Chapter Text
Deux murs, immenses, parfaitement parallèles. Deux murs à la fois identiques et entièrement différents. Deux murs qui semblaient facile à traverser, comme s’ils étaient fait d’eau. Une eau calme, aux légères vagues et remous.
L’eau du mur gauche scintillait. Une eau pure, comme brillante sous les caresses des rayons du soleil, cristalline, magnifique, qui émanait une jolie lumière bleutée. Le mur de droite semblait être fait d’une eau sale, croupie, polluée. Une eau emplie d’impuretés, brunâtre, morne. Et pourtant, sa noirceur était contrastée par de tous petits points lumineux. Comme de minuscules étoiles évanescentes dans l’obscurité d’une nuit sans lune.
À gauche, la mort. L’autre côté. L’Au-Delà. Un monde où l’on pouvait devenir comme les étoiles et l’univers. Une paix intérieure et un infini sentiment de bien-être, de sérénité. Là où on pouvait retrouver tous ceux qu’on croyait avoir perdu à jamais.
À droite, la vie. Vivre, ressentir, tomber amoureux… Tellement de choses encore à faire. Il y avait la douleur, la perte, la misère, le désespoir. Mais il y avait aussi la chaleur, l’amour, les petites choses simples qui pouvaient faire un bonheur, l’espoir. Tout pour contrebalancer ce monde imparfait et dur.
Ce fut entre ces deux murs que Ben ouvrit les yeux. Le Monde entre les Mondes. Il pouvait clairement le voir, à présent. Et il s’y sentait à l’étroit. Le choix. Le choix lui était proposé. Le jeune homme venait de terminer ce qui le retenait. Ce qui l’obsédait depuis si longtemps. Ce qui lui avait fait perdre la simple notion de la vie, en dehors de la mort et des meurtres. Et maintenant, le choix lui appartenait.
- Maman?
Ben sentit sa présence à sa gauche avant même de tourner la tête. Un faible sourire éclaircit son visage confus lorsqu’il l’aperçut, plus éblouissante que jamais, de l’autre côté du mur limpide. Il la voyait aussi clairement que s’ils faisaient partie du même monde. Le fils s’approcha de l’Au-Delà, heureux.
Sa mère n’avait pas besoin de mots pour lui dire à quel point elle était fière de lui. Fière qu’il se soit battu. Fière qu’il ait enfin pu rendre justice à toutes ces victimes. La plupart se trouvaient derrière elle. Ben plissa les yeux et pu apercevoir la petite Shelly, souriante, avec ce qui semblait être ses deux parents. Elle lui faisait coucou. Plus loin, il distingua également Jyn et Cassian, les deux mariés d’infortune que la mort n’avait pas pu séparer.
Et près de Leia, il y avait également le reste de la famille de Ben. Ses grands-parents et de vieux amis qui étaient partis trop tôt. Tous lui souriaient, beaux, en paix, et le saluaient. Tous avaient l’air heureux ici. Et pendant un instant, Ben partagea ce sentiment de bonheur et de bien-être. Lui aussi était content de les voir. Ils lui avaient manqué. Alors, l’espace d’une seconde, le jeune homme eut envie de les rejoindre, poussé par un instinct.
Il s’approcha du mur limpide et tendit la main. Un frisson le parcourut quand il toucha la substance liquide. Il eut un mouvement de recul. Et soudain, quelque chose l’appela dans son dos. Un bruit. Une voix. Une voix claire, douce, mélodieuse, dans laquelle il pourrait s’envelopper. Alors, Ben se retourna et s’approcha du mur plus sombre.
Malgré l’espèce de pollution, il parvint à distinguer des images. L’image de son propre corps, toujours inconscient sur ce lit d’hôpital. Les bips du moniteur. Sa respiration lente et profonde. Et Rey était assise à son chevet. Elle lui tenait la main. Son pouce dessinait des petits cercles sur sa peau. Ben frémit, ému. Il pouvait presque le sentir, de là où il était. Toutefois, il avait l’impression que son lien avec son corps s’amoindrissait.
Rey avait changé de vêtements. Toujours le même style un peu wicca, sombre. Et ses beaux cheveux bruns restaient détachés. Elle avait une légère marque de corde sur la gorge, qui disparaissait. Leia expliqua à son fils que le temps ici était plus lent que chez les vivants. Presque trois semaines s’étaient déjà écoulées pour eux.
- Elle vient souvent te voir, sourit la mère. Tous les jours. Comme ton père. Elle est très attachée à toi. Tu lui manques.
Ben sourit tristement. Rey allait bien et il en était soulagé. Soulagé aussi d’apprendre que son père s’en était également sorti. Mais la jeune femme semblait accablée. Il l’entendit d’abord raconter sa journée, alors qu’elle lui expliquait que Rose avait officiellement emménagé chez elle.
Il avait d’abord fallu convaincre l’hôpital psychiatrique Canto Bight que leur patiente était totalement saine d’esprit. Les médecins de Rose l’avaient constaté avec ahurissement et parlaient d’un miracle. Han, jouant avec ses relations dans la police et la justice, était parvenu à laver son évasion. Selon la version officielle, Rose avait subitement retrouvé ses esprits et s’était enfuie, confuse de se retrouver ici. Ce qui, en somme, n’était pas entièrement faux.
Puis, à la fin de son récit, Rey soupira longuement en regardant son partenaire inconscient. Elle renifla, resserra sa main sur la sienne et murmura quelque chose qui ressemblait à : « Ben… Reviens. S’il te plaît. » Puis, elle se pencha pour embrasser ses doigts et lâcha enfin sa main. Puis, elle se leva et partit. Ben voulut l’appeler, lui dire de rester, mais elle ne pouvait pas l’entendre. Ils n’appartenaient pas au même monde. Pas pour le moment.
Le jeune homme ressentit alors un vide. Il observa le mur qui se dressait devant lui. La vie. Sombre, polluée. Une vie avec les souvenirs d’un meurtrier. Et un corps brisé. Mais des petites étoiles, bien que parfois cachées, parvenaient quand même à la faire briller. Et l’une d’elles portait le nom de Rey. Ben aimerait aussi revoir son père. Et pouvoir enfin lui parler. Le choix n’était pas aussi facile qu’on pourrait le croire. Il réfléchit donc un long moment. Puis, il demanda :
- Maman… C’est comment? La mort?
Leia sourit alors que son fils se tournait vers elle, les yeux emplis d’appréhension. Elle regarda autour d’elle.
- Ici il y a un univers qui dépasse l’imagination, tout autour de nous. Et nous pouvons l’entendre murmurer. Ce n’est pas le Paradis, ni l’Enfer. Il n’y a ni Dieu, ni Diable ici. C’est seulement là que nous continuons d’exister après avoir quitté les vivants. Après cinq ans, mon âme n’a toujours pas fini de l’explorer. Je n’en ai vu qu’un infime segment. Je peux être partout et nulle part à la fois. Je peux me dissoudre dans le néant en un million de particules et en ressortir intacte. Je peux fondre mon âme parmi les autres ou m’isoler complètement…
Elle se tourna vers son fils.
- Et je continue d’observer les vivants. De vous observer. Je veille sur toutes les personnes que j’aime. Et même si je ne peux pas vous serrer dans mes bras, ni vous dire à quel point vous me manquez, même si vous ne me voyez pas, je suis là.
