosophes modernes Descartes, Spinoza, Leibniz, Kant et Herbert Spencer, ce dernier l'impressionnant particulièrement[3]. Il s'intéresse alors aux publications de l'exégète catholique Marie-Joseph Lagrange et sa Revue biblique, ainsi qu'à l'historien et théologien Alfred Loisy et sa Revue d'histoire et de littérature religieuse, Loisy dont il suit bientôt avec passion les travaux[6]. Il est également fort impressionné par l'ouvrage d'Albert Houtin sur Les questions bibliques chez les catholiques de France au XIXe siècle tandis que la lecture du Quatrième Évangile de Loisy fait s'effondrer sa croyance en l'Évangile[6].
Se trouvant déjà dans un grand embarras intellectuel[6], Alfaric est nommé en 1904 professeur de dogmes au Grand Séminaire de Bordeaux mais est bientôt contraint de quitter l'établissement religieux par les effets de la loi Combes sur les congrégations[1]. L'année suivante, il est invité à enseigner au Grand séminaire d'Albi par l'archevêque d'Albi Eudoxe Irénée Mignot, partisan d'une modernisation de la foi catholique et qui incarne alors, en pleine crise moderniste, « l'espoir d'une réconciliation entre les jeunes sciences religieuses et l'Église »[7]. À Albi, il tente d'allier sa « mysticité première et [son] esprit critique récemment développé » en enseignant la dogmatique sur un plan strictement historique, mais l'équilibre trouvé lui reste précaire[6].
Rupture
Les publications en 1907 du décret Lamentabili puis de l'encyclique Pascendi par le pape Pie X qui entend condamner radicalement le modernisme, provoquent chez Alfaric une profonde crise de conscience[6] et le cheminement intellectuel qui en résulte lui fait progressivement perdre toute forme de croyance[8].
Le dénouement de cette crise personnelle, qui l'a impacté à la fois sur le plan intellectuel et sur le plan religieux[9], aboutit vers 1909-1910 à sa sortie de l'Église[2], qu'il décrit dans De la foi à la raison (1955) — un livre de mémoires paru l'année de sa mort, dans lequel il retrace les expériences et réflexions qui l’ont conduit à quitter l’Église[10] — comme un « exode » qu'il ressent comme un passage de la servitude à la liberté[11]. De manière étonnante et probablement par reconnaissance, il rédige encore en 1907 pour l'archevêque Mignot un mandement sur Les nécessités de l'enseignement chrétien et, bien qu'il ait déjà perdu la foi, un autre sur Les harmonies des dogmes et de la raison, ainsi que divers éléments d'une apologie du mouvement du Sillon[12], alors mis à mal par le courant conservateur de l'Église et dissous peu après[13].
Bien qu'il ne se connaissent pas personnellement, Alfaric sollicite alors le conseils de Loisy en vue de sa reconversion vers la vie laïque : ce dernier lui offre alors ses conseils et lui ouvre son carnet d'adresses[14].
Enseignant
Ayant obtenu à Paris un poste de répétiteur au Collège Chaptal en 1914, Alfaric, rendu à la vie laïque, reprend alors son cursus universitaire[4] et, le 29 juillet 1915[15], épouse Jeanne Prévot, employée des postes, avec laquelle il a trois filles[4]. Encouragé par de grands maîtres parisiens[16], il soutient en 1918 en Sorbonne deux thèses préparées en Allemagne[17], l'une sur l’Évolution intellectuelle de saint Augustin et l'autre sur Les écritures manichéennes – couronnée par l’Académie des inscriptions et belles lettres[4]. Bien qu'elle ait reçu le prix de l’Académie des Sciences morales et politiques, la thèse sur saint Augustin apparaît à certains comme iconoclaste[18] et provoque de multiples réactions, dont celle — négative — de Loisy, au point que plusieurs ouvrages favorables aux Confessions paraissent en réponse dans les années qui suivent[19].
Néanmoins, la qualité de ses recherches lui ouvre les portes du milieu universitaire et, avec les encouragements de Camille Jullian et l’appui des historiens Ernest Lavisse, Lucien Lévy-Bruhl, Salomon Reinach et Charles Guignebert[20], il pose sa candidature à la Faculté des Lettres de Strasbourg[4]. Celle-ci se heurte à la résistance des Alsaciens conservateurs qui voient dans cette candidature une provocation laïque à leur encontre et obtiennent qu'Alexandre Millerand, alors Commissaire général de la République à Strasbourg, oppose un veto contre lequel se mobilisent les soutiens universitaires d'Alfaric[21].
