Chapter Text
Arrivée en gare de Pandaemonium, Marie descendit de la machine infernale avec des douleurs dans tout le corps. Ses jambes ne voulaient plus la porter. Les effets du baiser de Raphaël commençaient peu à peu à se dissiper. Mais, même s'il avait été là, elle ne l'aurait pas laissé recommencer...du moins, pas sans son accord.
La gare était plus grande que toutes celles qu'elle avait vues jusque-là. Sous son immense verrière, des quais étaient échelonnés sur plusieurs étages. Ils accueillaient des dizaines de trains et des milliers de voyageurs. Elle avait hâte d'échapper au bruit des machines et à la fumée poisseuse qui envahissait les lieux. Elle se mêla à la foule des arrivants. Il y avait beaucoup plus de démons que de damnés à cet étage, mais ils étaient si pressés qu'aucun ne faisait attention à elle. Elle faillit se faire bousculer plusieurs fois.
En sortant, elle n'eut aucun mal à repérer le palais, aux tours menaçantes, qui surplombait la ville. Elle traversa une large place sordide, entourée d'habitations lugubres, aux toits pointus. Sans s'arrêter, elle prit une rue qui allait dans la direction qui l'intéressait. Les façades des maisons qui la bordaient étaient noires et graisseuses, leurs rez-de-chaussée abritaient des tavernes et des restaurants. Des démons essayèrent de l'attirer à l'intérieur. Elle passa rapidement en évitant de regarder les images qu'ils lui tendaient et qui représentaient les plats proposés. Il n'y avait pas qu'au cercle de la Gourmandise qu'on servait des horreurs. Un peu plus loin, elle longea des boutiques qui offraient un large choix d'armes et d'instruments de torture. Un vendeur placarda sur une vitrine une affiche annonçant "Un produit acheté = un damné offert" et elle manqua de se faire piétiner par un groupe qui se précipitait en poussant des cris surexcités. Elle s'éloigna au plus vite de la mêlée.
Elle arriva au bord d'un fleuve de lave qui dégageait une chaleur effroyable. Des demeures, plus luxueuses les unes que les autres, bordaient ses berges. Elles rivalisaient en taille et en richesse, mais aucune n'égalait le palais vers lequel elle se dirigeait.
Un large pont, aux parapets décorés de statues monstrueuses, permettait de gagner l'autre rive. Marie voulut le traverser en courant, mais renonça en voyant ce qu'elle avait pris pour des décorations bouger. L'une des gargouilles de pierre déploya ses ailes et ses griffes et fondit sur un damné qui essayait de traverser. Elle le souleva et le balança dans le fleuve, sous les applaudissements des démons qui passaient par là. Ça avait l'air d'être un spectacle aussi répétitif que populaire. On forçait des damnés à s’avancer pour les livrer en pâture aux gargouilles. Marie passa à faible allure. Pour ne pas attirer l'attention, elle applaudit elle aussi aux lancés les plus réussis.
Enfin, au bout d'un trajet qui lui parut interminable, elle arriva en bas de l'escalier monumentale qui, elle l'espérait, menait au palais du fameux Lucifer.
D'autres gargouilles se tenaient sur les rambardes. Tandis que Marie escaladait les hautes marches, l'une d'elles poussa un cri perçant et s'envola lourdement dans le ciel plombé de Pandaemonium.
En la suivant des yeux, Marie put mesurer l'étendue de la ville. Si la beauté du Paradis lui avait coupé le souffle, la capitale infernale était aussi impressionnante à sa façon. Elle n'arrivait pas à voir les limites de ce chaos de toits, de tourelles et de fortifications. Elle distinguait au loin des volcans dont les éruptions illuminaient l'horizon d'une lueur malsaine. Les trois fleuves, qui serpentaient dans la ville et se divisaient en canaux, étaient en flamme. Elles se reflétaient sur les façades des maisons et des manoirs, embrassant toute la cité. Plusieurs bâtiments brûlaient dans d'éternels incendies. Malgré tout, la ville résonnait d'activité. Les démons et les damnés fourmillaient dans ses rues. Ils étaient des milliers, des millions peut-être. À côté, Jérusalem et Alexandrie n'étaient que des petits villages. Marie n'avait jamais vu Rome, mais elle se doutait que la cité devait paraître ridicule en comparaison. Elle n'était pas rassurée à l'idée de rencontrer le maître d'un tel royaume.
