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L'hirondelle reviendra-t-elle ?

Summary:

« Une seule hirondelle ne fait pas le printemps ; un seul acte moral ne fait pas la vertu. »

Notes:

Cette Fanfiction a été écrite dans le cadre du fest’ organisé par FESTUMSEMPRA sur le thème « HIVER »
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La liste complète des œuvres participantes à cette troisième édition sera disponible à partir du X décembre 2021. Le lien vous sera partagé à ce moment-là sur AO3 dans notre collection Winter Fest :
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(See the end of the work for more notes.)

Work Text:

Le temps emporte sur son aile, et le printemps et l'hirondelle,

Et la vie et les jours perdus ;

T out s'en va comme la fumée, l'espérance et la renommée.

— Alfred de Musset, A Juana


« Le problème, c’est que les humains ont un don pour désirer ce qui leur fait le plus de mal. » 

Il avait lâché la phrase avec désinvolture, conscient de ce qu’elle provoquerait. 

« Salazar, tu n’y penses pas... » 

Ses yeux perçants se posèrent un instant sur la sorcière ronde qui tentaient d’apaiser le débat. Ce dialogue qui continuait en vain, durait depuis des jours, l’agaçait terriblement. Ne comprenaient-ils pas ? Les risques encourus, la contamination que la vermine ne manquerait pas d’apporter ? 

D’un mouvement négligent, il fit apparaître le thé et les petits gâteaux qu’elle ne tarderait pas à proposer, énième coupure qui faisait durer cette conversation inutile. Du coin de l’œil, il la vit se tendre, piquée. Tout le monde n’avait pas son talent, aussi rien n’agaçait plus Helga que lorsqu’il jouait avec les limites des lois magiques. Mais il fallait s’y résoudre, il était un grand, puissant, émérite sorcier, son avis importait, par Circée. Et son avis ne changerait pas. 

« A trop vouloir jouer au héros, cela se retournera contre toi, contre vous. Contre nous tous. » 

Il les incluait tous dans son propos, cependant il ne regardait que Godric. Lui seul était réellement concerné par ses propos. Son ami d’antan, fidèle, serviable, qui pourtant semblait déterminé à être contre lui aujourd’hui.  

« Nous ne pouvons pas nous abaisser à leur comportement, Poudlard doit rester un lieu d’accueil de tous les sorciers ! » 

La sempiternelle rengaine, le même refrain qui n’en finissait pas. 

« Même si cela nous met tous en danger sur le long terme ?  

- Nos sortilèges Repousse-Moldu sont assez puissants, nous avons paré à cette éventualité ! » 

Les regards s’affrontèrent, deux natures orgueilleuses qui pouvaient déplacer des montagnes ensemble, mais ne pouvaient que se détruire l’une face à l’autre.  

« Le vent tourne pour les sorciers, les Moldus finiront par nous persécuter, et nous leur aurons donné les armes pour ! 

- On ne peut répondre à la haine par la haine, Salazar ! » 

Les lèvres pincées, Rowena les regardait, sans dire mot. Elle était celle qu’il aurait pu convaincre, celle qui voyait comme lui le futur déplorable qui attendait leur espèce, sans leurre. La déchéance des sorciers était en marche, foi de Salazar, elle ne ferait qu’empirer, qui pouvait en douter ? 

Pourquoi alors accueillir leurs rejetons ? Partager avec les enfants de leurs oppresseurs leur savoir et leurs connaissances ? Comment pouvait-il avoir tort de souhaiter garder pour eux les fruits de leur labeur ? Était-il le seul à vouloir les protéger, eux ainsi que leur histoire, leur patrimoine et surtout, leur magie ? 

Mais personne n’osait réagir. La discussion houleuse s’éternisait, il fallait passer à autre chose. 

« Si c’est là votre choix… » 

Helga semblait vouloir dire quelque chose, mais d’un geste Godric la fit taire. Brave petite Poufsouffle, trop naïve et bienveillante pour son bien. 

