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Le côté positif de la tendance de Jehd à se perdre dans ses recherches et son travail, c'est que Link pourrait passer devant lui en robe de mariée qu'il ne s'en rendrait pas compte.
Pas qu'il l'ait tenté.
Et, de toute façon, où en trouverait-il ?
Le plus sûr pour garder un secret était définitivement de faire autant de bruits qu'à l'ordinaire et de ne surtout pas essayer d'être discret et d'alléger le pas lourd de ses bottes. Quoique, même là son petit ami ne relevait pas, mais il était plus enclin à se penser seul alors et pouvait relever la tête à n'importe quel instant.
Mais il s'égarait.
— Tu sors ? marmonna Jehd.
— Oui, un moment, tu as besoin de quelque chose ? J'ignore combien de temps ça me prendra.
— Du lait. Tu descends mon stock à une vitesse hallucinante.
Riant à ce faux reproche, Link se pencha pour l'embrasser, tirant un peu sur le long col pour en dénuder la nuque, recevant une plainte pour l'avoir fait ripper dans sa rédaction.
— On se revoit plus tard.
La porte se ferma derrière lui et il lui restait le monde entier à explorer.
C'est parti.
Telma lui avait offert son aide quand il avait mentionné son plus grand obstacle : ses talents culinaires. Il pouvait se nourrir parce qu'il était habitué à ses ratés, mais pas pour aujourd'hui, pas pour Jehd. Il méritait mieux.
Il méritait l'excellence.
Mais, aussi rémunérées soient les missions effectuées au nom de la couronne ou pour rendre service au peuple, sa fortune était loin d'être suffisante pour couvrir les frais élevés de ses attentes extravagantes.
Ils vivaient ensemble depuis pratiquement une année maintenant, et non seulement c'était l'occasion de célébrer leur amour mais aussi leur mise ensemble. C'était sans doute très niais, mais Link était niais, en plus d'être stupidement romantique. Sans le revendiquer ouvertement, il ne le cachait pas non plus, devenant tout sucre et guimauve quand il était à proximité de son compagnon, au grand désespoir de leurs amis, bien souvent les spectateurs involontaires de cette comédie mielleuse.
Ash ne se fatiguait même plus à cacher sa révulsion quand elle se retrouvait en leur compagnie et qu'ils étaient en pleine parade amoureuse.
Link n'avait jamais fêté l'amour jusqu'à maintenant. Déjà, parce qu'à Toal, ça ne faisait pas partie des célébrations officielles - il y avait une journée décernée aux mariages et tout le monde festoyait à cette occasion, mais c'était le cran au-dessus encore - et, plus encore, il n'avait encore jamais été en couple avant Jehd.
La précédente fête de l'amour, il s'était laissé envahir par l'ivresse ambiante et, poussé par tout ce marketing dégoulinant de bons sentiments et tous ces petits couples se tenant par la main dans les rues bondées de la Citadelle, il avait sauté au cou de l'érudit pour lui murmurer un discours qu'il avait péniblement rédigé durant les longs mois où il s'était torturé sur son attirance pour lui, avant de prendre courageusement la fuite et de se planquer dans la chambre d'invité que la reine avait mis à sa disposition, dont il ne sortit que sous l'insistance de celle-ci, exaspérée par leurs manèges à tous les deux, son archiviste la harcelant au sujet du héros du royaume que personne n'avait revu depuis et incapable de se concentrer sur la moindre de ses tâches.
Elle l'avait tiré métaphoriquement par l'oreille - elle avait tenté de le faire vraiment mais manqua de peu de lui arracher la boucle décorant son lobe, la faisant changer d'avis - jusqu'au bureau occupé par Jehd, en ouvrit la porte, y bourra un peu brusquement le récalcitrant et referma derrière lui, emportant la clé avec elle.
Lorsqu'elle revint, quelque heures plus tard, aucun des deux hyliens ne parut s'en rendre compte, très occupés qu'ils étaient à s'embrasser à pleine bouche, des documents officiels éparpillés autour du bureau et Link assis dessus afin de compenser les centimètres de différence qu'il avait avec son nouveau petit ami.
Soupirant, elle avait remis la clé du côté intérieur et était repartie, non sans claquer le panneau très bruyamment derrière elle afin d'exprimer sa frustration.
Ce n'était pas son rôle de jouer les marieuses, merci bien !
Ce souvenir était suffisamment gênant pour qu'il soit de temps à autre évoqué par l'un ou par l'autre, suivi inévitablement par un rire embarrassé.