Elle arriva essoufflée en haut de l'escalier. Les portes du palais étaient grandes ouvertes. Deux démons armés les gardaient. Recouverts de pièces d'armures dépareillées, leurs corps difformes étaient des mélanges de plusieurs animaux, que Marie n'avait ni le temps, ni l'envie, d'examiner en détail. N'ayant jamais été stoppée jusque-là, elle fut surprise de voir leurs lances se croiser pour lui interdire l'accès.
« Je rêve ! C'est quoi cette touriste ? On se présente et on donne la raison de sa visite, c'est le minimum quand même !
- Ouais ! On est en Enfer, pas dans un moulin !
- Un peu de considération pour notre boulot, c'est trop demander ? »
En faisant attention à ce qu'ils ne voient pas trop son visage, Marie bredouilla :
« Euh...excusez-moi, je ne voulais pas...
- Hein ?! T'as dit quoi là ?
- Elle s'est excusée ! Ça me blesse la bouche rien que de le répéter. T'es quand même pas un de ces putains d'enfoirés d'emplumés ?!
- Euh...non... »
L'autre garde donna un coup de coude à son collègue.
« Enfin, réfléchis, qu'est-ce qu'elle viendrait faire ici si c'était un ange ?
- Ça peut être une nouvelle déchue ?
- Pfff ! Elle passerait pas par la porte. Elle serait tombée direct dans le lac de flammes, comme tous les autres !
- Une visite diplomatique alors ? C'est déjà arrivé non ?
- Me souviens pas...J'ai jamais lu le protocole, mais les rencontres, c'est pas plutôt en terrain neutre ?
- Y'a pas ce taré de Michael qu'a débarqué une ou deux fois ?
- Ouais, mais il fait au moins deux têtes de plus que cette souris. Et si c'était lui, il nous aurait déjà empalé sur son symbole phallique...Parait que c'est parce qu'il sait pas se servir de ce qu'il a entre les jambes qu'il est aussi nerveux.
- Nan, sérieux ?
- C'est Asmodée qui le dit, et s'il y en a un qui en connaît un rayon sur les entre-jambes, c'est bien lui. »
Marie prit note de ces informations sur le fameux Asmodée avec qui Raphaël était resté. Puis elle se demanda si les gardes allaient enfin penser à l'interroger sur son identité et sur la raison de sa visite.
« Mais si ce truc c'est pas un ange et que ça s'excuse quand même, qu'est-ce que c'est alors ?
- Je sais pas...une mortelle ? »
Après un lourd instant de silence, pendant lequel Marie se demanda comment fuir au plus vite, les deux démons partir dans un grand éclat de rire. Il leur fallut un très long moment pour retrouver leur calme. Secoués de soubresauts, ils se tapaient l'un l'autre sur les épaules pour essayer de s'aider.
« Nan, mais toi alors, t'en loupes pas une ! Une mortelle ! Faut que je le ressorte à la taverne, ils vont pas en revenir ! »
Le rire d'un des gardes finit par mourir dans une quinte de toux douloureuse et il fit un effort pour reprendre son souffle.
« Elle est partie où ?
- Qui ça ?
- Ben...la...le... »
Les démons fixaient l'endroit où aurait dû se trouver la visiteuse. Sa disparition allait être difficile à expliquer dans un rapport.
« Hem...T'as vu quelqu'un toi ?
- Nan, personne. »
***
Marie n'avait pas attendu que les gardes finissent leur discussion. Puisque les Enfers ne supportaient pas la politesse, elle avait profité de leur distraction pour entrer dans le palais. Elle s'était attendue à trouver, comme dans d'autres demeures royales, une salle du trône. Elle l'imaginait peuplée des plus grands démons, réunis pour décider du sort de leur otage, le fils de Dieu en personne. Elle redoutait de devoir affronter une telle assemblée, mais aucun adversaire, aussi puissant soit-il, ne l'empêcherait de retrouver son fils.
Elle se retrouva effectivement dans une vaste salle aux murs en pierre volcanique, mais elle était vide. Elle aurait pourtant pu accueillir une armée entière. Posé en haut d'une volée de marches, le trône, noir et simple, était trop petit pour les lieux.
