Work Text:
Guenièvre Et Les Chiens
Umi – Lady d'Acticiel
3 cors
1. EXT. JARDINS DU CHÂTEAU – JOUR
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Arthur et Léodagan se promènent dans les jardins, l'air soucieux. Ils sont en pleine conversation. Arthur a dans les mains une pomme déjà bien entamée.
Léodagan (levant le bras): ... Bon, eh, de toute manière, dites-vous bien que ça, c'est pour le bien de Kaamelott! Si les barbares nous attaquent par la côte…
Arthur (le coupant) : Vous m'excuserez, mais je refuse de lâcher encore trois sous pour qu'on nous farcisse tout le nord de l'île avec des catapultes! Il faut qu'on se serre la-
Léodagan (le coupant): Mais c'est ça que vous comprenez pas! On parle pas de catapultes, là! On parle de missiles plus résistants. Je les ai vus moi-même.
Avec des gestes passionnés, Léodagan mime une forme circulaire avec ses mains.
Léodagan: C'est des jarres grosses comme ça, qui viennent tout droit de Numidie, super résistantes! Et dedans, on y fourre ce qu'on veut. Comme ça, quand ça claque sur le pif de l'ennemi, ça fait beaucoup plus de dégâts qu'une pierre enflammée!
Arthur: Je comprends bien le concept, mais croyez-moi, c'est pas vraiment le genre de dépenses qu'on peut se permettre après les inondations de cet hiver. Les réserves du château sont vides et votre femme me bassine pour que je rationne tout le monde. Alors c'est pas parce que Vennec a, soi disant, un plan en or pour avoir un rabais, que je…
Arthur regarde son beau-père. Léodagan a la mâchoire serrée et semble ne pas vouloir lâcher prise.
Arthur (s'interrompant, lassé): Bon. Mettons qu'on en fasse venir, de ces jarres. Vous les farcissez avec quoi?
Léodagan (étonné): Bah, des gadins! C'est un peu la spécificité de l'île, si ma mémoire est bonne. Mais attention, hein, qu'on s'entende: des petits. Y'en a tout le tour de la baraque, on sait plus quoi en faire. Comme ça, c'est moins lourd à porter que des grosses. Et quand ça va tomber sur leurs bateaux, vous allez voir comme on va rigoler!
Arthur s'arrête et Léodagan l'imite.
Arthur (en pleine réflexion): Le problème… c'est qu'il y a toujours ces ponts en pierre qui doivent être construits, pour rallier plus facilement l'Orcanie et la Calédonie. J'me suis engagé à lancer les travaux. Alors gâcher les petites pierres pour les balancer à la mer, ça m'ennuie grandement.
Léodagan (agacé): Quoi?! Mais attendez, c'est un plan en or, je vous dis! Il faut pas laisser passer ça! C'est comme la pluie de pierre de Merlin, mais là, on est sûr que c'est efficace!
Arthur: Écoutez, Beau-Père, il faut y réfléchir... Si on ne prend pas des gadins, il faut qu'on trouve autre chose à leur balancer à la tr-
?: SIRE, SIRE!
Calogrenant arrive en courant vers eux, l'air alarmé.
Léodagan: Bah qu'est-ce qui vous arrive, à vous? Vous êtes tout blanc.
Calogrenant (se tourne vers le Roi): Sire, c'est affreux!
Arthur: Bah quoi? Crachez le morceau!
Léodagan: Ah! C'est les barbares qui nous attaquent, c'est-
Calogrenant (le coupe): C'est la Reine, Sire! Elle est blessée!
Arthur et Léodagan ouvrent de larges bouches, mi horrifiés, mi stupéfaits.
OUVERTURE
2 . EXT. JARDINS DU CHÂTEAU – JOUR
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Guidés par Calogrenant, Arthur et Léodagan se précipitent vers Guenièvre. Guenièvre est allongée par terre, sur les genoux d'Angarade. Lancelot est accroupi à ses côtés. Du sang coule de la jambe de la Reine.
Guenièvre (gémit): Aaaaah… Par les Dieux… Cette douleur est insupportable…
Angarade (caresse les cheveux de la Reine): Que Madame se rassure; j'ai fait le nécessaire et fait appel à Merlin. Il devrait arriver prestement pour vous soigner.
Guenièvre (voix faible, le regard hagard): Mer…lin, vous dites?
Angarade s'apprête à répondre mais Arthur s'accroupit devant sa femme, l'air soucieux.
