Michel de Brunhoff
Pierre Claude Michel de Brunhoff est une personnalité française du XXe siècle, né le à Paris et mort le à Paris. Homme de presse et de mode, il est notamment rédacteur en chef de l'édition française de Vogue de 1929 à 1954[1].
Rédacteur en chef Vogue Paris |
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Cosette de Brunhoff (d) Jean de Brunhoff |
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Préambule : filiation
modifierMichel de Brunhoff est le fils de Maurice de Brunhoff (fils de Moritz von Haber) et de Marguerite Meyer-Warnod, frère de Jacques et de Jean de Brunhoff, créateur de Babar, et donc l'oncle de Thierry et Laurent de Brunhoff. Il est également le frère d'Yvonne Cosette de Brunhoff, mariée à Lucien Vogel[2] fils de Hermann Vogel, qui deviendra la première rédactrice en chef du Vogue français à la création du magazine en 1920 et qui auront pour fille Marie-Claude Vaillant-Couturier. À la Libération, les filles de Michel de Brunhoff, Marion (épouse de Marc Ullmann) et Ida (épouse de Louis Sorrel-Déjerine), travailleront également pour Vogue comme leur père, ou leur tante auparavant[3].
Biographie
modifierMichel de Brunhoff devient secrétaire de rédaction de la revue Art & Décoration publiée par Émile Lévy, puis fonde avec ce dernier et Lucien Vogel la Gazette du Bon Ton[4]. Il se marie en 1923 à Marcelle Le Roy, leur fils naît peu après. Il entre au journal Le Jardin des Modes, fondé par son beau-frère Lucien avec la famille Baschet, revendu pour devenir la propriété de Condé Nast[5] dans les années suivantes ; il en devient rédacteur en chef, puis quitte celui-ci en 1933[2].
Entre-temps, Lucien Vogel et Michel de Brunhoff publient aux Éditions du Jardin des Modes le premier Babar de Jean de Brunhoff. Les publications de Babar dureront quatre ans, avant d'être cédées à Hachette[6]. Quatre ans avant son départ du Jardin des Modes[7], il prend également le poste de rédacteur en chef du Vogue français[8]. Il travaille alors dans les années à venir avec l'illustrateur René Bouché, ou les photographes Cecil Beaton, Erwin Blumenfeld à qui il proposera du travail[9], ou Robert Doisneau bien plus tard[10], et sait s’entourer des plus grands artistes et écrivains de l'époque[11].
Au début de l'Occupation, il cesse, en accord avec Condé Nast, la publication du Vogue français au premier semestre 1940[12], malgré le souhait des Allemands[13],[14]. « Il n'y a pas de façon honorable de publier un magazine sous les Allemands ; il n'y avait rien sans compromission ou collaboration. […] Finalement, j'ai trouvé une façon de publier des albums de mode sans dire s'il vous plaît aux Allemands »[15]. Durant la guerre, il continuera l'édition[3] ainsi que son soutien à la haute couture[16]. Après la mort de son frère Jean, il pousse Laurent de Brunhoff son neveu à continuer la série Babar.
En , il perd son fils Pascal, fusillé[3] par les agents de la Gestapo. Son ami le journaliste Jean Galtier-Boissière dans "Mon journal pendant l'Occupation"[17] (Editions La Jeune Parque décembre 1944) en fait le récit sous l'intitulé "Massacre des Innocents" : "Je viens de visiter avec Claude Blanchard nos pauvres amis de Brunhoff. Leur fils Pascal a été assassiné par les Allemands. Affilié à la Résistance, il était parti pour la Sologne ...Les jeunes Parisiens - une trentaine - se trouvaient à peine rassemblés dans deux fermes qu'ils sont soudain cernés par les boches. Ce sont des enfants, Pascal, le plus âgé, a vingt ans. Ils n'ont pas d'armes, leurs papiers sont en règle. Les Allemands s'emparent de leurs papiers d'identité, qu'ils brûlent, de leur argent qu'ils empochent. Et ils abattent ces enfants désarmés à coups de mitraillettes dans la nuque. Au maire du village accouru, l'officier déclare : " vous les jetterez tous dans le même trou. J'interdis de creuser des tombes individuelles". Les meurtriers partis, les villageois creusent une tombe pour chaque petit garçon et ces tombes sont fleuries chaque jour". Quelques pages plus loin, en date du 12 juillet, Galtier-Boissière note : "Service funèbre à la mémoire de Pascal de Brunhoff à Sainte-Clotilde. Une foule compacte et recueillie. Après l'absoute, un jeune prêtre s'avance devant l'autel et prononce l'éloge du jeune patriote assassiné, avec une audace qui stupéfie les assistants". (On est en juillet 1944, la libération de Paris n'aura lieu que plus de 40 jours plus tard, l'occupant est partout, et les rafles et exécutions continuent).
