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For You, For Me

Summary:

Ce ne fut qu'une fois assis dans la Bentley qu'Aziraphale se rendit compte qu'il venait non seulement de refuser une offre qui ne se présenterait qu'une seule fois dans son existence, mais qu'il venait surtout de manquer de respect à Metatron en personne.

Il fallut à Crowley une dizaine de kilomètres pour qu'il se rende compte qu'il venait de kidnapper un ange.

Notes:

(See the end of the work for notes.)

Work Text:

Crowley s'accouda sur la Bentley et regarda Aziraphale hésiter devant l'ascenseur qui le mènerait au Paradis. Il était furieux. Le regarder suffisait à lui donner envie de hurler et de détruire chaque humain qui marchait dans la rue, les réduisant en cendres et les envoyant en Enfer pour la simple et bonne raison qu'ils étaient là, à se balader tranquillement, alors que lui n'avait qu'une envie : crever.

Et pleurer.

Il sentait encore le fantôme des lèvres d'Aziraphale sur lui. Il aurait voulu que leur baiser, le premier et certainement le dernier qu'ils avaient partagé, soit aussi doux que l'était son ange, mais il avait été si désespéré que ce contact n'avait reflété que sa peine et sa douleur. Crowley savait qu'à l'instant où Aziraphale monterait dans l'ascenseur, ils ne se reverraient plus jamais. Il n'était pas aussi naïf que lui, le Paradis aimait trop l'idée d'une guerre contre l'Enfer pour se ranger sagement et même si un ange aussi doux et aimant qu'Aziraphale était aux commandes, ils arriveraient à détruire la Terre.

Aziraphale se sentirait si coupable de ne pas avoir réussi à les arrêter qu'il serait lui aussi détruit. C'était ce que Crowley avait essayé de lui faire comprendre, en vain. Le Paradis allait le détruire.

Aziraphale tourna la tête vers lui, le doute et le désespoir si visibles sur son visage que Crowley dut se faire violence pour ne pas courir l'empêcher de s'en aller.

- Ne me regarda pas comme ça, siffla-t-il. Tu as fait ton choix.

Il essayait de se convaincre tant bien que mal, mais les faits étaient bien là. Aziraphale avait eu la possibilité de le choisir lui, mais jamais il ne renoncerait au Paradis. Pas même pour son meilleur ami. Mais... l'était-il vraiment ? Peut-être qu'il était le seul à avoir pensé qu'ils étaient proches. Après tout, même après six mille ans, Aziraphale n'avait pas hésité un instant avant de choisir le Paradis et l'abandonnant par la même occasion.

Alors pourquoi le regardait-il avec une telle tristesse dans les yeux ?

Crowley serra les poings, la rage le consumant de plus en plus. Il devrait simplement s'en aller sans regarder en arrière, mais il voulait voir de lui-même Aziraphale monter dans l'ascenseur. Il ne mettrait pas fin à leur amitié, ce seraient les décisions stupides d'Aziraphale qui les déchireraient, pas lui.

Pourtant, en ne faisant rien, il savait que lui aussi acceptait cette situation. Il lui avait fallu tellement de courage pour lui dire ce qu'il ressentait pour lui, il avait fait le premier pas et Aziraphale ne l'avait pas repoussé, il avait simplement refusé d'accepter ce qu'il s'évertuait à lui expliquer, mais peut-être que c'était uniquement parce que le moment avait été mal choisi ? Si... S'il avait parlé en premier... Peut-être que les choses auraient été différentes ? Ces questions ne cessaient de le tarauder et il savait exactement où les questions pouvaient mener – après tout, c'était à cause d'elles qu'il avait perdu sa place au Paradis et peut-être aussi une chance de passer l'éternité avec Aziraphale.

Aziraphale se détourna de lui sans même lui faire un signe et fit un pas vers l'ascenseur. Il allait monter. Il allait disparaître. Ils n'allaient plus jamais se revoir.

Ou alors, peut-être que la prochaine fois qu'ils se verraient ce serait pendant une guerre qui les opposerait ? Peut-être qu'ils seraient forcés de se battre l'un contre l'autre ?

Peut-être... Peut-être que...

Son sang ne fit qu'un tour et il se détacha de sa voiture pour courir vers Aziraphale. Il bouscula les gens sur son passage, ignorant leurs exclamations surprises et leurs insultes. L'ange fit un pas de plus et Crowley accéléra. Il ne savait pas ce qu'il faisait, il ne savait pas quelle pouvait être la solution au problème auquel il faisait face aujourd'hui, mais il savait qu'il devait faire quelque chose. Une fois Aziraphale parti, il avait la sensation qu'il ne le reverrait plus jamais.

