En pratique, elle ne s'applique qu'aux faibles concentrations du soluté (fraction molaire inférieure à 0,05[3]) et à des pressions de moins de 10 bar (domaine d'application de la loi des gaz parfaits). Le soluté peut être un gaz dissout ou plus généralement tout corps volatil très faiblement soluble ou très dilué. Elle n'est également appliquable qu'à des mélanges binaires, ne contenant qu'un seul soluté et un seul solvant. Par extension à l'aide de coefficients de fugacité et d'activité, elle peut être appliquée à des mélanges multicomposants réels. Le pendant de la loi de Henry pour les solvants est la loi de Raoult.
la constante de Henry du soluté dans le solvant , aux pression et température du mélange ; la constante de Henry a la dimension d'une pression ; est la notation recommandée par le Green Book de l'Union internationale de chimie pure et appliquée (IUPAC)[4], on trouve également , voire dans la littérature ;
la fraction molaire du soluté dans la phase liquide.
La littérature utilise parfois l'inverse de la constante de Henry définie précédemment, , et l'appelle également constante de Henry. Sa dimension est alors l'inverse de celle d'une pression, et la loi de Henry énonce que[5],[6] :
« À température constante et à saturation, la quantité de gaz dissout dans un liquide est proportionnelle à la pression partielle qu'exerce ce gaz sur le liquide. »
Un soluté répondant à la loi de Henry est une espèce chimique capable de passer en phase gaz dans les conditions de pression et de température considérées, c'est-à-dire un corps volatil. La loi de Henry ne s'applique donc pas aux solutés solides tels les sels. Dans les conditions de température et de pression de la solution, un soluté répondant à la loi de Henry est typiquement un fluide supercritique, pour lequel il n'existe pas de pression de vapeur saturante à la température , c'est-à-dire pour lequel sa température critique (par exemple à 20 °C l'oxygène et l'azote, de respectives −118,67 °C et −147,1 °C), ou un fluide subcritique gazeux, pour lequel à la température il existe une pression de vapeur saturante telle que (par exemple à 20 °C et 1 bar le propane de = 8,327 bar). Le soluté peut également être un fluide subcritique liquide, pour lequel à la température il existe une pression de vapeur saturante telle que (par exemple à 20 °C et 1 bar l'éthanol de = 5,8 × 10−2 bar), présent en faible quantité dans la solution, soit parce qu'il est peu soluble, soit parce qu'il est fortement dilué. De façon générale, un soluté répondant à la loi de Henry est un corps volatil dans les conditions du mélange et dont la fraction molaire en phase liquide est faible, soit . Le solvant est alors un corps se comportant quasiment comme un corps pur, soit . La relation de Duhem-Margules impose que si l'équilibre liquide-vapeur du soluté répond à la loi de Henry, alors celui du solvant répond à la loi de Raoult, et réciproquement.
L'équilibre liquide-vapeur déterminé par la loi de Henry est un état stable, appelé état de saturation du solvant par le soluté. Dans les conditions de pression et température données, le solvant peut contenir plus de soluté que la quantité déterminée par la loi de Henry, mais il s'agit alors d'un état d'équilibre instable dit de sursaturation. Dans ce cas la moindre perturbation (choc sur le récipient contenant le liquide, introduction d'une poussière formant un site de nucléation pour les bulles de gaz, fluctuation de pression ou de température, etc.) peut provoquer le dégazage de l'excès de soluté dissout jusqu'à l'établissement de l'état stable dicté par la loi. De même, la quantité du soluté dissout peut être inférieure à celle déterminée par la loi de Henry : il y a sous-saturation. Dans ce cas, si le soluté est présent en phase gaz, la phase liquide absorbe du soluté gazeux jusqu'à atteindre l'équilibre stable. La fraction déterminée par la loi de Henry est donc la fraction molaire maximale de soluté que peut contenir la phase liquide de façon stable : la fraction est la solubilité du soluté dans le solvant dans les conditions de pression et de température données.
Les définitions et formules suivantes ne sont valables que pour un mélange binaire comprenant un unique soluté et un unique solvant.