Dès la Libération, il publie un numéro spécial du Vogue français intitulé Vogue Libération[18] qu'il souhaite « digne du passé de notre magazine[19] », précise-t-il[N 1], et qui voit l'apparition d'un nouvel illustrateur, René Gruau. Michel de Brunhoff n'aura fait publier que quatre numéros après guerre[20] et la parution de Vogue ne reprendra régulièrement qu'à partir de 1947 ; il assiste d'ailleurs en février de cette année-là au premier défilé de Christian Dior[21]. Michel de Brunhoff le « mondain » est alors partout dans le Paris artistique : bals, avant-premières, vernissages, théâtre, défilés de haute couture, ballets[3]…
Au début des années 1950, Charles Mathieu-Saint-Laurent organise depuis Oran une rencontre entre son fils Yves et Michel de Brunhoff : il entretient une correspondance et invite le jeune artiste à dessiner dans les bureaux Vogue[22]. Frappé par la ressemblance qu'il percevait entre les créations d'Yves Saint-Laurent et celles de Christian Dior, Brunhoff décide de présenter le tout jeune dessinateur, avec lequel il est en contact quotidien[16],[N 2], au grand couturier[N 3] alors en pleine gloire mondiale.
Il reste durant vingt-cinq ans comme rédacteur en chef du Vogue français[9] pour finalement être remplacé à ce poste par Edmonde Charles-Roux en 1954. Il meurt quatre ans plus tard à Paris[24].
En 2016, une partie de sa collection d'objets d'art est vendue aux enchères[25].
Notes et références
modifierNotes
modifier- Edmonde Charles-Roux explique que la parution de ce numéro spécial cherchant à retrouver l'aura du Vogue d'avant-guerre est un risque calculé, pris par Michel de Brunhoff en concertation entre Lucien Vogel : immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, la haute couture telle qu'elle est de nos jours n'existe pas[11]. De plus, de nombreuses maisons de couture ont fermé et Paris a perdu sa place de capitale de la mode.
- Michel de Brunhoff est alors intimement lié à plusieurs couturiers, tels que Vionnet, Schiaparelli, Piguet, Lelong[16].
- C'est également lui qui, en 1953, recommande Victoire auprès de Dior[23].
Références
modifier- Sophie Kurkdjian, Lucien Vogel et Michel de Brunhoff, parcours croisés de deux éditeurs de presse illustrée au XXe siècle, Paris, Fondation Varenne, , 950 p. (ISBN 978-2-37032-027-8 et 2-37032-027-3)
- Veillon Dominique. Le jardin des modes (1922-1992). In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N° 39, juillet-septembre 1993. pp. 108-110.
