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Au-delà du monde

Chapter 29: Serpentard et Griffondor

Chapter Text

 

-Aller, elles sont pas si mal.

 

Sceptique, Harry observait sa « poupée », à genoux devant le cercle. Elle ressemblait davantage à un chiffon torsadé mêlé à quelques cheveux retenu par une petite corde rouge qu'à une figure censée le représenter. Celles d'Andersen et de Summers n'étaient guère meilleures. Summers avait imité le geste de Harry et bon gré mal gré, Andersen avait fait de même, fixant le sang qui se répandait sur l'étoile avec un air dégoutté – ou était-ce peureux ?

 

   Dès lors que les branches de l'étoile s'étaient repointent en rouge, les matériaux déposés dedans s'étaient mis à voler devant les sorciers et chacun put voir sa poupée prendre forme. Celle de Harry lui atterrit dans ses mains, celle de Summers sur ses genoux et celle d'Andersen au sol, sans qu'il ne bouge pour la rattraper.

 

-Dans quoi je me suis embarqué, grogna-t-il en examinant le bout de tissu, échoué devant lui.

 

-On n'a pas le choix, rappela Summers. Et regarde ! On est intacts, tous les trois !

 

-Oui, a part mon poignet.

 

-Mauvais joueur.

 

-Je suis pas là pour jouer, Summers. Je suis un sorcier et je fais de la magie rouge. C'est pitoyable.

 

Harry soupira.

 

-Qu'est-ce qui te gêne tant dans cette magie ?

 

Andersen agita son poignet bandé sous ses yeux.

 

-Utiliser du sang, c'est tellement barbare ! Le sang est sacré, tu savais pas ? C'est pour ça que la magie rouge a disparu, personne n'est assez fou pour risquer sa vie juste pour jeter un sort ! Nous sommes des sorciers et tout ce qu'on fait c'est batifoler avec de la magie noire ! Je te préviens, c'est pas moi qui raconte ça au commandant !

 

-Notre propre magie est en danger je te rappelle ! Pourquoi on ne pourrait pas utiliser une autre magie si ça permet de sauver la nôtre ?

 

-Parce qu'on ne sait pas si ça suffira ! Notre magie devrait être suffisante ! Et si les moldus comprenaient ça on n'aurait pas cette bombe sur le dos -

 

-CA SUFFIT !!

 

La voix de Summers claqua dans la crypte comme un coup de tonnerre. Il serrait sa poupée dans le poing et les regardait à tour de rôle, l'air furieux.

 

-Vous croyez vraiment que c'est le moment de se disputer ? On n'est plus à Poudlard, Serpentard contre Griffondor ! Ça fait des mois que vous bossez ensemble, je viens d'arriver dans l'équipe et je comprend mieux votre situation que vous ! Andersen, que tu le veuille ou non, la magie rouge existe depuis des siècles et elle est notre seule chance ! Qu'elle utilise du sang ou pas n'est pas la question ! Les sorciers utilisent des baguettes, les elfes de maison n'en n'ont pas et les centaures lisent dans les étoiles ! Chaque magie a ses particularités et ton dégoût personnel n'a rien à faire dans notre enquête ! Potter, tu ne peux pas reprocher à Andersen d'avoir peur de ce qu'il ne connaît pas ! Tout le monde n'a pas affronté Voldemort ! Tout le monde n'est pas à la fois moldu par son enfance et sorcier par sa nature ! Tout le monde ne voit pas les Serpentards comme des sang-purs pourris gâtés ! Ne laisse pas ta rancune personnelle dicter tes actions !

 

Le silence reprit ses droits dans la crypte après l'éclat de Summers. Les joues rouges, les deux aurors ainsi grondés refusaient de se regarder. Summers les fixaient à tour de rôle et Kid, contre son mur, se faisait oublier.

 

-D'accord, murmura Andersen. J'aime pas cette magie, mais je vais essayer.

