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Il y a de nouveaux professeurs à Poudlard.
Bon, depuis l’arrivée de Harry à Poudlard, il ne s’est pas écoulé une année sans au moins un nouveau professeur à la grande table.
Il n’y en a jamais eu autant par contre.
Le remplacement d’Hagrid par le professeur Gobe-Planche n’est pas une surprise, mais cela ne rendait pas la chose plus plaisante. Cela inquiète Harry pour son ami, et il a déjà bien assez à faire sans en plus angoisser pour la survie d’Hagrid.
Mais qu’Ombrage enseigne la Défense Contre les Forces du Mal ? Le seul moyen de faire pire serait de confier le poste Lucius Malefoy ou Voldemort lui-même.
Et puis il y a…
— Et enfin, dit Dumbledore avec un geste dans la direction de l’homme blond assis entre Chourave et Ombrage. Nous sommes fiers d’accueillir parmi nous le Professeur Edward Elric qui dispensera des cours d’Alchimie ! C’est un plaisir de pouvoir à nouveau proposer…
Ombrage l’interrompt, et tous lui jette un regard estomaqué et outré, sauf Elric.
Lui se contente de lever un sourcil et d’appuyer sa tête sur son coude gauche, la fixant d’un regard vide alors qu’elle s’embarque dans un discours si plat et ennuyeux qu’il endormirait même le fantomatique professeur Binns. Une fois qu’elle a fini et qu’elle se rassoit, Dumbledore finit son propre discours.
A travers la Grande Salle, les yeux dorés d’Elric rencontrent ceux d’Harry pendant une fraction de seconde, lui donnant des frissons dans le dos, avant que le nouveau professeur se détourne pour entamer la conversation avec Ombrage, l’air parfaitement poli et engageant.
Sa cicatrice picote, et les implications le mettent mal à l’aise.
Harry est à mi-chemin du dortoir de Gryffondor après sa première retenue avec Ombrage quand il rentre dans Elric et manque de tomber sur le derrière. Le nouveau professeur lui attrape le bras, et pendant un instant Harry se sent saisi d’un profond élan de terreur instinctive.
Le sentiment disparaît aussi vite qu’il était apparu, et quand il croise le regard inquiet d’Elric il n’y a pas de picotement de sa cicatrice, seulement la douleur sur le dos de sa main où de fins ruisseaux de sangs suintent des mots gravés sur sa peau.
— Tout va bien, Potter ?
— Oui, je vais bien, Professeur, il répond automatiquement, attrapant sa main droite avec sa gauche pour s’assurer qu’Elric ne voit pas la blessure. Je rentre juste d’une retenue, monsieur.
Elric fronce les sourcils, ses yeux dorés brillant presque dans la lumière dansante des torches du couloir. Son regard se porte sur ses mains.
— Vous étiez en retenue avec Dolores, c’est bien ça ?
Harry ravale un juron.
— Oui monsieur.
— Je vois.
Quelque chose brilla sur son visage impassible, et puis un sourire s’y forme et il lui tape l’épaule.
— Bon, ‘feriez mieux d’aller au lit maintenant.
— Heu… oui.
Harry ne sait pas trop quoi penser quand Elric le dépasse et prend la direction du corridor de la classe de Défense. Elric avait l’air d’avoir une relation, sinon amicale, du moins cordiale avec l’affreux crapaud, donc il ne sait pas trop à quoi s’attendre.
Et puis il y cette étrange sensation qu’il a quand Elric est dans les parages. Le picotement de sa cicatrice, l’inquiétude, la peur…
Il espère que cette rencontre n’a pas empiré les choses.
Quand Harry va en retenue le soir suivant la plume noire a mystérieusement disparu, remplacée par une plume de faucon ordinaire.
Ombrage, en revanche, semble mourir d’envie de lui jeter le sortilège Doloris à la figure.
Peut-être qu’Elric n’est pas si méchant après tout.
La prochaine rencontre extrascolaire d’Harry avec l’étrange professeur d’Alchimie a lieu ce samedi quand il gravit les marches de la volière pour envoyer une lettre à Sirius. Elric est en train de cajoler un des hiboux de l’école pour le persuader de descendre de son perchoir, et il a l’air à ça d’invoquer une arbalète et partir à la chasse.
— Heu, Professeur Elric ? Est-ce que je peux vous aider ?
Le blond se retourne, passant dans ses cheveux la main qui ne tient pas sa lettre par frustration, écartant quelques mèches. Peut-être que l’appeler blond ne rend pas compte assez fidèlement de sa couleur d’or, d’or aussi étincelant que ses yeux.
— Tiens, Potter, marrant de vous croiser encore ici.
