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Pendant ce temps, Paris, Gare du Nord
Fleur et Emma descendirent du train qui les ramenait des Pays-Bas. Les bruits familiers de la gare – les annonces résonnant, le cliquetis des valises sur les pavés, les conversations en français – semblaient apaiser un peu le malaise qu’Emma ressentait. Elle se sentait étrangement chez elle, malgré l’incertitude qui planait encore sur son passé. Au fil des jours passés avec Fleur, elle avait retrouvé quelques souvenirs flous, des éclats d’images et de sensations, mais rien qui lui permettait de comprendre qui elle était vraiment.
Fleur lui fit un sourire rassurant en saisissant sa valise, l'invitant à la suivre à travers le dédale de rues qui les mèneraient jusqu’à son appartement.
"Viens, Emma. On est presque arrivées. Mon petit coin n’est pas bien grand, mais tu verras, il a du charme."
Elles marchèrent dans les rues de Montmartre, ce quartier mythique où le charme parisien se révélait à chaque coin de rue. La lumière du début d’après-midi baignait les toits de zinc et les rues pavées, conférant à l’endroit une atmosphère chaleureuse. Emma observait les terrasses de café où des artistes esquissaient des portraits, les façades anciennes, les vitrines de galeries d’art, et elle sentait un étrange sentiment de familiarité.
Elles arrivèrent finalement Place du Tertre, là où se trouvait l’appartement de Fleur, perché sous les toits, comme un secret bien gardé. Fleur ouvrit la porte d’un immeuble étroit, aux escaliers en colimaçon.
"Encore quelques marches, et on y est," dit-elle, grimpant avec aisance.
Quand elles arrivèrent enfin devant la porte, Fleur se tourna vers Emma avec un sourire. "Bienvenue chez moi… chez toi aussi, si tu le veux bien."
L’appartement, petit mais chaleureux, respirait la personnalité de Fleur. Sous les poutres apparentes du plafond, les murs étaient ornés de photos de ses voyages, de dessins à l’encre et de bouquets de fleurs séchées. Une grande fenêtre ouvrait sur les toits de Montmartre, offrant une vue splendide sur le Sacré-Cœur qui se découpait au loin. Le léger parfum de lavande flottait dans l’air, donnant à l’endroit une ambiance apaisante.
Emma posa sa valise et balaya la pièce du regard, absorbant chaque détail.
"C’est magnifique, Fleur," murmura-t-elle, impressionnée. "On dirait un petit cocon, un refuge."
Fleur lui lança un sourire sincère, visiblement touchée.
"C’est exactement ce que je veux que ce soit. Un endroit où tu peux te retrouver, où tu peux être toi-même."
Emma détourna les yeux vers la fenêtre, une lueur d'incertitude dans le regard.
"Ça fait tellement longtemps que je cherche qui je suis… peut-être que cet endroit m’aidera enfin à comprendre."
Fleur s’approcha doucement, posant une main réconfortante sur son épaule.
"On a tout le temps, Emma. Prends le temps qu’il te faut. On est à Paris, tout est possible ici. Je te laisse ma chambre, je prendrais le canapé tu as plus besoin que moi d’un vrai lit et de tout façon je ne serais pas souvent là avec mon travail."
Emma sentit un léger frisson parcourir sa colonne vertébrale. Peut-être que cette ville et cette femme détiennent les réponses qu'elle cherchait, peut-être même des morceaux de son identité qu'elle ignorait encore. Elle fit un sourire timide à Fleur.
"Merci. Merci pour tout ce que tu fais pour moi. Je ne sais pas comment je pourrais te le rendre."
Fleur haussa les épaules avec un sourire tendre.
"Tu n’as rien à me devoir, Emma. Je suis juste heureuse de pouvoir être là pour toi."
Elle laissa alors Emma découvrir l’appartement à son rythme, s’installant elle-même pour préparer un thé. Alors qu’elle observait Emma explorer l’espace, Fleur se demanda si elle n'était pas en train de tomber sous le charme de cette jeune femme mystérieuse, venue d'ailleurs, avec son passé flou et ses souvenirs brisés.
Après s’être installée Emma revient dans le petit salon
"Comment je vais pouvoir te rembourser, Fleur ? Tu fais tellement pour moi..." murmura Emma, un peu gênée. Elle sentait un poids de gratitude l'envahir, et l'idée de dépendre de quelqu'un sans pouvoir donner quelque chose en retour la troublait.