 

-Moi aussi, répondit Harry, désolé d'avoir... insinué des trucs.

 

Andersen lui jeta un coup d’œil prudent.

 

-Faut croire que même le héros du monde sorcier à ses défauts.

 

Harry lui rendit son regard.

 

-Et que tous les Serpentards ne sont pas Malefoy.

 

Comprenant que la dispute était finie, les épaules de Summers se détendirent et il soupira.

 

-Bon, quelle est la suite du plan ?

 

 

   Un quart d'heure plus tard, la suite du plan était décidée. Il fallait retourner en Angleterre. Tout le monde partit préparer ses affaires et ils se retrouvèrent dans le salon, les sacs posés par terre.

 

-Je suis à peu près sûr que Koizumi a mentionné un point de jonction là-bas.

 

-Résumons. On a trouvé notre coupable à travers une magie réputée éteinte, très proche de la magie noire – ne me regarde pas comme ça Summers, j'ai compris la leçon – on n'a aucune preuve, notre coupable est déjà mort et pour inverser l'effet de la bombe on va devoir risquer la mort cérébrale... C'est tout ?

 

-N'oublie pas « faire confiance à un voleur international », ajouta Kid, pince-sans-rire.

 

-Après tout ça, je trouve ce détail assez normal.

 

-Hey !

 

-A ce propos, reprit Summers, heu... Kid ?

 

Le regard violacé se tourna vers lui.

 

-Je sais qu'on t'a promis de t'aider à quitter le pays avec notre magie de retour, mais... Tu es sûr que c'est tout ? Tu ne veux pas qu'on t'aide avec ton histoire d'organisation ?

 

-Certain. L'organisation, c'est mon affaire. Et oui, je parle anglais, ajouta-t-il dans leur langue, sans aucun accent.

 

Andersen, qui jusque là fouillait dans son sac en écoutant leur conversation d'un oreille distraite, tiqua au changement de langue et sembla se souvenir de quelque chose.

 

-Minute, mais tu nous accompagne ? Tu ne veux pas en profiter, puisqu'on part en Angleterre ?

 

-Impossible, répondit le voleur. Je dois être de retour avant lundi. D'ailleurs si on pouvait se presser...

 

Lui-même était déjà prêt, et avait choisi de se déguiser en Akako, avec une perruque plus vraie que nature, un sac en bandoulière sur le dos et le sac à main de la sorcière sur l'épaule. Il avait même poussé l'illusion jusqu'à porter un maquillage discret qui mettait en valeur les traits fins de la sorcière. Si Harry ne savait pas qui portait ce masque, il en aurait été bluffé. La seule chose qui différait de l'originale était l'aura magique qu'Akako émettait partout où elle passait et que Kid ne pouvait pas imiter.

 

   Harry choisit de se détourner pour vérifier son sac, mortifié. Son estomac venait de réagir, trompé par la ressemblance. Kid, derrière lui, sourit de toutes ses dents en constatant son petit effet.

 

-Tout le monde est prêt ?

 

Les trois aurors s'observèrent, puis acquiescèrent.

 

-Heu... Et les billets ? On ne peut pas utiliser de balais pour retourner en Angleterre, il faut passer par l'avion !

 

« Akako » claqua des doigts et trois rectangles de papier cartonné apparurent devant les sorciers. Chacun en attrapa un et l'examina.

 

-Imiter des billets d'avion est un jeu d'enfant, fanfaronna Kid, surtout quand on me laisse une heure de pause.

 

Harry ignora la boutade et examina son billet. Il ressemblait à s'y méprendre à celui qu'il avait utilisé pour venir au Japon, plusieurs semaines auparavant. Il vérifia le nom, la date, le numéro de siège, lu les quelques indications à propos des bagages et conclut que le billet arriverait à tromper n'importe qui.