« Il vous faudra continuer sans moi. »  

Il tourna les talons, sa décision prise. Salazar quitterait Poudlard, bientôt. Une dernière tâche l’attendait avant. 


Ses pas résonnaient sur le Pont de Pierre alors qu’il contemplait le fleuve porteur de nuages en contrebas. L’hiver, encore doux, se faisait désirer dans cette bourgade où Moldus cohabitaient avec sorciers. Comment sinon auraient-ils réussi cet exploit de construire un pont qui survivrait au passage du temps ?  

Salazar n’avait pas besoin d’entendre les histoires de pacte avec un démon qui se chuchotait pour savoir que c’était en vérité l’aide d’un sorcier qui avait permis d’ériger la passerelle. Que Circée l’enterre d’avoir voulu rendre service à ces ignares !  

Comment, depuis leur fichue religion monothéiste, avec un texte sans queue ni tête qui rejetait toutes les magies, pouvaient-ils cohabiter ? Ils étaient destinés à se quereller, si les Moldus continuaient à croire en de pareilles stupidités. 

Enième point pour Salazar qui répugnait à accepter les enfants de Moldus, peu importait leurs pouvoirs ou leurs capacités magiques. Ils charriaient avec eux la mentalité malveillante, dissipant leur venin dans des oreilles crédules et de leurs gènes polluaient les familles sorcières. Salazar avait vu certaines familles prestigieuses se mélanger candidement... Et des ribambelles de Cracmols étaient alors nées.  

D’ailleurs, son propre père n’avait, lui, pas hésité à provoquer en duel, puis tuer, l’homme qui avait osé demander la main de sa sœur. Un sot, d’oser prétendre épouser l’aînée d’une lignée si noble. Ils se croyaient tous permis, ces gueux, et Godric avec ses sentiments nobles, leur donnait raison. 

Que pouvait-on faire avec des ânes pareils qui pensaient avoir tous les droits dans un monde qui n’était pas le leur, n’aurait même jamais dû l’être et ne leur appartenait pas ?  

Il repensa à la salle qu’il avait cachée soigneusement, dans les entrailles de Poudlard. Salazar n’avait nul doute que son héritier la trouverait et relâcherait le monstre qu’elle contenait. Après tout si Herpo avait pu le faire, lui aussi le pouvait – et le monstre fut créée.  

Leur talent héréditaire, cadeau d’un dieu lui-même répétait son père, s’avérait fort utile. Salazar se félicitait de cette dernière idée qui avait traversé son esprit ; si ces crétins ne se doutaient qu’il ne partirait pas à moins d’avoir le dernier mot, c’est qu’ils le connaissaient bien mal.  

Salazar espérait souvent que la découverte soit assez tôt, qu’il la savoure de son vivant. Puis il s’amusait que sa vengeance ne serait que plus douce si les autres Fondateurs mouraient avec l’idée que Poudlard et sa pègre étaient protégés.  


Encapuchonné, il marchait sans peine, ses bottes de cuir de dragon s’enfonçant dans la neige le long du fleuve. Le bruit de l’eau lui rappelait un temps révolu, où il se berçait encore d’illusions passées, de rêves dépassés.  

Bien sûr, il aurait pu transplaner, mais l’apothicaire ne se situait que de l’autre côté. Salazar avançait donc, vers cet ailleurs qu’il imaginait, ce but qu’il se fixait.  

Le froid ne l’avait jamais ennuyé, son père s’était chargé de cette leçon dès son enfance.  

Soufflant sur ses mains, il observa la buée qui se formait à chaque respiration.  

Lui pourtant habitué aux rigueurs de l’hiver, avait renouvelé son sortilège face au froid qui existait en cette partie de l’Europe. 

L’espace d’un instant il se demanda si la chaleur de sa demeure pouvait le réchauffer.  