Leia leva une main et la posa sur le mur qui séparait l’Au-Delà du Monde entre les Mondes. Ben fit de même. Leurs paumes paraissaient à la fois si proches et si loin. Ils pouvaient presque se ressentir. Le jeune homme renifla, mais le sourire de sa mère parvenait à l’apaiser.
- Quand on est en paix avec soi-même, la mort est calme. Simple. On ne la sent plus une fois passée. C’est plus rapide que de s’endormir. On craint la mort, mais elle n’est pas si effroyable. C’est vivre qui est plus difficile.
Ses paroles le rassurèrent. Il hocha la tête. Puis, il observa longuement le mur qui séparait les vivants du Monde entre les Mondes. Ben savait que terminer l’affaire du Crieur des Morts, résoudre sa tentative de meurtre, n’était pas la seule chose qu’il avait laissée en suspens dans son expérience de mort imminente.
Derrière ce mur sombre, il y avait encore tellement de choses qu’il devait encore faire. Tellement de choses qu’il lui fallait encore résoudre. Des personnes qui avaient encore besoin de lui et dont il avait encore besoin lui-même.
Bien sûr, Ben n’oubliait pas l’état dans lequel il allait se réveiller. Ni les meurtres que son corps avait commis contre son gré. Cela lui pèserait. Et ça ne serait pas toujours facile. Guérir de tout ça prendrait du temps. Beaucoup de temps.
Mais Ben n’avait plus peur. Toutes ses craintes, toutes ses appréhensions, tous ses tourments et ses mauvais souvenirs s’évaporaient. Ses pensées devenaient confuses, mais une chose était sûre. Le jeune homme regarda Leia et étouffa un petit rire, un air de défi dans les yeux.
- J’ai toujours aimé la difficulté. Sinon, nous n’en serions pas là.
Il voulait vivre. Pour son père. Pour sa mère. Pour Rey. Pour lui. Le choix était enfin fait. Son heure n’était pas encore venue. Alors, Ben était prêt à se battre jusqu’au bout.
- Adieu, maman.
Ravie de son choix, Leia lui sourit alors qu’il se dirigeait vers la vie, tout en jetant un dernier regard à l’Au-Delà et aux âmes, aux ombres du passé. Des âmes et des ombres desquelles il décidait enfin de s’affranchir afin d’arrêter de vivre dans le passé. Afin d’enfin aller de l’avant.
- Au revoir, mon chéri.
Ben traversa le mur sombre. Il eut réellement l’impression de plonger dans une eau trouble. D’abord, il eut mal et serra les dents. Mais c’était une sensation à laquelle il s’était toujours habitué. Une douleur qu’il pourrait supporter. Puis, il se sentit mieux en repensant à ceux qu’il allait retrouver. La traversée du mur lui parut une éternité et son impatience grandit peu à peu. Il était aventureux, hardi, plein d’espoir, prêt à redécouvrir la vie.
Quelques jours plus tard, Dre. Amilyn Holdo se rendit comme à son habitude dans la chambre de son filleul. Ils le sortaient de son coma artificiel, comme ses signes vitaux étaient désormais stables, et diminuaient continuellement sa sédation.
S’il ne se réveillait pas, il s’agirait d’un coma prolongé. Et Amilyn avait peu d’espoir qu’il finisse par se réveiller, dans ce cas. Mais alors qu’elle vérifiait les constantes sur le moniteur, Ben ouvrit subitement les yeux. Elle sursauta et se pencha sur lui, sous le choc.
- Ben? interrogea-t-elle.
***
Trois semaines après les évènements au Musée de la Sorcière de Salem, trois semaines après la disparition de Kira dans son propre enfer, Paige était enfin assurée que sa petite sœur ne craignait plus rien. Il était donc temps pour elle de partir. Enfin.
Par amitié, Rey avait proposé à la sœur fantôme de posséder son corps pour pouvoir dire au revoir à Rose comme il se devait. Une fois dans le corps de la médium, Paige fut d’abord complètement désorientée. Puis, elle croisa un regard familier et manqua de fondre en larmes. Elle leva les mains et prit le visage de sa sœur en coupe. Sa sœur qu’elle pouvait enfin toucher.
Les deux jeunes Tico rirent et s’étreignirent très fort, heureuses de se retrouver. Un lien les unissait. Un lien très fort qui ne pouvait être brisé. Pas même par la mort. Elles seraient toujours ensemble, quoi qu’il arrive. Et cette pensée réchauffait leurs cœurs. Même si elles craignaient leur séparation imminente.
Paige embrassa tendrement le front de Rose. Puis, elle sortit du corps de Rey. Alors, une lumière blanche, aveuglante, brilla au-dessus de sa tête et l’engloba au grand complet. La revenante réalisa qu’elle avait retrouvé ses couleurs. Les flammes fantomatiques qui la consumaient avaient disparu. Sa peau n’était plus recouverte de cloques. Rose la regardait, les larmes aux yeux. Paige lui offrit un grand sourire.
- Au revoir, petite sœur.
Sur ces mots, elle ferma les yeux, apaisée, et se laissa transporter par cette belle lumière blanche, qui l’accueillit dans ses bras comme un nouveau-né et la guida jusqu’à l’Au-Delà.
- Au revoir, Pae-Pae, murmura Rose, la voix emplie de larmes.
Désormais, devoir s’habituer au monde sans sa sœur, même sans le fantôme de sa sœur, lui paraissait plus dur. Mais elle n’était plus seule, maintenant. Elle avait Rey. Les deux médiums s’étaient réconfortées l’une et l’autre dans leur situation et étaient devenues très proches. Au point que la brunette avait invité sa nouvelle amie à venir vivre chez elle.
Mais il n’y avait pas que Rey. Alors que cette dernière partait dans la cuisine, proposant à Rose un thé, la blessée s’assit doucement sur le canapé. Elle posa sa jambe emplâtrée sur la table basse, sur un coussin placé à cet effet, et tassa ses béquilles sur le côté. Le fantôme de Hux, qui était resté dans un coin, l’observa longuement, attristé de la voir soudain si mélancolique. Elle regardait son médaillon et le tournait dans ses doigts en souriant tristement.
- Rose…
Le rouquin osa enfin s’approcher. Rose leva la tête, à l’écoute.
- Oui?
- Tu sais… C’est encore très difficile pour moi de réaliser que j’ai… tué… tellement de personnes en tant que Crieur des Morts, soupira-t-il en se frottant la nuque. Je crois que je ne me pardonnerai jamais d’avoir essayé de te tuer et d’avoir… brûlé ta sœur sur un bûcher.
Aussitôt, la jeune femme secoua la tête.
- Armitage, on en a déjà parlé tous les deux! Ce n’était pas ta faute! C’était cette fille fantôme de trois-cents ans qui te possédait! Tout comme elle possédait Ben et son père! Ça ne fait pas de vous des meurtriers! Et puis, tu sais très bien que je ne t’en veux même pas! Tout comme Paige!
