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Enflammé

Summary:

Je connaissais les risques, je savais très bien que ce choix me serait fatal. Mais c’était plus fort que moi, plus fort que tout. Dès que je l’ai vue, j’ai su. J’ai su que je devais l’avoir ou mourir. Malheureusement, ce n’est qu’après que j’ai compris l’ironie. Que j’allais mourir par sa faute. De sa main, le diable au corps.

Notes:

Cette Fanfiction a été écrite dans le cadre du fest’ organisé par FESTUMSEMPRA sur le thème « HIVER »
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La liste complète des œuvres participantes à cette troisième édition sera disponible à partir du X décembre 2021. Le lien vous sera partagé à ce moment-là sur AO3 dans notre collection Winter Fest :
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(See the end of the work for more notes.)

Work Text:

Le problème, c’est que les humains ont un don pour désirer ce qui leur fait le plus de mal.    

Il relève les yeux du papier, étonné des propos. Pourquoi a-t-il écrit cela ? Ça ne lui ressemble pas. Mais les années ont passées ; il se doute que le temps a œuvré, que les souvenirs se mélangent entre eux.  

Je connaissais les risques, je savais très bien que ce choix me serait fatal. Mais c’était plus fort que moi, plus fort que tout. Dès que je l’ai vue, j’ai su. J’ai su que je devais l’avoir ou mourir. Malheureusement, ce n’est qu’après que j’ai compris l’ironie. Que j’allais mourir par sa faute.

Ses sourcils se froncent : n’aurait-il pas pu tourner cela autrement ? Vraiment, ça sonne si dramatique, si macabre...  

D’ailleurs, si tu lis ces mots, c’est que je suis mort.  

Il repose sa plume. Décidément, l’heure n’est pas venue, le moment n’est pas propice pour cette relecture. 

Poussant sur ses genoux fatigués, il se relève avec l’appui du bois, contre cette table qui a supporté tous ses courriers ; les contrats qu’il a rédigés, les demandes qu’il a formulées, les questions qu’il s’est posées... 

Il jette un dernier regard sur le secrétaire qui referme ses derniers secrets avant de tourner les talons. Demain, oui, demain sera le bon jour. 


La porte se referma sur le cri de la jeune fille. 

Un sourire amusé égaya ses traits avant de reprendre un air neutre ; Slughorn se dirigeait vers eux. 

« Messieurs, quel est l’origine de ce vacarme ? » 

Il prit un air innocent, son complice faisant de même. 

« Nous n’en avons pas la moindre idée, ce sont les toilettes des filles, monsieur. » 

Pas dupe, le professeur fronça son nez avant de se tourner et de toquer contre la porte en bois. 

Les deux garçons s’éloignèrent, riant sous cape. Mais ils n’allèrent pas loin, une nouvelle venue les attendait de pied ferme quelques mètres plus loin. 

« Vous avez pas fini d’embêter les premières années ? » 

Ils échangèrent un regard, éclatèrent de rire. 

« Laisse tomber, ce sont des crétins ! » 

La voix était inconnue, même s’il la connaissait de vue. La meilleure amie de la Préfète-en-chef. Bien sûr qu’ils la connaissaient ! Le léger accent tinta à ses oreilles comme un millier de cloches, une douce mélopée, un chant de sirène. Il n’avait jamais été très touchée par le physique des filles, leur intellect clairement déficient dès qu’elles ouvraient la bouche, malheureusement pour celles qui lui courraient après.  

Mais qu’on lui donne les intonations d’un son, le son d’une inflexion, l’inflexion d’une mélodie - et voilà qui le marquaient plus. Enième souvenir des ballades réconfortantes que sa mère lui chantonnait durant son enfance, puis sa nourrice, puis... Il secoua la tête tandis que la seconde fille, dont l’écusson indiquait Serdaigle, tirait la première. 

« Allez viens, ne perdons pas de temps ! 

- Mais Grâce ! » 

Grâce... Un prénom aussi doux que ses traits, dont la mélodie du ton ne le laissait pas de marbre.

« Eh bien, tu en fait une tête ! » 

Il cilla, légèrement interloqué de se retrouver face à son meilleur ami. 

« Je vais bien ! 

- T’as pas l’air ! » 

Décroisant ses bras – quand les avait-il croisés ? - il changea de sujet. 