Donc il n’était pas le seul à trouver cela bizarre.
— J’essaye juste de convaincre un de ces stupides volatiles de porter ma commande de livres à Fleury et Bott, mais ils sont encore plus têtus que ma femme.
Harry cligne des yeux.
— Vous êtes marié ?
La question lui échappe avant qu’il pense à tenir sa langue, mais à sa surprise Elric éclate de rire.
— Ouais, il y a des jours où j’ai du mal à y croire moi-même pour être honnête.
Il sourit avec le regard le plus chaleureux qu’il lui a jamais vu.
Ils se fixent pendant un moment avant qu’Harry se rappelle le sujet de départ de la conversation.
— Je… pourrais demander à ma chouette de prendre votre commande ? Elle a une lettre à porter d’abord, du coup ça pourrait prendre un moment, mais…
— Ce serait génial, merci !
Elric a l’air sincèrement soulagé, et Harry se sent soudain coupable de s’être autant méfié de cet homme. Cela faisait des mois maintenant que sa cicatrice se comportait bizarrement, ce n’était peut-être qu’une coïncidence que cela se produise autours de lui. Il sursaute quand l’homme lui fourre une lettre dans les mains, le visage avenant. Pour la première fois, il fait son âge.
— Si jamais vous avez besoin d’aide avec quelque chose, n’hésitez pas à demander, hein ?
— Merci monsieur.
— Non, c’est moi qui vous remercie, dit-il, et le voilà parti dans un tourbillon de cheveux dorés et l’odeur d’huile de machine.
Hein, d’huile de machine ?
Bizarre.
Ombrage inspecte la classe d’Alchimie pendant le cours d’Harry, et il se demande comment ça va tourner. D’un côté Elric a l’air d’être à peu près le seul membre du personnel à part Filch à ne pas détester son attitude, ou à être incroyablement bon pour le cacher. Mais d’un autre côté il avait à l’évidence réalisé qu’elle avait torturé Harry en retenue et y avait mis fin, quelle que soit la façon dont il s’y est pris pour réussir ça. Même McGonagall ne pouvait pas contrôler le crapaud, vraiment, il n’arrivait pas à comprendre comment Elric y était parvenu.
Et puis, il y avait les choses qu’il avait entendu dans les rumeurs ou dont il avait été lui-même témoin, comme quand il fermait les yeux sur les farces de Fred et Georges. Il était incroyablement impartial en classe et avait la méchante habitude de mettre en équipe des gens qui se détestaient ouvertement, et Harry n’était pas sûr s’il le faisait pour favoriser la cordialité ou si ça le faisait juste marrer de les regarder bouillir de colère.
(Harry est régulièrement mis avec Malefoy et chaque minute est un enfer. Au moins Malefoy était assez fier et sérieux pour ne pas ficher en l’air leur note.
Ç’aurait pu être pire. Hermione se retrouve avec Goyle et Ron avec Parkinson)
Elric est également à la fois exigeant et complètement chaotique. Normalement il reste assis ou se tient debout droit comme un i, le visage impassible et l’air prêt à se jeter dans une bataille à tout moment. Il avait l’air d’un mélange entre un Maugrey bien adapté et Sirius, ce qui constitue l‘image mentale la plus étrange qu’il ait inventé depuis un moment. Mais une fois qu’il commence à parler d’alchimie et qu’il est vraiment lancé il devient une toute autre personne. Pendant ses cours Elric a l’air d’un Lupin plus léger, et ses cours sont tout aussi drôles et intéressants que les siens l’avaient été.
Ainsi donc, cette inspection pourrait tourner de toute les manières possibles et il ne saurait pas dire si ça le rend inquiet ou impatient.
Ombrage entre dans la classe en dernier, Elric étant déjà à genoux à tracer un cercle sur le sol-tableau vert comme un artiste embrassé par sa muse. Une fois, Ron avait dit en plaisantant que quand il est comme ça il ressemble plus à un voyant que Trelawney, et Harry partage secrètement cet avis. Elric devient étrange quand il fait de l’alchimie.
— Oh.
Elric lève les yeux de la série de runes compliquées dont même Hermione ne comprend qu’un quart qu’il est en train de tracer dans son cercle pour la regarder.
— Ah oui, c’est vrai, inspection aujourd’hui. J’avais complètement oublié. (Oublié ? Harry aurait juré qu’il l’avait vu recevoir l’avis ce matin au petit-déjeuner.) Laissez-moi juste finir ce cercle pour la démonstration d’aujourd’hui pour que j’ai quelque chose à donner à faire aux gamins.