De peur que les gardes ne se lancent à sa poursuite, Marie traversa en hâte la salle. Elle s'engagea dans un couloir éclairé par des torches, tenues par des mains qui sortaient des cloisons. Il y régnait un calme étrange qui contrastait avec l'agitation de la ville. Les cris et les hurlements parvenaient encore à ses oreilles, mais de loin, comme étouffés. C'était peut-être grâce à la largeur des murs sombres ou aux épais tapis en velours anthracite qui recouvraient les sols et absorbaient le son de ses pas. Elle avait l'impression de s'y enfoncer et qu'ils pouvaient l'engloutir à tout instant. L'immense palais donnait le sentiment d'être à l'abandon. Il paraissait encore plus grand à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ce n'était pas bon signe. Elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle devait se rendre pour en trouver le propriétaire. Les portes qu'elle croisait résistaient à toute tentative d'ouverture, les corridors se ressemblaient tous. Elle craignait d'errer pour toujours dans ce labyrinthe, sans retrouver la sortie.
Alors qu'elle montait un escalier, elle aperçut un chat au pelage roux, presque rouge, qui était assis en haut des marches. Il avait, sur le front, des rayures noires qui formaient un « M ». Il la fixait d'un regard doré. Quand elle s'approcha, il s'éloigna à pas feutrés. Il s'arrêta un peu plus loin et la regarda. Dès qu'elle essaya de se rapprocher, il lui échappa de nouveau. Sans vraiment réfléchir, elle se mit à le suivre. Elle finirait bien par croiser quelqu'un qui pourrait la renseigner.
Le chat franchit une double porte entrouverte. Elle se glissa à sa suite et eut la surprise de découvrir une grande bibliothèque. Répartis sur plusieurs étages, les rayonnages en bois d'ébène, qui couvraient les murs, croulaient sous des milliers de livres et de papyrus. Des centaines d'ouvrages s'empilaient aussi pêle-mêle sur le sol. Le chat roux se dirigea vers un sofa qui faisait face à une cheminée allumée.
« Va vraiment falloir que tu revois la sécurité ! Y'a des mortels qui se baladent dans le palais maintenant. »
Même si ce n'était pas la chose la plus étrange qui lui soit arrivée cette nuit, Marie ne s'attendait pas à ce que le chat sache parler. Il s'assit, se lécha une patte et la passa sur son oreille comme si de rien n'était.
Avant que la jeune femme ne puisse l'interroger, son attention fut happée par une petite forme assise sur le tapis devant la cheminée.
Elle se précipita en s'écriant :
« Jésus !!! »
Occupé à jouer avec des cubes, le bébé releva la tête. Pour ne pas l'effrayer, elle rejeta en arrière la capuche qui lui dissimulait encore le visage. Les grands yeux de l'enfant se mirent à pétiller et il tendit ses mains potelées vers elle en poussant un cri de joie. Elle le souleva et le serra de toute ses forces contre sa poitrine. Une profonde sensation de soulagement la submergea.
« Oh ! Mon amour ! Mon trésor ! Tu vas bien ? Tu n'as rien ? ».
Elle passa ses mains sur son corps pour s'assurer qu'il n'était pas blessé. Chatouillé, il émit un rire perlé qui fit sourire sa mère. Elle avait l'impression que son cœur de remettait à battre, le poids qui pesait sur elle, depuis qu'elle avait vu le berceau vide, n'était plus qu'un mauvais souvenir.
« Qu'est-ce que c'est que cette tenue ? »
Jésus ne portait plus la tunique en lin blanche qu'elle lui avait mise, mais un costume rouge, agrémenté d'un bonnet muni de cornes, de petites ailes en tissu accrochées dans le dos et d'une queue qui se terminait en pointe de flèche.
« J'ai dû le changer. » expliqua une voix grave, qui lui était étrangère. « Il n'ont pas une très bonne maîtrise de leur vessie à cet âge-là. Un défaut de leur naissance prématurée. Si on les laissait aller jusqu'au bout de leur développement, leurs têtes ne passeraient pas entre les os du bassin...ce serait un carnage. »
Pour la première fois depuis qu'elle était entrée dans la bibliothèque, Marie s'intéressa au démon assis sur le canapé. Appuyé contre le dossier, il était plongé dans la lecture d'un livre. Les démons, que Marie avaient croisés jusque-là, étaient de formes très variées, mais ils partageaient des caractéristiques communes : ils avaient tous des cornes, et beaucoup avaient des ailes et des queues. Celui-ci ne possédait aucun de ces signes distinctifs. Il avait l'apparence d'un homme grand et mince, vêtu d'une longue robe de chambre, aussi noire que ses cheveux. Sans son teint blafard et les cernes sous ses yeux, il aurait pu passer pour un ange.
