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Chapitre 28 : Le réveil du printemps
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Alicia regarde le mur, elle le regarde constamment, sans jamais parler ou ne serait-ce que se lever de son lit. Cela fait un mois qu'elle a sauté de cette falaise, et même si Manuel l'a sortie de l'eau, j'ai parfois l'impression qu'elle n'est plus et que nous n'avons pas réussi à la sauver. Cela fait un mois qu'elle sait ce qu'elle est, un mois qu'elle a compris que ma plus grande crainte durant son enfance avait été qu'elle me soit arrachée, à l'instar de sa mère. Elle pense qu'elle est un monstre, Ilona le vit très mal, moi également. Nous avons tous les deux une grande responsabilité dans ce qui lui arrive, après tout c'est de notre faute si elle est née au croisement entre les trois espèces d'immortels. Ma fille aura quinze ans dans quelques heures, elle est encore jeune, c'est une enfant. Cependant il n'y a plus une once d'innocence dans son regard, plus aucune petite lueur malicieuse. Ses yeux sont sombres, vides, effrayants. Ma toute jeune fille porte quinze ans de mensonges sur ses épaules, elle est en colère, terriblement en colère contre moi, contre sa mère, contre le monde. Mais peut-on le lui reprocher ? Je lui ai caché la chose la plus importante qui soit, sa vraie nature, ce qui pouvait lui arriver. Je lui ai caché en espérant qu'elle ne deviendrait jamais comme Ilona. Je n'aurais pu avoir plus tord. J'ai pourtant espéré, en ne voyant aucun véritable signe de surnaturel pendant les premières années de sa vie, oui, j'ai espéré qu'elle soit comme sa sœur. Mais il n'en est rien, Alicia a toujours été spéciale, et elle le sera toute sa vie.
Viktor observe Alicia, prostrée dans son lit, comme depuis le premier jour où elle a rouvert les yeux, dans une chambre lumineuse du château de son oncle. Elle ne parle jamais, ne pleure pas, ne crie pas non plus, sauf dans ses cauchemars, incessants. Les derniers mots qu'elle a prononcés étaient pour sa mère :
_ Ne me touche pas, je suis un monstre.
Sa voix était froide, que dis-je, glaciale. Songe Viktor. Le visage d'Ilona s'est décomposé, elle est sortie de la chambre en pleurant. Je ne pense pas qu'Alicia se soit rendue compte tout de suite de la peine qu'elle lui avait fait. En disant qu'elle était un monstre et en préférant mourir plutôt que d'être un loup, elle a profondément blessé Ilona, de qui elle tient toutes ses capacités.
Par la suite je lui ai hurlé dessus, parce que je ne pense pas qu'il faille blâmer ma femme, elle se débrouille très bien toute seule pour se faire du mal. Celui que je blâme c'est Manuel. Même s'il l'a sauvée et que je comprends parfaitement qu'il veuille s'éloigner d'Alicia pour la sécurité de ma fille, j'aurais apprécié qu'il ne s'en aille pas avant qu'elle ne se réveille. Or il est parti aussitôt qu'il a su qu'elle était hors de danger. Il a emmené les nièces de Sélène, indiquant qu'il savait où leur trouver une famille qui prendrait soin d'elles. J'ai une vague idée de l'unique membre de la famille en question, mais après tout pourquoi pas. Alexander est particulièrement efficace lorsqu'il s'agit de fuir et de se cacher.
Ainsi donc, j'ai crié à Alicia qu'il serait temps qu'elle cesse de se montrer aussi cruelle envers sa mère. Je comprends qu'elle puisse être en colère qu'Ilona l'ai abandonnée, mais c'était pour une bonne raison, et je pensais vraiment qu'elle finirait par comprendre. Hélas, elle ne semble pas en état de pardonner quoique ce soit. Alicia n'a rien dit, elle s'est murée dans le silence, elle n'a pas répondu lorsque je l'ai disputée. Il y a quelques mois, elle aurait certainement répliqué quelque chose d'encore plus dur que ses précédentes paroles. Elle m'aurait provoqué jusqu'à ce que je perde patience. Mais il n'en est rien. J'ai parfois l'impression d'avoir perdu mes deux filles. Je ne reconnais plus la plus jeune, elle ne se ressemble plus. Son regard est accusateur, sauvage, de plus en plus semblable à celui de sa mère.
Ilona n'a jamais souhaité que nos enfants vivent le même enfer qu'elle. Mais il faut croire que le sort s'acharne souvent sur la même famille.