La constante de Henry est définie rigoureusement en thermodynamique à partir de la fugacité.
Contrairement à ce que peut laisser entendre le terme de constante, la constante de Henry dépend de la pression et de la température. En revanche, elle ne dépend pas de la composition du mélange. La constante de Henry dépend également de la nature du soluté et du solvant ; ceci implique qu'elle doit être déterminée pour chaque couple « soluté - solvant » et n'est pas valable si l'un de ces deux corps est considéré dans un mélange binaire autre que celui pour lequel elle a été déterminée (par exemple le soluté avec un solvant autre que le solvant ).
En pratique, la constante de Henry est déterminée expérimentalement.
En thermodynamique, à pression et température constantes, la fugacité d'une espèce chimique (soluté) en phase liquide, en présence d'une deuxième espèce (solvant), possède deux limites, avec la fraction molaire du corps dans le mélange :
à dilution infinie : ;
pour le corps pur : ;
avec la fugacité du corps à l'état de liquide pur. Cette fugacité peut être fictive si le corps est gazeux à l'état pur dans les conditions de pression et température données.
L'évolution de la fugacité en fonction de la composition est encadrée par deux lois linéaires[8],[9] :
Loi de Henry : aux faibles concentrations. Loi de Lewis et Randall : aux fortes concentrations.
La constante de Henryn'est pas la fugacité du soluté à dilution infinie dans le solvant . La fugacité tend vers zéro lorsque tend vers zéro. Aussi la constante de Henry est-elle définie comme étant la limite lorsque la quantité de soluté dissout en phase liquide s'annule[4],[10],[11],[12] :
Constante de Henry : à pression et température constantes.
La constante de Henry est donc la pente de la fugacité à dilution infinie.
Quelle que soit la concentration du soluté , sa fugacité réelle peut être exprimée en fonction d'un coefficient d'activité à partir des deux lois linéaires idéales définies précédemment[12],[13] :
en posant :
le coefficient d'activité défini par rapport à la loi de Henry ;
le coefficient d'activité défini par rapport à la loi de Lewis et Randall.
Puisque les deux limites de la fugacité sont définies, on a les limites des coefficients d'activité[12],[13] :
d'où la relation[13],[14] (puisque et ne dépendent pas de la composition) :
Constante de Henry :
En injectant la relation précédente dans les expressions de on obtient[13],[14] :
La première relation permet de déterminer si l'on connait . Inversement, connaissant on peut extrapoler si le soluté n'existe pas à l'état de liquide pur dans les conditions de pression et température données. La deuxième relation montre que les deux coefficients d'activité et ne sont pas indépendants, bien que liés à des états de référence différents. La loi de Henry, quelle que soit sa forme, peut ainsi être employée avec les modèles classiques développés pour la loi de Lewis et Randall (Margules, Van Laar(en), Wilson[13], NRTL(en), UNIQUAC, UNIFAC, COSMOSPACE, etc.).
Quelle que soit la fraction molaire du soluté , la dérivée partielle étant effectuée à composition constante, on peut écrire :
En passant à la limite de la dilution infinie :
La référence à la composition constante disparait dans la dérivée partielle de la constante de Henry, puisque celle-ci ne dépend pas de la composition. On pose pour le volume molaire partiel[15] :
Volume molaire partiel du soluté à dilution infinie :
La constante de Henry dépend par conséquent de la pression selon[15],[16] :
Dépendance de la constante de Henry à la pression
avec :
la pression ;
la température ;
le volume molaire partiel du soluté à dilution infinie dans le solvant ;
En intégrant cette relation entre une pression de référence et la pression :
La pression de référence est le plus souvent prise égale à la pression de vapeur saturante du solvant à la température du mélange : . En conséquence, on peut réduire la constante d'intégration à une fonction de la température seule : . La constante de Henry est alors exprimée sous la forme[16],[13],[17] :
Le volume molaire partiel représente la variation de volume de la solution liquide due à la dissolution d'une mole de soluté dans une quantité infinie de solvant . Il peut être déterminé expérimentalement par extrapolation de établi pour plusieurs concentrations de soluté dans le mélange liquide ; il existe également des corrélations telles que celle de Brelvi-O'Connell[18]. Les liquides étant peu compressibles, le volume molaire partiel peut être considéré comme ne dépendant pas de la pression, soit , on obtient :
Il peut être aussi bien positif (la dissolution du gaz provoque une dilatation du liquide) que négatif (la dissolution du gaz provoque une contraction du liquide). Si le volume molaire partiel est positif alors la constante de Henry augmente avec la pression .