Aziraphale s'apprêtait à poser un pied dans l'ascenseur lorsqu'il l'atteignit enfin. Il agrippa son avant-bras et le tira de toutes ses forces en arrière, le faisant trébucher et tomber contre son torse. L'ange laissa échapper une exclamation de surprise et lorsqu'il releva la tête son visage était à la fois stupéfait, hésitant, perdu, adorable (concentre-toi, Crowley, concentre-toi !) et, après avoir appris à le connaître pendant six mille ans, Crowley reconnut une pointe de soulagement et de regret. Les quelques doutes qui lui restaient s'envolèrent – Aziraphale doutait. Il hésitait et s'il hésitait, Crowley pouvait le convaincre de rester.

Son plan était au mieux bancal et au pire complètement ridicule, mais pour sa défense il n'avait pas réfléchi seul à un plan depuis six mille ans, il faisait de son mieux.

La première étape était évidemment d'emmener Aziraphale le plus loin possible de Metatron qui semblait sur le point de le désintégrer sur place.

- Cours, Aziraphale.

Après six mille ans à élaborer des plans tous plus foireux les uns que les autres, Crowley et Aziraphale avaient tous les deux développé des réflexes qu'ils avaient désormais du mal à ne pas suivre. Ainsi, quand Crowley l'appelait par son nom, Aziraphale savait qu'un danger imminent était sur le point de se produire, qu'il était plus sérieux que jamais (même si, et Crowley le lui répétait souvent, il était tout le temps sérieux) et qu'il ferait mieux de l'écouter s'il voulait s'en tirer sans trop de dommages. Ses réflexes furent plus forts que sa raison (il avait toujours été particulièrement doué pour suivre les ordres, même si cela ne se voyait pas trop depuis qu'il s'était rapproché du démon) et quand Crowley le tira vers la Bentley en courant, Aziraphale courut à son tour, suivant son rythme et se laissant emmener sans se plaindre.

Ce ne fut qu'une fois assis dans la Bentley qu'Aziraphale se rendit compte qu'il venait non seulement de refuser une offre qui ne se présenterait qu'une seule fois dans son existence, mais qu'il venait aussi de manquer de respect à Metatron en personne.

Il fallut à Crowley une dizaine de kilomètres pour qu'il se rende compte qu'il venait de kidnapper un ange.

 


 

Crowley se gara sur un parking vide et sortit de la voiture sans un mot. Il avait conduit deux jours sans jamais s'arrêter (l'essence ne diminuant jamais dans le réservoir n'était pas de son fait, il en avait donc déduit qu'Aziraphale avait fait quelques miracles en route), cherchant activement quoi dire à l'ange à ses côtés, mais il n'avait pas trouvé par où commencer. Aziraphale n'avait pas dit un seul mot de toute la route non plus, ce qui ne l'avait rendu que plus anxieux. Aziraphale restait rarement silencieux. En fait, il pouvait compter sur les doigts d'une main les fois où Aziraphale s'était tu – alors que les fois où il parlait dans les moments où il ferait mieux de se taire, elles, étaient nombreuses.

La portière claqua derrière lui, signe qu'Aziraphale venait de descendre à son tour.

- Il faut que tu me ramènes, Crowley.

- Non.

Il y avait un banc à quelques dizaines de mètres et en Crowley se dirigea vers lui avant de s'y asseoir aussi nonchalamment que possible. Peut-être qu'avoir vue sur une plage aurait été un bien meilleur cadre pour avoir cette conversation, le paysage romantique aurait aidé Aziraphale à comprendre qu'il lui rendait service en l'empêchant de repartir au Paradis, mais Crowley n'avait eu ni le temps, ni l'envie de réfléchir à sa destination durant ces deux jours de route. Il se retrouvait donc à fixer une zone boisée devant laquelle s'étendait une route complètement déserte dont il ne voyait pas la fin. Au moins, personne ne les dérangerait ici.

Aziraphale le rejoignit, mais il ne s'assit pas.

- Je dois y retourner.

Crowley secoua la tête. Pas question de faire marche arrière. Il s'était mis dans de beaux draps en l'emportant avec lui, il était hors de question qu'il reparte et leur rende Aziraphale comme si de rien n'était.

- Tu sais aussi bien que moi que cette situation est ridicule. Je dois y retourner, répéta-t-il.

- Je suis un démon, mon ange. Ce que tu dois faire, je m'en fiche complètement.

- Très bien.