Lorsque je suis sorti de la chambre d'Alicia, je suis immédiatement parti à la recherche de sa mère. Fort heureusement elle n'était pas sortie du château et je la trouvai facilement dans sa chambre, recroquevillée sur son lit. Elle pleurait beaucoup ces derniers temps, en cachette, uniquement quand personne ne risquait de la voir. Et depuis qu'Alicia avait tenté de mettre fin à sa vie en découvrant ce qu'elle était, Ilona était certainement la mère la plus malheureuse qui soit. Je n'avais pas frappé avant de rentrer, je savais quand dans ce genre de cas je pouvais me passer de cette politesse. Nous avons un accord, celui d'enterrer la hache de guerre en cas de besoin. Ilona me hait pour ce que j'ai fait, je me hais moi-même pour cela et je me maudirais très certainement toute ma vie pour être responsable de la mort de Sonja. Mais il m'est impossible d'oublier mes sentiments pour elle, et je vois bien que de son côté, la chose est identique. Notre relation est brisée, irrémédiablement, mais notre accord stipule que nous sommes parfaitement en droit de venir chercher du réconfort chez l'autre en cas de besoin. Alors ce soir là, lorsque je suis entré, je suis directement allé l'étreindre. Elle s'est agrippée à moi comme si sa vie en dépendait, malgré le fait que je l'avais attachée et blessée quelques jours auparavant, et nous sommes restés là, ensemble, pendant des heures, en attendant que l'orage passe. Lorsqu'elle s'est enfin endormie, trop épuisée d'avoir veillé notre fille pendant des jours et d'avoir pleuré, je suis resté. Je n'ai versé aucune larme, j'aurais pu, mais Ilona a besoin de quelqu'un qui ne se laisse pas abattre, elle a besoin de quelqu'un qui reste de marbre pour la guider, pour montrer l'exemple à tous.
Viktor sort de la chambre après avoir jeté un dernier regard à l'adolescente prostrée. Il referme la porte sans un bruit. Au moment où il prend la direction de la salle du conseil, il croise Sélène qui va rendre visite également à Alicia. L'aîné lui lance un bref regard protecteur avant de lui souhaiter bonne chance, avec une pointe d'ironie dans sa voix glaciale. La vampire de quelques semaines le remercie avec respect, entrant dans la chambre silencieuse. Viktor espère secrètement que la jeune femme sera capable de combler un peu le vide qui noie le cœur de sa fille, mais il ne s'attend pas non plus à des miracles. Elle a posé beaucoup de questions après avoir vu Alicia se transformer en loup, puis Manuel. Elle ne comprenait pas pourquoi les deux adolescents n'étaient pas avec les lycans, elle ne comprenait pas pour ils l'avaient aidée et sauvée. Viktor n'avait pas su quoi répondre alors Ilona avait promis à Sélène de tout lui expliquer sur ces deux cas plutôt exceptionnels. L'aîné sait qu'elle doit l'avoir informé de sa nature et de celle des deux enfants, tout en cachant bien que Manuel est le fils de William. Cependant, Sélène ne lui en a pas parlé.
Le vampire pousse la porte en bois avec détermination et laisse son regard se promener sur les différents conseillers. Janelle le salue d'un petit signe de tête poli et Viktor fait l'effort de lui répondre. Amélia semble discuter avec Ilona, et Markus est d'une humeur massacrante, ce qui est certainement du au fait qu'il n'a pas le droit de s'approcher d'Alicia afin de lui poser des questions sur sa récente transformation. « Trop tôt » avait dit Amélia en le morigénant. Ilona avait eu un hoquet de dégoût et Viktor n'avait pas réagit.
Il s'assoit à côté de son épouse et celle-ci serre brièvement sa main de la sienne en devinant que son calme apparent cache très bien la tristesse qu'il éprouve en voyant leur fille dans un état aussi lamentable que le sien. Alors que le conseil commence, Viktor se perd à nouveau dans ses pensées.
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Manuel n'hésite pas une seule seconde et se jette dans le vide à la suite de son amie, prenant cependant le temps de se changer en lycan. Viktor ne bouge pas immédiatement, trop surpris par ce qui vient de se produire sous ses yeux. Il lui faut une bonne minute avant de redevenir totalement lucide et de se précipiter vers la falaise pour tenter d'apercevoir les deux adolescents. Les distinguant aisément, il descend le plus rapidement possible pour les rejoindre.
Alicia sent juste l'eau froide glacer sa peau nue et envahir ses poumons avant de perdre connaissance. Elle veut mourir. Elle ne veut plus souffrir à cause des vampires ou des lycans, elle ne veut pas être ce loup qu'elle craint. Elle ne veut pas être elle, elle ne veut pas être cette chose, ce monstre, cette aberration. Alors la mort est une issue tellement attrayante, simple, pourquoi ne pas en profiter ? C'est vrai, après tout, décider de sa mort c'est décider de sa vie non ? Elle ignore les cris de Manuel dans sa tête, elle ignore la douleur que ressent sa mère, elle ignore la brûlure de l'eau qui envahit son corps, la douleur est son amie, elle ne la connait que trop bien ces derniers temps. Suffoquer est presque agréable, reposant, la douleur physique a l'avantage de surpasser celle, morale, plus ancrée, celle du traumatisme de l'exécution de Sonja.
