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Février - "Si je t'embrasse, tu te tairas ?" | "If I kiss you, will you shut up?"

Summary:

Jehd était quelqu'un de réservé.

Notes:

Je suis à la méga bourre, comme vous avez pu vous en rendre compte aux titres (le mois de février n'est toujours pas fini...). Du coup, je vais tenter de publier tous les mardis, en tout cas quand les textes seront prêts. Par contre, ce serait bien que j'arrive à coller aux thèmes

La dernière action est en référence aux splendides planches de Author-main, sur Tumblr, mon principal fournisseur de ShadLink ♥ (Et oui, surprise, Jehd n'a pas le même nom en anglais. En fait, quasi tous les noms français et anglais sont différents)

Bonne lecture !

(See the end of the work for more notes.)

Work Text:

Jehd était quelqu'un de réservé. Il arrivait fréquemment qu'on oubliait qu'il était présent jusqu'à ce qu'il se manifeste. Sans être oubliable, il était de ceux dont on se souvenait rarement, que la mémoire éclipsait rapidement.

Au début, quand il était plus jeune, plus quémandeur d'affection et d'attention, ça l'avait blessé, il peinait à comprendre pourquoi cette indifférence à son égard, puis il avait fini par apprendre, par comprendre, par composer avec.

C'était ainsi qu'étaient les choses.

Personne ne perdait de temps avec les types plus portés sur l'intellectuel que le physique. Soit il se résignait à son sort, soit il changeait de chemin.

Mais ce serait mal le connaître.

À défaut d'avoir la possibilité de se réchauffer auprès de ses semblables, il opta pour amplifier la raison pour laquelle ils se comportaient ainsi avec lui. Il se plongea tellement profondément dans ses lectures qu'il s'en abima les yeux et dut porter des lunettes, ses mains se tachèrent de l'encre de ses notes, ses doigts se recouvrirent de cales dues à ses heures de rédaction.

Il était devenu l'archétype du rat de bibliothèque, à son insu, appuyé par ses goûts vestimentaires d'un autre temps, mêlant des habits dénichés dans les placards familiaux et d'autres en fouillant dans les friperies. Ce n'était pas que la mode était un domaine obscure à ses yeux, juste qu'il n'était pas attiré par celle en cours, préférant créer par lui-même son style.

Son vocabulaire s'était développé, mais là aussi, il s'était imprégné de ses lectures, rendant les tournures de ses phrases ampoulées et en décalage avec les discours de ceux de sa génération, trop prétentieuses pour celles antérieures, l'isolant plus encore qu'il ne l'était auparavant.

Puis, un jour, il entra en possession des travaux de son père et un but se présenta à lui : devenir à son tour un chercheur, un érudit, dont le nom marquerait l'Histoire, dont les travaux orneront les étagères de la bibliothèque royale ou celles de la faculté. Il voulait briller, même si ça signifierait passer toutes les années précédant cette finalité dans l'ombre, une fois de plus.

Alors, il s'absorba plus encore dans ses lectures, dans ses recherches, écumant le moindre ouvrage existant à la Citadelle.

Il n'était pas non plus coupé du monde ou de son actualité, et rien ne le prépara à l'arrivée du Crépuscule sur les terres d'Hyrule, pas plus que qui que ce soit d'autre.

Il prit une autre décision importante et se rapprocha de l'ancien précepteur de la princesse, Lafrel. Tous les deux se croisaient régulièrement dans la bibliothèque de la faculté pour leurs recherches personnelles et ils s'étaient déjà entretenus sur divers sujets. Ces derniers temps, il lui avait même paru qu'il tentait de le juger apte ou non pour une cause obscure. Et peut-être était-ce justement ce qu'il cherchait.

Et ce fut ainsi qu'il se joignit à la Résistance.


Son premier contact avec Link, avec le recul, était absolument pathétique.

Il n'avait rien trouvé de mieux que de lui parler de sa tenue, si semblable à celle décrite dans les légendes du Héros du Temps, le taquinant sur la ressemblance, et plus encore en découvrant qu'il l'avait réalisé de lui-même. Malencontreusement, il ne put s'empêcher d'avouer par la même occasion son culte pour cette figure historique et ça n'avait pas raté : dès qu'il avait quitté la pièce, les témoins l'avaient asticoté sur cette déclaration involontaire et son attitude si enthousiaste.