Quelle que soit la fraction molaire du soluté , la dérivée partielle étant effectuée à composition constante, on peut écrire :
En passant à la limite de la dilution infinie :
La référence à la composition constante disparait dans la dérivée partielle de la constante de Henry, puisque celle-ci ne dépend pas de la composition. On pose pour l'enthalpie molaire partielle[15],[19] :
Enthalpie molaire partielle à dilution infinie du soluté :
c'est-à-dire l'enthalpie molaire partielle du soluté à dilution infinie dans le solvant liquide. L'enthalpie molaire du gaz parfait pur ne dépendant pas de la composition, elle reste inchangée lors du passage à la limite et on obtient :
On pose pour les enthalpies molaires partielles[15],[19] :
Enthalpie de dissolution :
avec :
l'enthalpie molaire partielle du soluté à dilution infinie dans le solvant liquide à ;
Si l'on considère l'enthalpie de dissolution comme constante, alors, en intégrant cette relation entre une température de référence et la température [19] :
Cette forme n'est applicable que sur des plages de température relativement étroites. Elle est généralisée au moyen de deux constantes et empiriques spécifiques du couple « soluté - solvant »[21] :
La littérature utilise parfois l'inverse de la constante de Henry définie précédemment, (cette notation prête à confusion avec celle de l'enthalpie de dissolution [7]), aussi trouve-t-on également les relations[7] :
L'enthalpie de dissolution est la chaleur produite par la dissolution d'une mole de soluté à l'état de gaz parfait pur dans une quantité infinie de solvant à l'état liquide[19]. Elle est déterminée expérimentalement par calorimétrie en extrapolant la chaleur de dissolution d'une mole de soluté dans plusieurs quantités de solvant. On peut considérer l'enthalpie molaire partielle d'un corps dans un mélange liquide, ici , comme indépendante de la pression, les liquides étant peu compressibles. De même, en vertu de la deuxième loi de Joule, l'enthalpie molaire d'un gaz parfait, ici , ne dépend pas de la pression. Ainsi, il peut être considéré que l'enthalpie de dissolution ne dépend que de la température : . Elle peut être négative (dissolution exothermique, l'opération de dissolution dégage de la chaleur), positive (dissolution endothermique, l'opération de dissolution absorbe de la chaleur) ou nulle (dissolution athermique)[19]. Pour la plupart des gaz à température ambiante la dissolution est exothermique, soit , par conséquent augmente avec une diminution de et la constante de Henry augmente avec la température .
Par définition de la constante de Henry, on a donc[14],[22] :
à pression et température constantes
Si l'on dispose d'une équation d'état d'une phase liquide donnant la pression en fonction du volume , de la température et de la composition , soit , le coefficient de fugacité se calcule selon :
avec et les quantités respectives du soluté et du solvant dans la solution liquide. Il est donc possible de calculer la constante de Henry à partir d'une équation d'état de la phase liquide. Toutefois, les équations d'état telles que les équations d'état cubiques sont généralement développées pour représenter des phases gazeuses et représentent assez mal les phases liquides. Cette démarche reste donc théorique ; en pratique la constante de Henry est plutôt déterminée expérimentalement sous des formes empiriques présentées au paragraphe Formes usuelles. La relation établie ci-dessus et l'exemple ci-dessous montrent cependant la dépendance de la constante de Henry aux propriétés du solvant et du soluté , et aux interactions entre les deux constituants.