 

-Détendez-vous, reprit Kid en voyant Andersen et Summers qui fixaient leur billet d'un air circonspect. Je n'ai pas fabriqué ces billets. Ils sont authentiques. Maintenant direction l'aéroport.

 

Il ouvrit la porte du manoir et l'air nocturne, à peine réchauffé par le soleil levant, s'engouffra dans le hall. Summers éternua.

 

   Harry suivit ses collègues et constata qu'une petite voiture les attendait à la porte. Kid entra sans se faire prier et, quand les aurors se furent entassés à l'arrière, leur présenta son assistant. Alors que la petite voiture quittait le manoir pour ce qui était peut-être la dernière fois, que Summers vérifiait trois fois de suite qu'il avait emporté son carnet et qu'Andersen regardait défiler le paysage le visage fermé, Harry gardait les yeux sur Kid.

 

   Il n'aimait pas le sous-entendu de plus tôt. Les billets étaient à leurs noms, alors si Kid ne les avait pas fabriqués, ça ne voulait dire qu'une chose.

 

 

   L'arrivée à l'aéroport fut beaucoup plus calme que la précédente. Il était tôt et seuls quelques passagers matinaux deambulaient autour d'eux. Sur le flan droit de l'allée qui menait aux portes d'embarquement, émaillée de petits stands informatifs, des sièges de plastiques orange attendaient qu'on veuille bien reconnaître leur existence. Assise dans un carré de siège, une femme seule avec sa poussette fouillait dans ses affaires, la chaîne d'un petit sac à main entre les dents. Un employé, vêtu d'un uniforme rouge et noir, somnolait sur son stand, la tête sur le point. L'air était froid, à peine secoué par les annonces du haut-parleur. À gauche des sorciers, au-delà des portes d'embarquement, une grande baie vitrée encadrait une grande porte et on pouvait y distinguer les avions au départ.

 

   Kid se dirigea d'un pas décidé vers la première ligne de sécurité. Les sorciers le suivirent. Andersen ne cessait de sursauter quand le haut-parleur crachottait et Summers fixait l'immense horloge numérique qui egrenait les heures, minutes et secondes. Kid montra les billets aux premières portes sans problème, puis ils se dirigèrent vers le dépôt des bagages. Harry remarqua qu'Andersen gardait le regard fixé sur sa valise et que ses mains frémissaient. Mais il ne dit rien et ils purent enfin traverser les portes qui menaient à leur avion.

 

   Alors que l'aéroport était relativement silencieux, les avions ne l'etaient pas. Dès lors qu'ils mirent un pied dans le couloir menant à l'appareil, ils furent envahis par le bruit du moteur qui se reverberait sur le métal qui les entourait. Kid leur jeta un coup d'oeil mais ne dit rien. Il se contenta de les guider vers l'appareil, où une hôtesse prit le relais. En voyant les trois hommes les mains plaquées sur leurs oreilles, jetant des regards inquiets autour d'eux, elle sourit et les mena vers leurs places avec des gestes rassurants. Harry eût l'impression de rajeunir, et pas d'une bonne manière.

 

   Quand il furent installés sur trois sièges à droite de l'appareil et que les quelques passagers d'un vol aussi matinal eurent finit de déposer leurs bagages de cabine avec l'aide des hôtesses, le commandant de bord leur annonça par le haut-parleur une heure de retard.

 

   Harry soupira, Andersen marmonna et Summers se massa les paupières. Kid, qui avait choisit – sans doute exprès – un siège seul dans l'allée gauche de l'avion, ne réagit pas. Harry lorgna vers son bagage, dans le filet au-dessus de lui. Il n'était pas sûr d'apprécier l'avion, surtout quand il ne pourrait pas en sortir avant plus de treize heures. Loin de lui, le vent qui volait dans ses cheveux et lui claquait les joues quand il montait son balai. Loin de lui, Hedwige qui avait gardé ses ailes et qui volait par lui-même vers l'Angleterre, une lettre pour Hermione à la patte.