Mais ce n'était pas le bon moment pour se remémorer tout cela, Link avait un objectif et devait s'y tenir.
Il se faufila par la porte arrière de la taverne de Telma, la saluant pour la prévenir de son arrivée, et commença à écumer le livre de cuisine qu'il avait apporté quelques jours auparavant, tentant de remettre la main sur les recettes qu'il avait présélectionné.
Il avait combattu Xanto, avait défait Ganondorf, alors casser trois œufs dans un saladier ou mesurer du sucre devrait être à sa portée, non ?
Non.
Quand Telma vint vérifier si tout se passait bien et elle eut à peine le temps d'empêcher un cri d'effroi de quitter sa gorge que Link lui sauta pratiquement au cou, recouvert de farine et sentant très fort l'huile de poisson.
— Link, mon chéri, qu'as-tu fait à ma cuisine ?
— Il y a plus urgent ! Le four a pris feu, que dois-je faire ?
À deux, c'était plus rapide pour nettoyer et ranger la pièce mise à mal par les expérimentations culinaires, mais elle n'eut pas plus de réponses, essentiellement dû à la propre ignorance du jeune hylien. Il n'avait fait que suivre la recette ! Ni plus, ni moins !
— Tu vas devoir refaire les courses, conclut-elle à la fin. Tu n'auras pas assez d'ingrédients, peu importe ce que tu as l'intention de réaliser. Et tu devrais peut-être changer de recette pour une plus simple.
Penaud, Link alla se nettoyer rapidement puis fit le tour des commerces afin de remplacer les condiments qu'il avait utilisé et gâché.
Il voulait vraiment réaliser ce qu'il avait en tête, mais c'était définitivement impossible. Ou, en tout cas, dans le laps de temps qu'il avait.
Les plats préférés de Jehd était une évidence, mais il fallait se résoudre à une évidence : le palais délicat et les goûts raffinés de son compagnon dépassaient nettement ses capacités culinaires actuelles. Peut-être dans un futur proche ? Mais pour le moment, il fallait se concentrer sur le présent et vite.
S'il pouvait compter sur sa tendance oublieuse, Jehd finissait quand même par sortir la tête de ses livres et pouvait à tout instant découvrir que son absence s'éternisait. À chaque minute, il pouvait être curieux de ce qui le retenait dehors si longtemps, peut-être même vouloir le surprendre en pensant que c'est une bonne idée, ou bien même finir par comprendre quelle était la date du jour. La célébration du jour.
Surtout pas.
Quand il retourna aux cuisines avec ses commissions, il n'était pas plus avancé qu'à son départ, juste plus pauvre.
Ayant un peu de temps, Thelma le rejoignit, l'observant ranger les achats.
— Quel est ton plan ? lui demanda-t-elle. Tu veux de l'aide pour tes plats ?
— Il va falloir que je trouve autre chose. J'ai été trop ambitieux, la cuisine n'est vraiment pas mon fort. Tu aurais des recommandations ? C'est ma première relation et j'ai déjà l'impression d'être d'une nullité abyssale… se lamenta-t-il.
— « Une nullité abyssale » ? Je vois que quelqu'un fait ses devoirs, s'amusa-t-elle. Moi qui pensais que vous étiez encore à jouer les tourtereaux, il semblerait que je me trompais !
— Oui bon, ça va, Impossible de traîner avec Jehd sans apprendre quelque chose.
— Oh, je n'ai aucun doute sur le fait qu'il t'apprend bien des choses. Dans quantité de domaines.
Sur cette petite plaisanterie, elle quitta les lieux au profit de son bar, plantant là un Link ayant bien du mal à reprendre sa carnation naturelle. Un peu plus et il allait prendre feu ! Impossible de rater le sous-entendu plus qu'évident de la tenancière. C'était loin d'être la première fois qu'elle lui en faisait. Et, rien à faire, il surréagissait à chaque fois, ses rougissements prenant un temps fou à s'atténuer.
En tout cas, il se retrouvait au point de départ, voir même un peu avant vu que ce matin il avait une bonne idée de ce qu'il avait l'intention de réaliser mais là…
Il devait assurer le repas, c'était vital.
En ce jour et à cette heure, plus aucun restaurant n'acceptait le moindre client en-dehors des réservations effectuées presqu'un an auparavant. La plupart des magasins dont la vente n'avait pas de rapport de près ou de loin avec la fête avait préféré fermer plutôt que d'attendre l'éventuel chaland. Ceux qui restaient ne proposeraient rien qui pourraient plaire de près ou de loin à son partenaire. Il devait donc trouver une solution de remplacement, et vite.