Le chat sauta à côté de lui sans qu'il interrompe sa lecture.
« Tu nous as ramené une étrange souris, Méphistophélès. D'habitude, elles sont déjà mortes...
- Elle traînait dans l'escalier. J'ai hésité à la pousser.
- Faire tomber Marie ? Et prendre le risque de la blesser mortellement ? Quelle idée...
- Tu la connais en fait ? s'étonna le chat.
- Je n'ai pas de mérite. Un jour, le monde entier la connaîtra. J'ai juste un peu d'avance.
Le regard du Méphistophélès alla de son maître à la jeune femme et au bébé dans ses bras. Il fronça le museau d'un air révolté.
« Ne me dis pas que tu t'es reproduit avec cette mortelle ! Quelle idiotie !
- Non, ce n'est pas moi le père, le détrompa Lucifer et il pointa son majeur vers le plafond.
- Oh...le chat écarquilla les yeux. Oh ! La vierge de Judée ?...Non ! Mais comment elle a fait pour arriver jusqu'ici ?!
- Elle a eu de l'aide. »
Marie sentit que ce n'était pas le moment de parler d'ange. Elle rétorqua, sur la défensive :
« J'ai pris le train !
- Quand je disais que les Enfers sont une vraie passoire, se lamenta Méphistophélès.
- Qu'en pense l'avocat du Diable ? Mérite-elle d'être punie atrocement pour avoir abandonné tout espoir et être entrée ici ?
- Ouais ! Faisons ça ! Punissons-la pour avoir osé pénétrer sans autorisation aux Enfers et avoir traversé les neuf cercles, et Pandaemonium, sans que personne ne pense à l'arrêter. Et elle est encore vivante en plus ! C'est un nouveau record d'incompétence crasse ! »
Jésus regardait avec attention le chat qui pérorait. Il tendit soudain les deux mains vers lui.
« Minou ! Mignon ! » s'écria-t-il avec enthousiasme.
Méphistophélès déglutit.
« Il est temps que je parte. »
Il sauta en bas du sofa et fila ventre à terre.
« Ouah ! Ouah ! imita Jésus comme pour le rappeler.
- Les chats n'aboient pas. » le corrigea Lucifer.
Il posa son livre et se leva. Il se rapprocha d'eux en boitant. Il était beaucoup plus grand que Marie, au moins autant que Michael, si ce n'est plus. Il dut se pencher de façon comique pour se mettre au niveau de Jésus et lui expliquer :
« Ils miaulent. Miaou.
- Mi ? répéta Jésus.
- Mi-a-ou. »
Marie le considéra avec suspicion.
« C'est vous Satan ? »
Lucifer caressa l'air de ses longs doigts. Des flammes orangées formèrent la silhouette d'un chat sur sa paume. Le félin fit quelques pas et arrondit son dos, comme pour réclamer une caresse.
« Je n'en ai pas l'air ? »
D'abord surpris par la démonstration, Jésus poussa un cri de joie et agita les bras. Marie dut le retenir pour l'empêcher d'essayer de toucher la figure enflammée. La sécurité des enfants ne devait pas être une préoccupation pour ce démon.
« Je ne vous imaginais pas comme ça...Je pensais que vous étiez plus grand, rouge avec des cornes.
- Ce que tu décris a pour nom Belzébuth, aussi connu sous les titres de Seigneur des mouches, Prince des Enfers et démon de la Gourmandise. Je suis juste Lucifer...Mon apparence te déçoit ?
- Euh, non, non...je m'attendais à autre chose, c'est tout. »
Elle ne voulait pas prendre le risque de le vexer en lui disant qu'elle s'attendait à plus effrayant. Même si son visage était creusé, il avait de beaux traits. Les cernes, autour de ses yeux, intensifiaient son regard triste. Il dégageait une forte impression de mélancolie. Elle restait malgré tout sur ses gardes :
« Qu'est-ce que vous allez faire de nous ? Vous allez nous garder en otage ? Nous torturer ?
- Tu te sens menacée ?
- Vous voulez notre perte ! C'est dans votre nature, non ? Et vous êtes l'ennemi juré de son père ! Vous le détestez !