Le volume molaire de la solution liquide tend vers celui du solvant liquide pur à et , calculable par l'équation d'état : . On obtient , la constante de Henry à et :
Lorsque la pression tend vers la pression de vapeur saturante du solvant à la température , l'équilibre liquide-vapeur tend vers celui du solvant pur (état de saturation) ; le volume molaire tend vers celui du solvant liquide pur à saturation à . On obtient , la constante de Henry à et , c'est-à-dire dans les conditions de saturation du solvant [22] :
Les liquides étant peu compressibles, le volume molaire du solvant liquide pur à est assimilable à celui du solvant liquide pur à saturation : . En considérant la relation avec le facteur de Poynting :
on identifie , le volume molaire partiel du soluté à dilution infinie dans le solvant :
le volume molaire de la solution liquide à la pression et à la température ;
le volume molaire du solvant liquide pur à et ;
le volume molaire du solvant liquide pur à saturation, soit à et .
Cet exemple montre la dépendance de la constante de Henry aux propriétés du solvant et du soluté , et aux interactions entre le soluté et le solvant par l'intermédiaire du coefficient d'interaction binaire [22]. La constante de Henry est donc spécifique du couple « soluté - solvant » et ne peut être utilisée pour d'autres mélanges binaires ; par exemple, elle n'est pas valable si le soluté est dissout dans un solvant autre que .
La constante de Henry est souvent utilisée sous la forme obtenue par intégration par rapport à la pression[17] :
Forme usuelle de la constante de Henry
La correction de Poynting ne devient significative qu'aux hautes pressions. Pour des pressions de l'ordre de grandeur de la pression atmosphérique, le facteur de Poynting est négligeable : . La constante de Henry peut alors être considérée comme indépendante de la pression et être approchée par :
Aux basses pressions :
Les formes suivantes sont souvent utilisées pour la dépendance à la température[21],[23] :
avec , , et des constantes empiriques spécifiques du couple « soluté - solvant ». L'enthalpie de dissolution est alors exprimée sous les formes respectives :
Aux basses pressions (moins de 10 bar), le gaz se comporte comme un mélange de gaz parfaits, et la fugacité du soluté en phase gaz peut être assimilée à sa pression partielle[25] :
D'autre part, par définition, aux faibles concentrations la fugacité du soluté dans le solvant en phase liquide suit approximativement la loi linéaire[25] :
Ainsi, aux basses pressions et aux faibles concentrations, l'équilibre liquide-vapeur du soluté est approché par la relation :
qui est la loi de Henry[25]. Aux fortes concentrations, la fugacité en phase liquide suit approximativement la loi de Lewis et Randall : aux basses pressions et aux fortes concentrations ceci conduit à la loi de Raoult qui s'applique aux solvants.
La loi de Henry n'est valable que si la phase gaz peut être considérée comme un mélange de gaz parfaits. Autrement dit, elle ne s'applique qu'à des pressions partielles de soluté de l'ordre de la pression atmosphérique (moins de 10 bar), dans le domaine d'application de la loi des gaz parfaits[26].
La loi de Henry est une loi limitante qui ne s'applique qu'aux solutions suffisamment diluées ayant un comportement idéal. Dans ces solutions, le soluté et le solvant ont des comportements similaires. Typiquement, la loi de Henry ne s'applique que si la fraction molaire du soluté est inférieure à 0,03[26] ou 0,05[3].
Présence d'autres solutés
La loi de Henry est établie pour un soluté unique dissout dans un solvant unique. Si le solvant contient plusieurs solutés la constante de Henry est modifiée et dépend de la composition. Ainsi la solubilité d'un gaz dans l'eau de mer est-elle inférieure à celle dans l'eau douce en raison de la compétition entre le gaz dissout et les sels dissouts. La constante de Henry pourra être corrigée selon l'équation empirique de Setchenov[7],[27],[23] :
Équation de Setchenov :
avec :
la constante de Henry du soluté dans le solvant en solution avec tous les solutés ;
la constante de Henry du soluté dans le solvant en solution avec seul soluté ;
le coefficient de Setchenov, qui dépend des solutés et du solvant ;
la force ionique ; on trouve aussi cette équation exprimée en fonction de la molalité des sels dissouts[7].
