Chasse de nuit (sport)

En France

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La chasse de nuit est généralement interdite en France car il serait trop facile d'éblouir des animaux et de les tuer, au risque de mettre en péril la ressource cynégétique (la chasse à la lumière est un acte de braconnage).

Il existe quelques exceptions, comme en France, pour la chasse au gibier d'eau de nuit ; pratique légale [1] dans certains départements français, notamment côtiers. Elle se pratique à partir d'installations nommées tonnes, huttes ou gabions selon les régions. Le principe consiste à faire poser des gibiers d'eau (canards et oies) sur l'eau à portée de tir (35 m environ).

Historique

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Chasse des oiseaux avec les feux
Jean-François Millet, 1874
Philadelphia Museum of Art

Cette chasse n'a été légiférée qu'à partir de 2000[2],[3],[4]. Pourtant elle se pratique en France depuis au moins les années 1860[5] et a bien évolué depuis. Au début cette chasse se pratiquait dans des petites cabanes, plus ou moins enterrées avec comme seul confort un tapis de paille, ou de grands tonneaux enterrés ou sur pilotis dans le sud-ouest (qui ont donné le mot "tonne"). Les premiers lieux où cette chasse fit son apparition sont la baie de Somme, la baie de Seine[5].

L'installation

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Tonne de Chasse dans le marais de la Petite Flandre à Saint-Laurent-de-la-Prée, en Charente-Maritime.

En France, la chasse de nuit était illégale jusqu'au décret n° 2000-755 du 1er août 2000 qui a légalisé a posteriori toutes les installations existantes, défendant toutefois d'en créer de nouvelles. Ces installations peuvent être de plusieurs types :

  • tonne enterrée : sur les marais côtiers et/ou aménagés du Sud-Ouest (Gironde et Charente-Maritime surtout), les installations, souvent plutôt spacieuses et relativement confortables, sont enterrées aux abords d'une mare de façon à avoir les créneaux (fenêtres d'observation et de tir) au niveau de l'eau ;
  • tonne flottante et/ou sur pilotis : sur les marais intérieurs non aménagés, soumis aux crues annuelles (Exemple : en Charente-Maritime, vallée de la Charente, de la Boutonne, de la Trézence), les installations sont plus modestes et spartiates. Elles se situent au-dessus du niveau de l'eau et au milieu des eaux. L'accès se fait le plus souvent en barque (propulsée à la piguouille notamment) ;
  • hutte, dans le Nord ;
  • gabion, en Normandie.
Liste des départements où la chasse de nuit est légale
Départements[6] Nombre d'installations[7] Modalités particulières
Aisne 101-500 -
Ardennes 101-500 -
Aube 101-500 -
Aude 501-1000 -
Bouches-du-Rhône 101-500 -
Calvados 501-1000 -
Charente-Maritime >1000 -
Côtes-d'Armor <100 certains cantons
Eure 101-500 -
Finistère <100 certains cantons
Haute-Garonne <100 certains cantons
Gironde >1000 -
Hérault 501-1000 -
Ille-et-Vilaine <100 certains cantons
Landes 501-1000 -
Manche 501-1000 -
Marne 101-500 -
Meuse <100 certains cantons
Nord >1000 -
Oise 101-500 -
Orne <100 -
Pas-de-Calais >1000 -
Pyrénées-Atlantiques 101-500 -
Hautes-Pyrénées <100 certains cantons
Seine-Maritime 501-1000 -
Seine-et-Marne <100 -
Somme >1000 -
 
Bleu : aucune / Vert : <100 / Jaune : 101-500 / Orange : 501-100 / Rouge : >1000

Faire poser le canard

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Tout l'art de la chasse à la hutte ou de la chasse à la tonne au hutteau ou gabions [8] consiste à faire poser un canard sauvage, ou un vol de canards (ou d'oies) sauvages à proximité de l'installation. Pour y parvenir, le tonnayre (chasseur à la tonne) a recours à des artifices ou auxiliaires :

  • Appelants (ou « appeaux ») : des canards sélectionnées pour leurs chants sont attachés devant la tonne selon une disposition particulière (selon la force et la direction du vent, la lune, la saison et les qualités spécifique de chaque appelant). Cette disposition particulière doit permettre de faire poser le canard sauvage exactement à l'endroit voulu. Le canard le plus souvent utilisé est le canard colvert (de souche plus ou moins domestique), mais certains utilisent également d'autres espèces à l'attache (canard siffleur, sarcelle d'hiver,canard souchet, canard chipeau et canard pilet notamment). Des oies (de souche plus ou moins sauvage également comme les cendrées, rieuses ou encore des moissons) peuvent être utilisées. Le chasseur prend le plus grand soin de ses appelants toute l'année et plus particulièrement lors de l'attache (seul un canard en forme et à l'aise donnera le meilleur).
    À titre d'exemple, en France, selon le recensement (Observatoire de la chasse de nuit [1]) mis à jour à l'occasion du plan « Grippe aviaire », dans un département tel que l'Oise, environ 4000 chasseurs chassent dans 144 huttes déclarées, avec l'aide de 5790 appelants (mi 2007) également déclarés[9]. Des départements littoraux comme celui du Pas-de-Calais en comptent beaucoup plus. En 2006, à la suite de plusieurs cas de H5N1 en France et en Europe, les appelants ont été autorisés s'ils n'étaient pas en contact direct avec les animaux sauvages, parqués à proximité de l'eau ou dans des cages maintenues au-dessus de la surface de l'eau.
  • Formes (ou « plastiques ») : des formes flottantes de canards sauvages permettent de simuler la présence de groupes de canards à proximité de la tonne. Ils attirent ainsi l'attention visuelle du canard sauvage et permettent, sur les grandes étendues d'eau, de délimiter les espaces de pose de ces canards.
 