Il est ainsi engagé à l'université où il devient le premier titulaire de la chaire d’Histoire des religions nouvellement créée dans le but « d'établir un contrepoids laïc à l'enseignement des deux facultés de théologie, maintenues dans l'université de Strasbourg par statut dérogatoire »[22]. Strasbourg devient ainsi, après Paris, le centre le plus important pour l’étude de l’histoire des religions[23].
Alfaric y officie comme chargé de cours (1919-1920), puis comme professeur adjoint (1921-1924) et enfin comme professeur titulaire jusqu'en 1945[4], tout en donnant également et volontiers des conférences populaires dans les différents cafés de la ville[24]. Il met sur pied l’Institut d’histoire des religions[4], un musée d'étude[25] ainsi que la bibliothèque, qui compte dès 1923 plusieurs milliers d'ouvrages[26]. Mais le cours d'histoire des religions n’attire que peu d’étudiants et son activité la plus importante est consacrée à la Commission des Publications de la Faculté des Lettres de l’Université de Strasbourg – les futures Presses universitaires de Strasbourg[4] – dont il a pris la direction[1] et à laquelle il assure un véritable rayonnement scientifique tant en France qu'à l’étranger[27].
Alfaric accorde en outre une grande importance à l'enseignement pour tous et, s'intéressant à Jean Macé[28], devient en 1926 président de l'antenne régionale la Ligue de l'enseignement, le Cercle Jean Macé de Strasbourg[4]. En 1929, il reçoit le prix de l’Académie des Sciences morales et politiques, pour Pierre Laromiguière et son École[4], mais ses prises de positions mythistes, qui d'une part lui aliènent progressivement le milieu académique et par ailleurs lui valent une excommunication majeure « vitandus » et une en juillet 1933[29], amenuisent considérablement son rayonnement qui s'exerce dès lors surtout en dehors de l’université, auprès d'un public alsacien restreint par le biais du Cercle Jean Macé[16].
En 1939, Alfaric reçoit à nouveau le prix de l’Académie des Sciences pour Les manuscrits de la « Vie de Jésus » d’Ernest Renan (1939)[4]. Quand éclate la seconde Guerre mondiale, Alfaric accompagne l'université de Strasbourg dans son repli à Clermont-Ferrand, où il continue à enseigner l’histoire des religions jusqu’en 1945[30]. Au lendemain du conflit, il prend sa retraite, le 5 novembre 1945[31], et l'historien Marcel Simon reprend son enseignement, avant d’être nommé titulaire de la chaire d’histoire des religions en 1947[32]. Il milite alors à la Ligue de l'enseignement dont il préside Cercle parisien en 1949 et au sein de laquelle il fonde la même année le Cercle Ernest Renan[4], voué à l'histoire des religions, à la critique biblique et à la recherche des origines du christianisme. Il adhère également à l'Union rationaliste, qui lui confie la présidence peu avant sa mort[4] qui survient à son domicile parisien de la rue Belliard le 28 mars 1955[4].
Travaux
Religions orientales
Prosper Alfaric s'intéresse assez tôt au manichéisme, sujet à propos duquel il apporte des contributions notables, aidant notamment Paul Pelliot à commenter Un traité manichéen retrouvé en Chine paru en 1911[10]. Par ailleurs, sa thèse de doctorat sur le manichéisme tel que le connaissait Augustin d'Hippone parue en 1918 brosse un large éventail des doctrines théologiques et morales manichéennes[10].
Alfaric est l'auteur de nombreux articles sur les origines du christianisme[10], vivement intéressé par tout ce qui y touche y compris le gnosticisme, les hérésies ou encore l'essénisme[33]. Membre de la Société asiatique, il s'intéresse également aux religions orientales et publie en 1917 un long article sur « La vie chrétienne du Bouddha » dans le Journal asiatique[31]. Plusieurs de ses travaux touchent en outre à l’Iran : dans un article intitulé « Zoroastre avant l’Avesta » paru en 1921, il défend par exemple l’hypothèse de l’existence d’un poème grec attribué à Zoroastre dès le VIe siècle av. J.-C. mais la théorie est aussitôt réfutée par Franz Cumont, l'année suivante[10].