« Le dernier arrivé au dortoir s'occupera du mucus de Veracrasse ! » 


Il n'avait jamais cru voir arriver ce jour, où son expérience de séducteur lui ferait défaut. 

Elle le toisa de la tête aux pieds. 

« Toi ? 

- Oui. 

- Tu m’invites ? 

- Oui. 

- Moi ? 

- Oui. 

- Ce weekend à Pré-au-lard ? 

- Tu comptes répéter tout ce que j’ai dit ? », finit-il par demander, cachant autant que possible son agacement. 

Un éclair amusé passa dans son regard, dénotant avec l’attitude flegmatique qu’elle démontrait. Il s’en doutait ; qui pouvait résister au charme de son sourire ? 

« Non, c’est pour être sûre d’avoir bien entendu. 

- C’est une proposition très sérieuse. 

- Je n’en doute pas. Et tu veux une réponse, j’imagine ? » 

Hochant la tête, il ne la quitta pas du regard. Ses paumes étaient moites, son uniforme collait à sa peau, mais la réponse semblait évidente : elle allait forcément accepter, elle allait forcément lui dire... 

« La réponse est non. » 


Il y a des bribes de mots qui le touchent plus que d’autres. Des segments qu’il analyse et relit à la lueur des bougies.  

Les flammes de l’âtre meurent tandis qu’il renaît, porté par une énergie nouvelle, un feu vivace. Il avait oublié l’effet exaltant que de lire des mémoires rédigées avec soin.

Sauf que ce ne sont pas tout à fait des mémoires. Plus des bribes, des fragments, des pensées...

L’éclat au-dehors le prend par surprise ; le jour se lève, déjà. Et il est encore là. Les souvenirs attendront. 


« Zabini ! » 

Il releva la tête du devoir qu’il détruisait sciemment. Elle avait osé, elle avait osé refuser ! Cette ingrate, cette petite sotte, la garce ! 

« C’est vrai que tu as... 

- Oui, c’est bon, passe à autre chose ! » 

Les sourcils haussés, son meilleur ami ricana avant de s’asseoir près de lui. 

« Je parle de Quidditch, et toi ? » 

Grognant, il rejeta la tête en arrière, irrité par lui-même, avant d’avouer : 

« J’ai proposé à une Serdaigle de sortir avec moi. » 

- Une Serdaigle ? Mais... » 

Un sourire goguenard s’étira sur la bouche du blond, qui réprima un rire face à l’air courroucé de son camarade. 

« La copine de notre préfète ? » 

Un grommellement fut sa seule réponse. 

« Elle s’appelle comment déjà ? Callisty, Calliste, Callisting ? 

- Calliston », murmura-t-il du bout des lèvres. 

 D’un sort, le garçon finit venir à eux une bouteille d’alcool, qu’il déboucha d’un petit geste avant de la lui tendre. Zabinin renifla, quel frimeur. 

« Et elle a dit oui ? 

- Non. 

- Ah. » 

Buvant à son tour, le jeune homme haussa les épaules. 

« Eh bien, tant pis pour elle. Il y a plein de filles qui vendraient père et mère pour sortir avec toi, ici. » 

Reprenant la bouteille, Zabini fixa son regard au loin. Greengrass était mignonne en effet, mais on l’avait mis en garde. Et Parkinson pas assez belle. 

Il avala une rasade du liquide ambré. Non, décidément, il aurait cette stupide peste, même si c’était la dernière chose qu’il ferait.


La tablée silencieuse n’osait dire un mot, attendant le verdict du patriarche.  

Le vieil homme reposa sa coupe d’un geste lest, s’essuyant les lèvres lentement.  

« Et tu comptes épouser cette jeune femme que tu courtises ? » 

La voix doucereuse sonnait tel un avertissement dans le calme de la pièce, ses prochains mots seraient examinés, évalués avec soin. 

Il ne se laissa pas intimider.  

« En temps voulu, Grand-père. » 

Un sourire apparut sur le visage ridé, il était un digne fils Zabini après tout, il en avait la prestance et la fougue. 

« Que savons-nous d’elle ? » 


Ses mains tremblent alors qu’il attrape les parchemins, jaunis, écornés par l’usure du temps. 

Il aimerait reprendre sa lecture, mais ses yeux lui font défaut, sa poigne n’est plus aussi assurée, ses pensées aussi limpides. 