Mais alors qu'elle pense que les ténèbres vont enfin venir la libérer de cet enfer qu'elle vit, Manuel la tire avec force hors de l'eau. L'adolescent brave les courants et atteint rapidement une des rives de la rivière. Viktor, qui a réussi à descendre les hisse à bout de bras. Manuel reprend forme humaine et se laisse tomber sur le sol enneigé, essoufflé. Le vieux vampire, quant à lui, s'affaire auprès de sa fille. Alicia ne respire plus, son teint est pale, autant que la neige dans laquelle elle est étendue. L'ainé réussi à lui faire recracher l'eau et Alicia se met à tousser. Sa gorge la brule horriblement et elle aurait préféré de jamais reprendre conscience. Tout lui paraît flou et la morsure du froid est vive sur sa peau nue. Elle parvient tout de même à articuler quelques mots qui franchissent douloureusement la barrière de ses lèvres gercées.
_ Je suis désolée… papa.
Viktor tressaute au dernier mot. Alicia ne l'appelle jamais de cette façon. Certes ses filles l'ont toujours vouvoyé, même s'il ne leur en a jamais fait la demande de façon explicite. Après tout, Amélia et Janelle se tutoient en privé, et Sonja a toujours appelé Ilona « maman* » lorsqu'elle était petite. Mais jamais le mot « papa » n'a été prononcé par Alicia. Il a bien cru un jour qu'elle avait pu le crier mais il n'en avait jamais eu la confirmation par sa cadette. Il ne perd pas plus son temps à réfléchir sur la signification de l'emploi de ce mot et enveloppe l'adolescente dans sa cape, comme il le peut. Il la prend dans ses bras avec douceur, sous le regard exténué de Manuel.
_ Peux-tu marcher ? Demande Viktor au fils de William avec autant de douceur qu'il en est capable (c'est-à-dire pas énormément, mais c'est tout de même un effort non négligeable de sa part qui prouve bien qu'il est très reconnaissant que Manuel ait (encore) sauvé Alicia).
Le jeune garçon hoche la tête avant de se relever. Le vampire lui indique le chemin jusqu'à son cheval et constate après avoir gravit la falaise, que ses hommes l'ont rejoint avec Sélène et ses nièces. Les deux petites filles sont plus que terrifiées et se pelotonnent l'une contre l'autre. Sélène ne dit rien, elle tente de paraître forte pour elles, mais Viktor voit bien qu'elle est totalement détruite. Le même désespoir brille dans ses yeux, le même qui hante le regard d'Alicia depuis quelques mois. Elle a vu la mort frapper.
Il ordonne à Kraven de donner sa cape à Manuel afin que l'adolescent ne prenne pas froid à se promener en tenue d'Adam. L'adolescent a proposé de faire le voyage transformé en loup mais Viktor s'y est opposé, craignant qu'il n'effraie les trois humaines. Le vampire l'observe avec un certain dédain avant de lui tendre le morceau de tissu. Manuel le remercie et Viktor lui indique le cheval sur lequel se tient péniblement Sélène, avant de monter sur le sien, Alicia toujours dans ses bras. L'humaine a un mouvement de recul en se souvenant de la nature lycanthrope de Manuel. Le jeune garçon le remarque et son visage se voile davantage. Voyant qu'elle l'a peiné, Sélène consent à le laisser prendre place devant elle.
_ Je ne suis pas comme Lucian. Articule-t-il avec résolution. Je ne tue pas par vengeance. Ajoute-t-il.
Sélène ne semble pas comprendre ce qu'il insinue mais se détend tout de même. Après tout Manuel a vécu sous le même toit qu'elle pendant des mois sans qu'il n'y ait de véritable problème. C'est donc pour cette principale raison qu'elle décide que le jeune homme ne lui fera certainement aucun mal et qu'elle passe ses bras autour de lui pour se tenir sur sa monture lorsqu'il prend place devant elle.
Quelques mètres plus loin, Alicia oscille entre l'éveil et l'inconscience. Elle ressent une profonde honte à avoir voulu se tuer, néanmoins elle est également en colère contre Manuel qui l'a empêché de parvenir à ses fins. L'adolescente est plus confuse et perdue que jamais, mais au moins elle a la réponse à la fameuse question que tous se posent depuis qu'elle est née, et à cet instant précis, Alicia aurait préféré ne jamais savoir. Elle a bien vu l'expression dans les yeux de son père et de Manuel, le premier était terrifié, le second était emplit de pitié. Elle ne l'avait jamais vu la regarder comme cela, et elle ne l'acceptait pas. Elle préfère presque le dégout des autres vampires à cette pitié écœurante. Car cette pitié ne signifiait qu'une seule chose : Manuel avait compris depuis longtemps, il avait toujours eu des doutes sur sa nature et il n'avait jamais rien dit, pire encore, il est même possible qu'il ait menti à Viktor en lui assurant qu'Alicia ne se transformerait jamais, alors qu'il savait pertinemment que cela était faux. La malédiction de William lui colle à la peau, elle ne peut échapper à ce que sa mère lui a légué à cause du père de Manuel.