- Laurence Benaïm, Yves Saint Laurent : Biographie, Le Livre de poche, (1re éd. 1995), 928 p., poche (ISBN 978-2-253-13709-2), « Une éducation parisienne », p. 59-62
- William Parker 2010 : 1923 - 1934, p. 35
- Danielle Leenaerts, Petite Histoire du magazine Vu (1928-1940) : Entre photographie d'information et photographie d'art, Peter Lang, mars 2010, 403 pages, p. 20 (ISBN 9789052015859)
- Myriam Bahuaud, Droits dérivés: Le cas Babar, Éditions L'Harmattan, 1999, 191 pages, p. 30 (ISBN 9782738473868)
- Sophie Kurkdjian, « Vogue français et Jardin des modes à la conquête de leur lectorat, (1920-1940) », in Sylvain Besson (dir), Le Chic français. Images de femmes, 1900-1950, Éditions Snoeck, 2017, pp.256,
- (en) Sophie Kurkdjian, « "The emergence of French Vogue: French identity and visual culture in the fashion press, 1920-1940” », International Journal of fashion Studies ed. by Agnès Rocamora, May 2019, 6.1, p.63-82., , p. 63-82
- Nathalie Herschdorfer (trad. de l'anglais, préf. Todd Brandow), Papier glacé : un siècle de photographie de mode chez Condé Nast [« Coming into fashion »], Paris, Thames & Hudson, , 296 p. (ISBN 978-2-87811-393-8), p. 15 et 70
- Sonia Rachline 2009 : Paris, p. 133
- Sonia Rachline 2009 : Paris, p. 132
- William Parker 2010, p. 144
- William Parker 2010 : 1935 - 1946, p. 106
- (en) Sophie Kurkdjian, « « Struggles to maintain French domination of fashion in WW2 on both sides of the Atlantic”, », in Marie Mcloughlin and Lou Taylor (ed.), Fashion in Paris and World War 2:Global Diffusion and Nazi control, Londres, Bloomsburry, 2020., (ISBN 9781350000261)
- (en) De Holden Stone, Fashion Survives the Nazis dans Art and Industry, juillet 1945, p. 8-9, cité dans (en) Valérie Steele, Paris Fashion : A Cultural History, Oxford, Berg, , 327 p. (ISBN 1-85973-973-3), chap. 13 (« From Hitler to Dior »)
- Sonia Rachline 2009 : Hatts off!, p. 85
- Jean Galtier-Boissière, Mon Journal pendant l'Occupation, Paris, La Jeune Parque, , 294 p., page 239
- William Parker 2010 : 1935 - 1946, p. 111
- William Parker 2010 : 1935 - 1946, p. 109
- William Parker 2010 : 1947 - 1983, p. 163
- (en) June Marsh, History of Fashion : New Look to Now, Vivays Publishing, , 304 p. (ISBN 978-1-908126-21-4), p. 10
- Sonia Rachline 2009 : The studio, theatre of fashion, p. 35
- Jean-Noël Liaut, Modèles et mannequins : 1945 - 1965, Paris, Filipacchi, , 220 p. (ISBN 978-2-85018-341-6, BNF 35660421, présentation en ligne), « Victoire », p. 186
- Sophie Kurkdjian, « « De la haute couture au prêt-à-porter. Reconfiguration de la mode dans la presse féminine de l’après-guerre », », in Thomas Kirchner, Laurence Bertrand Dorléac, Déborah Laks, Nele Putz (ed.), Les Arts à Paris après la Libération. Temps et Temporalités, février 2018, (Passages online, Band 2)., (lire en ligne)
- « Dispersion de la collection de Michel de Brunhoff, ex-rédacteur en chef de Vogue France », sur Le Point, (consulté le )
Voir aussi
modifierBibliographie des références
modifier- William Parker (préf. David Hockney), Dessins de mode : Vogue, Paris, Thames & Hudson, , 240 p. (ISBN 978-2-87811-359-4)
- (en) Sonia Rachline, Paris Vogue : Covers 1920-2009, New York, Thames & Hudson, , 207 p. (ISBN 978-0-500-51513-6, présentation en ligne)
- Sophie Kurkdjian, Lucien Vogel et Michel de Brunhoff, parcours croisés de deux éditeurs de presse illustrée au XXe siècle, Paris: Fondation Varenne, 2014, 950 p. (ISBN 2370320273)
Liens externes
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