Ombrage cligne des yeux comme s’il l’avait giflée et se met à gribouiller quelque chose sur sa tablette rigide. Elle serre les lèvres avec une expression pincée, et Harry se demande ce qu’elle a écrit.
— Très bien, continuez.
Tandis qu’Elric termine le cercle elle s’approche pour l’inspecter, l’air terriblement confuse. Bon pour être tout à fait honnête aucun d’entre eux ne comprend vraiment quoi que ce soit aux cercles de transmutations jusqu’à la fin des cours, mais ça l’amuse quand même qu’elle ait l’air perdue. Pendant ce temps Elric est allé vers l’armoire dans le coin de la pièce et revient maintenant avec un assortiment de diverses bricoles.
— Veuillez reculer.
Elle cligne des yeux tandis il lâche négligemment les trucs au milieu du cercle, mais elle ne bouge pas.
— Professeur, qu’est-ce que ceci ?
Elric lui lance un regard étrange.
— Heu, de l’alchimie ?
— Je ne comprends pas, elle secoue la tête, gesticulant vers le bazar à leurs pieds. L’alchimie ne sert-elle pas à fabriquer de l’or et des pierres philosophales ? Quel est le rapport ?
— Oh purée, chuchote Ron à côté de lui, l’air réjoui.
Elric qui a eu l’air terriblement agacé à la mention de l’or, devient impassible au mot de pierre philosophale.
— N’ayez pas la prétention de m’enseigner ma propre matière, Dolores.
Sa voix est dure, et soudain il n’a plus rien en commun avec l’alchimiste épuisé qu’ils avaient appris à connaître.
— Et si vous ne voulez pas me mettre en rogne, ne mentionnez plus jamais ces objets maudits devant moi, est-ce clair ?
Un frisson visible parcourt Ombrage, son visage empourpré d’indignation.
— Veuillez me montrer un peu de respect…
— Je montre du respect à ceux que j’en juge digne, Dolores, il la coupe froidement. Maintenant reculez et laissez-moi continuer mon cours.
Elle ne bouge pas, et il se contente de lui jeter un regard méprisant avant de s’accroupir et de toucher le bord du cercle de craie de sa main gantée.
Les éclairs bleus qui leurs sont maintenant familiers courent sur le sol et jettent le stupide crapaud sur les fesses.
Des ricanements s’élèvent des bureaux, mais pour une fois elle les ignore.
Car au centre du cercle se dresse une console impossiblement complexe, faite de bois poli et sculpté et de verre coloré avec des poignées en or.
— Je vous avais prévenue, dit sèchement Elric, lui tendant la main pour l’aider à se relever. Oh, et pour information ? Il est ridiculement facile de fabriquer de l’or, et franchement ça n’en vaut pas la peine.
Ombrage frissonne à nouveau, et Harry ne peut retenir un sourire féroce.
— Vous ne savez pas quand lâcher l’affaire, hein, Potter ?
Le sang d’Harry se glace dans ses veines à cette voix, et à côté de lui Ron et Hermione couinent de surprise. Il se tourne dans la direction d’où était venu la voix d’Elric et déglutit.
— Pardon ?
Elric roule des yeux et s’écarte du mur contre lequel il s’appuyait pour marcher droit sur eux.
— Est-ce que vous êtes tous les trois vraiment à ce point stupides et inconscients, ou vous le faites exprès ?
— Excusez-moi ! s’écrit Hermione en colère, avant de plaquer rapidement une main sur sa bouche et de rougir, embarrassée.
Elric lève un sourcil.
— Je pose la question sérieusement, parce que fonder une organisation secrète quand Dolores essaie de toutes ses forces de s’en prendre à vous spécifiquement, c’est déjà idiot, mais le cacher si mal, c’est vraiment le pompon.
— Comment avez-vous découvert l’Armée de Dumbledore ? demande Ron.
A l'entente du nom, Elric se frappe le front avec un grognement.
— Sérieusement ? Je veux dire… Pour de vrai ? Par la Vérité, vous les gamins vous êtes argh ! D'accord, vous êtes de toute évidence trop stupides pour votre propre bien, donc !
Il tape dans ses mains, les toisant tous d’un regard sévère.
— Je vais m’assurer que vous ne vous fassiez pas tuer par votre propre stupidité.
Harry et ses amis échangent un regard confus.
— Quoi ?
— Vous avez de toute évidence besoin de la surveillance d’un adulte parce que vous arriveriez sans doute à vous tuer avec une peluche.
— C’est pas juste, se plaint Ron d’un ton puéril.
Elric se contente de roule des yeux à nouveau.
— Soit vous me laissez surveiller votre bande d’idiots soit je vais directement voir Albus, à vous de voir.