Dissolution réactive
Un soluté peut réagir avec le solvant dans lequel il est dissout, produisant d'autres espèces chimiques. La loi de Henry ne s'applique alors qu'à la réaction de dissolution du soluté dans le solvant et non aux équilibres chimiques impliquant cette espèce dissoute et les produits de réaction. Si l'on tient compte des produits de réaction, alors la solubilité d'un soluté réactif peut être très différente de ce que prédit la loi de Henry en l'absence de réaction[28]. En solution aqueuse, le dioxyde de carbone CO2, le dioxyde de soufre SO2 et l'ammoniac NH3 sont des exemples de solutés réagissant avec le solvant (l'eau) et produisant des ions en fonction du pH[28].
Un exemple usuel de gaz réagissant avec le solvant est le dioxyde de carbone (CO2), qui forme partiellement, par réaction avec l'eau, de l'acide carbonique (H2CO3), qui lui-même, en fonction du pH de l'eau, forme les ions hydrogénocarbonate (HCO3−) et carbonate (CO32−) selon les réactions[29] :
(dissolution)
(loi de Henry)
avec :
la constante de l'équilibre ; à 298 K : = 3,39 × 10−2, = 1,7 × 10−3, = 2,34 × 10−4, = 5,01 × 10−11 ;
La loi de Henry à proprement parler ne s'applique qu'à la première des quatre réactions ci-dessus, celle de dissolution du CO2 gazeux en CO2 aqueux. Si l'on considère le CO2 dissout sous toutes ses formes, le bilan de matière donne :
La loi de Henry peut ainsi être modifiée selon :
À pression constante, lorsque diminue, augmente ; donc plus la solution est basique, plus l'on peut dissoudre de CO2 ; inversement, plus la solution est acide, moins l'on peut dissoudre de CO2.
Remarque
Puisque = 1,7 × 10−3, on a quel que soit le pH. Les deuxième et troisième réactions sont regroupées en une seule réaction :
avec et = 3,98 × 10−7. Le bilan de matière donne, en négligeant H2CO3[29] :
Un solvant est un corps présent dans une solution liquide ayant une fraction molaire très supérieure à celle d'un soluté, soit . Ce corps peut quasiment être considéré comme pur, soit .
la fraction molaire du solvant dans la phase liquide.
La relation de Duhem-Margules induit également que si l'on néglige la correction de Poynting pour le soluté, alors elle est également négligeable pour le solvant, soit .
Le coefficient est défini à partir de l'enthalpie libre d'excès :
Le coefficient permet le calcul du coefficient d'activité dans un mélange multicomposant à partir des propriétés des mélanges binaires « soluté - solvant » ; il vaut 1 dans un mélange binaire.
L'extension des lois de Henry et de Raoult aux mélanges réels nécessite donc une équation d'état pour le calcul des coefficients et un modèle d'enthalpie libre d'excès pour le calcul des coefficients . Pour des pressions proches de la pression atmosphérique (moins de 10 bar), le gaz se comporte comme un mélange de gaz parfaits, soit pour tout constituant. Dans une solution idéale liquide, on a pour tout constituant. Dans les équilibres idéaux, on a donc, pour tout corps :
La fugacité (fictive si le soluté est un gaz) du soluté à l'état de liquide pur dans les conditions de pression et température du mélange est donnée par la relation[13] :
Pour le soluté , l'équilibre liquide-vapeur est calculé par l'extension de la loi de Henry[17] :
Extension de la loi de Henry aux mélanges binaires réels pour le soluté :
La fugacité du solvant à l'état de liquide pur dans les conditions de pression et température du mélange est donnée par la relation :
Pour un mélange liquide binaire idéal aux basses pressions on retrouve les lois idéales :
Loi de Henry
pour le soluté :
et :
Loi de Raoult
pour le solvant :
Dans une solution idéale, les lois de Henry et de Raoult sont applicables sur l'ensemble des fractions molaires . Pour le soluté pur, soit , on a . Dans une solution idéale binaire, la constante de Henry est donc à la fois la pente de la fugacité du soluté, qui varie linéairement sur toute la plage de composition, et la fugacité du soluté pur. Aux basses pressions, on a approximativement .