Alicia ferme les yeux, laissant couler quelques larmes. Elle ignore ce qu'elles représentent, il y a bien longtemps qu'elle a oublié pourquoi elle pleurait exactement, elle ignore si c'est de la douleur, de la rage, du désespoir ou de la haine, tout n'est que douleur, un brouillard dans lequel elle se perd. Aujourd'hui elle pleure un immense mensonge, toutes les personnes en qui elle a cru lui ont menti sur sa nature, sur elle-même, et ça, elle ne peut le pardonner. On lui a volé sa vie après lui avoir volé sa sœur, on lui a volé l'espoir même. Elle n'a plus rien, elle est aussi nue qu'un nouveau né, il ne lui reste que des cendres pour espérer être à nouveau quelqu'un.
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Viktor a juste posé Alicia sur son lit. Il était désemparé. Je dois bien avouer que moi aussi. J'avais de sérieux doutes sur la nature de ma meilleure amie mais j'étais cependant persuadé que si elle évoluait dans un environnement stable et aimant elle n'aurait jamais à souffrir de la haine qui nous fait, nous, lycanthropes, nous transformer. C'est la douleur, la tristesse et la peur qui guident nos états. Nulle personne saine d'esprit ne deviendrait un loup-garou si elle se faisait mordre. Une personne pleinement heureuse et équilibrée mourrait avant même une éventuelle transformation.
J'ai menti à Viktor. Je lui ai assuré qu'Alicia ne subirait jamais le même sort que sa mère. Ils doivent me détester pour cela. Seulement il fallait qu'il l'aime, il fallait impérativement que Viktor aime Alicia pour qu'elle reste en vie et qu'elle ne se transforme jamais. Ce qui s'est passé avec Sonja a tout gâché, je l'ai su au moment même où elle a tué ces vampires du conseil. La haine de mon père, toute aussi destructrice qu'à son état originel, était en elle. J'ai échoué. Je m'étais promis que cela ne lui arriverait jamais et j'ai échoué. Lamentablement échoué. Je ne suis même plus digne d'être à côté d'elle après cela. Elle va me détester pour mes mensonges et elle aura bien raison. Nous aurions du le lui dire. Viktor aurait du lui dire pourquoi il avait peur de la toucher, peur de l'aimer. Il avait tout bonnement peur de devoir la tuer si elle devenait incontrôlable. Comment un père peut-il réussir à vivre avec cette crainte ?
Il n'a rien dit. Il s'est contenté de la poser.
Elle n'a rien dit. Elle s'est contentée de fixer le plafond.
Ilona est entrée, elle avait l'air en colère contre Viktor. J'ignore encore pourquoi. Elle a observé sa fille, elle m'a observé, elle a observé Sélène, Aida et Vilhelmina. Elle n'a rien dit. Elle s'est contentée de lui prendre la main.
Et moi, j'ai juste claqué la porte.
J'ai couru. Je fuyais. Je ne voulais pas voir ma meilleure amie dans cet état. Je ne voulais pas voir cette famille en souffrance. Cela me rappelait beaucoup trop que je n'ai rien pour ma part. Rien de plus que des souvenirs flous qui ne sont pas les miens. Je ne voulais pas croiser le regard des trois humaines. Je ne voulais pas voir la perte dans leurs yeux. Cela me rappelait beaucoup trop que moi, je n'ai rien à perdre. Sauf peut-être Alicia. Sauf que c'est comme si je l'avais perdue cette nuit là. Elle ne sera plus jamais la même. Elle ne pourra plus jamais vivre comme avant, pas avec ce qu'elle vient de vivre, c'est impossible.
Je me suis écroulé, dans un coin. Je voulais remonter le temps, retourner en arrière pour tout empêcher. Hélas c'était impossible.
J'ai senti les regards des vampires se poser sur moi. Ces idiots ne peuvent comprendre ce que je ressens. Il est tellement compliqué de comprendre la haine du loup à moins d'en être un. Peu ont ce talent. Ma mère l'avait. Ma mère est morte. Viktor réussi à accepter Ilona, c'est pour cette raison que je ne parviens pas à le détester. Il sait. Il sait ce que l'on ressent.
Janelle s'est accroupie à ma hauteur. Elle m'a enlacé les épaules. Je me suis dégagé de son étreinte. Elle n'est pas ma mère. Elle peut faire tous les efforts du monde, elle ne remplacera jamais ma mère. Alors je l'ai chassée. Elle a revêtu un instant un air triste, avant de me sourire et de s'éloigner.
Mon oncle est passé. Il a voulu me parler. Je voyais dans son regard qu'il était intrigué. Je déteste ce regard. Markus ne rêve que d'une chose, faire sortir mon père, son frère, de sa prison. C'est pour cela qu'il s'intéresse à tout ce qui touche aux loups. Il cherche un moyen une solution. Alicia n'est pas un moyen. Je ne suis pas un moyen. Alors je lui ai juste ordonné de partir. Il a insisté, a posé une main sur mon épaule.
Je l'ai griffé. Son sang si précieux a taché le sol de pierre poussiéreuse.
Il n'a rien dit. Il s'est contenté de hocher la tête avant de partir.
Jolan est passé dans le couloir. Il n'a rien dit, il s'est assis à côté de moi. Il a posé une main sur mon épaule. Il n'a rien dit, il s'est contenté de rester là. Sa mère est passée, puis son père, ses frères. Ils n'ont rien dit, ils se sont contentés de passer leur chemin.