- Tu es sûre? s’inquiéta Hux. Je ne sais pas, pour moi, elle avait l’air de me mépriser. Et je peux tout à fait comprendre. Ce que je lui ai fait, même si ce n’était pas vraiment moi…
Rose voulut répliquer, mais à la place, elle rougit. Elle savait que Paige ne tenait pas rigueur au rouquin au sujet de son homicide. Sa grande sœur avait pu confronter sa véritable meurtrière. C’était même elle qui l’avait terrassée pour l’empêcher de faire du mal à qui que ce soit d’autres.
Non, en fait, si Paige avait l’air légèrement « méprisante » à l’égard de Hux, c’était parce qu’elle n’aimait pas la façon qu’il avait de regarder sa petite sœur. Quand elle lui en avait parlé, Rose répétait qu’elle se faisait des idées. Et pourtant… La jeune femme ravala sa salive et se mordit la lèvre. C’était vraiment triste, en fait. Si seulement elle l’avait rencontré de son vivant…
- Bref.
Le rouquin toussota.
- Moi, je ne sais pas comment faire pour trouver la paix et aller… là où ta sœur est allée, Rose. Mais je sais que même si vous ne me tenez pas responsable, je me sens quand même responsable. Alors, j’aimerais me racheter. Si tu le permets, j’aimerais…
Il prit une grande inspiration et la regarda droit dans les yeux, l’air piteux.
- J’aimerais rester avec toi. Et t’aider. C’est le moins que je puisse faire. Donc, si jamais tu as besoin de moi pour… quoi que ce soit… Voilà. Bien sûr, si tu ne veux pas, je…
- Avec plaisir! l’interrompit aussitôt Rose. Tu peux rester. Ça va me faire plaisir de t’aider à te racheter pour trouver la paix.
Elle lui sourit. D’abord un peu confus, Hux se sentit soulagé, heureux qu’elle accepte. C’était une médium. C’était son rôle de guider les âmes égarées vers l’Au-Delà. Et lui, il était le fantôme d’un inspecteur. Et un des Crieurs des Morts, repenti. C’était son rôle de prendre soin des survivants.
Rey arriva ensuite et tendit à son amie une bonne tisane à la camomille. Elle s’entraînait pour son futur boulot de serveuse dans un café. Le Fathier, là où les sœurs Tico travaillaient autrefois. Rose s’était arrangée avec la gérante, Maz, pour lui trouver un travail et Rey la remerciait du fond du cœur.
Les deux médiums comptaient aussi visiter les familles des victimes de Kira et leur offrirent gratuitement leurs services pour communiquer avec leurs proches disparus. C’était la moindre des choses. Et ça les aidait également à gérer leur propre perte.
Optimiste, Rose parlait même d’organiser des groupes de soutien et des œuvres caritatives pour les survivants du Crieur comme elles et les familles des victimes. Cela faisait toujours sourire son amie et elle admettait qu’elles pourraient essayer. La brunette revint dans la cuisine pour servir ses croquettes au chat Bee-Bee, que les deux jeunes femmes avaient adopté. Elle lui sourit en le caressant. Tout s’arrangeait enfin.
Mais une petite tâche sombre demeurait dans le cœur de Rey. Et ce n’était pas seulement qu’au sujet de ses parents. Cela faisait trois semaines que l’esprit de Ben avait disparu. Il était encore vivant, mais… Où était-il? Malgré elle, la jeune femme se sentait tellement vide, seule. Il lui manquait terriblement et la nuit, elle étouffait ses sanglots dans son oreiller. Pourquoi ne se réveillait-il pas? Et s’il ne se réveillait jamais?
Soudain, Rey reçut un appel de Han. Les deux avaient aussi dû travailler ensemble depuis la fameuse nuit au musée. La médium avait tout raconté au lieutenant. Elle était immensément désolée de devoir lui avouer qu’elle ne pouvait plus voir l’esprit de son fils, pour des raisons inconnues. Bien plus que du lui révéler qu’il était le Crieur des Morts, contrôlé par un fantôme vengeur.
Et bien qu’il ait encore du mal à tout digérer, le sexagénaire avait réussi à effacer ses traces avec l’aide de Rey. Ils avaient brouillé les pistes pour les derniers évènements, la tentative de meurtre de la jeune femme, la mort des deux gardiens de sécurité et même celle de Hux.
Officiellement, le Crieur avait failli pendre la jeune femme, tuant au passage les deux malheureux, et Han était intervenu à temps pour la sauver. Mais le tueur s’était enfui pour ne jamais réapparaître. Plus jamais.
- Allô? demanda Rey en décrochant.
Sa voix trembla presque. Elle retenait son souffle, le cœur battant. Et alors, elle entendit ce qu’elle avait désespérément rêvé d’entendre depuis si longtemps.
- Rey? Ben s’est réveillé.
***
Ayant accompli leur travail, les drains thoracique et abdominal avaient été retirés. Ben en possédait encore la cicatrice. Respirer lui faisait mal à cause de ses côtes cassées. Après quelques jours divaguant entre le sommeil et la confusion, il avait été capable de se redresser en position assise. Son corps brisé était fragile et bouger le moindre muscle paraissait un supplice. Mais le jeune homme était vivant. Il avait survécu.
Son père était venu le voir plusieurs fois, mais ils n’avaient pas parlé. Ben se sentait encore trop affaibli. Mais il se souvenait du regard doux de Han. De ses mains qui serraient la sienne. Ses paroles refaisaient écho dans ses songes. « Je suis tellement content que tu sois revenu, petit ». Et le fils se persuadait avoir halluciné les larmes qui roulaient sur ses joues. Jamais il n’avait vu son père aussi émotif à son égard.
L’esprit de Ben restait embrumé. Il avait l’impression d’avoir fait une longue sieste. Déjà, dehors, le vent de novembre soufflait. Par la fenêtre, Salem devenait grise, se préparant à l’hiver. Le jeune homme réalisait qu’il avait manqué trois semaines de sa vie, complètement déconnecté du monde. Selon sa marraine, c’était un miracle que son coma n’ait duré que trois semaines. Ben aurait pu ne jamais se réveiller, après avoir fait une violente chute et s’être pris trois balles.
- Mais toi, tu es un dur à cuire, souriait Amilyn, les larmes aux yeux. Hein, mon grand? Tu t’es accroché.
Alors qu’une infirmière lui apportait à manger sur un plateau, son premier vrai repas depuis longtemps, le patient fixait ses jambes, le visage interdit. Pour l’instant, l’une d’elles était dans le plâtre, comme son coude. Son bras était d’ailleurs retenu contre sa poitrine à l’aide d’une écharpe blanche. Personne n’avait besoin de lui dire qu’il serait probablement paraplégique, désormais.
Ne plus marcher.
Ben renifla. Il savait bien qu’il s’était détruit le dos sur l’asphalte. Il avait survécu. Mais il n’était plus qu’un infirme, maintenant. Autant prier pour un miracle. Pour le moment, le malheureux avait encore du mal à le réaliser. Il s’empara d’un pudding au chocolat sur le plateau et arracha rageusement le fin couvercle d’aluminium avec sa main libre. Tant pis, Ben préférait commencer par le dessert.
Il grimaça de douleur, prit une bonne cuillerée et l’engouffra dans sa bouche. Son visage se déforma sous une expression de dégoût. La frustration l’envahissait de plus en plus. Quelle idée de s’attaquer au Crieur des Morts sans renforts? L’inspecteur le payait amèrement. Il le payerait toute sa vie. Guérir prendrait du temps. Beaucoup de temps. Les cicatrices des balles et des drains resteraient. Ses jambes ne remarcheraient plus jamais. Et il n’était plus rien.