Salazar secoua la tête.  

Que lui importait de retourner dans sa patrie ? Cette terre où son œuvre se trouvait dénaturée malgré ses mises en garde, où ses héritiers n’avaient plus besoin de lui, où cette fête païenne que célébrait une secte notoire n’avait aucun sens à ses yeux ?  

Personne n’attendait quelque retour prodigue de sa part. Ces dernières années, son foyer avait été Poudlard, et cela non plus n’était plus.  


Il devait reconnaître que cette ville avait un charme que nulle autre ne possédait. Comme un rendez-vous annuel, il se retrouvait chaque année près du château. Il contemplait la basilique où il refusait de mettre les pieds, hésitant à se frayer une place au château à l’aide de quelques sortilèges judicieux. Mais invariablement, il finissait le réveillon à sa table habituelle.  

Noël qu’il passait seul avec ses pensées lui permettait de s’amuser d’un rien, de créer à nouveau des sortilèges comme cela lui plaisait autrefois, quand son père l’enfermait après l’avoir corrigé d’une énième sottise. Salazar avait été un enfant turbulent, sans respect pour les règles. Sa pauvre mère soupirait qu’on ne ferait rien de lui, tout en couvant son petit dernier contre son sein.  

Aurait-elle pu avoir raison ? Salazar savait qu’elle avait, sans le vouloir, nourri son ambition dévorante. Cette envie fulgurante de réussir, d’atteindre la gloire coûte que coûte. Ses succès avaient pour origine le mépris familial de parents trop sévères. Heureusement que lui avait trouvé l’équilibre entre châtiments et encouragements. 

La neige tombait sur les toits tandis qu’il se remettait en chemin. 

Oh, il aurait pu rester ; il affectionnait ses longues promenades matinales le long de la Wlitaua. Mais, quel intérêt, en vérité ? Ce qui l’importait n’était pas ici, pas plus que là-bas, mais bel et bien parti. 

L’alliance qu’il continuait de porter brillait toujours autant.   


Une couleuvre siffla, signe qu’il n’était plus seul. 

Il ouvrit un œil, constatant l’étendue blanche autour de lui. La neige était tombée pendant qu’il se concentrait sur sa magie, sur les pensées environnantes, se ressourçait au contact de la forêt.  

Elle devait être sortie pour trouver son repas, se réchauffer, avant de disparaître à nouveau dans une grotte. L’hiver, Salazar ne voyait que bien peu ses amis les reptiles. Il prenait en revanche le temps de toujours leur parler, la compagnie des serpents étant plus simple que celle des humains.  

« Nous sommes observés. »  

Salazar fronça un sourcil, cherchant la présence qui se dissimulait entre les arbres. Il la trouva rapidement, une jeune fille se tenait là, dans sa cape écarlate. L’air embaumait la magie, une Moldue se serait enfuie. C’était donc une sorcière.  

« Que fais-tu là  ? » 

Elle humecta ses lèvres avant de répondre. 

« Je regarde juste… » 

Un sourire froid étira ses lèvres. 

« Approche, mon enfant. » 

Lentement, elle fit quelques pas dans sa direction, la crainte inscrite sur ses traits. Arrivée au centre de la clairière, elle s’assit face à lui, relevant le menton légèrement.  

Il la contempla en silence, jaugeant si cette petite sorcière semblait digne d’intérêt.  

« Pourquoi m’espionnes-tu de la sorte ? » 

Dans ses yeux dansa une lueur décidée : 

« J’aimerai apprendre aussi. » 

Elle montra du plat de la main l’atmosphère ambiante, la magie qui craquelait autour d’eux.  

« N’as-tu pas de maître ? Où sont tes parents ?  

- Occupés à me chercher un mari. » 

Le ton laissait entendre qu’elle était tout sauf ravie de leur comportement, aussi normal soit-il. Sûrement s'était-elle échappée de quelque cortège chantant, comme cela était la coutume dans ce pays : les jeunes gens espéraient ainsi bonne fortune, chance, mais surtout un bon mariage.