Les occasions suivantes où ils se trouvèrent à nouveau en tête à tête furent plus rares, chacun se concentrant sur son objectif personnel, se croisant peu et pour une courte période.

Puis le combat final fut remporté et Hyrule fut enfin libérée, les forces du mal scellées. Jusqu'à la prochaine fois.

Le héros fut remercié et célébré, des médailles furent distribuées, des banquets furent tenus.

Et la Résistance fut dissoute.

Leurs missions menées à bien, il n'y avait pas de raison pour durer, et tout un chacun était bien content de pouvoir retourner à sa vie d'avant, ou la nouvelle à laquelle il aspirait.

Mais pas Jehd.

Au sein de ce groupe, il avait pu créer de solides liens auxquels il n'aurait jamais pu aspirer, le contexte favorisant les prises de décisions rapides, dans un sens comme dans un autre, et ses connaissances académiques avaient permis l'économie de nombreuses heures de recherches.

Il s'était senti important. Reconnu. Il avait une valeur.

Bien sûr, c'était purement égoïste, il en avait conscience, et jamais il ne désirerait que la situation délétère de ces dernières années ne se répètent, juste… Après avoir goûté à la chaleur de cette camaraderie, retourner au froid de la solitude était un changement bien trop brutal.

Alors, au lieu d'arpenter des heures durant les allées de la bibliothèque comme il en avait pris l'habitude, il continua de siéger à la taverne de Telma, y installant ses affaires à chaque venue, au point qu'elle finit par lui proposer d'en laisser une partie sur place, afin qu'il ait moins à transporter à chaque fois.

Ce n'était plus la même chose. Il était retourné à la routine morne de ses recherches, bien que des indices substantiels aient été découverts, entre autre grâce à Link, mais on le reconnaissait et on le saluait parfois, complimentant sa dévotion pour le savoir et son implication dans la Résistance.

C'était nouveau. Un bon nouveau.

Mais la nouveauté qui lui plut plus que tout, ce fut quand Link fit son entrée dans la taverne avec son grand sourire resplendissant et une tenue qui n'avait plus rien à voir avec celle dont il s'était habitué. Sans doute ses vêtements de tous les jours car il pouvait voir la ressemblance avec ceux de Moï.

Il ne lui adressa pas la parole tout de suite, alpagué par Telma qui le gourmandait pour ne pas avoir donné de nouvelles et l'interrogea longuement pour savoir tout ce qu'il avait fait depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus, ainsi que ce qu'était devenue Iria.

L'air de rien, Jehd avait laissé traîné ses oreilles, faisant mine d'être absorbé par l'illustration de son manuscrit, mais un simple regard vers la tenancière suffit pour le renseigner sur le fait qu'elle était loin d'être dupe. Tant pis, l'important était de faire illusion auprès du Toalien.

Quand celui-ci s'adressa finalement à lui, il était suffisamment honteux pour que sa surprise ne soit pas feinte et qu'il bafouille quelques secondes, hésitant clairement sur le comportement à adopter.

Ils n'étaient clairement pas partis sur de bonnes bases puis avaient eu une relation assez professionnelle dans un contexte qui incitait à rester concis. Pourquoi diable venait-il lui parler ?

Cette question le hanta pendant quelques jours, à chaque fois que ses pas le menèrent à Link, en fait. Dès qu'ils se croisaient et que le jeune Hylien restait à ses côtés, que leur conversation restait superficielle alors qu'il rongeait son frein, s'attendant à tout instant à être mis de côté, que Link se lève finalement et ne le quitte une bonne fois pour toute, ou prenne ses distances.

Jusqu'à ce que, à sa grande surprise, il se présente un beau matin dans sa tenue de héros, un sac supplémentaire dans les bras, et une promesse d'aventures aux lèvres.

Il refusait obstinément de lui expliquer pourquoi il devait mettre sa vie entre parenthèses le temps que devait durer sa lubie (combien de temps, par ailleurs ?) et plus encore de l'éclairer sur la raison qui l'avait poussé à le choisir lui, l'érudit citadin, pour une escapade loin des chemins battus.

Évidemment, leur relation franchit un nouveau cap durant ce voyage, mais le mutisme amusé de son compagnon n'était pas pour le rassurer.

Il avait subi trop de brimades et de « blagues » de mauvais goût pour faire pleinement confiance à l'attitude assurée, presque placide, que lui montrait Link. Était-ce une vengeance qu'il avait fomenté pendant sa quête, pour lui faire payer son discours nerveux sur sa tenue ?