Arthur: Non mais qu'est-ce que c'est que cette purée, encore? Qu'est-ce qui vous est arrivé?!
Guenièvre (regardant Arthur, les yeux pleins de larmes): Ah, c'est vous…
Léodagan (à Lancelot et Angarade): Bon, vous vous pressez à nous dire ce qu'il s'est passé, ou il faut que je vous aide? J'ai connu des troufions qui paraissaient en meilleure santé qu'elle, même avec les boyaux à l'air! Vous avez été attaqués?
Lancelot (gêné, à Arthur): Je suis peut-être un peu responsable, Sire… La Reine et moi nous entretenions d'un sujet (Il hésite et regarde Guenièvre)… quelconque, et nous nous sommes aventurés dans le village.
Guenièvre tente de se redresser mais retombe en arrière et est soutenue par Angarade.
Guenièvre (bredouillant, à son mari): C'est les p'tits chiens…
Lancelot (souriant brièvement à la Reine): Oui, le village est envahi de chiens errants. Il y en a vraiment beaucoup. Ils ne sont pas méchants, d'habitude… Et bien entendu (prenant l'air de la confidence), vous connaissez l'amour de notre Reine pour les chiots…
Arthur (haussant les épaules, agacé): Abrégez. Donc vous voulez dire que c'est des chiens errants qui lui ont mis la guibolle dans cet état?
Léodagan (explosant): Mais c'est pas vrai, ça! Vous pouviez pas faire attention à la Reine, un peu?! (se tournant vers Guenièvre) Et vous, regardez-vous! Ah, elle est belle, la Reine de Bretagne! La jambe boulottée par un clébard!
Guenièvre (en pleurs): Père, s'il vous plaît, c'est déjà assez douloureux comme ça… Ce chien m'a… Il m'a prise par surprise, alors que je ne regardais pas… (redoublant de larmes)
Angarade: Si Madame voulait bien reconnaître que j'avais raison, lorsque je lui ai proposé de changer sa robe après qu'elle l'ait tâchée de sauce à la viande. Je suis sûre que c'est ça qui les a attirés…
Léodagan (à Angarade): Oh, vous, hein, taisez-vous! (A Guenièvre) Ah bah bravo! (Il applaudit fortement en fixant sa fille.) Si ces sacs à puces ne vous refilent pas la peste, vous pourrez vous estimer heureuse, quand on vous aura amputée!
Guenièvre: Aaaah, si vous saviez comme j'ai honte…
Lancelot s'apprête à dire quelque chose, mais est coupé par Arthur. Le Roi s'agenouille et soulève Guenièvre sous les genoux. Elle pousse un glapissement de douleur et de surprise.
Arthur (soufflant et se relevant): Wooohputain… La vache, on peut dire que vous en loupez vraiment pas une, vous! Aaaallez, direction chez Merlin. Enfin… Si mes lombaires tiennent le coup.
Angarade: Monsieur, je vous rappelle que j'ai déjà fait mander Merlin, c'est peut-être pas la peine de-
Arthur (essoufflé, la coupant): Ouais bah c'est de Merlin qu'il s'agit. Le temps qu'il s'y retrouve dans ses fioles et qu'il se radine, elle se sera déjà vidée comme une truie!
Arthur et Guenièvre s'éloignent sous le regard des autres.
3. INT. LABORATOIRE DE MERLIN - JOUR
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Guenièvre est allongée sur un lit, endormie. Arthur est debout à ses côtés. Merlin est assis à son chevet.
Merlin (l'air très satisfait, frottant ses mains sur un tissu): Voooooilà! Elle va s'en sortir, vous en faites pas. C'qu'il faut, à présent, c'est qu'elle refasse du sang. Ces prochains jours, vous lui faites manger du boudin, du sauciflard, enfin bref: d'la bidoche.
Merlin se tape le ventre, tout sourire. Il a l'air vraiment heureux de son bon travail.
Arthur (vaguement méfiant): Et votre onguent, là, c'est du rapide à agir? Parce que ça fait un moment que vous l'avez tartinée, et je trouve qu'elle reste encore vachement pâlichonne…
Merlin: Ah nan mais Sire, croyez-moi, c'est super efficace! C'est l'onguent que je donne à tous les soldats sur le champ de bataille, alors vous pensez bien que depuis le temps, je l'ai bien en main.
Guenièvre bouge la tête et gémit un peu, toujours endormie. Arthur et Merlin la surveillent attentivement.