« Et tu pensais le trouver dans la forêt ? » 

Le fusillant du regard, elle ne se laissa pas démonter : 

« C’est sûr que vous seriez parfait... » 

Salazar haussa un sourcil amusé. 

« J’ai l’âge d’être ton père. » 

Elle haussa les épaules, l’air désintéressé.  

« L’âge de tous les maris, il me semble. » 

La gamine était drôle, semblait intelligente même. 

Salazar aimait la logique, les êtres qui savaient ce qu’ils voulaient, se donnaient les moyens de l’obtenir. Et il admirait toujours un peu le courage. Campée sur ses positions, sa verve lui assurait une élève peu conventionnelle, brillante, comme il les aimait. 

« Très bien, montre-moi ce que tu sais faire. Et nous verrons si tu es digne d’être mon élève. » 

Hochant la tête, elle leva sa main, bougea ses doigts – l’air assuré. La surprise passée, Salazar se félicita de la décision prise : il avait hâte de la former. 


Nérida était fabuleuse. Non seulement intelligente, elle maîtrisait la magie sans baguette, contrôlait tous les cours d’eau. Son don était tel que Salazar se demandait si sa famille côté maternelle ne comptait pas quelques nymphes : cela expliquerait ces facilités. Où avait-elle été bénie des dieux aussi, tout comme sa famille avec le Fourchelangue ?  

Salazar se réchauffait à ses côtés, tel un animal à sang froid qui avait besoin de la chaleur d’autrui pour ranimer la flamme en lui. Il lui dévoilant ses secrets, notamment ce qu’il pensait aurait pu améliorer Poudlard. Là où il aurait dû insister : Rowena pensait que l’intellect s’élevait avec un minimum de confort, Helga le ventre bien plein, Godric avec l’ensemble de cela. Salazar n’était pas d’accord, bien au contraire. Car il en était persuadé ; on ne se dépassait pas en étant couvé, rassasié lors d’agapes. Non on évoluait, la rage au ventre, l’envie d’en démordre et de faire ses preuves. 

La salle commune de sa maison était donc près des cachots, là où le froid régnait, où le lac était visible, offrant une fenêtre sur les éternels secrets que recelaient le lac. Il croyait fermement qu’on évoluait le mieux en partant de rien. 

Nérida l’écoutait, attentive. 

« Bien peu savent réellement utiliser la magie, car bien peu la comprennent. » 

Elle lui rappelait Merlin, l’un de ses élèves les plus prometteurs, qui avait pourtant été une cruelle déception. Salazar lui avait tout appris, jusqu’à ce qu’il aille créer l’Ordre de Merlin et prône l’entraide avec les humains. Pauvre fou. Son amour pour les jolies filles serait sa perte, foi de Salazar. 

« Tout est possible en magie. Et quand je dis tout, je dis bien tout. » 

- Même échapper à la mort ? » 

Le sourire de Salazar s’élargit. Cette élève insolite, providentielle, lui plaisait décidément.  

« En théorie… mais qui voudrait vivre éternellement ? » 

Nérida sembla soupeser la question, la palper dans sa tête avant de hausser les épaules, comme pour se ranger à son avis.

« Il y a un sorcier, sans doute celui qui est allé le plus loin dans ce domaine. Il se prénommait Herpo l’Infâme. » 

Il repensa à son basilic qui attendait sagement dans sa chambre. Puisse-t-elle être lâchée rapidement dans son école !  

Alors qu’il lui narrait les nombreux exploits du sorcier, Salazar imagina avec plaisir que d’ici quelques années, quelques siècles, ce serait son nom à lui qu’on déclamerait de la sorte. Si seulement il trouvait un autre projet d’envergure.  