Fleur secoua la tête avec un sourire rassurant, l’air de quelqu’un qui avait déjà réfléchi à la question.
"Ne t’en fais pas pour ça. D’ailleurs, regarde," dit-elle en pointant la rue à travers la fenêtre, "mon oncle tient le petit bistrot juste en face. Il est un peu bourru, mais il a le cœur sur la main. Il sera ravi de te donner un petit boulot."
Emma suivit le regard de Fleur jusqu’au café en bas, où une petite terrasse était bordée de tables rondes en fer forgé, typiquement parisiennes. Les quelques clients sirotaient des expressos ou discutaient en souriant, et le soleil d’automne éclairait l’endroit d’une douce lumière.
"Tu sais, c’est une chance que tu parles français," continua Fleur. "Tu pourras au moins gagner un peu d’argent en attendant de retrouver la mémoire. Et tu verras, travailler là-bas te fera du bien. Mon oncle adore les histoires et les gens… et il pourrait même te donner quelques conseils."
Emma sourit, rassurée par la perspective d’un emploi.
"C’est une bonne idée, merci. J’espère juste ne pas être trop maladroite au début," répondit-elle en riant, avec une légère lueur d’excitation dans les yeux.
Elle ne savait pas encore comment tout cela l’aiderait à recoller les morceaux de sa vie passée, mais une petite voix intérieure lui soufflait qu’elle était au bon endroit, avec la bonne personne.
Fleur hocha la tête, satisfaite.
"Et puis, c’est le genre d’endroit où tout le monde finit par se connaître. Tu te feras des amis, et qui sait, peut-être que quelqu’un reconnaîtra ton visage ou pourra t’aider à retrouver des souvenirs. Le fait que tu connaisses ma langue signifie que tu es sans doute déjà venu dans notre pays."
Le lendemain matin, Emma se rendit donc au café. Fleur l'avait accompagnée pour faire les présentations. Derrière le comptoir, un homme aux cheveux grisonnants et au regard malicieux leva les yeux en entendant la porte tinter.
"Tiens, tiens, la voilà, ma nièce préférée !" s'exclama-t-il en voyant Fleur. Il lui fit la bise avant de se tourner vers Emma avec un sourire amical. "Alors, c’est toi la mystérieuse jeune femme dont Fleur m’a parlé ! Enchanté, je suis Pierre."
Emma lui rendit son sourire, se sentant immédiatement accueillie. "Enchantée, Pierre. Merci de me donner cette chance. J’espère être à la hauteur."
Pierre éclata de rire, d’un rire franc et chaleureux. "Oh, ici, tant que tu as le sourire et que tu sais porter trois cafés à la fois, tu es déjà embauchée ! Allez, suis-moi, je vais te montrer comment tout fonctionne."
Alors qu’elle apprenait les gestes simples du service, Emma se surprit à prendre plaisir à ce quotidien tout neuf. Elle écoutait les clients lui parler de leur journée, les habitués échanger des potins du quartier, les artistes en quête d’inspiration passer avec leurs carnets et leurs pinceaux, tous étaient heureux de pouvoir connaître la nouvelle serveuse à l’accent américain.
Fleur venait la voir après son propre travail, lui offrant des moments de calme, quelques éclats de rire et des repas partagés après la fermeture. Peu à peu, Emma commençait à se construire un quotidien, simple et apaisant, mais sans oublier cette étrange sensation qui flottait en elle, comme un écho de quelque chose de perdu.
Un soir, alors qu’elles étaient assises toutes les deux sur le toit, à regarder Paris illuminée, Fleur se tourna vers elle, l'air pensif.
"Emma," commença-t-elle doucement, "si un jour tu te souviens de ta vie d’avant, que tu retrouves qui tu étais… Tu crois que tu partiras ? Que tu quitteras tout ça ?"
Emma baissa les yeux, surprise par cette question. Elle n’avait jamais vraiment envisagé ce moment, tellement elle s’était attachée à ce petit univers que Fleur lui avait offert. Paris, le café, et surtout, Fleur elle-même. Elle chercha ses mots, un peu émue.
"Je ne sais pas," murmura-t-elle. "C’est vrai que je voudrais retrouver mon passé, savoir qui j’étais... Mais en même temps, tout ce que je vis ici me semble plus vrai et plus précieux que n’importe quel souvenir."
Fleur lui sourit, touchée, mais elle ne dit rien. Elles restèrent silencieuses, l'une à côté de l'autre, contemplant la ville en lumière. Pour l’instant, cela leur suffisait.