Théorie mythiste
Dans la lignée de la méthode historico-critique, qui prend son essor en France depuis le XIXe siècle dans le domaine des religions avec les travaux de l’orientaliste Eugène Burnouf, puis de celle de la critique historique telle que la pratiquent et l’enseignent l'exégète dominicain Albert Lagrange ou encore l'historien Alfred Loisy — qui a lui aussi quitté le sacerdoce catholique et est excommunié en 1908 — Alfaric développe une lecture « mythologique » de la figure de Jésus[34] : celle-ci ne relèverait pas d’un récit historique, mais d’un récit traditionnel communautaire à portée symbolique, à l'instar d'autres figures antiques de fondateurs de communautés religieuses[34].
En 1929, il publie une traduction de l’évangile selon Marc, accompagnée d’un examen critique intitulé Pour comprendre la vie de Jésus[10] dans lequel il en vient ainsi à considérer que « la personnalité de Jésus, qui a dominé jusqu’ici l’esprit des historiens aussi bien que celui des croyants, s’évanouit peu à peu, au regard des premiers, dans les régions du mythe »[35]. En 1932, il publie Le problème de Jésus et les origines du christianisme avec la collaboration du médecin Paul-Louis Couchoud et du sociologue Albert Bayet, dans lequel est développée la thèse de l'inexistence de Jésus et qui lui vaut son excommunication[36].
Dès les années 1930, les hypothèses mythistes sont réfutées par Alfred Loisy puis par Maurice Goguel[37], et le ralliement à celles-ci par Alfaric occasionne en octobre 1930 une vive altercation et une rupture avec Charles Guignebert[38]. Quand ce dernier, dans son Jésus paru en 1933, réfute les thèses des théoriciens mythistes, il ne cite pas même Alfaric et explique : « les efforts, souvent érudits et ingénieux des mythologues n'ont gagné à leurs thèses aucun des savants indépendants (...) que rien n'empêcherait se s'incliner devant un fait bien établi »[39].
Postérité
En 1939, il publie encore une étude sur les manuscrits de la Vie de Jésus d’Ernest Renan[10] mais sur le plan scientifique, l'influence d'Alfaric, qui adopte « des positions de plus en plus aberrantes », n'a cessé de s'amenuiser[16]. Après sa mort, une compilation de dossiers inachevés est réunie en 1959 sous le titre Origines sociales du christianisme par les Publications de l'Union rationaliste[10] mais la cause mythiste est progressivement démonétisée : Marcel Simon, successeur d'Alfaric à Strasbourg, s'étonne avec quelque peu d'ironie en 1968 de la fidélité à la thèse mythiste de l'Union rationaliste dont Prosper Alfaric est « promu par [celle-ci] comme pape infaillible » de l'histoire religieuse[37] et, en 1982, l'historien Henri Guillemin décrit la thèse d'Alfaric comme « entièrement impraticable, aucun historien, à quelque courant de pensée qu'il appartienne, ne [sachant] désormais s'y rallier »[40].
De manière générale, au XXIe siècle, la question de l'existence de Jésus ne se pose plus dans le champ académique, « dépassée aujourd'hui, sauf dans une certaine presse trop marquée par l'idéologie et pas assez par la connaissance scientifique »[41], la recherche scientifique s'attachant moins aux enjeux d'historicité tels qu'ils avaient cours à l'époque d'Alfaric qu'à « saisir les processus de construction mis en œuvre par les communautés religieuses, elles-mêmes soumises à des facteurs sociétaux extra-communautaires, dans l’édification de leur figure fondatrice »[42].
Ainsi, en 2013, le philosophe Michel Onfray, qui reprend à son compte la thèse de la fiction mythologique de Couchoud et d'Alfaric[43] et a préfacé un recueil de textes d'Alfaric publié en 2005 aux éditions Coda, constate, pour le déplorer, qu' « un demi-siècle [après sa mort], [les] livres [d'Alfaric] ne se trouvent plus, n'ont jamais été réédités, son nom ne dit plus rien à personne, son travail semble ne jamais avoir existé »[44].