« En premier lieu, sache que la magie est pure. Ces histoires de magie blanche et noire, ce sont des fadaises pour sorciers pusillanimes. Le pouvoir, la connaissance, cela passe par l’empirisme, des choses qui ne peuvent être lues ou évoquées. Elles doivent être vécues. » 

Le regard que Nérida posait sur lui était chaque jour plus émerveillé, flattant Salazar. Il savait qu’il était un grand sorcier, qu’il laisserait son empreinte sur le monde. Mais le voir dans ses grands yeux noirs lui plaisait aussi. Il aimait être admiré.

« La magie, la magie a un pouvoir que peu comprennent réellement. C’est là la plus importante des vérités. » 

Le médaillon pendu à son cou se rappela à lui, l’initiale gravée miroitant dans le reflet de l’eau. Ce cadeau qui lui avait été fait il y a bien longtemps, quand tout avait semblé si simple, quand Godric était toujours son meilleur ami, avant que les querelles n’éclatent...

Salazar savait ce qu’il voulait, l’avait toujours su. Il avait fait une promesse, autrefois, dans cette autre vie qu’il n’était plus toujours certain d’avoir vécu. Il savait ce que la magie du nom signifiait.  

Il le savait. Puis, il voyait la jeune femme évoluer dans son sillage, questionner ses décisions, l’amener à la réflexion... Et il s’interrogeait.  


Ce matin, il regardait Nérida d'un air nouveau. Sur quels chemins pouvait-il l’amener ? Sur quelle destinée pouvait-il la pousser ? Sa grandeur serait forcément affiliée à lui, il se devait donc de lui montrer une voie digne sur laquelle elle brillerait.

« Il n'y a pas d'école dans cette région... Que penses-tu d’enseigner ? » 

Elle avait levé des yeux étonnés vers lui.  

« Moi ? » 

Il avait soupiré, Salazar détestait la fausse modestie.  

« Oui, toi. » 

Songeuse, elle caressa son menton avant d’avouer :

« En vérité, j’y ai pensé. Je… J’aimerai faire aussi bien que vous, maître. » 

Salazar esquissa un sourire.  

« Fort bien, je vais t’aider. » 


La fenêtre s’ouvrit avec un craquement sinistre, de la neige tombant sur ses mains alors qu’il sifflait sa chouette. L’instant d’après elle se posa sur son bras, prête pour sa mission.  

Il hésita une dernière fois avant de nouer soigneusement le paquet à la patte du volatile. Il prenait un risque, il le savait. Devait-il vraiment envoyer cela maintenant ? Ou repousser à nouveau ce moment ?  

Salazar avait l’habitude de se fier à ses instincts, cependant rien ne semblait clair dernièrement. Sa clairvoyance n’équivalait pas le don de Merlin, mais il savait quand il risquait d’avoir tort. Et aujourd’hui, il ne savait plus.  

Il avait toujours affirmé qu’un jour viendrait où il serait capable de s’en séparer. Le moment venu, opportun. Était-ce là, ce présent ? Il ne savait plus. Et même s’il se trompait, peut-être voulait-il se tromper ?  

« Prends-en soin. » 

La chouette s’envola dans un bruissement d’ailes.  

Il avait envoyé son médaillon à sa fille unique. Elle seule savait ce qu’il représentait pour lui. Quelle histoire le liait à cet objet, premier cadeau de sa défunte mère. Qu’elle aurait dû porter ce jour fatidique afin d’être protégée, elle, et non pas lui.  

Salazar soupira. Il était vieux pour cultiver des rêves d'union, d’enfant, d’héritier. Mais il lui fallait proposer à Nérida Vulchanova de l’épouser s’il voulait conquérir le monde à ses côtés. Il ne pouvait décemment pas le faire en portant le médaillon de sa défunte femme. Ce n’était juste ni envers son amour passé, ni envers ce potentiel futur.  