Ils se taisent pendant un long moment avant qu’Hermione retrouve enfin la parole, quoique d’une toute petite voix.
— D’accord.
— Bien, premier ordre du jour ? On change le nom, pas’que ça là ? c’est gênant.
Harry ne savait pas vraiment à quoi il s’était attendu quand Elric était devenu leur adulte en charge, mais certainement pas à ce que leur groupe soit consacré comme rattrapage d’alchimie, ni à ce qu’Elric soit quoi que ce soit d’autre qu’un adulte en charge.
Il passe la majeur partie du temps à les observer, appuyé contre un mur, les bras croisés et suivant des yeux chacun de leurs mouvements.
Et puis soudain, il s’avance dans la pièce et crie :
— Vous vous foutez de moi ?
Un silence de mort s’étend sur la Salle sur Demande, tous les yeux fixés sur leur professeurs.
— Dans quel univers vous croyez que votre ennemi reste juste planté là à attendre que vous agitiez vos stupides petits bâtons et marmonniez vos stupides petites formules ? L’esquive, ça vous dit rien ? Ou l’entraînement ? Vous êtes vraiment un cas désespéré.
— Qu’est-ce que vous voulez dire ? Demande Fred, vraiment curieux.
Elric se contente de ricaner et de lui faire signe de venir avec sa main, sans sortir sa baguette magique.
Maintenant qu’il y pensait, Harry ne l’avait jamais vu en utiliser une.
— J'attends.
Fred cligne des yeux, décontenancé.
— Quoi ?
— Allez, attaquez-moi. Ce que vous voulez.
— Heu, fit Fred avec un regard circulaire, incertain, avant de hausser les épaules. Stupéfix !
Elric esquive le sort avec aisance, et l’instant d’après Fred est par terre et sa baguette est dans la main d’Elric.
— Voilà, c'est ça que je veux dire.
Il se penche et attrape Fred par les mailles de son pull, le soulevant comme s’il ne pèse rien pour le remettre sur ses pieds, et il lui rend sa baguette.
— Maintenant, je vais remettre en forme votre bande de mécréants à coup de fouet.
Harry dut revoir son opinion sur l’homme.
Edward Elric est pire que ce qu’il croyait.
Bien pire.
— Est-ce que vous pourriez faire quelque chose à propos de notre interdiction de Quidditch ?
Elric cesse de feuilleter l’épais volume qu’il était en train de lire pour regarder Harry, l’air pas très impressionné.
— Pardon ?
— Est-ce qu’il y a quelque chose que vous puissiez faire pour que Fred, George et moi puissions revenir dans l’équipe de Quidditch ?
Elric soupire et ferme son livre, se pinçant l’arête du nez.
— Ecoutez, je comprends que ce sport est très important pour vous, mais ça en vaut vraiment la peine ?
— Bien sûr !
Son professeur grogna.
— Ecoutez, Potter… Harry.
Il presse ses paumes l’une contre l’autre et transperce Harry avec un regard qu’il n’arrive pas vraiment à comprendre.
— Je ne pense pas que Dolores continuera à enseigner dans cette école après cette année, étant donné son palmarès et son incompétence générale.
Harry s’étouffe presque à l’entendre la dénigrer avec autant de désinvolture.
— Et elle ne peut pas vraiment vous interdire de Quidditch depuis l’extérieur de l’école. Donc, oui, je peux essayer de la convaincre, et j’y arriverais sans doute, mais ça ne ferait que l’énerver davantage. Ou alors, vous serrez les dents et vous supporter jusqu’à l’année prochaine où elle sera inévitablement remplacée et alors vous pourrez retourner dans l’équipe. Vous avez besoin de ce temps libre, pour être honnête.
Dit comme ça…
— J’aimerais quand même récupérer mon balais, voler m’aide à me détendre.
Elric soupire, acculé.
— J’y penserai.
Le lendemain Ombrage leur rend leurs balais, avec un visage hargneux, marmonnant que c’était un geste de bienveillance et rappelant leur interdiction de participer au Quidditch. Harry jette un coup d’œil à la Grande Table et croise le regard d’Elric, qui se contente de rouler des yeux avant de retourner au beurrage de ses tartines.
Le jour où l’interview du Chicaneur est publiée, Elric confronte Harry au déjeuner, agitant le magazine.
— Vous êtes dingue ?
— Quoi ?
— Est-ce que vous êtes dingue, Potter ?
Il jette le magazine sur la table, indifférent à son atterrissage dans l’assiette de purée de Ron.
— Contrarier Ombrage et le Ministère de cette manière est stupide, inconscient et ne sert à rien si ce n’est rendre votre vie encore plus difficile. D’avez-vous donc aucun bon sens ?