Publications
- Jésus a-t-il existé ? (préf. Michel Onfray) (Recueil d'articles contenant notamment Jésus a-t-il existé ? (1932), Comment s’est formé le mythe du Christ ? (1947), Le problème de Jésus (1954)), Coda, (ISBN 978-2-8496-7022-4)
- A l'école de la raison : études sur les origines chrétiennes, éd. Nouvelles éditions Rationalistes, 1988 (1re éd. 1959)
- Origines sociales du christianisme, Publications de l’Union rationaliste, 1959
- De la foi à la raison : Scènes vécues, Publications de l'Union rationnaliste, (ISBN 979-10-410-4688-1).
- Jean Macé, fondateur de la Ligue française de l'enseignement, Le Cercle Parsien de la Ligue française de l'enseignement, .
- Les manuscrits de la « Vie de Jésus » d'Ernest Renan, Publications de la faculté des Lettres de l’université de Strasbourg, 1939 (no 90), .
- Pour comprendre la vie de Jésus, Examen critique de l'évangile selon Marc, éd. Rieder, Paris, 1929
- La plus ancienne vie de Jésus : l'évangile selon Marc (traduction nouvelle avec introduction et notes). éd. Rieder, Paris, 1929
- Laromiguière et son école : Étude biographique, Les Belles lettres, .
- Zoroastre avant l'Avesta. éd. Nourry 1921
- Les Écritures manichéennes, 2 tomes : I. Vue Générale et II. Étude Analytique, éd. Émile Nourry, 1918.
- L' Évolution intellectuelle de saint Augustin. Du manichéisme au néoplatonisme. éd.Émile Nourry, Paris, 1918.
Collectifs
- P. Alfaric, Paul-Louis Couchoud et Albert Bayet, Le Problème de Jésus et les Origines du Christianisme, éd. Bibliothèque Rationaliste, Les Œuvres représentatives, Paris, 1932.
- Avec Ernest Hoepffner, La Chanson de Sainte Foy, t.I : Fac-similé du manuscrit et texte critique, introduction et commentaire philologiques par Ernest Hoepffner ; t. II : traduction française et sources latines, introduction et commentaire historiques par P. Alfaric, Paris, les Belles-Lettres, 1926.
Articles
- « Les prologues de Luc », in Revue de l'histoire des religions, 1937, vol.58-115, p. 37-52.
- « Le Jésus de Paul », in Revue de l'histoire des religions, 1927, vol.48-95, p. 256-286.
- « Gnostiques et gnosticisme », in Revue de l'histoire des religions, 1926, vol.47-93, p. 108-115.
- « La préparation évangélique », in Revue de l'histoire des religions, 1925, vol.46-91, p. 153-174.
- « Christianisme et gnosticisme », in Revue historique, 1924, vol. 145, p. 42.
Postérité
On trouve une avenue Prosper-Alfaric à Decazeville, et une rue Prosper-Alfaric à Igny et à Vénissieux ; il existe aussi une école primaire Prosper-Alfaric dans son village natal de Livinhac-le-Haut.
Distinctions
Notes et références
- Strauss 2021.
- Colin 1997, p. 41.
- Colin 1997, p. 42.
- Ducoeur 2022, p. 30.
- Prosper Alfaric, De la foi à la raison : Scènes vécues, Publications de l'Union rationaliste, (ISBN 979-10-410-4688-1), p. 109
- Colin 1997, p. 43.
- Christoph Theobald, « L'exégèse catholique au moment de la crise moderniste », dans Claude Savart et Jean Noël Aletti (dirs.), Le monde contemporain et la Bible, Beauchesne, (ISBN 978-2-7010-1094-6), p. 399
- Frédéric Gugelot, « Apologie de l’abandon ou conversion à rebours : Témoignages d’abandon du catholicisme au XXe siècle », dans Didier Boisson et Élisabeth Pinto-Mathieu (dirs.), L’apologétique chrétienne : Expressions de la pensée religieuse, de l’Antiquité à nos jours, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7535-6872-3), p. 444
- Colin 1997, p. 44.
- (en) Henri-Charles Puech, « Alfaric, Prosper », dans Encyclopædia Iranica, vol. I, t. 8, Londres, Routledge, (ISBN 978-0-7100-9099-7), p. 835-836
- Frédéric Gugelot, « Apologie de l’abandon ou conversion à rebours : Témoignages d’abandon du catholicisme au XXe siècle », dans Didier Boisson et Élisabeth Pinto-Mathieu (dirs.), L’apologétique chrétienne : Expressions de la pensée religieuse, de l’Antiquité à nos jours, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7535-6872-3), p. 443
- Sardella 2018, p. 78.