A-t-il vraiment refermé ce tiroir il y a déjà cinq ans ? 

De quoi a-t-il peur ? Il connait ses lettres, leur contenu - à une époque, il pouvait les réciter par cœur. Passé révolu. Age d’or de sa jeunesse révolue. Décadente. Terrifiante. 

Ses yeux se ferment, las.  

Il aimerait partir, finir cette dernière tâche qu’il s’impose. Mais la force lui manque, physique, mentale. Comme si elles ne sont que le reflet de l’autre, comme si le poids des années l’a rattrapé sur tous les terrains. Finalement. Il a survécu à une guerre après tout, et à plus d’un drame familial. 

Il sort le parchemin, reprend sa lecture.  


« Il est encore temps d’arrêter. » 

Les doigts au bord des lèvres, elle semblait prête à ronger un ongle parfaitement manucuré, avant de se rappeler à elle-même.  

« Je vais finir par croire que tu ne veux vraiment pas de moi. » 

Elle le fusille du regard, agacée mais surtout inquiète. 

« Arrête de rire, l’heure n’est pas propice à tes traits d’esprit... » 

Ses yeux ne pouvaient pas la quitter, même quand elle butait sur ses mots, sa grâce demeurait indéniable.  

Elle était belle, si belle. Il se doutait qu’elle le savait, qu’elle en jouait même. Ses yeux noirs en amande laissait entrevoir mille façons de le torturer, alors qu’il ne voulait que se réchauffer à la flamme de son regard.  

Ses lèvres pulpeuses promettaient monts et merveilles, ses lourds cheveux tournoyant autour de son ravissant visage. Si la perfection s’était faite femme, nul doute qu’elle aurait pris les traits de celle-là.  

Femme entre les femmes, elle les éludait toutes, avec sa ravissante voix, son sourire en coin, son nez retroussé. Non contente d’être la plus belle, elle brillait le plus, avec sa répartie mordante, son humour intelligent, son esprit critique.  

Elle était parfaite.  

Et parfait imbécile, il avait mordu à l’hameçon.  

Jusqu’à ce jour fatidique où marchant de long en large, elle se tordait les mains, marmonnant, priant pour ce qui semblait être une solution, un miracle.  

Il releva la tête, la dardant de son regard inquisiteur : si elle voulait se confier, qu’elle le fasse. Mais vite, elle lui donnait le tournis à tergiverser de la sorte.  

« Je dois te dire un secret. » 

Il haussa un sourcil, il n’avait pas le temps pour ces simagrées.  

« D’accord. » 

Se rasseyant sur la coiffeuse, face à lui, elle reprit.

« Ma famille est.. Enfin les filles de ma famille sont… Enfin, si ma famille a fui la Grèce, c'est parce que... » 

Elle s’arrêta, inspira, souffla. Puis planta ses yeux résolument dans les siens.  

« Tu vas mourir si tu restes avec moi. » 

Ses sourcils se froncèrent, étonné de ses propos. Cherchait-elle à le repousser ? N’avait-elle rien trouvé de mieux ? Il eut un petit rire.  

« Il faudra plus que ça pour te débarrasser de moi. » 


Les fiançailles avaient eu lieues, et voilà qu’elle remettait ça la veille du mariage.  

« Tu ne devrais pas… On peut encore arrêter. » 

La grimace laissait entendre à quel point l’événement serait mal vu, mal reçu. Mais elle semblait décidée une nouvelle fois à plaider sa cause, son laïus prêt à être déroulé. 

« Encore ton histoire de malédiction ? » 

Un pauvre rire lui échappa, dérisoire face à l’angoisse qui étreignait sa fiancée.  

« Tu devrais me prendre au sérieux, Zabini. »  

Son regard sérieux le figea sur place, autant de clous qu’il sentait s’enfoncer dans sa chair brûlante. 

« Et moi, je te répète que je comprends. Je comprends, et je m’en fous. » 

Grâce leva les bras au ciel, clairement atterrée par son comportement. 

« Ne peux-tu pas comprendre, les enjeux... 

- Plutôt sept ans avec toi qu’avec une autre ! » 

Son rugissement les prit tous les deux de court, il ne pensait pas s’énerver de la sorte. Il posa une main apaisante sur son avant-bras. 

« Je veux être avec toi. » 

Mordant ses lèvres, elle avala sa salive avant de répondre, le cœur au bord des lèvres. 

