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« Cache-cache ? »
Michael considéra Gabriel d’un air blasé.
« La dernière fois qu’on a joué à ce truc, Il n’avait pas encore créé les humains… »
L’Archange, surexcité, sautillait d’un pied sur l’autre.
« Raison de plus pour recommencer !
- Je te trouvais à chaque fois en moins de cinq minutes.
- Je peux t’assurer que, cette fois, tu ne me trouveras pas !
- J’ai pas envie de jouer...
- Oh ! Allez ! Tu n’as rien à faire là, non ?
- J’ai rien à faire parce que je veux rien faire.
- S’il te plait ! Tu l’as dit toi-même : Ça fait si longtemps qu’on n’a pas joué ensemble ! »
Voyant les yeux de Gabriel se remplir de larmes, Michael comprit qu’il était temps pour lui de changer de stratégie. Il était de notoriété publique au Paradis que la tristesse de Gabriel était encore plus difficile à gérer que son enthousiasme.
« D’accord, tu as gagné. Je suis le chat.
- Ouiiiiii !!!! Tu fermes les yeux et tu regardes pas, hein ? Sinon, c’est de la triche ! Et tricher, c’est pas beau !
- Ouais, promis.
- Et tu comptes jusqu’à mille avant de me chercher ! »
Michael plaça docilement ses mains devant ses yeux et se mit à compter. Vers dix, il jeta un coup d’œil à la ronde pour s’assurer que Gabriel était parti.
Puis il retourna s’allonger sur un nuage.
***
Plus tard dans la journée, un autre Archange se permit de déranger le commandant des milices célestes. Il s’agissait cette fois d’Uriel, le nez plongé, comme à l’accoutumée, dans un dossier estampillé "Urgent".
« Michael, excuse-moi de te…hem...déranger. Tu ne saurais pas où est Gabriel par hasard ?
- Heureusement non.
- Permets-moi de ne pas partager ton enthousiasme. Il doit accompagner la montée au Ciel de l’âme d’un saint homme et il est déjà en retard.
- Tu ne peux pas envoyer quelqu’un d’autre ? C’est pas les anges qui manquent...et on n’a toujours pas retrouvé l’âme du dernier dont il s‘est occupé.
- Non, ça doit être lui. Il lui est déjà apparu une fois. Il faut faire preuve de constance.
- Et ça ne peut pas attendre ?
- Quelques jours à la rigueur, mais, tu conviendras que ce n’est pas très catholique…Quand as-tu vu Gabriel pour la dernière fois ? »
Michael soupira lourdement.
« Ce matin. Il est venu me chercher pour jouer à cache-cache.
- Tu l’as encore envoyé sur les roses ?
- Non, j’ai accepté.
- Ah bon ? Ça m‘étonne de toi…Enfin, passons. Et après votre partie, il est allé où ?
- Après notre partie ? Parce que tu crois que je suis allé à sa recherche ?
- Hein ?…Attends une seconde, tu veux dire que ce n’est pas fini ? Il se cache toujours quelque part en attendant que tu le trouves ?
- Je suppose. »
Avant qu’Uriel ne puisse exposer à Michael combien il désapprouvait ses actes et les considérait indigne d’un Archange aussi haut placé, un escadron de Puissances se posa à côté d’eux, le faisant sursauter.
Les soldats ailés se mirent au garde-à-vous et saluèrent, de la façon la plus réglementaire qui soit, leurs supérieurs hiérarchiques.
La chef de la patrouille s’avança:
« Monseigneur Uriel, Manakel au rapport. Nous avons passé la Terre au peigne fin, pas de trace de Monseigneur Gabriel.
- Vous avez essayé Disneyland ? intervint Michael.
- On y a été en premier, Boss.
- Damabiah tu es…vert, observa Uriel, remarquant un ange qui titubait.
- C’est que j’ai perdu à la courte paille, Monseigneur. C’est moi qui ai dû chercher dans le Space Mountain…deux fois...je vous assure que Monseigneur Gabriel n’y était pas. »
Uriel leva les yeux au ciel. Il y avait quelque chose dans son expression qui indiquait qu’il avait franchi une nouvelle étape sur le chemin de la crise de nerfs.