- Et ? Ça ne veut pas dire que je vais m'en prendre à son fils...du moins, pas pour le moment. Je n'ai pas de raison de l'empêcher de grandir. Je veux voir ce qu'il va faire sur Terre.
- Pourquoi ?
- S'attaquer à un enfant sans défense, ce serait d'une lâcheté, alors qu'un adulte...Ce sera beaucoup plus satisfaisant de lui mettre des bâtons dans les roues, de détruire ses espoirs, de réduire à néant tous ses rêves et de lui faire mordre la poussière. »
Jusque là doux et triste, le regard du Diable changea. Ce qu'elle y lut la glaça au plus profond de son être. Toutes les horreurs qu'elle avait vues jusqu'à présent ne pouvaient rivaliser avec ce vide glacé. Il fallait qu'elle parte d'ici, au plus vite. Elle tourna la tête vers la porte par laquelle elle était entrée. Elle s'était refermée sans qu'elle y fasse attention.
« Et là, tu te demandes comment tu vas sortir d'ici. »
Il sourit et elle se retint de hurler. Elle recula en serrant Jésus contre elle. Elle ne pouvait pas croire qu'il l'ait touché et ne voulait surtout pas qu'il recommence.
« Je...Je ne vous laisserai pas lui faire de mal !
- Tu ne seras pas toujours là. »
Ce n'était ni une menace, ni une promesse, c'était une évidence, froide et réaliste. Les pensées les plus noires déferlèrent dans son esprit. Sa mort lui importait peu, mais son fils, elle ne pouvait pas supporter l'idée de le laisser, de l'abandonner.
Lucifer avança vers elle en boitant. À chaque mouvement de sa jambe traînante, Marie imagina des scènes de plus en plus détaillées et angoissantes. Tout ce qu'elle redoutait défila dans son esprit. Elle vit une colline dévastée, une croix qu'on dressait...Son cœur se serra, elle n'arrivait plus à respirer. Son dos heurta un mur. Elle n'avait pas réalisé qu'elle avait reculé autant. Elle se retrouvait acculée près d'une fenêtre. Il avait manœuvré de façon à l'écarter de la porte.
Elle jeta un rapide coup d'oeil à l'extérieur. La ville était très loin, en contrebas. Le palais la surplombait de plusieurs centaines de mètres. Même si elle parvenait à ouvrir la fenêtre et à passer à travers, elle ne survivrait pas à une telle chute. Pourtant, c'était peut-être un destin préférable que de rester avec Lucifer. Le Diable était trop près, il n'avait plus qu'à tendre la main pour s'emparer d'elle.
« Je suis disposé à le laisser grandir, ça ne veut pas dire que je souhaite que tu vieillisses... »
Elle n'allait pas en réchapper. Il faudrait un miracle pour la sauver. Elle adressa, au ciel, une prière muette.
La porte de la bibliothèque se rouvrit d'un coup et un envoyé divin entra dans la pièce en sautillant. En voyant le Diable, il ouvrit grand les bras.
« Lulu ! Tu m'as manqué ! »
Marie n'était pas exactement contente de voir Gabriel, mais elle était soulagée de ne plus être seule avec Lucifer. À en croire son expression lasse, celui-ci ne partageait pas son sentiment.
« Tu étais là il y a moins d'une heure...
- Salut Marie ! Eh ! Jésus aussi est toujours là ! Trop bien ! »
Ignorant le Diable, Gabriel gambada jusqu'à Marie. Elle se déplaça pour éviter qu'il ne touche l'enfant et revint, ainsi, vers le centre de la bibliothèque.
« Je croyais que tu étais parti chez Astaroth ? soupira Lucifer
- J'y étais, mais j'ai pas trouvé de berceuse. Par contre, j'ai croisé quelqu'un qui voulait absolument te voir et j'ai eu un mal de fou à m'en débarrasser. Je lui ai faussé compagnie dans les montagnes du Neuvième...»
Gabriel s'immobilisa et leva ses deux mains, doigts tendus.
« Tu sais déjà compter ? demanda-t-il à Jésus. Bien sûr, suis-je bête. Mais est-ce que tu sais compter à l'envers ? Il replia ses doigts un par un. Dix...neuf...huit...sept...six...
- Qu'est-ce que tu comptes ?