Mais par chance, ils parvinrent rapidement à leur destination - du moins, de l'aveu de Link, Jehd n'étant pas parvenu à lui soutirer la moindre information - et l'érudit tenta alors de comprendre ce qu'ils pouvaient bien faire au lac Hylia.

Projetaient-ils de le noyer ?

Complètement ignorant du train de pensées de son ami, le héros le traîna derrière lui jusqu'au canon installé sur une des rives, puis commença les préparatifs, sous la curiosité aussi silencieuse qu'anxieuse de Jehd.

Il fut beaucoup plus expansif lorsque l'engin le propulsa à travers les cieux ou quand il atterrit dans le petit lac dans lequel il manqua bien de se noyer sous la surprise. Heureusement, il fut sortie de l'eau par son camarade qui l'en extirpa et ils s'allongèrent sur l'herbe, tentant de reprendre leur souffle.

À sa surprise, Link s'ébroua comme un chien avant de se figer en remarquant qu'il était observé, ses joues se parant rapidement de rouge.

Embarrassé de s'être fait prendre la main dans le sac, il promena son regard sur les alentours en tentant de paraître naturel, repoussant ses cheveux en arrière, rare occasion où sa mèche rebelle suivait le mouvement, toujours dans l'attente de réponse.

— Où nous trouvons-nous ? finit-il par demander.

Abandonnant ses tentatives pour retirer les gouttes des verres de ses lunettes, il se tourna en direction de son accompagnateur qui l'évita, le visage toujours coloré, augmentant sa curiosité.

— Ça fait un moment que j'hésitais à t'en parler, et j'ignorais comment faire, alors je me suis dit que le plus simple était de te mettre devant le fait accompli, marmonna-t-il nerveusement.

Il jouait avec les protections de ses avant-bras, fixant obstinément ses pieds.

Oh mes déesses, il va m'assassiner…

C'était parfaitement inutile, mais Jehd balaya les environs à la recherche de n'importe quoi. Une arme potentielle, une issue de secours, quelqu'un pouvant lui venir à l'aide… Mais non seulement il n'y avait rien ni personne, mais il se rendit compte de l'architecture particulière l'entourant.

Où se trouvaient-ils…

Bien malgré lui, il se rapprocha de Link, comme pour se rassurer, alors que son esprit assimilait lentement l'ampleur de la découverte. Il était presque broyé contre lui alors que la réalisation le frappa enfin.

— Célestia… Nous sommes à Célestia, c'est bien ça ?

Bien malgré lui, l'émotion lui resserra la gorge, sa voix sonnant dans un croassement rauque alors que les larmes lui montaient aux yeux.

Le sourire satisfait de l'aventurier était un rien suffisant alors qu'il tapotait gentiment les mains qui s'agrippaient à la manche de sa tunique.

— Je t'avais promit que je t'y emmènerais, non ?

Tout un tas d'émotions le submergea et il se retrouva simplement incapable d'en faire le tri, finissant par pleurer à chaudes larmes et rire de manière hystérique.

— Si seulement mon père pouvait assister à ça…

Ses doigts froissèrent le tissu rêche alors que ses ongles grattaient dans la cotte de maille.

Il ne résista pas quand Link l'enlaça gauchement, attentif à la moindre réaction de rejet, puis plus franchement quand rien ne survint. Il appuya son front contre son épaule, le cœur battant à tout rompre. Ça faisait quelques temps qu'il se tordait le cerveau pour sélectionner la meilleure atmosphère possible pour se déclarer. Finalement, il aurait dû suivre le conseil de Telma plus tôt.

Se perchant légèrement sur la pointe de ses pieds, il s'apprêta à rapprocher leurs visages quand Jehd s'arracha violemment de son étreinte, surexcité.

Il trépignait pratiquement sur place, discourant subitement sur tout ce qu'il avait pu réunir jusqu'ici sur le peuple des Célestiens, confrontant ce savoir avec ce qui se trouvait actuellement devant ses yeux.

Il ne perdit même pas une seconde pour jeter un dernier regard en direction de Link alors que ses grandes foulées le rapprochaient toujours plus de son but, poursuivant son monologue.

— Mais…

Notes:

Je voulais faire un truc tout mignon où Link embrassait Jehd pour le faire taire lors d'une de ses nombreuses envolées lyriques, mais nope :/

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