« Donc, résumons. Gabriel n’est pas au Paradis, ni au Purgatoire, j’ai vérifié moi-même, et il n’est pas sur Terre. Ça nous laisse…
Les Puissances échangèrent des regards inquièts. Même Michael haussa un sourcil.
« Non, même lui n’est pas aussi con.
- …
- …Si. »
***
Il y avait plusieurs bars aux Enfers, mais les seuls à servir des boissons alcoolisées étaient réservés aux démons. Cependant, ils présentaient souvent d’autres désagréments comme ne pas avoir le wifi ou être non-fumeur. Les démons pouvaient donc se retrouver dans leur antre préféré pour pester contre le réseau, les lois anti-tabac, échanger les derniers potins, regarder des matchs de catch et, quand ils en avaient assez des cris des damnés, écouter du black metal à plein volume.
Ce jour-là, un silence nerveux régnait dans un des établissements les plus fréquentés du Troisième Cercle. Tous les regards étaient tournés vers l’élément blond et immaculé, qui faisait tache dans le décor, et avait l’air, de plus, très fier de lui. Perché sur un tabouret, il chantonnait en boucle :
« Il ne me trouvera pas ! Pa ! Pa ! Pa ! »
***
La présence d’un Archange dans un bar des Enfers ne pouvait manquer d’attiser les conversations. La rumeur s’était répandue avant même qu’il ait commandé un verre. Mullin, premier valet de chambre de Belzébuth, se pencha vers Verdelet, maître des cérémonies de la cour infernale, pour lui demander :
« Les anges peuvent entrer et sortir d’ici à leur guise maintenant ? J’ai raté une note de service ou quoi ?
- Bien sûr que non ! Les Enfers ne sont pas un moulin ! Ce n’est pas dans nos conventions. Les emplumés n’ont pas plus le droit de venir ici que nous de foutre un sabot là-haut.
- Mais...euh...Si je ne me trompe pas, c’est Gabriel…
- Et alors ? Ce serait ce m’as-tu-vu de Michael que ça changerait rien ! Les Enfers, on y entre peut-être assez facilement, mais, pour en sortir, c’est une autre paire de manches. Tu vas voir ce qu’ils vont lui faire aux portes s'il essaye !
- Tu crois qu’on devrait lui dire qu’il est piégé ici ? Juste pour voir sa tête, ça vaudrait le coup…
- Non, attends, j’ai une meilleure idée. On va lui payer un verre !
- Ah ! Je vois où tu veux en venir. Les pigeons, ça ne tient pas l’alcool, c’est bien connu !
- Il sera rapidement à notre merci ! J’suis sûr qu’on peut avoir une promotion avec un coup pareil ! »
Ils ricanèrent tous deux et se frottèrent les mains de la façon la plus diabolique qu’ils avaient en stock. Puis ils quittèrent leur table pour aller s’installer de part et d’autre de Gabriel.
Les autres démons présents suivirent leurs mouvements avec intérêt.
Mullin tapa familièrement sur l’épaule de l’Archange.
« Salut cousin ! On n’a pas souvent le...hem...la surprise de voir des salop...tes semblables descendre ici.
- Qu‘est-ce que tu bois ? demanda Verdelet. C’est nous qui t’invitons. » Il éternua sous l'effet d'une réaction allergique.
L’Archange les accueillit avec le plus grand des sourires éblouissants.
« C’est trop gentil ! On se connaît même pas et vous me faites un cadeau ! J’en reviens pas ! Je vois pas pourquoi on critique toujours tout ici bas. C’est bien mieux qu’on ne le pense. »
Gabriel continua à se balancer sur son tabouret avec une expression béate sur le visage. Mullin insista :
« Du coup, tu veux boire quoi ?
- Euh...Je vais prendre…voyons voir…un lait fraise !
- On fait pas ça ici, maugréa la démone barmaid qui s’était approchée pour prendre les commandes.
Gabriel fit la moue.
« Fais pas cette tête, le consola Mullin. Belaam, sers-nous donc la spécialité de la maison.
- Qu’est-ce qu‘elle a de spécial ?
- On peut pas te le dire, pour pas gâcher la surprise, mais tu vas voir, c’est infiniment mieux que le lait fraise. »
La barmaid posa bientôt devant Gabriel un verre qui, en plus de dégager une fumée verdâtre, sifflait comme une cocote-minute.
« C’est le spécial ?