Hermione le fixe d’un regard furieux.
— Ils méritent de savoir la vérité !
— La vérité n’a aucune valeur sans faits pour la soutenir, la réfute Elric en roulant des yeux. Le Ministère s’active à vous discréditer, et vous croyez que les gens vont vous croire quand ça vient d’un interview avec une chroniqueuse de potins en disgrâce dans un magazine complotiste ? Laissez-moi rire.
— Qu’est-ce qu’on est sensé faire dans ce cas, se tourner les pouces ?
Ron a repêché le magazine dans son assiette et l’a jeté par terre.
Elric se pince l’arête du nez et marmonne quelque chose qui ressemble dangereusement à une menace de mort.
— Vous êtes tous des cas désespérés, putain de merde.
Et là-dessus il se détourne et se dirige vers la Grande Table, grommelant quelque chose comme quoi il a besoin d’un verre.
— Quel sale type, se plaint Ron, le fixant avec colère.
Harry est plutôt d’accord.
Harry voit la baguette d’Elric pour la première fois pendant l’une des… séances de rattrapage, alors qu’il est en train d’expliquer à tout le monde comment invoquer un Patronus. Toute la pièce est baignée dans une étrange lumière argentée à cause des nombreux éclats de brume et Patronus corporel en tous sens, et quand Elric s’approche le scintillement le fait ressembler aux Vélanes de la Coupe du Monde de Quidditch.
Il tient une longue baguette magique en bois pâle, sans gravures apparentes, et pourtant elle lui donne des frissons dans le dos.
— Heu, c’est quel bois, Professeur ?
Elric lève un sourcil.
— De l’if, pourquoi ?
— Simple curiosité.
Il sent sa bouche s’assécher. Est-ce qu’il avait eu raison de se méfier d’Elric ? Le picotement de sa cicatrice, les frissons, et maintenant une baguette du même bois que celle de Voldemort ? Peut-être…
— Bref, dit Elric, traînant sur le e, tu pourrais m’apprendre ce sort aussi ? Ç’a l’air pratique.
— A… ah ? Oui, bien sûr, je suppose. Vous devez vous concentrer sur un souvenir heureux pour que ça marche, pas n’importe lequel mais quelque chose de fort et résistant.
Elric acquiesce, fronce les sourcils pendant un moment avant de reculer de quelques pas et de marmonner dans sa barbe, donnant un coup de baguette sans grand effet.
Très vite on a besoin de lui ailleurs, et malgré la tenace impression qu’il y a peut-être plus à Elric que ce qu’il croyait, il essaie plutôt de se concentrer pour aider ses amis et camarades de classe. C’est presque la fin de la séance quand un cri de surprise retentit dans la pièce. Quand Harry se retourne il voit une gigantesque lionne d’argent jaillir du bout d’une baguette pâle, jetant une lumière étrange sur des yeux dorés.
Harry retient un soupir. Juste quand il croyait commencer à cerner cet homme, il sortait un nouveau mystère de son sac.
Elric lui demande de rester après le cours et Harry a juste envie de hurler.
— Qu’est-ce qui se passe ?
L’homme est toujours aussi brusque que jamais, et Harry ne sait pas trop s’il devrait s’en estimer heureux.
— Tu as une tête de déterré.
— J’ai mal dormi.
Harry serre les dents et croise les doigts pour qu’il laisse couler. Raté.
— Mes fesses, rétorque Elric sans sourciller.
Qu’il ne ressente même pas le besoin de réagir au juron montre bien à quel point il se sent mal.
— Si tu ne veux pas en parler c’est pas grave, mais tu ne vas clairement pas bien. Tu ne t’es même pas fritté avec Malefoy aujourd’hui.
Harry se mord la lèvre, hésitant sur la marche à suivre. Il était à peu près certain qu’il n’est pas sensé parler de ses rêves et des leçons d’Occlumancie avec Rogue, mais en même temps il en avait assez de toujours faire ce qu’on lui dit et d’être maintenu dans l’ignorance.
C’est que des conneries.
— Je ne suis pas sensé en parler, il dit quand même, même s’il commence à n’en avoir plus rien à faire.
— D’accord, dit Elric, levant un sourcil et croisant les bras. Mais est-ce que tu veux en parler ?
Il cligne des yeux. En fait, c’était quand la dernière fois que quelqu’un s’est préoccupé de ce qu’il pense ou ce qu’il veut ?
— Oui.
— D’accord, répète Elric.
Il le conduit ensuite à travers la porte qui mène vers ce qu’Harry suppose être son bureau et sa chambre. Il lui désigna d’un geste un fauteuil accueillant près de la cheminée, qui s’allume toute seule. Elric s’éloigne un moment et revient avec une assiette de biscuits et deux verres d’eau.