Aziraphale s'assit à côté de lui et quand son bras frôla le sien, Crowley ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil anxieux dans sa direction. Le baiser qu'ils avaient partagé (ou plutôt celui qu'il lui avait imposé) quelques jours plus tôt était aussi une chose dont ils devaient discuter, mais plus tard. Beaucoup plus tard. Quand il aurait réussi à lui faire entendre raison et qu'il arrêterait de penser que le Paradis était aussi bon que les anges le faisaient croire aux humains. Aziraphale qui était là depuis le début, lui qui L'avait vue tuer des centaines de milliers d'innocents pour un oui ou pour un non, devrait le savoir plus que quiconque.

Cependant, Crowley savait que le fait qu'il croit toujours autant en son côté malgré tout ce que les anges avaient fait prouvait qu'il avait sa place parmi eux. Désireux de bien faire, bon et généreux, Aziraphale était de toute évidence le meilleur des anges. Ce n'était pas surprenant que Metatron lui-même lui ait proposé d'être l'Archange suprême, il n'y avait pas mieux que lui pour ce rôle.

Mais Crowley s'en fichait. Que le Paradis brûle, que la furie de Dieu s'abatte sur lui, peu lui importait tant qu'Aziraphale restait avec lui. C'était purement égoïste, mais il était un démon, si quelqu'un pouvait se permettre d'être égoïste, c'était bien lui.

- Et donc ? Ton plan c'est de rester ici, à admirer cette forêt jusqu'à ce qu'un ange nous retrouve et nous ramène de force ?

Crowley retira ses lunettes et se pinça l'arête du nez. S'il avait été humain, il était sûr qu'il aurait une migraine atroce.

- Pourquoi pas ? finit-il par répondre. J'en ai marre de la ville, des gens, de tout. C'est pas si mal, ici, ajouta-t-il en posant un bras sur le dossier du banc, derrière Aziraphale qui se tenait droit.

Lorsque ce dernier ne s'éloigna pas de lui, Crowley compta ce simple geste comme une petite victoire.

Ridicule.

- C'est ridicule, répondit Aziraphale, comme s'il pouvait lire dans ses pensées.

- Je sais.

Crowley soupira et trouva enfin la force de tourner la tête vers Aziraphale qui le regardait déjà. Ses sourcils étaient froncés, comme s'il ne comprenait vraiment pas pourquoi le démon ne voulait pas le rejoindre, ni pourquoi il était si réticent à faire confiance aux autres anges. Tout était si évident pour lui : ils étaient les gentils, évidemment qu'ils avaient raison. Il aurait aimé pouvoir être aussi naïf que lui, mais il se posait bien trop de questions pour ça.

C'était d'ailleurs la raison pour laquelle il avait tous ces ennuis aujourd'hui. Juste à cause de quelques petites questions.

Aziraphale continuait de le regarder, sans un mot, le visage partagé entre l'incompréhension et la pitié et même là, il était adorable. Il aurait apprécié qu'il fasse l'effort d'être moche juste aujourd'hui, qu'il puisse se concentrer sur ce qu'il devait faire et pas sur la beauté de son enveloppe corporelle.

- Qu'est-ce qui pourrait te convaincre ?

Aziraphale fronça les sourcils, ne voyant de toute évidence pas où il voulait en venir.

- Tu veux que je m'excuse, c'est ça ? Très bien, je suis désolé.

- Crowley...

- Je suis désolé que tu sois incapable de voir que les autres anges n'ont pas que le bien de l'humanité en tête. Je suis désolé que Dieu se fiche de ses créations alors que vous êtes obligés de les aimer. Je suis désolé que tu aimes trop recevoir des ordres et les exécuter plutôt que réfléchir par toi-même.

Plus il parlait, plus le visage habituellement doux d'Aziraphale se transformait, cédant peu à peu à la colère. Tant mieux, pensa-t-il. Il était furieux, il voulait qu'Aziraphale ressente la même chose.

- Je peux m'excuser de tout ce que tu veux, si ça peut aider.

- Alors tu devrais commencer de t'excuser d'être un démon.

Il eut un mouvement de recul et Aziraphale sembla tout aussi surpris que lui par ses propos. Il ouvrit la bouche, pour retirer ce qu'il venait de dire ou le confirmer, il ne le sut jamais car aucun mot n'en sortit.

- C'est vrai. Tu as raison. Je devrais m'excuser de ça, aussi. Je suis désolé d'être un démon.

- Oh Crowley, ce n'est pas...

- Je suis désolé d'avoir posé trop de questions. Si je n'avais rien dit, tout ça (il fit un geste de la main pour les désigner tous les deux) ne serait jamais arrivé. En fait, on ne serait certainement pas amis ce qui serait sûrement mieux–

- Crowley !

Aziraphale se releva brusquement et quand Crowley leva la tête pour le regarder, ses yeux jaunes démoniaques rencontrant ceux remplis de compassion et de bonté de l'ange et il y vit une profonde tristesse et une douleur sans fond.