En plus de la nourriture, il y avait les activités, les cadeaux… Le premier était déjà un raté, il devait assurer pour la suite !
Les cadeaux avaient été réunis au fil des mois et attendaient dans l'appartement, bien cachés. Quand aux activités, il avait eu quelques idées mais rien de bien concret. Il avait pensé qu'il pourrait les articuler autour du menu et en fonction des plats qu'il serait parvenu à concocter. Selon s'ils étaient lourds ou plus légers, ça pouvait tout changer.
En désespoir de cause, il pourrait l'entraîner jusqu'à Célestia, mais il avait l'intention de réserver cette occasion pour quelque chose d'un peu plus… grand ? Pas que célébrer leur amour ne soit pas quelque chose de grand ! Juste… son anniversaire ? Ou, peut-être, une demande en mariage ? Ou…
D'un autre côté, s'il attendait trop longtemps, Jehd pourrait lui en vouloir alors qu'il avait fait de ce lieu mythique le centre de ses recherches.
Il continuait de se prendre la tête, sombrant de plus en plus dans ses réflexions, oblitérant complètement le reste du monde.
Telma était revenue, intriguée par la décision qu'allait prendre le jeune hylien et un peu inquiète pour sa cuisine. Elle y tenait, quand même. Quand elle l'avisa dans sa position douloureusement pensive, elle sourit, émue.
Elle connaissait Jehd depuis de longues années maintenant, et plus d'une fois avait-elle craint qu'il ne finisse seul. Oh, ce serait très hypocrite de sa part que de juger que la solitude était une condamnation à une lente agonie dont seul l'amour ou la mort vous libérait, mais plus que son isolement, elle était surtout témoin de son apathie chaque fois plus prononcée, de la perte de son sourire ou de ses yeux se ternissant.
Puis Link avait fait son entrée dans la ville et dans leur vie, les secouant avec toute sa joie de vivre et sa candeur, tour à tour un enfant curieux et avide d'apprendre mais aussi un ancien soldat ayant vu trop de choses pour en parler. Pour avoir vécu toute sa vie dans un village reculé et quasi coupé du monde, la Citadelle était un univers bien distrayant et étranger pour lui, et plus d'une fois l'ancienne résistance l'avait aidé à ne pas s'y perdre, figurativement ou littéralement.
Mais, de tous, c'était bien leur érudit qui avait fait le plus grand travail, offrant son aide et son temps sans limite, répondant aux questions les plus absurdes du berger sans perdre patience, avec ce même sourire doux qu'il arborait quand il pouvait renseigner quelqu'un, peu importe le sujet.
Sans doute y'avait-il eut d'autres lieux, d'autres moments, mais c'était entre les quatre murs de sa chère taverne qu'elle avait pu veiller sur les débuts balbutiants de leur idylle, allant jusqu'à repousser l'heure de fermeture pour ne pas avoir à les extirper de la petite bulle paisible dans laquelle ils s'enfermaient, bien malgré eux.
Un soupir attendri la sortit de ses propres rêveries et elle ne fut pas très surprise de découvrir Link n'ayant pas bougé d'un poil.
Le pauvre garçon était un bon aventurier, un excellent combattant, mais la stratégie était définitivement sa bête noire.
En y repensant, avec Jehd pour l'épauler, ils pourraient faire un vrai malheur…
Chassant cette pensée saugrenue d'un mouvement de tête, la tenancière entra plus franchement dans la cuisine, attirant l'attention de l'amoureux éploré.
— Telma ! Aide-moi, je t'en supplie ! Si jamais je cuisine pour Jehd, je l'empoisonnerai à coup sûr !
— Ou juste une petite intoxication alimentaire, mais j'admets que si tu avais l'intention de l'entraîner jusqu'au lit, il y a de meilleures manières.
Le fard qu'il piqua au sous-entendu la fit glousser. Ash et elle n'en pouvaient plus de les taquiner sur leurs éventuelles relations sexuelles, plus pour leurs réactions que par réel intérêt ou moquerie. Ils pouvaient parfaitement passer leur vie à juste se tenir la main que ça ne regardait qu'eux, après tout !
