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« Aaaaaaah ! »

Le cri soudain d'Annette avait réveillé Mercedes. Difficile de passer à côté : les deux femmes dormaient ensemble dans le même lit. Si l'une faisait le moindre mouvement ça allait être remarqué par l'autre. Alors un cri... De suite Mercedes était en alerte. Que se passait-il exactement ? Est-ce qu'un ennemi avait attaqué ? Ses mains matérialisèrent des petites auras de lumières. Elle chargeait un sort, prêt à le lancer sur n'importe quelle présence intruse. Mais quand elle regarda autour d'elle, elle se rendit compte qu'il n'y avait personne. Juste Annette recroquevillée sur elle-même et tremblante. Elle serrait les draps, en panique.

« Annie ? Ma belle, qu'est-ce qu'il se passe ?
- Mercie ? Où sont... Où sont les ennemis ?
- Il n'y a personne ici. Je suis là pour te protéger. Tu n'as rien à craindre.
- Il n'y a personne ?
- Mais oui, mais oui. Calme-toi, tout va bien. »

Murmura-t-elle doucement. Elle passait une main apaisante sur son dos, qu'elle caressait avec une douceur infinie.

« Ce n'était qu'un cauchemar, tout va bien.
- Un... Cauchemar ?
- Oui. Tu as juste fait un mauvais rêve...
- C'était si réel, pourtant...
- Tu veux en parler ? »

La jeune femme hocha la tête lentement. Comme elle pensait qu'une tasse de thé et des gâteaux seraient parfaits pour la réconforter après son cauchemar, Mercedes se leva pour en préparer, mais très vite Annette la retint.

« N-Non, reste ici s'il-te-plaît.
- Très bien, je ne bouge pas. »

Elle lui fit une petite bise sur le front et s'installa à ses côtés. Annette n'avait pas encore commencé à parler. Les mots avaient du mal à sortir, mais sa partenaire était prête à attendre aussi longtemps que nécessaire si elle avait besoin de prendre son temps pour parler.

« Dans mon rêve, j'ai... J'ai vu Ingrid, Sylvain et Félix. Ils nous en voulaient d'avoir trahi le Royaume pour nous battre aux côtés de l'Empire. Ils étaient si agressifs, comme s'ils nous en voulaient. Comme si nous n'avions jamais été amis et que nous n'étions que des ennemis destinés à s'affronter. Je sentais toutes leurs lames me transpercer et me... Me...
- Chut, tout va bien... Ils ne pourront jamais te faire de mal.
- Je sais, je... Felix est mort, il ne peut pas me blesser. Mais je... J'aurais vraiment préféré que les choses se passent autrement... »

Mercedes ne pouvait que compatir. Felix était leur ancien ami. Même s'il était assez rustre, il restait une personne sympathique. Annette et lui s'étaient très bien entendus et sa mort l'avait particulièrement affectée.

« Je ne comprends pas... Est-ce qu'on a fait le bon choix, en rejoignant l'Empire ?
- Pour ma part, je n'ai pas de regrets. Ce choix était difficile, mais être aux côtés de mon petit frère était une chance inespérée.
- J'ai peur d'avoir fait le mauvais choix... Je pensais que l'Empire serait compatissant avec nous. Ils l'ont été avec Ashe, alors j'ai cru que je pourrais être sans craintes... Mais ce commandant des armées, ce... Shez, il ne fait pas attention à nos souffrances... »

Ah oui, il y avait cet espèce de mercenaire qui dirigeait l'armée de l'empire. Elles avaient pensé qu'il était plutôt sympathique, parce qu'elles n'avaient pas été leurs prisonnières et qu'elles pouvaient agir à leur guise. Mais les envoyer au combat contre d'anciens camarades, c'était juste un acte de pure cruauté.