- Ben?
On toqua à la porte. Ben leva la tête et ravala ses larmes de frustration et de douleur avec sa bouchée de pudding au goût infect. Son visage s’apaisa légèrement quand il reconnut Amilyn. Elle lui demanda d’abord s’il allait bien, si les antidouleurs faisaient effet, si son repas était bon. Son filleul mentit aux trois questions.
- Au fait. Tu as de la visite, lui annonça la médecin.
- Han?
Pendant une seconde, le jeune homme retint sa respiration. Son cœur fit un bond dans sa poitrine, alimenté par un sentiment d’espoir mélangé à de l’appréhension. Une part de lui voulait voir son père. Lui parler. Une autre craignait un face à face. Craignait des représailles, pour des raisons obscures. Mais Amilyn secoua la tête.
- Non, ta copine.
- Ma… quoi? balbutia Ben, le regard ahuri.
- Ça m’a fait de la peine de devoir la faire attendre selon la procédure, soupira sa marraine. Mais elle est là maintenant. Elle avait hâte de te voir. Je vous laisse.
Elle sourit et disparut. Puis, une jolie brunette d’environ vingt ans, au style vestimentaire très particulier, entra. Ras-de-cou, bracelets de cuir, pull noir aux épaules trouées et longue jupe sombre. Elle semblait sortir tout droit d’une histoire d’épouvante ou d’un sabbat de sorcières. La respiration de la jeune femme tremblait. Elle avança lentement vers le lit. Très lentement. Comme si elle avait peur que Ben disparaisse soudainement, sans laisser de traces.
- Ben...
Rey retenait ses larmes. Elle n’arrivait pas à le croire. L’image de son partenaire s’effaçant complètement cette nuit d’octobre au musée, alors qu’elle essayait désespérément de le rattraper, la hantait toutes les nuits. Mais c’était fini. Il était enfin revenu dans son corps, bien réel. Là, devant elle. La jeune femme se tira une chaise et s’assit à son chevet. Ben la dévisageait, perplexe.
- Hum… Bonjour?
- Bonjour, oui, sourit Rey. Tu vas bien?
Malgré elle, elle fut prise d’un petit rire. Un petit rire qui allégea le poids de l’anxiété sur ses épaules. Elle était si heureuse de le revoir. Mais Ben ne semblait pas partager son sentiment. Lorsqu’elle tenta de lui prendre la main, il la recula aussitôt par réflexe, sur la défensive, et fronça les sourcils.
- Excuse-moi, euh… Je te connais?
À ces mots, Rey déchanta. Son visage se décomposa. Son cœur cessa de battre une seconde. Il plaisantait. Il plaisantait, pas vrai?
- Ben, c’est moi. Rey. Tu… Tu te souviens de moi, quand même?
Il l’observa un instant avant de secouer la tête.
- Désolé, je…
- Tu ne te souviens pas? s’inquiéta la jeune femme, affligée. L’appartement… L’église, le commissariat, le cimetière, l’hôpital, le musée… Ça ne te dit rien?
Confus, Ben plissa les yeux, comme s’il cherchait brièvement dans sa mémoire. Mais bien vite, il haussa les épaules.
- Non...
Sa réponse la déçut grandement, et il en fut désolé. Cependant, il ne voyait vraiment pas qui était cette fille et ne comprenait pas ce qu’elle faisait ici, ni pourquoi Amilyn l’avait laissée entrer. Rey le regarda longuement.
Elle réfléchit, tripotant le bracelet de cuir qu’elle portait au poignet. Jusque-là, Ben ne l’avait connue qu’en tant qu’esprit. Maintenant de nouveau dans son corps, tout ce qu’il avait vécu hors de lui mettait du temps à revenir. C’était une explication plausible. La médium soupira. Mais elle ne comptait pas abandonner de sitôt.
- Ça devrait peut-être raviver ta mémoire.
Sur ces mots, Rey se pencha, prit son visage en coupe et déposa un baiser mouillé sur sa joue. Ben rougit violemment, crispé, et en tournant malencontreusement la tête pour se dégager, sa bouche effleura le coin des lèvres de la jeune femme. De sa main valide, il parvint cependant à la repousser. Son cœur s’affolait et son teint virait au pourpre.
- Mais enfin, qu’est-ce que tu fais? s’exclama-t-il, encore sous le choc.
La brunette se mordit la lèvre, un peu honteuse. Sa tentative n’avait pas fonctionné. Elle poussa un second soupir et se frotta les yeux, penaude.
- Désolée, j’ai cru que…
- Amilyn a dit que tu étais ma… « copine », bredouilla Ben. Mais je crois que je serais le premier à le savoir, si j’en avais une. Alors, qui es-tu exactement?
- Non, en fait, je ne suis pas exactement ta copine, chuchota Rey, de plus en plus mal à l’aise. C’est toi qui m’a dit de prétendre que je l’étais pour qu’ils me laissent te rendre visite.
Surpris, le jeune homme fronça les sourcils.
- Je t’ai dit ça?
Elle hocha la tête et partit sur sa lancée :
- Et tu m’as dit aussi que ton anniversaire était le 19 novembre. C’est bientôt. Tu vas avoir trente ans. Et tu es devenu inspecteur de police pour suivre les traces de ton père, après avoir passé ta jeunesse en tant que délinquant pour attirer son attention.
Le visage de Ben se décomposa.
- Co… Comment tu sais ça? bégaya-t-il, soudain méfiant. Tu… Tu m’espionnes?
- C’est toi qui me l’a dit.
Lui parler de leur enquête, du Crieur, du fait qu’elle ait assisté à la tentative de meurtre qui avait bien failli l’envoyer dans les Limbes, des fantômes et du combat contre Kira paraissaient évidents à aborder pour qu’il s’en rappelle. Mais Rey n’osa pas.
Ben venait de se réveiller, on devait déjà lui avoir appris qu’il ne marcherait plus jamais et… Peut-être était-ce mieux qu’il ait oublié pour le moment. Mieux valait ne pas en rajouter en lui rappelant que l’esprit d’une jeune fille du temps des procès de sorcières à Salem l’avait possédé pour le forcer à noyer une enfant. Ou que son propre père, lui aussi possédé, l’avait jeté du deuxième étage avant de lui tirer dessus à trois reprises.
Ce fut là que le cœur de la jeune femme se brisa. Elle baissa la tête, attristée. Ben était vivant, réveillé, invalide et il ne se souvenait pas d’elle. Comme si tout ce qu’ils avaient vécu ensemble, seulement deux jours qui avaient paru durer bien plus longtemps pour eux, n’avaient jamais existé. Aux yeux des autres, elle n’était qu’une folle qui avait tout imaginé, bonne à être internée à Canto Bight. Et comment savoir si les souvenirs de Ben reviendraient? Et si cela n’arrivait jamais?
- Bon…
Rey renifla et se leva de sa chaise, se faisant violence pour que les larmes qui lui brûlaient les yeux ne coulent pas. Machinalement, elle serra son pentacle au creux de sa main. C’était si dur pour elle depuis la perte de ses parents, la disparition de Ben et la rencontre avec le Crieur qui avait failli la pendre.