Et moi je n'ai rien dit, je me suis juste contenté de laisser couler mes larmes.
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Je n'ai pas hésité lorsque Viktor a proposé de me transformer immédiatement en vampire.
Cela fait à présent quatre semaines que je suis dans ce nouvel état et cela fait également une semaine que Manuel a emmené mes nièces. Il a promis qu'il leur trouverait un foyer, un endroit sur où personne ne viendrait les trouver, pas même Viktor. Je ne comprends pas pourquoi il est méfiant. Pour moi Viktor m'a sauvé la vie. Alors je ne comprends pas Manuel. Mais comme Viktor semble lui faire confiance alors je fais de même.
Aida a pleuré. Vilhelmina aussi. Moi je n'ai versé aucune larme. Je ne pleurerai plus.
Je me vengerai. Je les vengerai. Je vengerai mon père, je vengerai ma mère, je vengerai ma sœur et son mari, même s'il faut pour cela que j'y consacre toute l'éternité. Je ne vivrai que pour leur rendre justice.
Mais je protègerai aussi Alicia. Parce qu'elle est le dernier lien entre ma famille et le monde dans lequel je vis. Et c'est la seule personne, hormis Viktor en qui je peux avoir confiance. Les autres me regardent étrangement. Je crois que c'est à cause de la sœur d'Alicia. Il parait que je lui ressemble. C'est Ilona qui me l'a dit. Elle tenait la main d'Alicia, elle avait le regard ailleurs. Mais c'était sa mère, alors elle doit mieux savoir que quiconque à quoi elle ressemblait. Je n'ai que de vagues souvenirs, je ne l'ai vue qu'une seule fois. J'ignore comment elle est morte. Je sais juste que cela a un rapport avec la guerre qui vient d'éclater.
Ilona a promis de m'en parler. Elle a promis de me parler aujourd'hui après le conseil. J'appréhende. Elle est un peu froide par moment. Je crois qu'elle ne m'aime pas.
Alicia ne parle toujours pas. Elle fixe le mur. Chaque jour qui passe, elle fixe le mur. Dans quelques heures ce sera le printemps. Dans quelques heures elle aura une année et plus. Elle regarde le mur. Je lui tiens la main. Elle regarde le mur. Je suis certaine que même si je hurlais elle regarderait toujours le mur. Le mur n'a rien de particulier. Il est froid, apaisant. Comme Viktor.
Je murmure à Alicia que je reviendrai plus tard. Elle ne dit rien. Je sais qu'elle m'entend. Un jour elle parlera, j'en suis certaine. Un jour elle se lèvera parce que je sais que nous avons cela en commun. Alicia est une guerrière. Elle n'abandonne pas.
Ilona m'a dit qu'elle avait sauté parce qu'elle s'était transformée en loup. Je ne peux pas être dégoutée de sa nature pour cette raison. Elle ne voulait pas être comme cela, elle n'a pas choisit, elle est née avec cette capacité dormante. Et elle est de mon côté, je le sais, j'en suis certaine. Je ne veux pas plus de détails sur elle ou Manuel, savoir que ce sont des alliés me suffit amplement.
Je pousse la porte. Le conseil vient de se terminer. Ilona doit avoir regagné sa chambre.
Sélène se dirige presque mécaniquement jusqu'à la porte des appartements de la femme de Viktor. Celui-ci en sort justement. Il a l'air en colère, cela ne sort pas vraiment de l'ordinaire. Il la salue, mais semble pressé alors Sélène n'a pas le temps de finir de s'incliner. La jeune femme toque à la porte.
_ Entre. Dit la voix d'Ilona. Celle-ci semble brisée, comme si sa propriétaire venait de pleurer.
Sélène obéit et rentre dans la petite pièce. Elle est surprise qu'elle ne soit pas un peu plus grande. Après tout, Ilona a presque le même statut que les aînés en raison des ses particularité et de son rôle décisionnel. Elle semble tout de même bénéficier d'une salle de bain privée, ce qui est presque un luxe.
La chambre est remplie de livres, on dirait presque la bibliothèque de Tanis. Quelques affaires sont posées sur le fauteuil près de la fenêtre dont les rideaux sont ouverts. Ilona ne craint pas le soleil, il est très courant de la croiser dans les couloirs en pleine journée ou bien même qu'elle s'absente pour des raisons qu'elle ne divulgue pas mais qui semblent être connues des aînés. Des montagnes de parchemin camouflent un petit bureau. Des dessins traînent sur le sol, des crayons cassés sont éparpillés dans toute la pièce. Le désordre est certes prononcé, mais il est apaisant. Il tranche avec l'aspect lisse et rangé des appartements de Viktor.
_ Assied toi, je t'en prie. Dit doucement Ilona en montrant son lit à Sélène.
_ Merci Dame. Répond Sélène avec le respect de circonstance.
_ Pas de « Dame » qui ne tienne avec moi ! Réplique l'hybride. Tu peux m'appeler Ilona. Quand au vouvoiement, c'est toi qui décide, je ne m'en offusquerais pas si tu décidais d'être familière avec moi. Nous serons amenées à nous côtoyer, alors autant partir sur de bonnes bases.