— Si tu as envie de quelque chose d’autre, je peux demander aux elfes de maison de l’apporter.
— Merci, murmure Harry.
Il ne s’était pas vraiment attendu à ce qu’on lui serve quoi que ce soit, et le geste de gentillesse contraste tellement avec ce à quoi il s’attend de l’homme qu’il se sent encore plus perdu qu’avant.
— Donc, commence Elric, s’asseyant dans le fauteuil libre et le regardant d’un visage neutre. C’est quand tu veux.
C’est tellement bizarre. Non seulement un adulte dans sa vie est en train de lui demander ce qu’il veut et est de l’écouter, mais en plus il est prêt à attendre qu’il soit assez à l’aise pour se confier et à être patient ?
Harry a la gorge brûlante et respirer lui fait mal.
— Je… fais des rêves, sur Voldemort.
Elric ne frémit pas au nom, il hoche juste la tête.
— D’accord. C’est compréhensible.
— C’est juste…
Il se mord la lèvre.
— Ce ne sont pas des rêves normaux ? C’est comme si… Je suis dans sa tête ? Un fois j’étais son serpent et j’ai attaqué M. Weasley, et en fait on a appris que le serpent l’a vraiment attaqué ?
Son professeur se raidit.
— Comme un lien mental ?
Harry hoche la tête.
— A cause de ça, le professeur Dumbledore avait demandé au professeur Rogue de m’enseigner l’Occlumancie, l’art de fermer magiquement mon esprit aux autres.
Elric ricana.
— Severus ? Vraiment ?
Il se penche en avant et attrape un biscuit, prenant une bouchée d’un air pensif.
— Pourquoi Albus ne s’en est pas chargé ?
— Je ne l’ai pas vu depuis des mois, répond Harry, incapable de contenir l’amertume dans sa voix.
Voir l’incrédulité se peindre le visage d’Elric est plus apaisant plus qu’il n’aurait cru.
— Mais ouais, ça m’aidait à peu près autant que de me prendre un cognard en pleine tête.
Il acquiesce.
— Ce n’est pas tout, hein ?
— Non, admet Harry.
Il est étonnamment facile de se confier à Elric, et Harry décide de prendre un biscuit lui aussi.
— Hier soir, Il… s’est absenté un moment, et j’étais curieux. Il s’était retiré certains de ses souvenirs, sans doute pour pas que je ne les voie par accident ? Et puis, bon…
— Tu les as regardés.
Sa voix est égale, vide de toute accusation ou reproche.
— Laisse-moi deviner : Severus t’as pris sur le fait et a mis fin aux leçons.
— Ouaip.
Il fait sonner le p et prend une grosse bouchée de biscuit. C’est étonnamment bon.
— Mais c’est le souvenir en lui-même qui me perturbe, pour être honnête.
Elric se renfonce dans son fauteuil et attend qu’il reprenne, lui laissant le temps de mettre de l’ordre dans ses pensées.
— Mon père… était un harceleur.
— Oh.
Son professeur hocha la tête.
— Et maintenant tu as du mal à te réconcilier avec la façon dont les gens parlent de lui, je suppose ?
Harry se contente d’hausser les épaules.
— J’avoue que j’ai un peu de mal à me mettre à ta place. J’ai passé la plus grande partie de ma vie à haïr mon père. Mais… essaye de voir les choses de cette manière, Harry. Ton père était un sale con au lycée, gros scoop. J’sais pas si t’as remarqué, mais les ados se placent tous à des échelons variés sur l’échelle du connard. Mais il a grandi, il s’est marié et il t’a eu, et il est mort en te protégeant. Un connard fait pas vraiment ce genre de chose.
— Il peut être les deux à la fois, tu sais ? Il peut avoir été un ado harceleur et un bon adulte. Les gens changent, ils grandissent. Ils peuvent devenir pire, ou s’améliorer. Personne n’est un saint, Harry, on a tous des secrets qu’on préfèrerait cacher aux autres, même si j’admets que certains sont pires que d’autres. C’est normal de vouloir voir ton père comme un homme bien, la Vérité sait si mon frère et moi avons des opinions très différentes de notre père. Ne te laisse pas trop abattre par ça.
— Je sais pas comment faire.
— Et ça aussi, c’est normal.
Ils restent silencieux un moment avant qu’Harry ne soupire.
— Merci, Professeur.
— Il n’y a aucun problème.
Elric hésite.
— Si jamais tu as encore un rêve de ce genre et que tu ne sais pas quoi faire, tu peux toujours venir me voir, d’accord ?
— D’accord.