- Albert Marty, L'Action française racontée par elle-même, Nouvelles Èditions Latines, (ISBN 978-2-7233-0325-5), p. 448
- Préface de Michel Onfray à la publication d'un regroupement d' articles et de conférences d'Alfaric sous le titre Jésus-Christ a-t-il existé ?, éd. Coda, 2005.
- World Biography, vol. I, New York, Institute for Research in Biography., , p. 466
- Marcel Simon, « Alfaric, Prosper », dans Nouveau Dictionnaire de biographie alsacienne, Strasbourg, Fédération des sociétés d'Histoire et d'archéologie d'Alsace, (lire en ligne)
- Alfaric 1955, p. 267-268.
- Pour Alfaric, les Confessions sont tendancieuses et ne sont pas fiables au point qu'il met en cause la sincérité de la conversion de l'évêque d'Hippone au christianisme qui serait feinte alors que, moralement et intellectuellement, c’est au néoplatonisme que celui-ci se serait converti ; cf. Julien Ries, op.cit., 2001, p.286.
- Julien Ries, « Augustin d’Hippone : Du manichéisme au néoplatonisme et au christianisme », dans Kêpoi : De la religion à la philosophie (Mélanges offerts à André Motte), Presses universitaires de Liège, coll. « Kernos suppléments », (ISBN 978-2-8218-2899-5), p. 286
- Ducoeur 2019, p. 2.
- Ducoeur 2019, p. 30.
- Institut d'histoire des religions
- Simon 1983.
- « Débat : de Renan à Guignebert », dans Yves-Marie Hilaire (éd.), De Renan à Marrou : L’histoire du christianisme et les progrès de la méthode historique (1863-1968), Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et civilisations », , 60 p. (ISBN 978-2-7574-3466-6)
- Ducoeur 2022, p. 35.
- Ducoeur 2022, p. 33.
- Ducoeur 2022, p. 2.
- P Alfaric et J Sarrailh, Jean Macé, fondateur de la Ligue française de l'enseignement, Le Cercle parisien de la Ligue française de l'enseignement, .
- Sardella 2018, p. 91.
- Ducoeur 2022, p. 40.
- Guillaume Ducœur, « Prosper Alfaric, Sylvain Lévi et le premier musée asiatique de Strasbourg durant les Années folles », dans Thomas Beaufils et Chang Ming Peng (éds.), Histoire d'objets extra-européens : Collecte, appropriation, médiation, Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, coll. « Histoire et littérature du Septentrion (IRHiS) », (ISBN 978-2-490296-37-8), p. 119
- Ducoeur 2022, p. 41.
- François Laplanche, La Crise de l'origine : L'Histoire et la science catholique des Évangiles au xxe siècle, Albin Michel, (ISBN 978-2-226-38022-7), p. 194xxe siècle&rft.aulast=Laplanche&rft.aufirst=François&rft.date=2006&rft.pages=194&rft.isbn=978-2-226-38022-7&rfr_id=info:sid/fr.wikipedia.org:Prosper Alfaric">.
- Ducoeur 2019, p. 3.
- Ducoeur 2019, p. 5.
- Ducoeur 2019, p. 7.
- François Laplanche, La Crise de l'origine : L'Histoire et la science catholique des Évangiles au xxe siècle, Albin Michel, (ISBN 978-2-226-38022-7), p. 537xxe siècle&rft.aulast=Laplanche&rft.aufirst=François&rft.date=2006&rft.pages=537&rft.isbn=978-2-226-38022-7&rfr_id=info:sid/fr.wikipedia.org:Prosper Alfaric">.
- François Laplanche, La Crise de l'origine : L'Histoire et la science catholique des Évangiles au xxe siècle, Albin Michel, (ISBN 978-2-226-38022-7), p. 98xxe siècle&rft.aulast=Laplanche&rft.aufirst=François&rft.date=2006&rft.pages=98&rft.isbn=978-2-226-38022-7&rfr_id=info:sid/fr.wikipedia.org:Prosper Alfaric">.