Nérida accepta la proposition avec joie, prête à célébrer leurs noces sur le champ. Salazar calma ses ardeurs : il attendait la lettre de ses enfants. Bien qu’absent depuis des décennies et qu’il ne soit plus le chef de famille, Salazar avait des devoirs envers ses héritiers. 

La jeune fille se contentait de hocher doucement la tête. Elle savait qu’en épousant Salazar, elle épousait toute la famille Serpentard, un être docte, des siècles de philosophie. Mais elle se tenait prête. C’était la chance de toute sa vie, de briller, d’apprendre. Et son maître avait été le premier à croire en elle, à l’aider à cultiver sa magie, à se dépasser : Salazar était certainement l’un des meilleurs professeurs qui soit – dur, sévère bien que patient et juste. Il requérait des efforts qui portaient leur fruits, alors qu’elle allait toujours plus loin dans son apprentissage, touchait les limites de la magie du bout de ses doigts.

Elle lui demanda naïvement s’ils devraient retrouver son Angleterre natale pour des fiançailles. 

Il s’était contenté de hausser les épaules. 

« Pourquoi faire ? Nous avons tant à faire ici. » 

Et c’était vrai. Une fois le lieu parfait trouvé, il fallait le rendre incartable, lancer les sortilèges Repousse-Moldu, réfléchir à la surface du bâtiment, ériger ses bases, définir le niveau de confort qu’ils proposeraient aux futurs élèves… 

Nérida suivait tous les conseils de son futur fiancé, souriant humblement, la tête dans les nuages à l’idée de se marier. Alors Salazar gardait les pieds sur terre pour deux, se répétant inlassablement que c’était une bonne idée, que ça allait passer, que les lubies des femmes étaient insensées.

Et il regrettait plus que jamais son épouse. Leur mariage avait été de convenance, mais il l’avait tendrement aimée. Elle n’avait jamais eu un mot plus haut que l’autre, disparaissant lorsqu’il voulait être seul, réapparaissant quand il avait besoin de réconfort. L’épouse idéale, trop tôt arrachée.  

A côté, Nérida faisait figure de sauvage. Oui, elle était belle, gracieuse et puissante. Mais elle manquait de manières, trop occupée à parcourir les forêts pour comparer divers éléments magiques. Nérida était un être libre, une femme entière qui voulait faire ses preuves et montrer au monde de quel bois elle était faite, le tout sans baguette. Salazar ne pouvait être plus fier d’elle. 

Il avait trouvé sa place dans ce monde, un but nouveau. Le printemps qui s'annonçait avec les retour des premières hirondelles serait beau, à n'en pas douter.

Et un instant, Salazar le crut. 


Elle lui avait proposé de fêter l’annonce à sa famille, d’un air enjôleur qui l’avait amusé. Pensait-elle vraiment le tromper ? Il voyait clair dans son petit jeu, toutes les femmes se ressemblaient. 

Il avait participé avec allégresse, buvant le vin proposé, festoyant avec les siens avant de retrouver les appartements qu’on lui avait alloués pour la nuit.  

Nérida l’avait suivi, audacieuse comme toujours, une dernière coupe à la main. 

Sous l’ivresse, il avait embrassé sa peau. Avait caressé ses courbes, et espérer trouver chaleur entre ses cuisses.  

Cela faisait trop longtemps qu’il n’avait goûté la concupiscence de la chair ; Salazar s’était perdu entre les bras et des draps.  


La lumière éblouissante du jour le troublait. Les yeux plissés, il tenta de se lever, cherchant à tâtons sa baguette.  

« Tu cherches quelque chose ? » 

Salazar écarquilla les yeux en voyant Nérida, assise sur la chauffeuse près de la cheminée. Sa robe de brocart, qu’il se souvenait lui avoir retirée, était à peine resserrée, et pourtant son regard ne s’arrêtait pas sur la peau laiteuse. 

La jeune femme tenait fermement sa baguette, la faisant tournoyer entre ses doigts.  