Comme c’était dur pour Rose avec le départ de sa sœur et le fait que Kira ait essayé de la tuer deux fois, créant un véritable carnage à l’église. Comme c’était dur pour Han qui, bien qu’il se concentre surtout sur son fils, avait toujours du mal à croire à ces histoires de fantôme et de possession. Devait effacer ses traces tout en réalisant qu’il avait tué tant d’innocents, jusqu’à s’en prendre à la chair de sa chair…
Et Rey ne voulait pas que Ben porte également ce poids écrasant sur ses épaules. La culpabilité, le traumatisme… Il avait déjà suffisamment morflé. Si Han apprenait que son fils avait perdu la mémoire concernant son passage dans le Monde entre les Mondes, il dirait sûrement que c’était pour le mieux. Alors, la brunette décida de le laisser tranquille.
- J’imagine que tu as besoin de temps pour… Ça va peut-être te revenir. Ou pas. Je suis désolée de t’avoir dérangé. En tout cas, je suis contente que tu sois réveillé. Au revoir, Ben.
Massant sa gorge, elle tourna les talons et s’éloigna. Le jeune homme fronça les sourcils lorsqu’il comprit que le raz-de-cou qu’elle portait dissimulait la marque d’une corde. Cela le fit tiquer. Il eut comme un flash.
- Attends...
Surprise, Rey se retourna, avec un espoir naissant.
- Oui?
- Tu as fait tomber ça, répondit-il en lui tendant son bracelet de cuir.
En effet, ce dernier avait glissé quand Ben l’avait repoussée un peu brusquement à la suite de son baiser. La jeune femme ne cacha pas sa déception. C’était la seule raison pour laquelle il l’avait interpellée. À peine né, son dernier espoir était déjà mort.
La brunette poussa un profond soupir et acquiesça. Puis, elle revint vers le blessé afin de récupérer son bracelet. Mais quand leurs doigts s’effleurèrent, les deux ressentirent une sorte de picotement, d’étincelle, qui les fit sursauter. Ce fut comme toucher un câble électrique sous tension. La sensation traversa tout leur être. Ils frémirent et se regardèrent, le souffle court.
- Où est-ce que je t’ai vue, déjà? demanda Ben, en pleine confusion et effarement.
L’ombre d’un sourire triste fleurit sur les lèvres de Rey.
- Ce n’était sans doute rien. Tu étais dans le coma. Tu m’as peut-être vue dans ce qu’il te semble être un rêve, pour le moment.
Cette fois, le jeune homme lui prit la main. Et à ce simple contact, tout lui revint d’un coup. Le combat contre le Crieur dans l’appartement. La déconnection après la chute. La vision horrifique de son propre corps meurtri. Sa mère qui lui demandait de s’accrocher. Kira qui jouait dans le parc sur les modules. La peur de la mort.
Rey. Rey qu’il avait sauvée. Rey qui l’avait sauvé. Rey qui sortait de sa cachette et courait jusqu’à l’église. Rey la médium à la recherche de ses parents, la seule à pouvoir le voir. Rey qui avait fini par accepter de l’aider à enquêter sur le Crieur des Morts.
Il l’avait aidée à s’évader du commissariat et ensemble, ils avaient visité un cimetière, fait sortir Rose de l’hôpital psychiatrique, passer le reste de la nuit ensemble à l’église, poursuivi l’enquête au musée, trouvé son corps ici… Elle l’avait embrassé en lui tenant la main pour qu’il puisse ressentir son corps. Et Ben aurait tant voulu pouvoir la toucher à son tour.
- Je ne rêvais pas. Rey.
Un sourire s’étira peu à peu sur leurs lèvres. Il leva sa main valide et prit sa joue en coupe pour l’approcher de son visage. Elle frémit, le souffle court. Elle était magnifique. Le pouce du jeune homme caressa un moment sa pommette. Il était à nouveau dans son corps. Il pouvait la toucher, avec sa main à lui. C’était réel.
Submergé par la joie, Ben rit et fit ce qu’il brûlait d’envie de faire au musée, avant de disparaître. Il l’embrassa. Rey tressaillit et gémit contre sa bouche. Mais aussitôt, il reprit ses esprits et recula la tête. Ses joues s’empourprèrent. Il venait de répondre à une impulsion, mais… Non, ils ne s’étaient connus que deux jours, alors que lui était immatériel, c’était déplacé…
- Oh, pardon. Je ne sais pas ce qui m’a pr…
Avant de terminer sa phrase, sa médium l’interrompit par un second baiser. Elle essayait de ne pas trop s’emporter, comme si Ben était aussi fragile que du verre. Mais cela faisait longtemps qu’elle rêvait de faire ça, en vérité. Elle était vraiment heureuse qu’il soit de retour. Et qu’il se souvienne enfin d’elle. Bien sûr, toute l’horreur de la réalité était également revenue à Ben. Mais en ce moment, il n’y avait plus que Rey pour lui. Rey et son cœur qui battait fort dans sa poitrine.
- Tu es revenu, soupira-t-elle entre deux baisers.
Soulagé qu’elle le veuille aussi, le jeune homme regrettait seulement de ne pas pouvoir la prendre correctement dans ses bras. De son côté, elle n’arrêtait pas de le toucher tendrement, parcourant ses mains sur son visage et glissant ses doigts dans ses cheveux noirs, comme pour s’assurer qu’il était bien là, matériel.
- Je n’allais pas t’abandonner.
D’abord, ce fut très doux. Les deux entrouvrirent la bouche, cherchèrent timidement leurs langues et s’embrassèrent encore langoureusement, sans pouvoir intensifier la sensation car Ben finissait, malgré lui, par grimacer. Une douleur comprimait toujours ses côtes et il se trouvait toujours à moitié paralysé dans son lit. Mais il ne s’en préoccupait plus. Lui et Rey célébraient, à leur manière, leur joie de s’être sortis vivants, et ensemble, de cette enquête tortueuse.
Au bout de ce qui leur parut une éternité, éternité de connexion, communion, loin des malheurs du monde, ils se détachèrent enfin l’un de l’autre. Et peu à peu, la réalité leur revint. Ben regarda sa bien-aimée avec une grande tristesse. Il se souvenait maintenant de la sinistre découverte qu’il avait faite dans la Maison du Jugement. Il n’avait pas pu en faire part à la médium par la suite. Alors, après un moment de silence, avec une atmosphère qui s’alourdissait soudain, il murmura :
- Rey… Tes parents…
Le visage de la jeune femme s’assombrit. Elle baissa les yeux et se pinça les lèvres. Avant que Ben ne puisse trouver les mots pour lui annoncer la terrible nouvelle, elle répondit :
- Je sais.
- Hux te l’a dit? s’étonna Ben.
- Oui, mais en fait… Je crois qu’au fond, je l’ai toujours su… Je l’ai senti, renifla Rey. Je refusais juste de me rendre à l’évidence. C’était normal.
Il la fixait, ne sachant plus trop quoi dire.
- Je suis vraiment désolé.