_ Bien entendu. Répond Sélène sans vraiment savoir comment se comporter finalement.
Ilona prend place sur le lit aux côtés de Sélène. Elle semble chercher ses mots quelques instants avant de prendre son souffle et de lui expliquer qu'elle aimerait qu'elle ne l'interrompe pas trop souvent durant le récit qu'elle s'apprête à lui faire. La jeune femme acquiesce.
_ Tout d'abord je tiens à ce que tu saches que je ne te déteste pas, contrairement à ce que tu peux penser. Tu ressembles à ma fille aînée décédée et Viktor aimerait que tu combles le vide de son absence, ce que je ne cautionne pas. Mais c'est un problème que je règlerai avec lui, tu n'as pas à t'en soucier. Toujours est-il qu'il faut bien que tu retiennes que je ne te déteste pas. Je ne serai jamais ta mère parce que c'est au dessus de mes forces, mais je te promets d'être au moins une amie ou tout du moins une personne de confiance, parce que tu en auras besoin. Tu es entrée dans un monde sombre Sélène.
L'ancienne humaine hoche la tête. Ilona enchaîne en expliquant ce qu'elle est et pourquoi elle est ce qu'elle est. Elle passe sous silence ce qui concerne William, cela n'est pas important que Sélène le sache pour le moment. Elle parle d'Alicia et de Manuel. Lorsque Sélène lui demande qui est son père elle se tait. La jeune femme s'excuse. Ilona hausse les épaules en lui indiquant qu'elle n'a pour le moment pas l'utilité de le lui dire. Ilona lui cache peu de choses. Allant même jusqu'à lui expliquer pourquoi son père avait des ennuis.
_ Les vôtres auraient-ils aussi tué mon père s'ils étaient arrivés avant les lycans ? Questionne-t-elle.
Le silence d'Ilona est éloquent. Sélène blêmit, mais ne veut cependant pas y croire. Alors elle n'écoute qu'à moitié ce que lui dit ensuite la femme de Viktor. Lorsqu'elle achève enfin son récit, Sélène pose la question qui lui brûle les lèvres depuis des mois.
_ Je sais que ce n'est pas très poli de vous demander une telle chose, mais j'aimerai comprendre.
_ Quoi donc ? Demande Ilona, même si celle-ci a une vague idée de l'interrogation qui taraude son interlocutrice.
_ Comment est décédée Sonja ? Questionne-t-elle, mal assurée.
Ilona prend une grande inspiration. Elle se lève, fait le tour de sa chambre en passant plusieurs fois la main dans ses cheveux. Elle réfléchit à ce qu'elle peut dire ou non, avant de finalement se décider à parler, d'une voie morne et cassée.
_ Elle a été exécutée. C'est Viktor qui a signé l'acte.
Sélène frissonne. Elle comprend mieux pourquoi personne n'en parle. Mais plusieurs interrogations subsistent tout de même. Ilona lui fait signe de se taire lorsqu'elle se rend compte qu'elle s'apprête à lui demander des précisions. Elle fait de nouveau le tour de la chambre. Cette fois-ci elle semble prête à pleurer.
_ N'en parle jamais à Viktor. Insiste Ilona.
Sélène acquiesce. Cela ne lui serait jamais venu à l'esprit d'aborder le sujet avec l'aîné.
_ Alicia a assisté à tout.
Sélène a l'impression de recevoir un coup de poignard en plein cœur. La compassion qu'elle éprouve vis-à-vis d'Alicia se renforce. Les mots de sa mère résonnent, ils sont douloureux. Mais cela fait une chose supplémentaire, en commun, à Sélène et Alicia elles ont connu la mort de près. Mais une dernière question subsiste, lui brulant les lèvres.
_ Pourquoi ?
Ilona respire bruyamment. Elle marche à nouveau avant de s'immobiliser devant Sélène pour lui indiquer qu'elle ne pourra pas lui en dire davantage après les prochains mots qu'elle prononcera. La jeune femme hoche la tête, elle est déjà vraiment reconnaissante envers Ilona pour toutes les informations qu'elle lui donne sans lui mentir.
_ Elle a trahi son espèce. Enfin… hésite-t-elle, c'est tout du moins la version officielle.
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Alan et Erik marchent rapidement dans les couloirs du château en tentant d'être discrets. Les jumeaux âgés d'un quart de siècle n'ont pas envie que leur plan échoue, il est important, voire crucial, qu'il réussisse. Erik fait signe à son frère que la voie est libre. Alan se hâte de passer dans le couloir adjacent en tenant fermement un paquet sous son bras. Il est enveloppé dans une couverture et semble être vivant.
_ Aie ! Laisse échapper celui qui tient le paquet. Il me mordille les doigts ! Proteste-t-il.
_ Chut ! Lui intime son frère. Tu vas nous faire repérer.
_ De toute façon Viktor s'en rendra très vite compte. Bougonne Alan. Ce n'est pas le dernier des abrutis tout de même. Et de plus, il est tout le temps dans la chambre d'Alicia. Ce n'est pas une bonne idée !