Prenant place à ses côtés, elle l'écouta lui expliquer la situation et les plans de secours qui lui étaient venus à l'esprit, mais elle était d'accord avec lui : ils étaient loin d'être éblouissants. Bien sûr, c'était presque leur premier anniversaire et ils étaient deux empotés timides, il n'était pas non plus nécessaire d'en faire des caisses, mais le projet était quand même de couper avec la monotonie du quotidien et de faire de cette date si spéciale un souvenir à chérir pour les années à venir, à évoquer avec tendresse et peut-être amusement selon la tournure qu'il pourrait prendre.
Bref, il fallait marquer l'occasion, et d'une manière positive.
— Quelque chose de simple pourrait être très bien. Il est un peu tard pour ça, mais l'année prochaine, tu pourrais l'emmener avec toi à Toal afin d'y jouer votre petite romance d'amoureux transis dans la nature. Surtout si d'ici-là vous n'y serez pas encore allés.
— Je note la proposition, mais comme tu le dis, c'est trop tard.
— Après, ce n'est qu'une date, Link. Tu peux toujours organiser ça demain ou dans une semaine. L'importance de cette fête, ce n'est pas quand elle a lieu mais bien qu'elle ait lieu. C'est l'amour et les sentiments pour l'autre qui sont célébrés.
Elle posa de nouveau sur lui ce regard attendri alors qu'il souriait un peu niaisement en réaction. Décidément, la pureté de leur lien avait quelque chose d'enviable pour elle. Depuis quand son célibat lui pesait pour qu'elle en soit arrivée là ?
— Mais est-ce toujours la fête des amoureux quand le calendrier ne l'indique pas ? pleurnicha-t-il plaintivement.
Quand il croisa le regard légèrement fatigué de son amie, il se décida de ne pas entrer dans un débat et de changer de sujet. C'était plus sûr. Surtout que le temps était compté.
— Tu devrais rentrer pour le déjeuner, le conseilla-t-elle. Et, peut-être, revenir après. L'inspiration te reviendra peut-être si vous vous retrouvez tous les deux, tu ne penses pas ?
Marmonnant son assentiment, Link ramassa les commissions qu'il n'avait pas rangé et la salua, rejoignant leur appartement, le pas traînant.
Les épaules basses et l'air abattu, le jeune héros scrutait d'un œil maussade les devantures colorées et les couples se déplaçant main dans la main. Il y avait quelque chose parfumant l'air, sans savoir si c'était les confiseries vendues juste pour cette occasion ou la liberté d'afficher ses sentiments pour l'être aimé.
L'année précédente, il avait eut le cœur gonflé d'espoir, sautillant presque sur le chemin qu'il avait pris, mais là, ça n'avait rien à voir. Une pierre semblait avoir élu domicile dans son torse, l'attirant toujours plus bas, alourdissant chaque enjambée.
Quand il se retrouva devant la porte de leur domicile, il hésita, restant sur son pas. Bien sûr, il lui restait l'après-midi et même la soirée pour mettre en branle le moindre plan qui lui viendrait à l'esprit. Ou, comme le lui avait fait remarqué Telma, il avait toute sa vie, même !
Il s'abimait toujours plus dans ses réflexions, restant planté sur le paillasson avant de sursauter alors que la porte était ouverte brusquement sur Jehd qui luttait pour glisser un bras dans la manche de sa veste, son nœud et ses lunettes de travers. Il se figea à son tour en découvrant la présence de quelqu'un d'autre, ne s'y attendant pas, mais sourit en reconnaissant le visage aimé.
— Link ! Je sortais justement pour venir te chercher ! Je commençais à m'inquiéter en ne te voyant pas revenir ! Tu vas bien ?
Abandonnant son ajustement, il laissa la manche pendre alors que le vêtement n'était qu'à moitié enfilé, s'avançant pour attraper la main libre de son petit ami pour la presser de la sienne et l'inciter à avancer, souriant tendrement.
En réaction, Link la serra avec émotions. Il sentit sa bouche faire un mouvement étrange, se tordant dans un sourire mitigé qui ne passa pas inaperçu, mais Jehd avait assez de tact pour attendre qu'ils quittent le couloir commun pour le questionner dessus.
La porte se referma derrière eux et ils retirèrent chaussures et veste, Link allant déposer les commissions dans la cuisine avant de revenir suspendre son bonnet à la patère puis d'aller ranger les courses.
L'archiviste le rejoignit, vaquant à ses propres occupations avant de l'enlacer par derrière, profitant de leur différence de taille pour caler son menton sur son épaule, l'embrassant sur la pointe de l'oreille, obtenant un miaulement de protestation ressemblant à une version déformée de son prénom.