« Nérida, rends-moi ma baguette. » 

L’avertissement grondé d’un son rauque n’eût pas l’effet escompté. La jeune femme ne se souciait pas de lui. Elle observait d’un air envoûté le bout de bois.  

Salazar soupira bruyamment. Sa tête tournait décidément bien trop, combien de verres avait-il bu ? Il hésitait à claquer des doigts pour soigner son mal, mais avait peur que l’effort le terrasse de douleur.  

« Nérida… » 

Elle releva la tête vers lui. Son regard avait perdu cette candeur qu’il lui connaissait. 

« Que cela fut fatiguant de jouer à la jeune ingénue. De te suivre de mon regard émerveillé. De te complimenter. Alors qu’en vérité, je n’attendais qu’une chose. » 

Elle pointa la baguette sur lui. 

« Nérida.  

- Vérifie dans mon esprit si je te mens. » 

Il n’avait pas besoin d’utiliser ses talents, sa détermination se lisait sur les moindres traits de son visage. Elle allait le tuer. Et lui, le plus grand sorcier, le Legilimens le plus accompli depuis des décennies, allait la laisser faire.  

« J’attendais ce moment où tu ôterais ce médaillon, comptant chaque jour comme une condamnée. Mais tu t’y accrochais, n’est-ce pas… » 

Le ton moqueur fit peut-être le plus mal à Salazar.  

« Tu… Tu savais ce que c’était ? » 

Levant les yeux au ciel, elle esquissa un rictus.  

« Pas tout de suite. Mais il fallait voir comme tu l’agrippais parfois, quand je tentais de te séduire. Et alors j'ai su que c’était de la vieille magie. La magie qui protège avec les mots, les sacrifices, l’amour… » 

Ses lèvres se retroussèrent en une moue amusée. 

« Ce sera là ton ultime leçon, Salazar : le plus grand pouvoir est celui de l’amour. » 

Il eut un haut-le-cœur, de dégoût, de colère, de mal-être général, il ne savait pas. Était-il si bête qu’il avait oublié son triste destin ? Il ne trouverait ni le bonheur, ni l’amitié, et encore moins l’amour. On se souviendrait en contrepartie de son nom, on tremblerait en l’évoquant, ses exploits seraient narrés avec soin… Personne ne connaîtrait sa fin, pas ici, pas comme ça.  

« Que… Que m’as-tu… » 

Sa vision devenait floue alors qu’il sombrait dans un entre-temps détestable.  

« Ne lutte pas, le poison fait son effet. La fièvre va te prendre ; tu ne distingueras bientôt plus rêve et réalité. » 

Il tenta de s’agripper quelque part, mais il ne sentait plus ses doigts pour tenter un geste de magie sans baguette. Il avait hésité, il était désormais trop tard.  

« Ce n’est pas ta faute, tu sais… » 

Sa voix était douce, envoûtante tandis qu’elle murmurait les paroles qui le perdrait, qui signaient son arrêt de mort.  

« Tu n’es pas quelqu’un de mauvais. Tu es quelqu’un de bon à qui il est arrivé de mauvaises choses. » 

Notes:

Le Pont de Pierre se trouve en Allemagne, c'est l'un des plus anciens ponts européens. Une légende raconte qu'il fut construit suite à un pacte avec le diable.

Le fleuve porteur de nuages est bien sûr le Danube.

Wlitaua est le nom bohémien attesté ai XIIe siècle pour la Moldau (ou la Vltava) qui traverse Prague.

Pardon pour les coquilles, répétitions, et autres fautes, ces 3k furent écrit sur smartphone en une soirée.
Je reviendrai me corriger vite.


Merci à Marly et Hel pour leur écoute alors que j'hésitais sur mon personnage, une tierce personne qui aura répondu à mes questions sur les serpents, et bien sûr à Cin d'avoir validé mon plot après écriture. ;)

Merci de m'avoir lue. 💜