- Ça ira, lui assura la brunette en replaçant une mèche de ses cheveux. Je ne suis pas la seule à avoir perdu des personnes que j’aime dans cette histoire. Au moins, je ne les ai pas toutes perdues. Et tu sais, Hux m’a dit que mes parents voulaient absolument résoudre cette enquête pour me protéger. Ils avaient compris que les médiums étaient la cible du Crieur. Ils se sont sacrifiés pour moi. Une preuve qu’ils m’aimaient. Et j’espère juste…. qu’ils vont bien là où ils sont, désormais.
Où ils étaient? Ben fronça les sourcils, confus, et réfléchit. Il ne se souvenait pas avoir vu les parents de Rey dans son bref aperçu de l’Au-Delà. Pourtant, ils devraient y être. S’ils étaient des fantômes des Limbes, ils auraient retrouvé leur fille depuis le temps.
À moins que… L’inspecteur songea soudain aux deux démons qui les avaient attaqués, lui et Hux, dans la Maison du Jugement. Il imagina le pire. Tout n’était que spéculation, bien sûr. En fin de compte, ils ne sauraient probablement jamais ce qui était advenu des âmes de Billy et Jodie Johnson.
- Ils le sont, finit-il par répondre, regardant Rey droit dans les yeux. Je les ai vus dans l’Au-Delà avant de revenir ici.
- Ah bon?
Elle le fixa et ravala sa salive. Il se mordit la lèvre et acquiesça.
- Ils regrettent de ne pas avoir pu passer assez de temps avec toi. Mais ils veulent que tu saches à quel point ils sont fiers de toi. Et ils sont toujours là, même si tu ne les vois pas. Ils veillent sur toi. Et ils ne sont pas les seuls.
- C’est vrai?
- Oui.
La jeune femme esquissa un petit sourire triste. Quelque part, peut-être savait-elle qu’il mentait. Qu’il lui disait juste ce qu’elle avait besoin d’entendre. Mais malgré tout, ses paroles furent un baume sur son cœur. Elle hocha la tête. Elle acceptait enfin de faire le deuil de ses parents et de laisser les ombres du passé derrière elle. Ils ne reviendraient pas. Ce qu’elle cherchait n’était plus derrière elle, désormais. Mais juste devant, sous ses yeux.
- Merci, Ben.
***
Le 19 novembre, le jeune homme atteignit ses trente ans. Trente ans. Quelque part, il ne se sentait pas vraiment différent. Mis à part qu’il était vivant. Il avait pu arriver jusqu’ici. De quoi être fier. Bien sûr, tout n’était pas facile. La nuit, seul dans son lit, Ben se retrouvait face à lui-même, face à ses jambes. Il essayait de bouger ses orteils. Mais c’était comme si cette partie de son corps ne répondait plus. Et ça le désespérait.
Parfois, il pleurait. Et il savait que Rey pleurait aussi à cause de la perte de ses parents et du traumatisme qu’elle avait vécu. Parfois, ils se serraient en se réconfortant l’un l’autre, se confiant l’un à l’autre. Ils pouvaient surmonter ça, ensemble.
Rey faisait des cauchemars, de temps en temps, où elle revoyait Kira, le Crieur des Morts, qui tentait de la pendre. Aussi, la police avait sorti les corps du couple Johnson, ainsi que celui de Hux, de la Maison du Jugement. La malheureuse avait dû venir pour confirmer l’identité de ses parents et elle n’en dormait presque plus.
La nuit, Rose avait pris pour habitude de rester avec elle, dans le même lit, pour la réconforter. Dans ces moments-là, elle lui racontait des anecdotes et lui parlait beaucoup de Paige. Les deux médiums étaient ainsi devenues très proches et s’aidaient mutuellement. Et dans ces moments-là, Rey repensait aux paroles de Ben concernant sa famille. Elle espérait sincèrement qu’ils allaient bien là où ils étaient.
Mais ce 19 novembre marqua une pause pour les mauvais souvenirs. Il y avait des hauts et des bas, un cheminement difficile vers la guérison, et ce jour-là, ils étaient heureux. Pour l’anniversaire de Ben, passé à l’hôpital, on lui retira son plâtre au bras, comme son coude s’était ressoudé après quelques semaines.
Rey vint le voir le matin et il put enfin la serrer convenablement dans ses bras, même s’il restait fragile. Ils passèrent la moitié de leur temps à discuter, l’autre à s’embrasser, et elle lui offrit un bracelet tressé orné d’un pentacle. Un porte-bonheur. Très joli. Le jeune homme fut ému.
- Pour te protéger, sourit Rey.
- Tu l’as ensorcelé? demanda Ben, espiègle.
Elle rit et lui tira la langue.
- Oui, c’est ça. Je cherche à t’ensorceler.
- Ça, c’est déjà fait depuis longtemps.
Et pour remercier sa « petite sorcière », il lui donna un énième baiser qui s’éternisa.
L’après-midi, ce fut son père qui vint lui rendre visite. Et enfin, ils purent crever l’abcès et aborder le sujet. D’abord, Han lui remit une carte d’anniversaire, provenant du commissariat, où les signatures de presque tous ses collègues de travail se trouvaient. Ils lui souhaitaient un bon anniversaire et surtout, un bon rétablissement. « Tu nous manques. » « Contents que tu t’en sois sorti. » « Guéris vite. »
Lando, qui ne pouvait pas lui rendre visite à l’hôpital, écrivait qu’il espérait bientôt revoir son petit chasseur d’étoiles. Ben sourit. Son parrain l’appelait comme ça quand il était enfant, car il disait qu’il voudrait voyager à travers la galaxie pour être le premier policier de l’espace. Envahi par la nostalgie, le jeune homme ne remarqua pas tout de suite le regard concerné que lui jetait son père.
- Ça va? s’inquiéta-t-il finalement.
- C’est plutôt moi qui devrait te demander ça, soupira Han.
Puis, après un silence, il bredouilla :
- Donc… À propos de… tout ça… Bon sang, je n’arrive toujours pas à me faire à cette histoire d’esprit et de monde des Limbes ou peu importe. Rey et Rose m’ont tout expliqué, mais j’ai encore du mal à… Tu… Tu peux voir les petits fantômes, toi aussi, alors?
- Non, plus maintenant, réfuta son fils, réprimant un sourire amusé. Je ne suis pas médium comme Rey et Rose. C’était juste quand je suis sorti de mon corps après que…
Nouveau silence, plus pesant. Le sujet sensible. Ben remarqua que son père se tendait, serrait les mâchoires et crispait son poing sur sa cuisse. Son visage s’assombrissait.
- Au fond, je savais que c’était moi, murmura-t-il gravement après un long moment. J’avais comme un instinct, un sentiment de culpabilité. Mais je n’aurais jamais cru que… c’était vraiment moi qui t’avais fait ça, fils.
Il renifla. Réaliser qu’il était le principal Crieur, et qu’il avait tué tant de personnes, dont tous ces innocents au mariage des pauvres Jyn et Cassian, n’était rien, rien, comparé à la pensée d’avoir failli tuer son propre enfant. Et d’être la cause de son infirmité. Ben se désola de voir son père ainsi tourmenté et secoua vivement la tête.
- Ce n’était pas toi, papa. Tu étais possédé.
- Oui, mais j’aurais dû…
- Non, insista-t-il en étirant le bras pour poser sa main sur la sienne. Écoute, elle m’a possédé aussi. On ne pouvait rien y faire. Elle se servait de nos corps comme des vaisseaux. Mais nous n’étions que des pantins. Et tu sais… Elle a dit que tu étais le seul à lui avoir résisté.