— Tu as fait ce que tu voulais ? Tu t'es absenté plusieurs heures.
La culpabilité revint peser sur ses épaules et il aurait pu physiquement ployer sous son poids si Jehd n'avait pas été là pour le tenir, pendant qu'il se rembrunissait.
— Non, j'ai tout raté, soupira-t-il, dépité.
Il s'éloigna le temps d'atteindre d'autres placards avant de retourner se blottir dans son étreinte, timide dans sa quête d'affection.
Ému par son initiative, son compagnon l'embrassa sur le front, peignant les mèches ébouriffées de sa nuque entre ses doigts.
— On ne peut pas être pas parfait en tout. Il faut laisser quelques qualités pour nous autres, la piétaille, monsieur le Héros élu par les déesses, le taquina-t-il.
La bourrade qui atteignit son épaule lui fit lâcher un rire mais aucun des deux ne relâcha la prise qu'il avait sur l'autre, le silence reprenant ses droits.
— Bien que j'adorerais rester ainsi pendant bien des siècles, nous devrions passer à la salle à manger, où je crains que ma surprise ne refroidisse de trop, déclara finalement Jehd. Si tu veux bien me faire l'honneur ?
Pompeusement, il lui présenta un bras qui fut attrapé avec hésitation.
Comment pouvait-il mériter quelqu'un de si attentionné qui lui préparait quelque chose et s'inquiétait parce qu'il tardait à rentrer ? Et plus encore, alors qu'il se présentait les mains métaphoriquement vides et en ratant une occasion dédiée à leur relation ?
Une boule se nicha dans sa gorge alors qu'il le suivait, la tête basse, avant de la relever alors que des arômes riches atteignaient ses sens, lui mettant l'eau à la bouche.
Sur leur table, Jehd avait mis les petits plats dans les grands, faisant des efforts évidents, que ce soit sur la vaisselle des grands jours ou la décoration. Des chandelles brûlaient inutilement dans la clarté du jour, mais c'était sans doute plus pour le côté symbolique.
Link se laissa guider alors qu'il scrutait la nourriture déjà servie, permettant à son petit ami de lui tirer sa chaise alors qu'il s'asseyait, les sens saturés par l'abondance mais aussi la qualité des aliments qui était loin de ce qu'ils consommaient d'ordinaire. Pas qu'ils se nourrissaient de pièces bon marché ou médiocres ! Juste que celles-ci semblaient plus dignes d'être au menu de la reine que le leur…
Jehd se glissa sur sa propre chaise, face à lui, étendant sa serviette sur ses genoux, l'air sérieux, avant qu'un sourire attendri ne l'anime de nouveau alors que leurs yeux se croisaient, ses pommettes se colorant.
— Je sais que nous n'avons pas encore abordé le sujet et que, techniquement, nos un an ne seront que dans une semaine, mais j'ai pensé que l'occasion était trop belle pour la laisser s'échapper et j'ai voulu célébrer notre couple comme il est de tradition.
Évidemment nerveux, sa tirade s'emballa et il commença à aborder les différents rituels en rapport avec l'union et l'amour avec un petit détour sur les origines de la fête.
D'abord stupéfait par l'initiative bien heureuse, Link se sentit gagner par une satisfaction quasi animale qui lui donnait envie de se rouler en boule sur le dos et de présenter son ventre afin de se le faire gratouiller, la queue battant énergiquement, mais il se contenta de sourire aussi largement qu'il le pouvait, se détendant sous la chaleur de l'affection qu'il ressentait pour son compagnon, attendri autant par la considération que par la démonstration de sa nervosité. Alors, bien qu'il haïssait l'interrompre, il décidé de céder à la tentation et se leva, poussant bruyamment sa chaise, ce qui attira l'attention de l'érudit sans pour autant le faire taire alors qu'il suivait du regard sa déambulation, interloqué.
Link contourna le meuble et vint tirer sa chaise à son tour, usant de ses muscles pour contrebalancer la différence de taille, puis vint s'installer sur ses genoux, plongeant à nouveau son regard dans le sien, le faisant alors trébucher sur ses mots.
— Ne t'interromps surtout pas pour moi, souffla-t-il avant de lui ôter ses lunettes.
Il les déposa derrière lui sans détourner les yeux, vaguement conscient du grondement qui commençait à rouler au fond de sa gorge, menaçant de sortir, alors qu'un élan de possessivité l'emplissait, le poussant à écraser leurs lèvres ensemble.
Après tout, qui disait fête de l'amour disait aussi revendication, non ?