Alizarine

composé chimique/couleur

L'alizarine est un colorant rouge d'origine végétale, extrait de la racine de la garance des teinturiers (Rubia tinctorum L.), une plante vivace de la famille des Rubiacées, autrefois largement cultivée pour la teinture qu'elle fournissait.

Alizarine
Image illustrative de l’article Alizarine
Identification
Nom UICPA 1,2-dihydroxy-9,10-anthracenedione
Synonymes

C.I. 58000

No CAS 72-48-0
No ECHA 100.000.711
No CE 200-782-5
SMILES
InChI
Apparence cristal ou poudre
Propriétés chimiques
Formule C14H8O4  [Isomères]
Masse molaire[1] 240,210 9 ± 0,013 g/mol
C 70 %, H 3,36 %, O 26,64 %,
Propriétés physiques
fusion 279 à 283 °C
ébullition 430 °C
Précautions
SIMDUT[2]

Produit non contrôlé
Directive 67/548/EEC


Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

La laque d'alizarine (PR83) est le pigment laqué fabriqué à partir du colorant d'alizarine. Version synthétique de la laque de garance véritable (NR9), elle est communément appelée laque de garance, alizarine cramoisie ou cramoisie d'alizarine.

L'alizarine est la 1,2-dihydroxyanthraquinone, un dérivé hydroxylé de l'anthraquinone. Elle est référencée au Colour Index comme Rouge Mordant 11.

Elle est soluble dans l'hexane et le chloroforme[3]. Elle change de couleur selon le pH, et peut donc servir d'indicateur de pH[4].

Histoire

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La garance est cultivée depuis l'Antiquité en Asie centrale et en Égypte en tant que colorant. Elle pousse dans ces régions depuis 1500 av. J.-C. Des tissus colorés à la racine de garance ont été retrouvés dans la tombe du pharaon Toutankhamon, dans les ruines de Pompéi, ainsi que dans l'ancienne Corinthe. Au Moyen Âge, Charlemagne encourage la culture de la garance, qui pousse très bien dans les sols arénacés de Hollande et devient alors un moteur de l'économie locale.

En 1804, George Field met au point une technique pour laquer la garance en la traitant à l'alun, et à l'alcali. Ce procédé transforme l'extrait liquide en un pigment solide, et insoluble. La laque de garance obtenue possède un pouvoir colorant intense et peut être utilisée universellement, en la mélangeant à une peinture par exemple. Au cours des années suivantes, on découvre que d'autres sels métalliques - et notamment les sels de fer, d'étain et de chrome - peuvent être utilisés en remplacement de l'alun pour donner à des pigments à base de garance diverses couleurs. Cette méthode générale pour préparer des laques est connue depuis plusieurs siècles.

En 1826, les chimistes français P.-J. Robiquet et J.-J. Colin découvrent que la racine de garance renferme en réalité deux colorants : l'alizarine rouge et la purpurine[5], qui s'affadit plus rapidement.

En 1869, l'alizarine devient le premier pigment naturel à être reproduit synthétiquement quand les chimistes allemands Carl Graebe et Carl Liebermann, employés chez BASF, trouvèrent un moyen de l'obtenir à partir de l'anthracène. Un jour plus tard, le chimiste anglais William Henry Perkin découvre la même synthèse, indépendamment de l'équipe allemande. Le groupe BASF dépose le brevet une journée avant Perkin. Il commercialise de l'alizarine à partir de 1871.

L'alizarine synthétique peut être produite pour moins de la moitié du coût d'une production naturelle. Au début des années 1870, l'alizarine supplante la garance cultivée dans le Midi de la France (fin totale de la production en 1884), en Alsace et en Hollande, ce qui plonge ces régions dans des difficultés économiques soudaines et marquera le début d'une reconversion nécessaire.

L'alizarine est souvent remplacée aujourd'hui par des rouges plus performants : quinacridone (développée par DuPont en 1958), anthraquinonique, DPP.

Applications

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Médecine

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L'alizarine rouge est utilisée dans les laboratoires d'analyses biochimiques pour déterminer - quantitativement, par colorimétrie - la présence de dépôts calciques par les cellules de la lignée osseuse. Dans la pratique clinique, elle est également utilisée pour maculer le liquide synovial, afin de permettre l'accès aux cristaux de phosphates de calcium. (à vérifier)

Beaux-arts

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Le nom de couleur alizarine est répandu dans les nuanciers destinés aux beaux-arts, quoique le pigment soit généralement un remplacement. On trouve 599 Alizarine cramoisie[6] ; 328 Carmin d'alizarine[7] ; 694 alizarine écarlate, 696 alizarine rouge[8],[9].

Exploration géologique du sous-sol par forage

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La molécule 1,2-dihydroxy-9,10-anthracenedione est également utilisée de façon routinière par les géologues de sonde travaillant sur les forages exploratoires. L'alizarine est employée dans ce contexte afin de tester la présence ou l'absence de dolomite ou de calcite dans les échantillons rocheux carbonatés remontés des profondeurs vers la surface via la boue de forage. La calcite se colorant en effet en rouge sous l'effet d'une solution diluée de 1,2-dihydroxy-9,10-anthracenedione, contrairement aux cristaux de dolomite.

Notes et références

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  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. « Alizarine » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 25 avril 2009
  3. (en) Vankar, P. S.; Shanker, R.; Mahanta, D.; Tiwari, S. C., « Ecofriendly Sonicator Dyeing of Cotton with Rubia cordifolia Linn. Using Biomordant », Dyes and Pigments, vol. 76, no 1,‎ , p. 207–212 (DOI 10.1016/j.dyepig.2006.08.023)
  4. (en) Meloan, S. N.; Puchtler, H.; Valentine, L. S., « Alkaline and Acid Alizarin Red S Stains for Alkali-Soluble and Alkali-Insoluble Calcium Deposits », Archives of Pathology, vol. 93, no 3,‎ , p. 190–197 (PMID 4110754)
  5. Composé C14 H8 O5, formé par oxydation de l'alizarine et employé pour teindre en rouge écarlate le coton mordancé à l'alumine
  6. (imitation) « Nuancier général web », sur carandache.com
  7. Colour Index PR 83, alizarine véritable « Guide de la peinture à l'huile », sur lefranc-bourgeois.com.
  8. Laques d'alizarine Sennelier, respectivement 694 —écarlate, PR48:2, PY83 (rouge monoazoïque et jaune diarylide) et 696 —rouge PR83.
  9. 004 Alizarine (imitation) Winsor & Newton, qui a retiré l'alizarine, introduite dès ses premiers catalogues.

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Philip Ball (trad. Jacques Bonnet), Histoire vivante des couleurs : 5000 ans de peinture racontée par les pigments [« Bright Earth: The Invention of Colour »], Paris, Hazan, , p. 318-322.
  • Jean Petit, Jacques Roire et Henri Valot, Encyclopédie de la peinture : formuler, fabriquer, appliquer, t. 2, Puteaux, EREC, , p. 341-344.

Articles connexes

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