« On pourrait... On pourrait rester… Je n’ai pas besoin du mariage, de cette formalité, pour vivre avec toi... » 

Cette fois, c’était sûr, on jaserait. Son nom serait traîné dans la boue, décrié, synonyme de dépravation, sa famille déshonorée ; de la prunelle des yeux, Grâce choirait pour le titre de mauvaise héritière, dévergondée, traînée. On se mariait, chez les sorciers. 

« J'ai besoin que tu portes mon nom, que tu deviennes Madame Zabini. » 

S’il l’avait respectée jusque-là, avait suivi tous les codes, ce n’était pas pour reculer maintenant, face à l'autel.

« Je refuse que nos enfants, mon fils, naisse sans la protection de mon nom. » 

- Même si tu sais ce qu’il t'en coûtera ? » 

Ses yeux d’amande brillaient étrangement dans la noirceur du début de soirée ; les premières ombres apparaissaient alors que la nuit tombait, d’un noir d’encre, immuable, imposante. Il prit conscience qu’un jour le soleil se lèverait, suivrait son cours, sans le moindre égard pour sa propre mort. 

Un frisson grimpa le long de son dos, jusqu’à sa nuque où il le réprima. Mais rien n’échappait à Grâce, qui continua, opiniâtre.  

« Est-ce que ça en vaut la peine.. ? »  

Il la darda de ses yeux sombres, ses hautes pommettes relevées avec fougue, d’un ton qui n’entendait aucune contradiction. 

« Toi et lui ? Bien sûr que oui. »  

Elle baissa les yeux, vaincue. 


Parfois, il se remémore avec amusement son passé de coureur de jupons. Le mot est mal choisi d’ailleurs : Blaise a l’honnêteté de reconnaître qu’il joue sur les deux tableaux. Comment peut-il en être autrement, avec une mère comme la sienne ? Condamnée à perdre époux sur époux, peu importe ses efforts ou son attachement.  

Il se souvient des pleurs, de la lutte acharnée, des recherches désespérées. En vain. Sa mère avait juré de ne jamais plus aimer ; et elle a rapidement saisi où se situait la faille. Et malheureux, celui qui tombait sous son charme, ils furent néanmoins nombreux.  

Blaise n’avait pas compris alors, il était trop jeune. Mais il avait fini par voir l’indicible, comment elle se débattait contre une malédiction antique, unique héritage ancestral. 

Et tandis qu’elle s’abandonnait dans les bras d’autres femmes, il comprit qu’elle luttait comme elle le pouvait contre l’injustice qui lui avait été faite, éternel vestige d’un temps passé où une aïeule avait refusé le mariage avec un homme car elle en aimait une autre. Ou était-ce lié à ce sorcier maudit dont le nom était tombé dans l’oubli ? 

Il ne le savait pas alors, il ne le sait toujours pas aujourd’hui. De toute façon, il n’est pas concerné : son genre le protège. A croire le potentiel amoureux éconduit foncièrement misogyne. Serait-ce Andros l'Invincible le coupable ? Ou une punition pour les expériences de Herpo ? Ou est-ce là le courroux de Hadès qui n’a pu garder une énième Perséphone ? 

Ses yeux se voilent, car il ne sait pas à dire vrai s’il a échappé ; il ne saura sans doute jamais. L'événement qui a bouleversé sa vie... Malédiction ou simple accident ? Veut-il seulement savoir la sinistre vérité ? 

Il replonge, décidé à terminer coûte que coûte cette dernière lecture. 


Ses doigts tremblent alors qu’il suit les tracés de la plume, quelques termes accrochant ses yeux avec la douleur du recul, du futur qu’il a dépeint et qui s’est réalisé, malgré tout. 

Veuve à jamais.   

Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point.  

Je vais mourir.   

Il faut savoir douter où il faut, se soumettre où il faut, croire où il faut.  

Je crois en toi.  

Ton père qui t’aime.  

Ses poings se serrent, l’envie de tout déchirer, tout envoyer valser le saisit au corps. Mais c’est son unique reliquat. Son unique memento d’un temps passé, où il a été heureux, il a été fier. Conformément aux conseils rédigés, il avait aimé, follement amoureux, avant de tout perdre.