À ces mots, Han leva la tête, confus.
- Résisté? Je ne lui ai pas résisté, la preuve…
- Je suis toujours en vie, déclara Ben. Elle voulait me loger une balle dans la tête juste après m’avoir défenestré. Tu as détourné ses tirs pour me protéger.
Le père fronça les sourcils.
- J’ai… J’ai fait ça? balbutia-t-il.
Ben lui offrit un sourire réconfortant.
- Je suis en vie grâce à toi, lui assura-t-il avant de soupirer, un peu honteux. Tu sais, j’aurais dû t’écouter au lieu de foncer tête baissée pour…
- Tu voulais me prouver ta valeur, conclut Han, le regardant droit dans les yeux.
Levant une main hésitante, il la posa soudain sur la joue de son fils, qui frémit à ce contact chaleureux et paternel. Ce fut au tour du père d’esquisser un bref sourire.
- Je sais que ça a toujours été compliqué entre nous, surtout depuis que ta mère est… Mais je t’aime, petit. Et j’ai toujours été fier de toi. Quoi qu’il arrive.
- Je sais.
Ils restèrent ainsi un moment, heureux d’enfin retisser leurs liens. Cette mésaventure leur permettra au moins de prendre un nouveau départ. Ben songea alors à ce que Leia lui avait dit, quand il l’avait revue pour la première fois. Elle avait raison.
- J’ai vu maman, confia-t-il soudain. C’est elle qui m’a incité à m’accrocher, tu sais.
Le visage de Han se décomposa.
- Quoi? Tu… Tu as vu ta mère?
Son fils hocha la tête.
- Elle a dit que ce n’était pas ta faute, ce qui lui est arrivé. Et qu’elle sera toujours avec nous.
Cette fois, le vieil homme eut du mal à retenir ses larmes. Ému, il sourit de nouveau et remercia Ben. Le reste de leur temps, il lui posa un peu plus de questions sur Leia, les deux se confièrent, ramassèrent les morceaux de ce qui s’était brisé entre eux depuis cette tragédie et purent enfin parler de tout ça à cœur ouvert. Ce fut un beau moment de reconnexion pour le père et le fils. Et le plus beau cadeau d’anniversaire que ce dernier puisse avoir. Puis, avant de partir, Han embrassa son garçon, se leva et se retourna pour ajouter :
- Et sinon, Rey… Ce n’était pas vraiment ta copine, c’est ça?
Ben rougit. Ce n’était pas vraiment sa copine, cependant… ils s’étaient beaucoup rapprochés dernièrement.
- Euh… Non, je lui ai dit de dire ça pour qu’on puisse aller voir mon corps, bredouilla-t-il. Mais…
- Mais je crois qu’elle t’aime beaucoup, termina Han en souriant.
Moqueur, il lui fit un clin d’œil et s’en alla, laissant son fils avec ses joues virant au pourpre. Parce que le vieil homme avait beau être encore perdu avec ces histoires de fantôme, cela ne voulait pas dire qu’il était aveugle. Les pères savaient ces choses-là.
***
Décembre. Après des semaines de rééducation, Ben put enfin sortir de l’hôpital, en fauteuil roulant. Il n’avait plus de plâtre, mais sa jambe ressoudée ne pouvait toujours pas marcher pour autant. Cependant, Amilyn lui avait fait part d’une nouvelle importante. Ce qu’ils prenaient pour une lésion médullaire s’était révélée être, contre toute attente, une contusion à la moelle épinière.
- En bref, ça veut dire que ce n’est pas aussi grave que ça aurait pu l’être, expliqua la médecin. Ça ne veut pas dire que tu remarcheras de sitôt. Et après une telle chute, les chances que ce soit seulement une contusion, si je peux l’exprimer ainsi, étaient quasi inexistantes. Ne te fais pas de faux espoirs. Mais disons qu’il y a peut-être une chance infime que tu ne demeures pas paraplégique pour le restant de tes jours.
Ben, effectivement, recommençait parfois à avoir des sensations dans ses jambes. Très légères, très brèves. Il ne voulait pas se faire de faux espoirs. Il ne s’attendait pas à être soudain guéri. Il devait surtout faire le deuil d’une motricité complète. Or, cette nouvelle lui permit de mieux endurer ce retour à la vie civile.
Bien sûr, il avait toujours Rey, son père, Lando, et même Rose, parfois, pour l’aider. Mais il découvrait maintenant toutes les difficultés des handicapés. Les escaliers, le regard de certains gens, la société pas assez bien adaptée pour les invalides… Il redécouvrait le monde sous un angle plus tortueux et cela lui prendrait du temps pour s’y faire.
Après une autopsie et un séjour à la morgue, les corps des dernières victimes du Crieur furent enterrés. Hux assista à ses propres funérailles et Rose était là pour le soutenir. Rey déposa des fleurs sur la tombe de ses parents. Elle venait parfois s’y recueillir.
Ses amis, la camarade médium et son… fantôme de compagnie, se rendaient de temps en temps dans la forêt où Paige était morte. Ses cendres se trouvaient là, quelque part. Rose improvisa un mémorial avec les restes du bûcher sur laquelle elle déposa un bouquet de roses blanches ainsi que le médaillon de sa défunte sœur, qu’elle retrouva parmi les feuilles mortes.
Malgré la présence de la mort, la vie reprenait son cours. Les deux médiums travaillaient de plus en plus sur leur projet de « groupe de soutien » pour les familles des victimes du Crieur. Elles parlaient déjà aux fantômes des victimes, que Rey avait invoqué au musée pour qu’ils les aident à vaincre Kira. La brunette aimait les réconforter et comprenait enfin le vrai sens de son pouvoir, et ce que ses parents en faisaient. Elle acceptait enfin cette partie d’elle et se sentait mieux de suivre leurs pas.
Ben progressait et se réadaptait au quotidien, malgré son fauteuil roulant. Il retournait souvent à l’hôpital pour un suivi de son traitement. Une partie de lui regrettait son travail d’inspecteur, mais une autre lui affirmait qu’il avait bien besoin d’une pause, en plus de sa convalescence. Une longue pause. Il passait également plus de temps avec son père, pour rattraper le temps perdu. Tous étaient en voie de guérison.
Et souvent, il se promenait avec Rey à Riverfront Park. Attentionnée et bienveillante, elle poussait surtout son fauteuil, et il observait le beau paysage. Il essayait d’apprécier les petits riens, les petits plaisirs simples de la vie comme la brise sur son visage ou le doux parfum sucré de sa compagne, tout en taisant la voix en lui frustrée de se sentir comme un enfant dans une poussette.
Puis, il lui arrivait souvent d’asseoir sa jolie médium sur ses genoux, qui s’accrochait alors à son cou, et, comme Ben reprenait des forces dans les bras, il tournait lui-même ses roues et les deux riaient aux éclats en traversant le reste du parc.
Elle était aux petits soins avec lui et quand il lui demandait si sa condition ne la dérangeait pas, parfois, la jeune femme répétait que tout ce qui comptait pour elle, c’était qu’il soit revenu. Et puis, ce n’était pas à propos d’elle, mais de lui. Elle était vraiment adorable et il n’aurait pas pu rêver mieux comme infirmière personnelle improvisée.