« J'ai peur d'être blessée, si je retourne au combat. D'avoir mal à cause de mes amis, de mes ennemis, mentalement et physiquement. J'ai vraiment, vraiment très peur...
- Je comprends...
- Comment tu fais, toi ? T'as l'air de ne pas être affectée par tout ça. Comment tu fais pour tenir ?
- Comment je fais ?
- Oui ! Malgré la douleur tu as l'air si forte...
- Hé bien... J'ai bien une petite méthode sur comment je gère la douleur, mais... Je ne suis pas sûre qu'elle te plaise.
- S'il-te-plaît ! J'en ai vraiment besoin... »

Mercedes avait retiré sa main du dos de sa compagne, rougissant fortement à l'idée de ce qu'elle allait lui proposer dans quelques instants. Ça avait quelque chose de particulièrement anxiogène de lui proposer une chose pareille. Et si Annette le prenait mal ?

« J'ai appris à apprécier la douleur. L'apprivoiser pour la faire mienne. Pour qu'elle me fasse du bien et que je n'en ai pas peur.
- Pour de vrai ? C'est possible, ça ?
- C'est totalement possible. Mais il va falloir te montrer indulgente, parce que cela risque d'être un peu spécial.
- Compris, je te fais confiance. »

Mercedes la fit s'allonger sur le lit doucement. Elle lui fit signe de ne pas bouger et lui apporta un long bandeau noir, qu'elle enfila sur ses yeux.

« Qu'est-ce que c'est ?
- Un bandeau, pour tes yeux. N'hésite pas à me dire si je serre trop fort. »

Déclara-t-elle en serrant le nœud. Elle l'avait fait de manière assez légère, parce que quitte à lui faire « mal », elle préférait y aller doucement.

« Tu me dis stop, si je vais trop loin. »

Elle hocha silencieusement la tête, laissant Mercedes agir. Elle savait ce qu'elle faisait. Elle voulait croire qu'elle le savait. Annette attendit un petit instant, pour sentir soudainement quelque chose sur sa peau. Quelque chose qui la caressait. Elle ignorait ce que c'était, mais elle savait que ce n'était pas ses propres doigts. Un objet ? Maintenant qu'elle y réfléchissait, elle avait l'impression que c'était un peu similaire aux pièces de cuir qu'on mettait sur certaines armures. En tant que mage elle n'avait pas eu l'occasion d'expérimenter le port d'armures mais parfois il fallait les nettoyer, donc elle connaissait cette matière. Même si ce cuir-là était différent de celui qu'elle connaissait...

Un peu comme des sortes de lanières.

Des lanières de cuir qui venaient de fouetter sa peau nue soudainement.

Elle poussa un petit cri de surprise. C'était la première fois qu'elle sentait cette sensation sur son corps. C'était une sensation de douleur, mais étrangement elle n'était pas désagréable. Ce n'était pas comme cette fois où elle avait été blessée en combat. Non, cette douleur était différente, c'était une douleur étrangement... Agréable. Oui, agréable était le terme. Pourquoi est-ce que ça lui faisait tant de bien d'avoir mal ? Elle avait du mal à comprendre.

Ce qu'elle comprenait c'était qu'un autre coup de lanière venait de s'abattre sur sa peau et qu'elle continuait à adorer. Elle sentait le tissu la caresser, parfois la fouetter, mais ce n'était jamais désagréable. C'était tout le temps une sensation de pur plaisir qu'elle ne comprenait pas exactement, mais qu'elle appréciait quand même.

Qu'elle appréciait assez pour se permettre de sortir un petit « encore ».

Elle ne comprenait toujours pas pourquoi ce mot était sorti de sa bouche, mais il était sincère. Elle s'attendait à lui dire stop, à lui dire d'arrêter mais non, elle en demandait beaucoup plus. Annette ne pouvait pas le voir, mais Mercedes souriait de bonheur en entendant ce simple petit mot.

« Tu veux continuer ? »

Lui demanda Mercedes. La jeune femme avait un ton tentateur mais aussi bienveillant. La réponse d'Annette la surprit agréable.

« Oui, fais-moi mal. »

Elle aimait cette douleur. Si toutes les douleurs du monde pouvaient être comme ça, alors elle les apprécierait beaucoup plus.