Appelants et plastiques, vus de la tonne

Le guet et le tir

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Le tonnayre guette toute la nuit la pose éventuelle de canards sauvages. Pour faciliter la vision des détails sur l'eau la nuit, il utilise une paire de jumelle a grande luminosité (7*50, 8*56 ou 9*63). L'eau reflétant la clarté du ciel, il est relativement aisé de voir les formes plus sombre des canards qui se découpent sur l'eau. L'écoute, la forme et le comportement de l'oiseau posé sont autant de critères d'identification utilisés par le chasseur. Une fois l'oiseau formellement identifié comme un gibier, le chasseur peut ajuster un tir à l'aide d'une arme de calibre 12 équipée d'une lunette de tir du même grossissement que les jumelles. Le canard, et plus encore l'oie, étant bien protégé par leur couche de plume, les charges tirées sont le plus souvent assez importantes (plomb no 2 à 4). Ainsi, 50 à 60 grammes de plomb pouvaient être envoyés par tir. Depuis juin 2006, ces munitions toxiques ont été remplacées par l'acier, le bismuth et le tungstène, moins denses et plus chères, avec des charges donc inférieures.

Des heures et des heures

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Les heures les plus fastes pour la pose de canards sont celles suivant juste le coucher du soleil ("passée" ou "volée" du soir) et celles précédant son lever ("passée" ou "volée" du matin). Les nombreuses heures de guet infructueuses du chasseur durant les nuits d'hiver sont plus le fait d'une passion sans faille pour ce mode de chasse que l'assurance de prélever du gibier. Heureusement, le tonnayre prend généralement déjà bien du plaisir à entendre chanter ses appelants, à voir voler les oiseaux au petit jour et à goûter l'ambiance nocturne des marais, dont la faune est toujours en activité.

Commercialisation

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Ce mode de chasse est initialement spartiate, traditionnel et occasionnel (surtout au lever du jour ou exceptionnellement certaines nuits de pleine lune, pendant les migrations) dans certains marais, puis l'exploitation des huttes et gabions s'est ouverte progressivement à la location dans les années 1980 et tend désormais en certains endroits vers le business cynégétique. Le prix d'une nuit de chasse dans une installation aménagée, où sont fournis des appelants déjà mis en place, peut atteindre des sommes très élevées.

Autres pays

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La chasse de nuit est interdite au Québec. Elle doit se terminer 30 minutes après le coucher du soleil. Sauf dans le cas du raton laveur, où la chasse de nuit avec chien est permise dans certaines zones de chasse. La chasse aux grenouilles, ainsi que le colletage du lapin à queue blanche et du lièvre sont aussi permises de nuit dans l'ensemble du territoire du Québec[10].

Références

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  1. a et b Rapport de Paul Baron sur l’observatoire de la chasse de nuit, rapport écrit dans le cadre du projet de loi chasse, rendu en juillet 2000 (diffusé à l'ONCFS, aux DDAF et aux DIREN)
  2. Code rural et de la pêche maritime - Article L224-4-1 (lire en ligne)
  3. Code de l'environnement - Article L424-5 (lire en ligne)
  4. « Arrêté du 21 janvier 2004 relatif au carnet de prélèvements pour la chasse de nuit au gibier d'eau. », sur legifrance.gouv.fr (consulté en ).
  5. a et b Journal pour tous: magasin hebdomadaire illustré, Lahure, (lire en ligne)
  6. Article L424-5 du code de l'environnement http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006833904&cidTexte=LEGITEXT000006074220&dateTexte=20080829&fastPos=78&fastReqId=658337107&oldAction=rechCodeArticle
  7. http://www.chasse59.net/synthèse détaillée 2005-2006 (définitive).pdf
  8. Dénominations retenues par l'article L 224-4-1 du code rural
  9. Source : Article du Parisien, 27 août 2007
  10. « Ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques - Message d'erreur sur fichier non trouvé », sur mddefp.gouv.qc.ca (consulté le ).

Liens externes

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