Harry ne sait pas comment il s’est retrouvé à aller voir Elric après son rêve sur Sirius, mais il va le voir. Le professeur est dans son bureau, apparemment occupé à noter les examens quand il frappe à la porte, frénétique et à peine capable de voir clair.
— Harry ?
Elric fronce les sourcils mais le fait quand même entrer.
— Qu’est-ce qui se passe ? Tu n’es pas sensé…
— Il a Sirius ! Il l’interrompt sans réfléchir.
Il n’hésite pas non plus à révéler qu’il est proche avec un supposé meurtrier. Il n’y a personne d’autre qu’il puisse aller voir, si ?
— Voldemort ! Il… il est en train de torturer mon parrain au Ministère de la Magie.
— Harry.
La voix d’Elric est sévère et ses mains sur ses épaules l’aide à se concentrer sur la réalité malgré la crainte qui l’emplit tout entier.
— Tu t’entends parler ? Tu crois vraiment que Voldemort et Sirius Black, deux des sorciers les plus recherchés de Grande Bretagne, seraient au milieu du Ministère de la Magie en plein jour ?
— Mais je l’ai vu !
— T’es-tu demandé, dit son professeur avec une patience infinie. Si Voldemort voulait que tu le vois ? Si c’était un piège ?
Harry secoue la tête.
— Sirius, il… il est le seul qu’il me reste.
— Où est-il ?
— Hein ?
— Où est-ce qu’il habite ?
— Je ne peux pas…, le Fidelitas…
— Harry.
Elric lui serre les épaules.
— Je ne vais pas le faire arrêter ou quoi que ce soit, d’accord ? Je vais juste aller vérifier s’il est chez lui et m’assurer qu’il n’est pas en train d’être torturé. Je te le promets.
— Vraiment, je ne peux pas.
Harry déteste tellement cette idée.
— L’endroit est protégé par un Fidelitas. Je ne peux pas divulguer l’adresse à des gens qui ne la connaissent pas déjà, Dumbledore est le seul à pouvoir le faire.
Elric murmure une copieuse litanie de jurons.
— Et je suppose que tu ne sais pas où trouver Albus ?
Harry secoue encore la tête.
— Qui d’autre sait pour le Fidelitas ? Est-ce qu’il y a quelqu’un que je peux aller trouver qui puisse ensuite aller voir Sirius ?
Harry reste bouche bée pendant un long moment.
— Les Weasley, au Terrier.
Son professeur hoche vivement la tête et le pousse vers la porte du bureau.
— Retourne dormir et essaye de te comporter normalement, commence-t-il, attrapant son manteau en sortant. Je vais aller au bureau administratif pour récupérer leur adresse exacte. Je vais découvrir ce qu’il se passe, d’accord ? Ne fais rien de stupide.
Il se mord la langue, parce qu’il ne veut pas mentir.
De façon prévisible, tout part en sucette, et pourtant la situation n’est pas aussi mauvaise qu’elle pourrait être.
Bellatrix jette un sortilège de stupéfixion à Sirius, mais un mur géant émerge de nulle part pour le bloquer et explose en mille morceaux, et cette distraction est tout ce qu’il faut à Sirius pour contrattaquer.
Une seule personne meurt ce soir-là.
Dumbledore et Voldemort sont engagés dans un duel tel que Harry n’en a jamais vu auparavant, et puis soudain non.
Une forte détonation retentit dans l’atrium et la seul chose que voit Harry est du rouge sur le marbre poli tandis que Voldemort tombe en avant, immobile.
Alors le professeur Elric transplane au milieu d’eux et court vers la forme immobile de Voldemort avant de le retourner. Ce n’est qu’à ce moment qu’Harry remarque le sang qui s’écoule du milieu de son front, les yeux morts.
— C’est quoi ce bordel ?
— Pas de gros mots, dit distraitement Elric, faisant un signe de main en direction de la rangée supérieure de fenêtres qui longe le plafond. Bon, ça c’est fait. Toi.
Il se tourne vers Harry et claque des doigts.
— Viens par ici.
Harry s’apprête à faire ce qu’on lui demande en pilote automatique, mais il est arrêté par la poigne ferme sur son bras de Dumbledore, qui pointait sa baguette sur Elric.
— Qu’est-ce que cela signifie ?
Elric roule des yeux, d’un calme remarquable étant donné que le sorcier le puissant de l’époque le menace de sa baguette.
— On s’est simplement occupé de votre problème.
— On ?
— Oui, on, dit-il, désignant un point derrière son épaule d’un coup de pouce.
Harry le suit jusqu’à la femme blonde qui coure vers eux, suivie d’un homme aux cheveux noirs.