Le volume molaire de la phase liquide idéale vaut :
Équations de Krichevsky-Kasarnovsky et Krichevsky-Ilinskaya
Pour un mélange réel, on développe l'égalité des fugacités en supposant que le volume molaire dans le facteur de Poynting ne dépend pas de la pression. On obtient, pour tout soluté :
On suppose que le coefficient d'activité suit le modèle de Margules à un paramètre :
avec la fraction molaire du solvant dans la phase liquide (avec ). On obtient l'équation de Krichevsky-Ilinskaya[30],[31] :
Équation de Krichevsky-Ilinskaya
que l'on trouve aussi, en écrivant le modèle de coefficient d'activité selon , sous la forme[32],[33],[34],[23] :
Équation de Krichevsky-Ilinskaya
Si le mélange liquide est idéal, soit (d'où ), on obtient l'équation de Krichevsky–Kasarnovsky[16],[31],[35],[36],[23] :
Équation de Krichevsky–Kasarnovsky
L'équation de Krichevsky-Kasarnovsky ne s'emploie que pour de faibles concentrations de soluté (solutions liquides idéales), l'équation de Krichevsky-Ilinskaya est valable pour des concentrations plus fortes. Pour des pressions proches de la pression atmosphérique (moins de 10 bar) le gaz se comporte comme un gaz parfait, la fugacité du soluté en phase vapeur est alors égale à sa pression partielle : . Pour des pressions plus importantes, la fugacité du soluté en phase gaz est calculée à l'aide d'un coefficient de fugacité : . Les équations de Krichevsky-Ilinskaya et Krichevsky-Kasarnovsky sont employées pour calculer des solubilités à haute pression, jusqu'à 1 000 bar environ[35],[37].
Paramètres de l'équation de Krichevsky-Ilinskaya pour l'hydrogène dans divers solvants[32].
Paramètres de l'équation de Krichevsky-Ilinskaya pour l'hydrogène H2 dans divers solvants[32].
On considère un mélange liquide composé de plusieurs solutés, notés , et plusieurs solvants, notés ou , aux pression et température . Il est possible de calculer l'équilibre liquide-vapeur de ce mélange à partir des données d'équilibre de chacun des couples « soluté - solvant ».
Pour les mélanges multicomposants, l'état de référence est le mélange idéal des solvants seuls, en l'absence de tout soluté, autrement dit l'état de dilution infinie de l'ensemble des solutés simultanément[38]. On définit les grandeurs , et relatives à cet état. Une somme ou est effectuée sur l'ensemble des solvants du mélange, une somme sur l'ensemble des solutés du mélange.
On définit, pour tout corps , soluté ou solvant, le facteur :
Pour tout corps , soluté ou solvant :
avec la fraction molaire du corps dans le mélange multicomposant liquide. est la quantité de soluté rapportée à la quantité totale de solvants dans le mélange liquide. est la fraction molaire du solvant dans le mélange liquide des solvants seuls, autrement dit la limite de la fraction molaire du solvant à dilution infinie de tous les solutés du mélange liquide multicomposant ; on a .
On note la fugacité du soluté à l'état de liquide pur calculée à partir des propriétés du mélange binaire « soluté - solvant » :
Pour tout couple soluté - solvant :
Si le soluté n'existe pas à l'état de liquide pur dans les conditions de pression et température données du mélange, cette fugacité est fictive et sa valeur peut être différente d'un solvant à l'autre. La fugacité de tout soluté à l'état de liquide pur est construite selon l'hypothèse de la solution idéale et peut être fictive :
Pour tout soluté :
Pour tout soluté , l'équilibre liquide-vapeur est calculé par l'extension de la loi de Henry[38] :
Extension de la loi de Henry aux mélanges multicomposants réels pour tout soluté :
La fugacité d'un solvant à l'état de liquide pur dans les conditions de pression et température du mélange est donnée par la relation :
Pour tout solvant :
Pour tout solvant on pose le facteur correctif :
Pour tout solvant :
En l'absence de tout soluté, soit pour tout soluté , ou en présence d'un unique solvant , soit pour le solvant et pour tout soluté , on a . Ceci est à fortiori vrai pour les mélanges binaires « soluté - solvant ».