_ C'est de notre cousine que nous parlons ! Rétorque Erik. Que voulais-tu lui offrir d'autre pour ses quinze ans ? Une poupée ? Demande-t-il avec sarcasme.
_ Bien sur que non idiot ! Je pensais juste à un cadeau un tout petit peu moins sauvage, un chiot ça aurait été parfait ! Répond-il en changeant le curieux paquet de bras.
_ C'est du pareil au même. Réplique Erik. Maintenant tais-toi, je vois Tanis !
En effet, l'historien traverse le couloir dans lequel se trouvent les fils d'Olek. Il porte une énorme pile de parchemins dans ses bras tout en discutant avec un des nouveaux conseillers. Les jumeau cache le paquet remuant et à présent jappant, derrière eux et servent leur plus magnifique et innocent sourire aux deux vampires qui les regardent d'un air suspicieux. Ils s'arrêtent un instant en entendant le bruit mais finissent par reprendre leur route en se faisant la réflexion qu'ils n'ont aucune envie d'être impliqués dans la nouvelle bêtise des jumeaux. Le danger passé, les deux jeunes hommes reprennent eux aussi leur chemin vers la chambre d'Alicia.
_ Je t'avais bien dit qu'il fallait lui faire faire ses besoins avant ! Gronde Alan en contemplant la couverture à présent poisseuse.
_ La guigne… Grommelle Erik. On ne peut pas le lui donner dans cet état… Débarrassons-nous de la couverture ! De toute façon il ne nous reste que quelques mètres à faire.
Alan débarrasse le cadeau d'Alicia de sa couverture et le pose sur le sol le temps de trouver une chambre ouverte dans laquelle envoyer le linge souillé. Erik fait le guet. Mais lorsque les jumeaux ont enfin réglé leur petit accident de parcours, ils s'aperçoivent que le cadeau en question a profité de leur inattention pour se faire la belle. Ce sont les cris des vampires surpris et presque effrayés qui leur font comprendre que le louveteau qu'ils comptaient donner à leur cousine sillonne à présent les couloirs menant aux appartements des différents vampires.
_ On est morts. Déclare Erik. Jorick va vraiment mettre ses menaces à exécution et nous attacher à un arbre en pleine forêt.
_ Tais-toi et cours ! Réplique Alan en se lançant à la poursuite du petit loup.
Les deux jeunes vampires courent le plus vite possible pour tenter de mettre la main sur « le cadeau » avant qu'un aîné ne les précède. Alors qu'ils aperçoivent le louveteau en train de gratter à une porte, un flot de jurons parvient à leurs oreilles.
_ Alan ? Demande Erik.
_ Oui ? Répond son frère en se raidissant en reconnaissant la voix qui vient de retentir dans le couloir.
_ Où as-tu envoyé la couverture ?
_ Et bien de toute évidence, je crois que c'est Viktor qui en a hérité. Dit-il en commençant sérieusement à craindre pour sa sécurité.
L'aîné apparait en brandissant le linge odorant, vociférant que les coupables ont intérêt à avoir une bonne explication. Son regard assassin se pose sur ses neveux qui déglutissent péniblement. Puis lorsqu'il dévie un peu et tombe sur le louveteau qui a réussi à ouvrir la porte, Alan et son double sentent leurs cœurs accélérer. La situation est proche du désastre. Olek, que les cris de Viktor ont alerté, fait son apparition à l'autre bout du couloir, les garçons sont cernés.
_ Heureux de t'avoir connu frangin. Dit théâtralement Erik.
Les deux jeunes vampires se précipitent dans la chambre de leur cousine en désespoir de cause, avec un peu de chance, leur père trouvera la plaisanterie amusante, même si ce n'était pas censé en être une… Viktor et Olek, anticipant leur fuite les suivent de près et Alan n'a pas le temps de fermer la porte derrière lui. Les deux plus âgés rentrent également dans la chambre.
Viktor se lance dans l'un des plus beaux et fleuris sermons de toute l'histoire des vampires tandis qu'Olek a bien du mal à ne pas rire en imaginant la surprise de son beau-frère en trouvant la couverture du louveteau dans sa chambre. Les jumeaux se taisent, trop heureux d'être encore en vie après leur erreur. Lorsque Viktor se calme enfin et leur demande la raison de la présence d'un louveteau à peine sevré dans le château de leur père, les deux fils d'Olek ne savent quoi répondre. L'attente de l'explication n'est cependant pas très longue car un éclat de rire trouble le silence pesant qui règne dans la pièce sombre.
Les quatre vampires se retournent avec une lenteur presque artificielle pour découvrir Alicia, riant aux larmes devant le spectacle qu'ils offrent. Viktor est stupéfait, son regard passe alternativement des jumeaux, qui affichent un air de triomphe, à sa fille, qui n'a pas du rire de cette façon depuis une éternité, et au louveteau qui a pris place sur le lit d'Alicia et qui semble très à son aise dans les bras de cette dernière. Olek affiche un grand sourire et après avoir prodigué à ses fils une légère tape sur l'épaule, éclate de rire à son tour devant le comique de la situation et surtout le soulagement de voir enfin sa nièce sortir de son mutisme. Viktor ne dit rien, mais laisse tomber la couverture poisseuse sur le sol tant il est surpris.