- Charles Guignebert, Jésus, Albin Michel, coll. « Évolution de l'Humanité », (ISBN 978-2-226-21638-0), p. 67
- Henri Guillemin, L'affaire Jésus, Paris, Seuil, , p. 22
- « Introductions politiques et religieuses », dans Simon Claude Mimouni et Pierre Maraval, Le Christianisme des origines à Constantin, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio/L'histoire et ses problèmes », (ISBN 978-2-13-052877-7), p. 43-44
- Ducoeur 2019, p. 6.
- Philippe Foro, « Introduction », Anabases. Traditions et réceptions de l’Antiquité, no 28, , p. 129–134 (ISSN 1774-4296)
- Onfray 2013, p. 18.
Bibliographie
- Guillaume Ducoeur, « Cent ans d’histoire des religions à l’Université de Strasbourg », dans Guillaume Ducoeur et Jean-Marie Husser (éds.), Religions et identités collectives : Actes du colloque du centenaire de l’Institut d’histoire des religions (1919-2019), Université de Strasbourg, coll. « Publication de l'Institut d'histoire des religions » (no 1), (ISBN 978-2-9582518-2-6), p. 21-56.
- Guillaume Ducoeur, « Histoires de figures construites : les fondateurs de religion. Introduction », Archimède. Archéologie et histoire ancienne, no 6, , p. 1–8.
- Guillaume Ducoeur, « Histoire comparée des religions », dans Roland Recht et Jean-Claude Richez (éds.), Dictionnaire culturel de Strasbourg 1880-1930, Presses universitaires de Strasbourg, (ISBN 978-2-8682-0988-7), p. 251-253.
- Jean-Claude Richez, « Alfaric, Prosper », dans Roland Recht et Jean-Claude Richez (dir.), Dictionnaire culturel de Strasbourg : 1880-1930, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, (ISBN 978-2-8682-0988-7), p. 25.
- Louis-Pierre Sardella, Regards sur la crise moderniste en France, Karthala, (ISBN 978-2-8111-1958-4), partie I, chap. 4 (« Une amitié intellectuelle au risque du malentendu : Mgr Mignot et l’abbé Prosper Alfaric (1905-1910) »).
- Michel Onfray, Le Magnétisme des solstices, Flammarion, (ISBN 978-2-08-132375-9, lire en ligne), p. 12-20.
- Léon Strauss, « ALFARIC Jean, Antoine, Prosper », dans Le Maitron, Maitron/Èditions de l'Atelier, (lire en ligne)
- Pierre Colin, L'Audace et le Soupçon : La crise du modernisme dans le catholicisme français (1893-1914), Desclée De Brouwer, (ISBN 9782220038537), p. 41-44.
- Marcel Simon, « Une originalité à l’Université de Strasbourg : la chaire d’Histoire des Religions », dans Charles-Olivier Carbonnel et Georges Livet (éds.), Au berceau des Annales : Le milieu strasbourgeois. L’histoire en France au début du XXe siècle, Presses de l'Institut d'études politiques de Toulouse, (ISBN 978-2-9038-4705-0), p. 59-63XXe siècle&rft.aulast=Simon&rft.aufirst=Marcel&rft.date=1983&rft.pages=59-63&rft.isbn=978-2-9038-4705-0&rfr_id=info:sid/fr.wikipedia.org:Prosper Alfaric">
- Edmond Fournout, Georges Ory, Victor Daumer, Jacqueline Marchand et Gilbert Brunet, « Prosper Alfaric : L'homme et l'œuvre », Cahiers du Cercle Ernest Renan, vol. 47, .
- Jacqueline Marchand, « Prosper Alfaric », Cahier rationaliste, no 149, .
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives à la recherche :
- Ressource relative à la vie publique :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Article de Prosper Alfaric, Un pape alsacien: Léon IX d'Eguisheim, 1933, sur le site de l'encyclopedie-universelle de langue française.
- Correspondance d'Henri Piéron
- Historien français des religions
- Historien français du XXe siècle
- Philosophe athée
- Personnalité critiquant les croyances
- Personnalité contestant l'existence historique de Jésus-Christ
- Enseignant à l'université de Strasbourg
- Religieux catholique excommunié
- Personnalité liée à la crise moderniste
- Naissance dans l'Aveyron
- Naissance en mai 1876
- Décès à 78 ans
- Décès dans le 18e arrondissement de Paris
- Décès en mars 1955