Arthur (dubitatif, le regard fixé sur sa femme): Hum…
Merlin (regardant Guenièvre): Bon, mais c'est vrai qu'elle est blanche, là… (Réalisant quelque chose, souriant) Eh, au passage, vous savez quel est le surnom qu'on lui donne, ces temps-ci?
Arthur (fronçant les sourcils, le regard toujours rivé sur Guenièvre): Nan mais ça, nan. Oubliez. J'l'ai fait supprimer de la Légende, ça. Alors vous le gommez de votre mémoire illico.
Merlin (grimace un peu): Bah écoutez, sinon, il lui faut du repos, quoi. Idéalement, qu'elle ne monte pas les marches. (Hésitant) Et voir à dormir avec elle, aussi. Au cas où elle aurait besoin d'aide cette nuit. Vous me faites réveiller au besoin.
Arthur: Elle peut pas rester ici, sinon? Elle y est déjà. J'ai pas vraiment envie de me retrimballer avec dans tout le château…
Merlin (s'éloignant en hors-champ): Ah non, Sire, eh. C'est MON lit, ça. Vous me l'avez collée dedans parce que c'était urgent, d'accord, mais c'est pas à moi de dormir avec votre femme. Arrangez-vous avec vos maîtresses pour ce soir.
Arthur (agacé): Oh, eh, mêlez-vous de vos oignons, vous. (A Guenièvre) Aaaah, on peut dire qu'elle m'aura tout fait, celle-là… Nan mais… Attaquée par un chien errant…
Arthur hésite un moment et prend une mèche de cheveux de Guenièvre pour la déplacer sur le côté de son visage.
Merlin (en hors champ): Un vrai fléau, en ce moment, il paraît…
4. INT. CHAMBRE D'ARTHUR - SOIR
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Guenièvre est allongée sur le lit, éveillée. Sa jambe blessée et bandée dépasse des draps. Arthur est assis à ses côtés. Guenièvre est un peu décoiffée et semble fatiguée.
Guenièvre: Oui… C'est vrai que j'aime bien les voir, ces petits chiens. Le seigneur Lancelot m'accompagne. Ils sont mignons et puis vous savez, hein, pas sauvages.
Arthur(agacé) : Ah bah c'est merveilleux. Je suis ravi d'apprendre que vous monopolisez mon meilleur chevalier pour votre escorte… Regarder des chiens! Non mais à quoi ça vous sert?
Guenièvre: Mais à m'occuper! Quand je n'ai rien à faire au château, je sors et je les regarde vivre. Il y en a un tout bébé avec une petite tâche sur l'œil, il est très mignon.
Arthur: Ah, donc vous les regardez gambader, voler les villageois et mordre les derrières qui passent? Et ils ne vous attaquent pas?
Guenièvre (un peu honteuse): Je… Non… Hormis aujourd'hui, non.
Arthur regarde sa femme sans rien dire durant un moment, alors qu'elle garde le regard bien fixé sur les couvertures.
Arthur (l'air pincé): Depuis combien de temps?
Guenièvre: Depuis combien de temps quoi?
Arthur (agacé): Jouez pas à l'andouille! Depuis combien de temps vous nourrissez les clébards avec la bouffe qui vient du château?
Guenièvre (très, très gênée): Oh, heu… Deux… Ou trois…
Arthur: Jours? Semaines?
Guenièvre relève les yeux et les rebaisse très vite.
Arthur (exaspéré): Quoi… MOIS?! Mais vous vous fichez du monde! Depuis des semaines, votre mère me tanne le cuir pour qu'on se rationne tous, et vous-
Guenièvre (le coupant, d'une voix forte mais fatiguée): AH MAIS JE SAIS BIEN CA! Je suis désolée, mais moi, je m'ennuie! Je n'ai rien à faire au château; quand je fais quelque chose, vous me houspillez, et quand je ne fais rien, eh bien figurez-vous que vous me houspillez quand-même! Alors désolée, mais quand je vois des mignons petits chiots qui ont besoin de moi, alors oui, là je me sens utile!
Arthur s'apprête à crier encore plus fort, et se retient. Il regarde sa femme, qui a le regard dans le vide.
Arthur (d'une voix adoucie): Vous savez que si vous avez envie de faire ami-ami avec un clébard, vous pouvez toujours aller voir ceux du château.
Guenièvre (rire pincé): Vos chiens de chasse, là? Oh, ça, certainement pas ! Ils me font peur!
Arthur réfléchit un moment.