Rey lui faisait prendre l’air, était là pour lui, comme il était là pour elle, l’aidait à se laver, à se déplacer, à se faire à manger, à se déshabiller… Parfois, quand il se trouvait torse nu devant elle, elle rosissait, un petit sourire aux lèvres, et embrassait tendrement les cicatrices des trois balles sur sa peau. Symbole de son sacrifice pour elle, avant même de la rencontrer.
À ces moments, Ben frissonnait, les joues rouges, et fermait les yeux en respirant profondément et en caressant doucement les cheveux de sa compagne. La petite sorcière qui l’avait complètement envoûté. Il était bien avec elle. Sa seule crainte était de se demander si, si jamais leur relation se concrétisait et qu’ils allaient plus loin, il serait à la hauteur, désormais.
Il avait peur de ne pas être suffisant, de ne pas lui apporter ce qu’elle méritait. Et pourtant, elle semblait déjà comblée. Quand ils discutaient et que le jeune homme parlait de son choix de revenir dans le monde des vivants, malgré toutes ses imperfections, Rey déposa un baiser sur ses lèvres et répondit :
- N’ai pas peur, je le ressens aussi. La vie est un gigantesque merdier. Mais… c’est ce qui en fait aussi la beauté.
Pour le réveillon de Noël, ils se retrouvèrent à l’appartement des deux médiums. Après un succulent repas, des rires et une belle ambiance de fête, Han et Lando partirent dans la cuisine pour préparer la bûche. Amilyn était de garde et les rejoindrait le lendemain. Hux, n’osant pas se manifester, restait dans un coin. Bee-Bee se portait comme un charme et ronronnait sur son couffin.
Rose s’excusa et alla se rafraîchir aux toilettes. Elle était heureuse avec ses amis, mais gardait une part d’ombre au fond d’elle. Un peu mélancolique, elle se regarda dans le miroir et soupira. Son premier Noël sans sa sœur.
Puis, soudain, la jeune femme sentit un frisson la parcourir. Une présence. Fronçant les sourcils, elle balaya les environs du regard. Puis, elle sourit et des larmes de joie roulèrent sur ses joues. Sur la fenêtre recouverte de givre, les mots suivants se trouvaient écrits avec la buée : « Ta Pae-Pae est toujours là ».
À la table, il ne restait plus que Ben et Rey. La brunette, debout, empilait les assiettes, les couverts et les verres afin de débarrasser la table et les rapporter à la cuisine. Son nouveau copain – car à ce stade, après des semaines à se rapprocher, s’ouvrir l’un à l’autre, se réconforter et se bécoter, il ne fallait plus avoir peur des mots – la regardait faire en souriant.
Il admirait son joli minois, mis en valeur par un léger maquillage et les petites boucles brunes qui dépassaient de son chignon, et se répétait à quel point elle était sublime dans sa petite robe noire pailletée. À quel point il avait la chance de l’avoir.
Rey prenait soin de lui, l’encourageait dans sa nouvelle condition, adorait jouer à son infirmière personnelle et était toujours la pour le soutenir. Et vice versa. Ses sentiments envers elle ne cessaient de grandir. C’était une jeune femme extraordinaire. Unique à ses yeux. Elle méritait tout ce qu’il y avait de meilleur. Et avec elle, plus rien ne lui paraissait impossible.
Mais Ben fut brusquement sorti de sa contemplation lorsqu’il constata que, par fénéantise de faire plusieurs voyages, Rey s’apprêtait à s’encombrer de toute la vaisselle d’un coup. La jeune femme faisait dangereusement tenir les verres et les couverts en équilibre sur les assiettes, très concentrée, et se tourna vers la cuisine.
- Attends, mon cœur, fais attention, s’alarma Ben, se maudissant de ne pas être en mesure de l’aider. C’est trop lourd. Tu devrais…
- Mais non, ce n’est pas trop lourd, mon cœur, s’entêta Rey. Je vais y arriver.
Les bras chargés, elle fit à peine trois pas que Bee-Bee se frotta à ses jambes, en demande de caresses. Pour l’éviter, elle trébucha et perdit l’équilibre.
- Attention!
La vaisselle se brisa sur le sol. Le chat sauta sur le côté et s’enfuit en poussant un grognement. La jeune femme en eut le souffle coupé, sous le choc. Mais elle n’était pas tombée parmi les morceaux de verre et de céramique. Deux bras l’avaient rattrapée juste à temps. Encore sonnée, Rey tourna la tête et croisa le regard de Ben, stupéfaite. Les deux baissèrent alors les yeux et réalisèrent qu’il venait de se lever, par réflexe.
Le sort de la pauvre vaisselle ne préoccupa personne. Alertés par le bruit, les autres accoururent et purent voir, ébahis, Ben debout avant que ce dernier ne soit obligé de se rassoir. À cause du manque d’exercice, ses jambes étaient encore très faibles. Mais elles fonctionnaient à nouveau. Fou de joie, Han déclara qu’il fallait absolument prévenir Amilyn, peu importe ce qu’elle faisait à l’hôpital. Lando prit son filleul dans ses bras et renifla que c’était un miracle. Une merveilleuse nouvelle.
- C’est une merveilleuse nouvelle pour moi aussi, rit Ben, qui peinait encore à croire ce qu’il venait de se passer.
Il serra la main de Rey et les deux amoureux se sourirent. Parfois, il déprimait et craignait de devenir un fardeau pour elle, dans sa condition. Mais il commençait à se faire à l’idée qu’elle l’aimait comme il était, ne l’abandonnerait pas et puis… Beaucoup d’handicapés vivaient très heureux en couple.
Mais la situation venait de changer. Et même si Ben savait qu’il ne remarcherait pas avant longtemps et qu’il lui faudrait s’armer de persévérance, il avait espoir. Et bientôt, il pourrait enfin étreindre complètement sa bien-aimée contre lui, comme elle le méritait.
La jeune femme avait les larmes aux yeux. Elle l’embrassa passionnément, aux anges. Elle aurait continué de l’aimer même s’il était demeuré paraplégique, et était prête, tout comme Ben, à vivre avec ça. Mais elle avait toujours été persuadée qu’il s’en sortirait.
En ce soir de Noël, bien que tout ne soit pas encore fini, il y eut bien un miracle. Un nouvel espoir. Le début d’une nouvelle ère, loin des jours sombres et tourmentés.
Aux yeux de la loi, Han Solo, Ben Solo et Armitage Hux étaient des meurtriers. Or, la loi ne le découvrit jamais. Seules Rey et Rose le savaient. Mais il allait de soi qu’elles ne comptaient pas le révéler.
Le Crieur des Morts ne fit plus aucune victime à la suite de la disparition de Kira, un soir d’octobre. Officiellement, l’affaire resta non-résolue. Un mystère. Une légende. Un nouveau tueur du Zodiaque ou Jack l’Éventreur. Un véritable fantôme que personne n’attraperait jamais. Et désormais, il avait disparu pour toujours.
Mais les souvenirs s’estomperaient. Les cicatrices guériraient. Le temps passerait. Et un jour, avec de la chance, Salem retrouverait enfin la paix.
FIN