La mer léchait leur orteils, l’écume des vagues fouettant le rivage. L’Italie de sa femme, si chère à son cœur, regorgeait de merveilles ; il se demandait parfois s’il aurait assez d’une vie pour tout découvrir. 

« J’ai lu cette légende une fois, murmura Grâce, d’un être de la mer qui avait aimé un prince. » 

Il se pencha vers elle, entremêlant leurs doigts. 

« Que leur arrive-t-il à la fin ? » 

Son regard se perdit au loin avant de venir se fixer sur lui. 

« Comment crois-tu que ça se finit ? Ils meurent, bien sûr. » 

Le long de la plage, les dernières étincelles du jour disparaissaient lentement, comme à regret, chassées par le soir qui s’imposait. 

Elle observa son alliance, qui scintillait sous les étoiles, éternel symbole du chemin qu'il avait accepté pour lui, sien. Elle n'en avait jamais eu besoin, c'était évidemment pour lui ; lui avait besoin de cadre, de normes sociétales, d'elle. 

«  J'ai écrit une lettre au-cas où, tu sais. » 

Sa bouche se plissa. Elle désapprouvait tout cela, condamnait toutes les démarches qu’il entreprenait en ce sens. Mais elle ne dirait mot, plus maintenant. 

« J’y ai écrit à quel point tu seras une mère fabuleuse. »

Le vent soufflait contre leur visage, énième avertissement que leur choix était audacieux, un pari contre eux-mêmes, en dépit du bon sens, de la vie qui ne demandait qu’à être vécue.  


Si tu lis ces mots, c’est que je suis mort. Que j’aurais capitulé sans trouvé de solution pour contrer le maléfice. Mais sache que je n’ai jamais été aussi heureux que de te tenir dans mes bras, sachant que tu es mon fils, sachant quel homme exceptionnel tu deviendras, avec la mère que je t’ai choisi.   

Cela peut paraître étrange, venant de ma part, de préférer la mort à la vie, de me résigner. Mais tu es la vie, le symbole parfait de notre union, que puis-je espérer laisser de mieux ?   

Je te souhaite un jour d’être dévoré de la sorte comme je l’ai été par ta mère, d’avoir pu te perdre dans un regard et dans des bras de la sorte. Je brûle pour elle, littéralement. Et même si je cours à ma perte en l’aimant, je ne peux décemment pas m’en empêcher. On n’échappe pas à son destin. Moi qui écris ses lignes, en sachant que je vais mourir, comme ta mère, veuve à jamais.  

Nous le savions pourtant, mais "le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point". 

Et le jour où tu comprendras qu’il est vain de lutter, tu connaîtras le bonheur. Le soulagement. "Il faut savoir douter où il faut, se soumettre où il faut, croire où il faut."

Et je crois en toi.  

Ton père qui t’aime, Blaise.  


Les mains noueuses déposent le bouquet de fleurs multicolores. Peu importe l’âge qu’elle a, peu importe les habits sombres qu’elle revêt, elle a toujours eu des goûts extravagants, brillants et colorés. 

La douceur des chrysanthèmes roses se fond sur la palette des blancs, des rouges, et des vermillons ; les pétales ouverts résolument tournés vers le ciel bleu, clair, vide de tout nuage. 

Son regard se pose sur la cime des arbres alentours, le son de l’onde sinueuse lui parvient, qui traverse le lieu de repos. Sa dernière demeure n’est pas dénuée de grâce, de charmes ; elle a bien choisi, comme toujours, ce coin de paradis dans son Italie natale, pas si loin de sa Grèce originaire.

Par habitude, ses pas le mènent jusqu’à elle, belle, stoïque, somptueuse, même à la fin. Un sans faute, elle traversera les âges ainsi. Belle jusqu’au bout. 

Il se penche, pose sa main pour s’appuyer sur la pierre tombale, enfin prêt à lui murmurer les mots qui ont été écrits, dernière supplique d'un défunt mort dans son enfance. Des mots qu’il a chéris depuis son jeune âge, qu'il aurait dû transmettre il y a des années déjà, comme son père l'aurait voulu, mais qu’il ne s’est jamais résolu à prononcer, tant il blâmait sa mère pour la mort de sa famille, de sa seule fille :

« Tu n’es pas quelqu’un de mauvais. Tu es quelqu’un de bon à qui il est arrivé de mauvaises choses. »   

Notes:

Merci à ma beta qui a géré super vite !