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Arjac Marfor: Mémoires

Chapter 10: Epilogue

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Cela fait un mois à peine que nous avons reçu la lettre du Smourbiff, ça me fait toujours sourire, Smourbiff PK. Quel titre ? Que cela signifie-t-il ? Petit Korrigan ? Je n'aurais sans doute jamais la réponse. En tout cas, il nous a sauvé d'une mort certaine, avec Lymior et Tärh'Son. Dès la réception de sa missive, nous préparions nos bagages. Le Général Helkazard, Nox Lucans, passent encore, mais Lorth Kordigän, lui tenir tête aurait été du suicide. Bien que nous n'apprîmes qu'après l'attaque qu'il en était l'orchestrateur.

Nous sommes donc partis tous les trois. Nous avons tenté de faire venir nos amis du hameau avec nous, de rester ensemble, mais ils avaient confiance, trop confiance. En eux. Ils pensaient qu'ils survivraient à une nouvelle attaque, comme ils avaient survécu aux deux précédentes. Mais là, celui qui nous attaquerait n'aurait pas de pitié, personne ne serait là pour nous aider, nous serions seuls, alors nous sommes partis tous trois, laissant à contre-cœur nos amis derrière nous.

Quand, quatre jours après l'attaque, nous sommes revenus au hameau, seules restaient des cendres, des morceaux de métal encore chauds, des chopes de terre cuites en mille morceaux au sol, tout ici était cassé, brisé, c'était l'horreur incarnée. Nous ne sommes pas restés longtemps, au loin, on entendait les soldats qui ratissaient encore les bois. Ils avaient trouvé le registre, et savaient qu'il manquait trois personnes. Alors, marchant entre les corps, les regardant une dernière fois, un dernier adieu silencieux, nous sommes partis une fois de plus, et pour de bon. Il fallait être discrets, dans les airs, les amples mouvements d'ailes de montures s'entendaient. Alors nous sommes restés dans une grotte dans la falaise de la plage, et avons attendu, encore, qu'ils partent. Ce qui faisait le plus peur, c'est que parfois, en passant la tête entre deux branchages, nous voyions Lorth Kordigän lui-même, venu en personne détruire en quelques jours ce qui avait pris des années à se construire. La haine nous emplissait, mais nous devions la contenir, faire face à cette brute aurait tenu du suicide. Mais notre peur de la mort nourrissait notre haine de cet homme. Il fallait se retenir de sauter pour venger nos amis. Alors, dès que les troupes eurent levé le camp, pillant nos réserves jusqu'au dernier grain, nous avons quitté Erka dans le noir de la nuit.

Nous sommes en fuite depuis un mois. Un mois à vivre la peur dans la peur, à survivre, craignant jusqu'à la nuit, car moi, mes iris se verraient, et nous ne verrions pas qui nous attaquerait. Nous pensions alors rejoindre une minuscule île entre Sudana et Pointevent. Pour la rejoindre, nous n'avions que des Akzards. Le bois de la barque d'Alcedo, malgré sa conception innovante, avait servis pour les maisons. À ce moment, nous ne pensions pas avoir besoin de nous en resservir. Grâce aux reptiles, que nous avions récupérés sur le chemin, nous pourrons vivre en paix, pour de bon. Personne sur cette île, nous pourrons être saufs, sans personne. Rien, juste nous.

Nous y sommes à présent. Loin de tout. Au moins, nous vivons. Et quelques soirs, je sors encore mon accordéon, et je joue quelques notes libres dans la nuit.

Tant que j'y pense, parce qu'il faudra bien y penser un jour, je suis néogicien, mais mes amis ne le sont pas. J'ai encore l'air d'avoir quarante ans, eux, surtout Lymior, ont l'air de préparer leur tombe. Comment pourrais-je vivre quand ils auront disparu ? Je mourrai, par ce que je suis, un être mortel, je mourrai, c'est certain. Mais quand ? Quand mon ami et son enfant seront morts ? Est-ce ça la vie ? Vivre entre amis, puis vivre seul parce que nos amis sont partis ? Je n'en sais que trop rien. Je ferais de mon mieux pour que Lymior et Tärh'Son puissent vivre le plus longtemps possible, pour eux, pour nous trois, pour l'espoir d'un avenir meilleur.

À vrai dire, j'ai peur de ce que le futur nous réserve. Quand Lymior et Tärh'Son seront morts, si je suis encore en vie parce que je suis néogicien, les crises dont j'ai réussi à me débarrasser, vont-elle revenir et me hanter jusqu'à la folie ? Vais-je sans m'en rendre compte mettre fin à mes jours par refus de vivre seul ? Quand Ark'hen m'appellera à lui, personne ne sera là pour m'ensevelir loin des prédateurs et des charognards, personne ne sera là pour mettre une pierre sur ma tombe, personne ne sera là pour graver mon nom sur cette pierre, personne ne sera là pour se souvenir des gens comme moi qui toute leur vie durant ont vécu en tenant la main de la Mort.

J'ai peur du futur, mais tant que l'ouvrage de paix des Trois Pleureurs m'accompagne, tout va bien. Tant que la paix gagne sur la guerre, tout va bien. Tant que mes amis sont là, tant que nous sommes ensemble, tout va bien.

 

Notes:

Les derniers paragraphes ("graver le nom sur la pierre", "tant que nous sommes ensemble tout va bien"...) sont inspirés de la pièce "Incendies: Le Sang des promesses" de Wajdi Mouawad. Merci le bac de français 😅

Et voilà, c'est la fin de l'histoire d'Arjac Marfor... J'espère que vous avez aimé, n'hésitez pas à laisser un kudos ou un commentaire 🤗

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