- Trois...Le temps qu'il va mettre...deux...à me rattraper...un. »
La haute fenêtre, devant laquelle Marie s'était tenue, vola en éclats. Une silhouette passa à travers et atterrit dans une pluie de verre brisé. Marie reconnut l'épée avant les longs cheveux blonds et les grandes ailes blanches. Michael se redressa, avec une expression si menaçante que Gabriel plongea derrière le dos de Marie pour se cacher. En essayant de se faire le plus petit possible, il s'écria :
« Bravo Michou! Tu m'as retrouvé ! Tu as gagné ! Il est trop fort à cache-cache, hein, Lulu ? »
Michael se figea. Derrière lui, Lucifer avait totalement changé d'expression.Toute impression de menace avait déserté ses traits. Il fixait le dos de l'Archange avec une expression où la souffrance se mêlait à un sentiment que Marie n'arrivait pas à identifier avec certitude.
« Michael...ça faisait longtemps... »
Lentement, l'Archange tourna son épée vers le Diable.
« Toi ! Tu ne perds rien pour attendre ! Je m'occuperai de toi après !
- Je n'ai rien fait pour mériter ta colère...
- Tu kidnappes des gosses maintenant ?!
- Je ne comptais pas le garder. J'ai juste proposé de veiller sur lui pendant que Gab... »
Michael ne le laissa pas finir. Il tourna la tête vers Marie pour lui demander :
« Qu'est-ce qu'il t'a fait ? »
Prise de court, elle chercha comment décrire ce qui s'était passé :
« Je ne suis pas sûre, mais je pense qu'il m'a menacé...
- Nous avons juste discuté, se défendit Lucifer avec une expression faussement innocente.
- Vous m'avez fait peur ! » insista Marie.
- Quelle ingratitude. Dire que j'ai surveillé et nourri ton fils...
- Avec quoi ?! s'inquiéta Marie.
- Du lait...
- De quel animal ?!
- De vache ! Je ne suis pas Belzébuth ! Combien de fois faudra-t-il que je le répète ?! »
Il avança d'un pas menaçant vers Marie, mais Michael l'empêcha de la rejoindre. Son expression se fit meurtrière et elle se réjouit ne pas être l'objet de sa colère.
« T'as pas bientôt fini de jouer les satyres ?! »
Sans attendre de réponse, il fondit sur Lucifer. Le Diable évita de peu un coup d'épée, mais pas un coup de botte en plein dans les côtes. S'ils n'étaient pas mortels, les coups qui suivirent n'en furent pas moins douloureux.
Marie s'écarta pour soustraire Jésus à cette explosion de violence. Elle avait beau essayer de se détourner, le bébé cherchait à voir les deux combattants. Alors que les mains de Michael se refermaient sur le cou de Lucifer et serraient, il se mit à renifler et ses grands yeux se mouillèrent de larmes. Sa mère eut beau le cajoler, il se mit à pleurer.
Depuis la bibliothèque, on entendait parfois des cris et des hurlements en provenance de Pandaemonium. Ils étaient en général lointains et étouffés, mais leur volume augmenta soudain de façon significative, assez pour que même Michael arrête de taper sur Lucifer. Ils tournèrent tous leur attention vers les fenêtres.
Il pleuvait souvent de l'acide, de la cendre et des boules de feu sur Pandaemonium, mais le liquide qui tombait était, pour la première fois, clair et pur. Il brûlait les démons comme aucune flamme n'était capable de le faire. Ils essayaient désespérément de fuir, dans la panique la plus totale.
« Il pleut de l'eau bénite ?! s'étonna Lucifer.
- Il se produit des phénomènes étranges quand il pleure. » s'excusa presque Marie. Elle ne voulait pas penser à ce qui était arrivé à cette troupe de soldats du roi Hérode, cette fois où Jésus s'était énervé. Pour l'encourager à se calmer, elle essaya de le bercer, mais la crise était puissante.
Les murs de palais commencèrent à fumer et à grésiller. Lucifer s'écarta des vitres que les gouttes trouaient.
« Il va tout détruire ! Fais-le taire !
- Si vous croyez que c'est facile ! Ça se voit que vous n'avez jamais eu d'enfant !
- Moi, je sais comment calmer les bébés ! »
Gabriel se pencha sur Jésus et lui fit une des grimaces les plus tordues qu'il avait en stock. Jésus renifla avant de se remettre à hurler de toute la force de ses poumons. Sous l'effet de l'eau bénite, les toits des bâtiments de Pandaemonium fondaient et les tours s'écroulaient. Aucun refuge ne sauvait les démons paniqués du déluge sacré.
