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Le repas avalé, la réunion stratégique bouclée, le bain pris, Meguru est de l’avis qu’il n’y a pas de meilleur moment de la journée, au final, que celui où il se laisse tomber sur son lit. Les conditions de vie sont peut-être un peu spartiates à Blue Lock, parfois, mais au moins, ils n’ont pas lésiné sur les matelas ; ni sur les oreillers, d’ailleurs, ce qui est peut-être bien la chose la plus importante pour une bonne nuit de sommeil, en fin de compte. En tout cas, depuis qu’il l’a testé, Meguru se dit qu’il ne se séparera plus du sien pour rien au monde – quand ils ont tous décidé d’écrire leur nom sur leurs affaires, comme l’étiquette était bien grande, il a eu la place d’y dessiner un dauphin à côté de ses initiales, et quand il y enfonce enfin la tête le soir venu…
Quand il y enfonce enfin la tête le soir venu, et que ses yeux parcourent d’eux-mêmes le blanc immaculé du plafond avant de décider qu’il n’y a rien d’intéressant là-haut et de laisser ses paupières retomber, Meguru réalise qu’il a mal absolument partout.
Malgré les étirements et le bain et les temps de repos, son corps entier lui fait mal. S’il se concentre un peu, il peut même repérer les endroits les plus douloureux ; les muscles précis les plus courbaturés, bien sûr, les articulations pétries de fatigue, mais aussi le sang qui cogne dans sa tête un petit moment, jusqu’à ce que tout arrête de tourner, et puis les bleus. Ahah, alors ça, il en a partout, des bleus – sur les bras et sur les coudes, qui datent encore de la toute première épreuve et de quelques échauffements matinaux un peu ratés, et puis sur les jambes, bien sûr. Surtout sur les jambes, d’ailleurs !
S’il se replie en position fœtale et qu’il ramène ses cuisses contre lui, il peut très bien voir ceux qu’il a sur les genoux, par exemple. Sur les deux genoux. Celui de droite est le plus gros, parce que c’est sa jambe dominante et que c’est comme ça qu’il s’est réceptionné pour faire une super passe à Isagi il y a deux jours, mais celui de gauche n’est pas en reste non plus ; et ça, c’est sans parler de ceux sur les cuisses elles-mêmes ! Il y a celui, tout en haut et bien noir, de quand on a tenté la technique du coup de genou pour l’empêcher de dribler mais qu’il est passé quand même et qu’Isagi a marqué derrière ; celui, un peu plus bas et pas encore jaune, de quand il a percuté Isagi de plein fouet à l’entraînement ce matin ; et puis sur le tibia, celui qui a presque disparu, aussi, de quand il a essayé de tacler Isagi pour s’amuser et que ça n’a pas tourné aussi bien que ce qu’il aurait cru…
Il en a même un à la cheville, sur le devant. La faute à la petite table qu’il n’a pas calculée en se relevant pour aller dîner avec Isagi hier, ça.
« Bachira ? Ça va ? »
Ah, quand on parle du loup !
Sans réfléchir, Meguru se redresse d’un geste souple et ouvre des yeux qu’il n’avait pas remarqué avoir fermés sur Isagi Yoichi, le seul et l’unique – actuellement debout au pied de son lit, un regard inquiet rivé sur ses jambes étendues, sur son pantalon de survêtement replié jusqu’aux genoux. Il n’a même pas besoin de se poser la question de que faire ou que dire pour se rendre compte que, naturellement, il lui sourit.
« Tu es sûr que tu ne veux pas de la pommade pour tout ça ? continue Isagi, l’air incertain, presque comme si poser le regard sur les hématomes lui faisait mal à lui aussi. Raichi a bien tapé dedans, mais il en reste, si jamais… »
Meguru n’attend pas qu’il ait terminé sa phrase pour faire non de la tête, cependant – c’est gentil, mais non merci. Oh, ce n’est pas que ça ne fait pas mal, bien sûr, et ce n’est pas que la pommade en question ne pourrait pas calmer la douleur, empêcher les couleurs de passer du jaune au bleu foncé au noir au violet et dans l’autre sens, c’est simplement que…
(C’est simplement que jouer au foot tout seul n’a jamais suffi à lui faire le moindre bleu. C’est simplement que son monstre, lui, aussi fort et fun soit-il, n’a jamais été capable de laisser sur son corps la moindre trace de sa présence.)
« T’en fais pas, Isagi, répond-il alors en se laissant retomber sur son matelas confortable, directement dans son fantastique oreiller avec le dauphin sur l’étiquette. Je pense que je vais les garder encore un peu. »
La vérité, c’est juste que toutes les ecchymoses du monde en valent la peine si elles sont la preuve qu’il a, un jour, partagé le terrain avec quelqu’un comme Isagi – et à l’avenir, Meguru aimerait bien continuer à sourire si fort en jouant au foot que ses joues en auront des bleus de toutes les couleurs, elles aussi.