_ Ton cadeau te plait-il ? Demande avec malice Alan.
Alicia acquiesce entre deux éclats de rire. Rire qui attire d'ailleurs beaucoup de monde. Sélène et Ilona, qui discutaient dans la chambre de cette dernière ont accouru en entendant le bruit. Elles sont à présent médusées devant le spectacle qui s'offre à elles. Viktor s'apprête à ressortir de la chambre lorsque sa fille l'interpelle en reprenant son souffle.
_ Puis-je garder Mistral ?
Viktor sursaute. Ainsi le loup a déjà un nom… Pense-t-il en se faisant la réflexion que c'est certainement la journée la plus étrange de toute sa vie. Il bredouille un « oui » très peu convainquant, mais il n'a pas vraiment le cœur de lui refuser quoique ce soit en ce moment. Il ajoute tout de même alors que les jumeaux affichent un sourire béat qu'elle a intérêt à ce qu'il devienne rapidement propre s'il ne veut pas finir en descente de lit. Puis, en se tournant vers Alan et Erik, trop heureux à son goût, il annonce que sa chambre a besoin d'un grand ménage, et ce immédiatement. Sa voie est effrayante et Erik se demande s'ils ne feront pas office de serpillière avec son frère. Viktor ne leur laisse pas plus le temps de la réflexion et les attrape chacun par une oreille pour les mener à sa chambre. Leurs plaintes de douleur raisonnent dans le couloir alors que la chambre d'Alicia se vide progressivement. Sa famille préfère la laisser seule pour être certaine qu'elle ne va pas replonger d'une seconde à l'autre, dans l'apathie.
Le calme revenu, Alicia caresse avec douceur Mistral qui vient de se rouler en boule contre ses genoux. Son poil est aussi doux que la soie et est d'un beau brun qui rappelle les feuilles d'automne lors de la fête du village de Sélène, durant laquelle Alicia a dansé pour la première fois de son existence. Le louveteau s'endort, épuisé par sa course folle dans les couloirs. L'adolescente se fait la réflexion qu'il est plutôt malin d'avoir directement trouvé sa chambre sans se tromper. Elle le caresse avec tendresse pendant de longues minutes avant de décider qu'il est temps pour elle de se relever. Elle ne s'est que trop laissée dépérir, il est temps qu'elle agisse. Aussi saute-t-elle de son lit avec énergie. Recevoir un loup de la part de ses cousins lui donne le sentiment de revivre. Ses cousins lui ont offert un cadeau, ils ne se sont pas apitoyés sur son sort à l'instar des autres vampires, non, ils se sont comportés normalement envers elle et lui ont offert un cadeau d'anniversaire. Le premier de sa vie.
Elle se défait de sa chemise de nuit et file à la salle de bain adjacente, qu'elle partage avec Sélène. Après une brève toilette, elle enfile une tunique et un pantalon propre. Elle lasse ses scandales et tente d'attacher ses longs cheveux bouclés. Elle échoue une bonne demi-douzaine de fois avant de se résoudre à se servir de la paire de ciseaux qui trône sur sa coiffeuse. D'un geste assuré elle coupe les mèches noires qui tombent en une pluie funeste sur le sol. Lorsque ses cheveux sont suffisamment courts pour ne plus retomber sur ses épaules elle cesse son ouvrage et rassemble les mèches qu'elle brule dans la cheminée. Elle observe le brasier quelques instants avant de prendre une grande inspiration et de pousser la porte de sa chambre. Elle jette un coup d'œil au louveteau qui s'est réveillé en la sentant s'agiter et lui fait signe de la suivre.
Alicia s'engage dans les couloirs, Mistral sautillant joyeusement autour d'elle et jappant à chaque rencontre avec des vampires. Ses derniers ne manquent, par ailleurs, pas de s'arrêter devant le duo atypique. La fille Viktor n'y prête aucune attention et continue son chemin. Elle salue poliment Tanis qui sous le choc, laisse tomber sa pile de parchemins. Alicia se dirige avec résolution vers la cour. Le jour commence à se lever et les vampires rentrent se mettre à l'abri des rayons mortels du soleil. L'adolescente gravit les escaliers qui mènent aux remparts du château de son oncle avec vigueur et ne s'arrête que lorsqu'elle ne peut plus monter. Alicia se dirige, toujours avec Mistral, vers le bord des créneaux, elle y pose ses mains, s'appuyant dessus et fixe avec intensité l'horizon.
L'astre du jour ne tarde pas à l'envelopper de sa vive lueur, dégelant son cœur, resté en hiver. Les doux rayons commencent à faire fondre la neige, des fleurs percent déjà la fine couche qui reste encore sur le sol, les animaux ressortent de leurs abris, la nature renaît, c'est le printemps.
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Fin du premier tome
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