Pour tout solvant , l'équilibre liquide-vapeur est calculé par l'extension de la loi de Raoult[38] :
Extension de la loi de Raoult aux mélanges multicomposants réels pour tout solvant :
Les coefficients et sont définis indépendamment l'un de l'autre. Les deux relations précédentes sur ne permettent pas d'établir d'équivalence entre eux.
Pour un mélange binaire « soluté - solvant », on définit le potentiel chimique et la fugacité du soluté pur par la relation :
Le potentiel du soluté à l'état de gaz parfait pur est défini indépendamment du solvant considéré. Pour le même soluté dans un mélange de solvants, on définit sa fugacité à l'état de corps pur par :
Si dans le mélange de solvants le solvant est représenté par la fraction molaire , on a :
On obtient ainsi la fugacité pour le mélange multicomposant à partir des propriétés des mélanges binaires :
Pour tout soluté :
La fugacité d'un soluté pur par rapport à un solvant ne dépend pas de la composition. La fugacité d'un soluté pur par rapport à un mélange de solvants dépend des quantités des solvants. La fugacité d'un solvant pur ne dépend pas de la composition.
Fugacité d'un corps en mélange
Pour tout corps on a :
On définit le coefficient par :
On peut donc écrire :
On obtient :
Pour tout corps :
soit :
On a si , c'est-à-dire si les ne dépendent pas de .
Coefficient
Pour un soluté , les fugacités ne dépendent pas de sa quantité. En conséquence :
On obtient :
Pour tout soluté :
Pour un solvant , seules les fugacités dépendent de sa quantité . En conséquence :
Une solution est idéale si , avec pour tous les constituants. L'enthalpie libre d'excès est par définition l'écart entre l'enthalpie libre du mélange réel et l'enthalpie libre de la solution idéale correspondante :
Soit un mélange liquide ternaire constitué d'un soluté et de deux solvants, notés et . On suppose que l'on dispose des constantes de Henry et dans les solutions binaires, et que l'enthalpie libre d'excèsmolaire du mélange ternaire est calculable selon l'extension du modèle de Margules[39] :
Les coefficients d'activité des trois corps sont donnés par[38] :
coefficients d'activité
Les coefficients d'activité du soluté à dilution infinie dans chacun des deux solvants et sont donnés par :
On pose :
La fugacité du soluté à l'état de liquide pur est calculée selon[38] :
La loi de Henry, sous la forme , permet d'établir l'évolution de la solubilité en fonction de la pression et de la température dans son domaine d'application, aux basses pressions (loi des gaz parfaits) et faibles solubilités (solution idéale). On suppose également que le solvant est très peu volatil, voire que le soluté est seul en phase gaz, soit, pour la pression partielle du soluté, , la pression totale.
En dérivant, à température constante, l'expression de la loi de Henry par rapport à la pression, on obtient :
avec le volume molaire partiel du soluté à dilution infinie dans le solvant (voir le paragraphe Constante de Henry - Dépendance à la pression). Le solvant étant négligeable en phase gaz, on a et donc :
On obtient :
En application de la loi des gaz parfaits, aux basses pressions le volume molaire de la phase gaz vaut : . D'autre part, toujours aux basses pressions, le volume molaire de la phase gaz est très supérieur au volume molaire partiel en phase liquide, soit , d'où :
Aux basses pressions :
Avec un point de solubilité connu on intègre à température constante :
Aux basses pressions, la solubilité augmente linéairement avec la pression totale lorsque le soluté est seul en phase gaz.