— Bref, finissons-en avec ce qui reste à faire, que je puisse rentrer chez moi.
Les nouveaux arrivants soupirent en chœur, et l’homme se pince l’arête du nez.
— Et si tu t’expliquais pour une fois, Fullmetal ?
— Nan.
Il le renvoit d’un geste de la main, puis se tourne vers Harry à nouveau.
— Maintenant hop, hop, il est temps de s’y mettre.
— De se mettre à quoi ?
Elric et ses étranges camarades — est-ce que c’était un fusil sur l’épaule de la femme ? — pouvaient bien avoir tué Voldemort, l’histoire prenait une tournure trop étrange à son goût.
— S’assurer que ta connexion avec Voldemort a disparu. Cela ne fera pas mal et c’est l’affaire d’un instant, promis.
Sans attendre sa réponse, Elric se met à tracer avec soin le cercle de transmutation le plus compliqué qu’Harry ait vu jusque-là, poussant le pied de Voldemort quand il le gêne pour fermer le cercle extérieur.
Une fois qu’il a fini il lui fait signe.
— Bon, entre dans le cercle.
Il fait une pause.
— En fait, peut-être donne ta baguette à Albus, on va éviter de la casser par accident.
Dumbledore se racle la gorge.
— Qu’est-ce c’est, exactement, que…
— Oh pour l’amour de la Vérité, l’interrompt Elric en levant les yeux au ciel. Ceci est un cercle de transmutation pour rompre les connexions artificiels attachés aux âmes et aux corps que j’ai commencé à développer depuis que Harry m’a parlé de ses rêves éveillés. Ça va juste détruire ce qui le lie à sce salopart.
Il donne un coup de pied dans le corps de Voldemort pour s’assurer qu’ils sachent de qui il parle.
— On peut continuer maintenant ? Ça fait un an que j’ai pas vu ma femme et j’aimerais en finir avec ces bêtises.
— Je suis surpris que ça t’ait pris aussi longtemps, commenta sèchement l’homme aux cheveux noirs, apparemment pas perturbé par le changement d’attitude soudain d’Elric.
— C’est pas comme si la Vérité s’était empressée de me donner toute les infos sur la mission, Général Caca.
Elric roule des yeux, et on dirait que sa patience a atteint ses limites parce qu’il marche droit sur Harry, le prend en sac à patate et le lâche au milieu du cercle.
— Heu, c’est sans danger ?
— Eh, tout dépend de ce que tu appelles sans danger.
Elric hausse les épaules et active le cercle avant qu’Harry puisse tenter de s’échapper.
Un étrange picotement le traverse et sa cicatrice commence à le lancer avant que sa vision s’emplit de blanc pour un bref instant.
Et puis c’est terminé, et il cligne des yeux.
— Heu…
— Magnifique !
Elric tape dans ses mains.
— J’étais que soixante-dix pourcents sûr que ça n’allait pas te faire griller.
L’homme qu’il avait appelé caca le frappe sur la tête.
— Tu es fou ?
— Heu, oui ?
Elric roule des yeux, commençant déjà à effacer le cercle de transmutation avec sa botte.
— On dirait que tu me connais pas.
— Je crois que le général Mustang voulait parler du fait que tu viens de mettre en danger la vie d’un adolescent, dit la femme blonde, le visage neutre et la voix encore plus neutre. Ton absence de sens commun est déjà bien connu.
— Un point. Pour ma défense, j’ai fait ça en trois mois, on peut pas attendre mes performances habituelles sur des délais aussi courts.
Il désigna du doigt Voldemort.
— En tout cas, sorcier maléfique mort. Elu sauvé. Vu que la Vérité ne m’a toujours pas aspiré dans le néant, on va dire que le boulot est fait et je vais profiter du reste de ma vie avec ma Porte intacte. Alors rentrons à la maison que j’aille voir ma femme.
Harry cligne des yeux.
— Quoi ?
— Rien dont tu aies à te soucier.
Il sort une montre à gousset en argent.
— Maintenant, j’aimerai filer avant l’arrivée des imbéciles de politiciens. Je suppose que vous pouvez gérer ce bazar ?
La question s’adressait à Dumbledore, qui, pour la première fois d’aussi loin qu’Harry se souvienne, avait l’air perdu.
— Parfait ! A plus !
Et là-dessus il a attrapé les deux étrangers par les bras.
Avant qu’ils ne transplanent, il a juste le temps d’entendre l’homme en noir :
— Fullmetal, non ! Je déteste ce truc à la c…
Harry regarde Dumbledore.
— Qu’est-ce qui vient de se passer.
De manière troublante, l’homme n’a pas l’air d’avoir de réponse.