- Ouaip ! On l’appelle aussi le tueur de neurones.
- Y’a que les meilleurs ingrédients ! Kérosène, colorants, acide nitrique, huile de vidange et une mesure de rhum pour la couleur ! » énuméra Verdelet en comptant sur ses griffes.
C’était une des boissons les plus en vogue en Enfer. On y survivait, mais pas sans séquelles.
« Oh ? Ça a l’air chouette ! »
Gabriel s’empara du verre et l'engloutit d’un seul coup.
Les démons retinrent leur souffle et attendirent avec impatience sa réaction.
L'Archange se lécha les lèvres :
« Ça pique un peu. »
***
Michael parcourait les rues d’un quartier d’affaires, semblable à tous ceux qui existaient dans les grandes villes occidentales. Des hommes et des femmes en costumes, attachés-cases à la main, s’empressaient sur les trottoirs, courant après le temps et les profits, tandis que lui marchait tranquillement jusqu’à l’immeuble qui l’intéressait, indifférent à la foule. Dans l’ascenseur, il sélectionna le six-cent-soixante-sixième étage avec un brin d’amusant, considérant le fait que, vu de l’extérieur, le gratte-ciel n’en comportait pas plus d’une centaine.
Une fois rendu à l’étage voulu, il se retrouva dans une salle de réception, face à un secrétaire de direction occupé à se faire les ongles.
« C’est pour quoi ? » demanda celui-ci sèchement, sans lever le menton. Comme tous les secrétaires mal embouchés, il ne regardait pas son interlocuteur et il avait des cornes.
« Je voudrais voir…Michael fit un effort pour se souvenir du nom indiqué à l’entrée…Monsieur "Ifer".
- Vous avez rendez-vous ?
- Non.
- Alors, je suis désolé, mais Monsieur "Ifer" ne va pas pouvoir vous recevoir.
- Je suis sûr qu’il a cinq minutes.
- Je vous dis que ce n’est pas possible.
- Pour moi, il trouvera du temps.
- N’insistez-pas. Appelez pendant les heures de bureau et prenez rendez-vous.
- On ne peut pas prendre rendez-vous directement?
- Non, il faut appeler. C’est la procédure. Ce n’est pas ma faute si vous l’ignorez.
- Peu importe, je vais entrer dans ce bureau.
- Mais puisque je vous dis que… »
Le secrétaire releva enfin la tête et eut la réaction classique des démons confrontés au prince des Archanges. Son visage passa du rouge carmin au rose saumon. Il étouffa un cri et rapetissa de plusieurs centimètres.
« Oh…Je, balbutia-t-il…Je…Je ne savais pas… »
Michael se pencha sur lui et le démon disparut sous la borne d’accueil. Ignorant son malaise, l’Archange se dirigea vers le bureau et entra sans frapper.
Il ressemblait à s’y méprendre au refuge d’un grand chef d'entreprise. Il était spacieux et offrait une vue imprenable sur la ville et ses gratte-ciels. Il était cependant le seul à disposer d’une porte installée en plein milieu d’une baie vitrée, une ouverture qui, contrairement aux apparences, n'était pas faite pour faciliter les suicides.
Vêtu d’un simple peignoir noir, le maître des lieux était enfoncé dans un fauteuil en cuir. Les pieds nus posés sur le bureau et la main dans un paquet de chips, il avait le regard rivé sur un écran d’ordinateur high tech, si fin qu’on n’en voyait presque plus les bords.
Michael alla se planter devant lui, les bras croisés. Sans quitter son programme des yeux, Lucifer l’interrogea, en feignant une certaine indifférence :
« Comment tu as su que j’étais là ?
- Avec Gabriel en Enfer, je me suis douté que tu n’y serais pas.
- C’est une simple coïncidence. J’avais du travail à faire sur Terre…
- Et tu fais quoi exactement ? Tu regardes la télé ?
- Qu‘est-ce que je ferais d‘un bureau sinon ? Une chips ? »
Il tira une fine tranche fritte du paquet et la lui tendit.
L’Archange déclina l’offre.
Le Diable considéra l’aliment d’un œil critique avant de le remettre dans le paquet.
« Il y quelque chose d’intéressant au moins ? »
Lucifer s’appliqua à lécher les traces de gras et de sel qu’il avait sur les doigts avant de répondre à la question.