- Ce ne serait pas mieux. Certainement pas. Ces années étaient... Ces années ont été...

Aziraphale souffla, frustré de ne pas trouver ses mots et Crowley eut un peu pitié pour lui. Il avait été dans sa position deux jours plus tôt, quand il avait pris son courage à deux mains pour lui avouer ses sentiments. Il y avait difficilement plus gênant que de ne pas trouver ses mots quand on avait un message des plus importants à faire passer. En se rappelant du terrible baiser qu'ils avaient échangé, Crowley se rendit compte qu'il ne s'était pas excusé du plus important. Il se leva du banc et Aziraphale, surpris, fit un pas en arrière avant d'être arrêté par Crowley qui avait pris une main dans la sienne.

- Je suis désolé de t'avoir embrassé, déclara-t-il.

- Pas moi, répondit brusquement l'ange.

Aziraphale ferma les yeux pendant quelques secondes, comme s'il attendait une punition divine pour avoir admis une telle chose. Crowley ne pouvait que le fixer en silence pendant ce temps. S'il avait été humain, il en aurait eu le souffle coupé.

- Crowley tu es la meilleure chose qui me soit arrivée sur Terre. Et au Paradis. Partout, pour être honnête. Même si ce que tu... ce que nous... même si ce qu'il s'est passé était inattendu, je ne le regrette en rien. Absolument pas. Et je veux que tu saches que mes sentiments... les sentiments que j'éprouve pour toi... je ressens envers toi ce que Nina et Maggie ressentent l'une pour l'autre.

Il fallut quelques secondes à Crowley pour tout remettre en ordre et comprendre le sens de sa déclaration.

- Tu m'aimes.

Leur conversation semblait de plus en plus douloureuse pour Aziraphale, mais Crowley nageait en plein bonheur. Ces deux jours de voiture avaient apparemment fait beaucoup de bien à l'ange, s'il admettait sans trop de soucis des sentiments qu'il n'était pas censé avoir. Ils devraient faire ça plus souvent.

- Et je t'aime, ajouta-t-il. Tu m'aimes, je t'aime, génial, on peut partir sur Alpha du Centaure. Si on choisit une planète assez éloignée de celle de Gabriel et Beelzebub, on n'aura même pas à les croiser.

Aziraphale serra doucement sa main et Crowley se tut aussitôt.

- Je dois retourner au Paradis.

Il aurait dû se douter que ce serait trop beau pour être vrai.

- Mais pour quoi faire ? Qu'est-ce que Metatron t'a proposé de si important ? Tu n'as jamais été intéressé par le pouvoir, mon ange, pourquoi devenir Archange suprême maintenant ?

- Je sais que l'offre de Metatron était soudaine, je sais que les choses ne se passeront certainement pas comme prévu, mais si je suis là-bas je pourrais essayer de changer un peu les choses. Si je suis aux commandes, je pourrais me rendre utile.

Il souriait, comme convaincu de ce qu'il disait et Crowley savait qu'il l'était parce qu'il croyait encore qu'il y avait du bon au Paradis.

- Tu es si naïf, Aziraphale.

Crowley posa les mains sur ses joues et, avec toute la douceur qu'il possédait pour un démon (pas beaucoup donc, mais il faisait de son mieux), il tira le visage d'Aziraphale à lui pour l'embrasser tendrement. Il n'avait peut-être plus la force d'essayer de le convaincre de s'enfuir avec lui, mais il voulait essayer d'au moins réparer leur relation. Aziraphale posa timidement ses mains sur ses avant-bras, lui rendant son baiser, tremblant et incertain. Contrairement au précédent, désespéré et violent, celui-ci était doux, mais ne contenait toujours pas leur amour. Il était triste, désolé, incertain. Il portait leurs doutes, leurs peurs, leurs questions. Si Aziraphale partait, se reverraient-ils ? Ils feraient tout pour, mais combien d'années cela prendrait-il ? Des décennies ? Des siècles ? Ils ne sauraient le dire.

Ils finirent par s'éloigner l'un de l'autre lentement, regrettant de se séparer.

- Je dois y retourner, Crowley, souffla Aziraphale contre ses lèvres.

Crowley acquiesça, acceptant sa défaite et le lâcha pour retourner à la voiture, mais les mains de l'ange ne quittant pas ses avant-bras l'empêchèrent de bouger. Il tourna vers lui un regard curieux et Aziraphale lui offrit ce sourire timide, celui auquel il ne résistait jamais.

- Tu... Pourras-tu t'occuper de notre librairie ?

Crowley secoua la tête et remit ses lunettes sur son nez.

- Tu sais que je ne peux rien te refuser, mon ange.

Notes:

Laissez un Kudos si la fin de la saison vous a donné envie de hurler.