Le volume molaire d'un gaz diminue avec une augmentation de pression ; par contre on peut considérer que est indépendant de la pression, les liquides étant très peu compressibles. Aux pressions élevées, le modèle des gaz parfaits ne s'applique plus, la loi de Henry est appliquée sous la forme . Le solvant étant négligé en phase gaz, la fugacité du soluté dans cette phase varie en fonction de la pression selon :
avec le volume molaire du soluté pur à l'état gazeux dans les conditions de pression et température du mélange. On obtient par conséquent[40],[41] :
Aux hautes pressions :
Lorsque , aux basses pressions, la solubilité augmente avec la pression ; elle décroît lorsque , aux très hautes pressions (lorsque le volume molaire de la phase gaz est faible). Ainsi, lorsque , la solubilité atteint un maximum en fonction de la pression. Ceci a été vérifié expérimentalement pour la solubilité de l'azote dans l'eau, qui atteint à 18 °C un maximum à environ 3 000 atm[40],[41].
En dérivant, à pression constante, l'expression de la loi de Henry par rapport à la température, on obtient :
avec l'enthalpie de dissolution du soluté dans le solvant (voir le paragraphe Constante de Henry - Dépendance à la température). Le solvant étant négligeable en phase gaz, on a et donc :
Diverses formes de la solubilité en fonction de la température sont communément employées[21],[23] :
avec , , et des constantes empiriques spécifiques du couple « soluté - solvant ». Les expressions des enthalpies de dissolution respectives sont :
Pour la plupart des gaz, la dissolution est exothermique aux basses pressions et températures, soit , par conséquent la solubilité diminue lorsque la température augmente[19]. De nombreux gaz présentent un minimum de solubilité, la solubilité augmentant après avoir diminué lorsque la température augmente[44],[45]. Ainsi, aux basses pressions, le minimum de solubilité de l'hélium dans l'eau se situe à environ 30 °C, ceux de l'argon, de l'oxygène et de l'azote se situent entre 92 et 93 °C et celui du xénon à environ 114 °C[46].
Les boissons gazeuses sont maintenues sous une pression importante de dioxyde de carbone (CO2). On suppose qu'il n'y a que du CO2 dans le gaz, soit , la présence d'eau en phase gaz étant négligeable, soit . La pression partielle du CO2 vaut alors la pression totale : . Cette pression permet de dissoudre une grande quantité de gaz dans le liquide en vertu de la loi de Henry :
En ouvrant la bouteille la pression chute brusquement. Puisque est quasi constante, alors ne peut que diminuer : la solubilité du dioxyde de carbone chute. En conséquence, le CO2 dissout se désorbe en formant des bulles dans le liquide[5],[47].
La composition de l'atmosphère est considérée comme constante : elle contient environ 20,9 % molaire d'oxygène O2 et d'autres gaz dont l'azote N2 très majoritaire, soit les fractions molaires = 0,209 et ≈ 0,791. La loi de Henry donne les relations entre la pression atmosphérique totale, , les pressions partielles d'oxygène et d'azote, et , et les teneurs en oxygène et azote dissouts dans le sang, et :
En altitude, par exemple en montagne, la pression atmosphérique est plus basse qu'au niveau de la mer. La pression partielle en oxygène y est donc plus faible. En conséquence de la loi de Henry, la teneur en oxygène dissout dans le sang, , est plus basse en montagne qu'à des altitudes moins élevées. Cet état est appelé hypoxie et peut provoquer le mal aigu des montagnes si ces altitudes sont atteintes trop rapidement, sans acclimatation progressive (par exemple à l'atterrissage en montagne d'un avion parti du niveau de la mer)[48].
Au contraire, sous l'eau la pression est plus importante qu'au niveau de la surface. En un point où la pression est le double de la pression atmosphérique standard (c'est le cas à 10 m de profondeur), les solubilités des gaz, et , sont doublées par rapport à la surface. Un plongeur consomme l'oxygène mais stocke l'azote de l'air dissout dans son organisme. Lorsque le plongeur remonte vers la surface, l'azote se désorbe en raison de la baisse de pression. Un accident de décompression survient si la remontée est trop rapide : le plongeur ne peut évacuer ce gaz par la respiration et l'azote forme des bulles dans le sang. Les bulles ainsi créées se dilatent dans les vaisseaux sanguins, toujours en raison de la baisse de pression (loi de Boyle-Mariotte), et peuvent provoquer une embolie gazeuse et le décès du plongeur[5],[49].
Constantes de Henry pour divers gaz dissouts dans l'eau
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