Arthur (semblant déjà regretter ses paroles): Bon… Et… Et si on vous en prend un, de chien? Un machin propre, hein. Pas trop dégueu et docile? Un qui ne vous boulottera pas la patte dès que vous sentirez la sauce?
Guenièvre se tourne vers son mari, les yeux brillants.
Guenièvre (émue): Oh, c'est vrai?
Arthur (léger sourire): Écoutez… Si ça peut vous empêcher de dilapider la boustifaille du château, moi je dis, ça s'envisage.
Guenièvre baisse la tête un instant. Un sourire se dessine sur les lèvres.
Guenièvre(ravie): Oh, merci! Je l'appelerais Pupuce, ou Câlin, et- OH! Est-ce qu'on pourrait avoir un chiot?
Arthur (amusé et ravi de voir que la situation s'améliore): Ma foi, si vous vous sentez de vous en occuper, je vois pas pourquoi-
Guenièvre (le coupant): Parce que Mère dit qu'avoir un animal, ça peut aider à se projeter en tant que parents. Donc… si on a un chiot, on pourrait peut-être avoir plus facilement un héritier…
Le sourire d'Arthur s'efface d'un seul coup et ses yeux s'écarquillent. Guenièvre ne le voit pas et continue de sourire.
Arthur: Ah meeeeeerde…
Guenièvre (surprise): Eh bien? Que vous arrive-t-il?
Arthur: Eh bah il m'arrive que je viens de me rappeler que les chiens, en fait, je peux pas.
Guenièvre (ne comprend pas): Quoi?... Vous ne pouvez pas… quoi?
Arthur (voix rapide): Ouais, nan, c'est con, parce qu'en fait, quand je touche un chien, là, comme ça… bah je peux pas, en fait. J'ai le bras qui gonfle, qui gonfle, et tout, ça devient super dangereux.
Guenièvre (très déçue, la voix triste): Ooooh…
Arthur: Ouais, je sais, c'est pas de chance, hein… Donc non, désolé, le chiot, ça va pas être possible.
D'un coup d'œil, Arthur surveille la réaction de sa femme: Guenièvre semble bouleversée.
Arthur: Alors, encore qu'avec les gros, ça passe, parce qu'ils sont plus vieux, je suppose… Mais les petits, je sais pas, ça démange, ça démange, je m'en arracherais la peau.
Guenièvre ne répond pas et baisse la tête.
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FERMETURE
5. INT. CUISINE DU CHÂTEAU - SOIR
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Arthur et Léodagan sont en train de manger un morceau à la lueur des bougies. Ils ont leur tenue de nuit. Arthur semble en pleine réflexion.
Léodagan: Le truc, c'est que maintenant, sa mère me fait la tronche. Comme si je pouvais passer mon temps à la surveiller! Eh, attendez demain et vous verrez qu'elle va me reprocher EN PLUS le fait qu'il n'y ait toujours pas d'héritier en route… (Ne reçoit pas de réponse et se tourne vers Arthur). Bah, ça va?
Arthur (avalant sa bouchée et tapotant la table avec le doigt): Des clébards.
Léodagan (surpris): Hein? Eh bah quoi «des clébards»?
Arthur: Des clébards. C'est ça, qu'on va leur lancer, aux envahisseurs vikings. On va faire venir des jarres plus grosses.
Ils échangent un regard. Léodagan semble comprendre.
Léodagan: C'est pas con. Comme ça, on déparasite la zone…
Arthur: … on touche pas aux p'tits gadins pour le pont, et y'en a à foison…
Léodagan (le visage illuminé): … et que ça flotte ou que ça coule, on s'en fout. Eh, c'est vraiment une bonne idée, ça! Deux problèmes de réglés! Et si, en prime, ces p'tits corniauds pouvaient leur niaquer le bout du pif avant de tomber à la flotte, on ferait d'une pierre trois coups!
Arthur (avalant sa bouchée): Plutôt d'une pierre quatre coups, en fait…
Léodagan (semblant réaliser quelque chose): Par contre, comment on fait pour les attraper?
Arthur (réfléchit brièvement et tapote son pilon de poulet sur le bord de l'écuelle): On les appâte avec de la sauce au miel. Ça, on sait que ça marche. Et si y'en a qui se font mordre, on se tartine de l'onguent de Merlin.
NOIR
Léodagan (OVER): Bon, notez qu'après, le point délicat, c'est que tout le succès du plan dépend de Merlin…