« Bien sûr que non. J’ai des subordonnés qui veillent sur les programmes et ils travaillent avec application.
- Trop même.
- Ravi que tu le reconnaisses. Mais je suppose que tu n’es pas venu jusqu’ici pour parler des dérives de l’audiovisuel. Non, je ne suppose pas, je le sais ! Tu es venu au secours du petit innocent qui a osé s’aventurer dans mon royaume ! Qu’est-ce que tu m’offres en échange de la liberté de ton cher collègue adoré ?...Si on peut appeler liberté votre condition d’esclaves célestes... »
Michael ne cilla pas.
« Je veux bien le récupérer, c’est déjà énorme. »
***
Le comptoir du bar était couvert de verres et de bouteilles vides.
Poussé par les démons, Gabriel avait ingurgité assez d’alcool et de produits chimiques pour tuer un troupeau d’éléphants. Pourtant, il n’en laissait rien paraître. Il était toujours aussi joyeux et agité.
À côté de lui, Verdelet et Mullin, qui n’avaient pas pu faire autrement que de consommer avec lui, commençaient à piquer du nez dans leurs verres.
Gabriel héla la barmaid démoniaque pour la énième fois:
« Patronne ! J’ai soif ! Qu’est-ce que vous avez d’autre ?
- Rien, t’as testé tout mon stock...
- Ah bon ? Bon, bah, un autre tueur de neurologues, alors. J’aime bien les trucs qui piquent.
- Tueur de neurones.
- Des quoi ?
- Non, rien. »
Tandis que la barmaid préparait le cocktail, Gabriel posa ses coudes sur le comptoir.
« …Ce que je m’ennuie…Eh ! Si on faisait un karaoké ?! »
La barmaid démoniaque haussa les épaules.
« Je suis pas équipée.
- C’est pas grave! J’ai toujours ce qu’il faut sur moi. »
Gabriel commença à fouiller dans les poches de sa toge immaculée. Sous les yeux éberlués -et vitreux- des démons présents, il en sortit un micro, puis une cassette vidéo usée.
Tandis qu’il continuait à farfouiller en marmonnant « Je suis sûr d’avoir un lecteur quelque part », un des démons prit la cassette pour en lire le titre.
Il frémit en déchiffrant : « Chantal Goya ! Ses plus grands succès ! »
***
Dans le bureau, le face-à-face entre Lucifer et Michael se poursuivait. Le maître des Enfers gardait toutefois un œil sur son écran.
« Tu n’as rien à m’offrir ? Vraiment ? Tu es venu ici pour récupérer Gabriel, oui ou non ?
- J’ai du mal à y croire moi-même, mais oui. Uriel a besoin de lui pour…je sais plus quoi.
- Et tu penses sincèrement que je vais le laisser repartir comme ça ? Il s’est introduit sans autorisation sur mon territoire. Tu sais ce que ça signifie, j’ai le droit d’en faire ce que je veux. Tu meures d'envie de me taper dessus là, je m'en doute, mais ce n'est pas ce qui m'obligera à te dire où il est. Alors, qu’est-ce que tu proposes ? Une rançon ? Un échange ? Je te garde à sa place ? »
Une lueur d’intérêt s’alluma dans les yeux du seigneur du sombre empire.
L’Archange balaya ses espoirs d’un geste de la main.
« Non. Voilà comment je vois les choses. J’ai vraiment pas envie de descendre, donc, je vais attendre ici et tu vas aller me le chercher.
- Vraiment, Michael, ce n’est pas sérieux. Je ne sais pas où tu veux en venir, mais… »
Quelque chose sur l’écran sembla soudain retenir l’attention de Lucifer. Il observa la scène pendant un moment. Une de ses paupières tressauta, puis il se leva d‘un bond, oubliant dans sa précipitation sa jambe malade qui le faisait boiter la plupart du temps.
« Tu m’excuses une minute ? Ne regarde pas sur l’écran, ce n’est que du porno. »
Il alla jusqu’à la porte installée sur de la baie vitrée. Michael sentit une bouffée de chaleur lui caresser le visage quand il l’ouvrit.
Dès qu’il eut disparu dans une gerbe de flammes, Michael se pencha sur le bureau et tourna l’écran vers lui, en ignorant le grincement émis par son socle. Il montrait la scène qui se déroulait dans le bar infernal.
***
Au Troisième Cercle, un spectacle dantesque attendait Lucifer et, pour une fois, ce n’était pas pour lui plaire.
Les murs du bar se désagrégeaient, es démons présents se roulaient par terre en gémissant, la barmaid avait disparu on ne sait où. Du verre brisé, mêlé à divers liquides poisseux et grésillant, jonchait le sol...qui commençait à fondre.
Au milieu de ce carnage, debout sur une table, brandissant son micro, Gabriel chantait à pleins poumons :
« CE LAPIN ! UN MATIN ! A CHASSÉ UN TUEUR ! Allez ! Tous en chœur ! C’ÉTAIT UN LAPIN QUI AIMAIT LES FUSILS ! »
Il allait attaquer le couplet suivant quand il remarqua Lucifer.
« Oh ! Lulu ! Ça fait vachement longtemps qu’on s’est pas vu ! J’suis trop content !!! »
Gabriel envoya valdinguer son micro, puis il se précipita vers le Malin, le Prince de ce monde, l’Ennemi, le Maître des Enfers, le Tentateur, le Chef suprême des démons, et lui sauta au cou sans cérémonie.
« Tu m’as manqué !!! »
La surprise passée, Lucifer lui rendit son étreinte en le prenant par la taille.
« J’oublie toujours combien tu peux être coll…attachant, Gaby.
- Tu viens chanter avec nous ? Je te laisse Bécassine si tu veux, même si c’est ma préférée ! »
Lucifer passa une main dans les boucles de l’Archange, les ébouriffant un peu plus.
« Ce serait avec plaisir, mais j’ai un emploi du temps chargé, tu comprends ? De plus, il y a quelqu’un qui est venu te chercher.
- Oh ! Dommage ! Une autre fois alors ! »
Gabriel se dégagea des bras de Lucifer pour saluer d’un geste de la main les démons toujours à terre.
« À bientôt les amis ! Je reviendrai vite ! C’est promis ! »
Les gémissements redoublèrent et il y eut plusieurs :
« Nooooonnnn !!!!
- Tout mais pas ça !!! »
***
La porte de la baie vitrée s’ouvrit à nouveau et Gabriel entra en sautillant dans le bureau.
En passant à côté de Michael, il lui tira la langue.
« C’est pas du jeu ! T'as triché ! Si t’avais pas demandé de l’aide à Lulu, tu ne m’aurais jamais retrouvé ! »
Et il sortit par la porte qui donnait sur la réception, toujours bondissant tel le lapin de sa chanson.
« Lulu ? répéta Michael en adressant un regard narquois à Lucifer. Tu es sûr que tu ne veux pas le garder ? Ils ont l’air de tellement l’apprécier en bas… »
Lucifer jeta un coup d’œil à l’écran qui montrait le bar où ses subordonnés peinaient à récupérer.
« Je le reconnais, c'était une mauvaise idée de jouer la carte du chantage...même les démons ont des limites.
- Je n’aurais jamais cru t’entendre dire ça un jour.
- Il aura fallu que, tel Orphée, Gabriel descende aux Enfers... »
Il prit un air songeur et fit glisser ses doigts sur la surface lisse de son bureau.
« J'aurais préféré que ce soit toi...
- Qu’est-ce que je serais venu y foutre ?
- Si tu acceptais de nous rejoindre, je pourrais te trouver un poste avantageux. Tu aurais ce que tu veux. Des primes, des RTT, des tickets repas, une mutuelle…
- Sois pas ridicule. Ça fait un moment qu’on a tous ces trucs qui servent à rien.
- Tu ne sais pas à quel point je peux être ridicule quand il s’agit de toi. »
Michael resta interdit. Il l’observa avec curiosité.
« …Tu serais prêt à aller jusqu'où ? »
Gabriel choisit ce moment pour repointer le bout son nez.
« Bon, Michou, tu viens ? J’ai envie d’une glace maintenant ! C‘est sympa chez toi, Lulu, mais il fait super chaud...Tu veux venir avec nous ?
- Une autre fois peut-être. » répondit Lucifer, sans quitter Michael des yeux.
En se dirigeant vers la sortie, l’Archange lui fit une grimace qui ressemblait presque à un sourire :
« Dans tes rêves. »