« Ah bah, ça fonctionne pas...Je sais ! Il a besoin d'amour ! Ça allait très bien avant que vous vous battiez ! » Gabriel désigna Michael et Lucifer d'un doigt accusateur. « Il est venu pour répandre la joie sur Terre ! C'est pas bien de se fâcher et de faire la guerre ! Embrassez-vous !
- Hein ?!
- Donnez-vous un bisou de réconciliation ! Tout de suite ! Ça va lui rendre le sourire ! »
Les pleurs de l'enfant étaient si puissants que, si Marie ne l'avait pas porté, elle se serrait bouché les oreilles. Les deux anges et le démon étaient aussi affectés. Ils se tordaient sur eux-mêmes, des expression de souffrance sur le visage.
« Faites-le ! Vite ! » ordonna Gabriel.
Lucifer essaya de se rapprocher de Michael, mais celui-ci le repoussa, l'épée prête à frapper. Le visage rouge et congestionné, Jésus émit un cri perçant. Les murs et le sol de la bibliothèque tremblèrent, les livres tombèrent par dizaines des étagères, le plafond se lézarda. Ils allaient se retrouver ensevelis sous les décombres.
« Oh, bordel de... »
Michael agrippa Lucifer par le col de sa robe de chambre. Il l'attira d'un coup contre lui et colla sa bouche sur la sienne. Lucifer ne tarda pas à lui répondre. Ils bataillèrent un instant, se mordant plus qu'ils ne s'embrassaient. Puis Lucifer reprit le contrôle du baiser. Il posa une de ses mains sur le visage de l'Archange et lui caressa la joue pour le calmer. À voir sa langue se glisser dans sa bouche, Marie sentit une vague de chaleur la traverser. Ce n'était pas le moment. Voir un démon embrasser un ange n'aurait pas dû l'intéresser de cette façon, même s'il y mettait une passion déconcertante...Se rappelant que ce n'était pas un spectacle pour un enfant, Marie essaya de dissimuler les yeux de Jésus avec sa main. Il se débattit en riant.
Le son fit réagir Michael. Il se sépara de Lucifer, comme surpris par ce qu'il venait de faire.
Jésus les regardait, son petit visage éclairé d'un grand sourire. Il battit des mains, ravi.
Dehors, il avait cessé de pleuvoir et, même s'ils grésillaient encore, les murs s'étaient stabilisés.
Lucifer et Michael restèrent comme hébétés. Marie commençait à se demander s'il n'y avait pas entre eux une histoire plus complexe qu'elle ne l'avait imaginée. Lucifer fit un mouvement vers Michael qui le tint à distance d'une main qui tremblait.
« Tu la fermes ! Je veux rien entendre ! »
Malgré la menace qui pesait dans sa voix, il ne recommença pas à l'attaquer. Il remit son épée au fourreau, avant de s'avancer vers la vierge et l'enfant. Gabriel essaya de se rappeler à son bon souvenir :
« C'était sympa de se re...
- Ça vaut aussi pour toi, Gabriel ! Tu suis en silence ou je t'en colle une ! »
Sans lui demander son avis, Michael passa un bras derrière les épaules de Marie et l'autre sous ses genoux. Il les souleva, elle et Jésus, comme s'ils ne pesaient rien. Elle dut fermer les yeux quand il déploya ses ailes et s'élança par la fenêtre.
***
Fatigué par cette nuit agitée, Jésus s'était endormi dès qu'ils avaient quitté les Enfers. Marie ne vit presque rien du voyage de retour, Michael volait beaucoup trop vite. Il les ramena à Alexandrie en un temps record.
Arrivée au-dessus du palais du gouverneur, Marie remarqua qu'il lui paraissait petit à présent, une fraction à peine de la taille de celui de Lucifer à Pandaemonium. Michael savait où il allait. Il atterrit sur la terrasse qui prolongeait les appartements de Raphaël. Avec une douceur, dont elle ne l'aurait pas cru capable, il la déposa sur le sol.
Gabriel se posa juste à côté d'eux, les joues roses de plaisir et les yeux pétillants.
« Quelle super nuit ! On devrait aller voir Lulu plus souvent ! J'ai bien envie d'y retourner, tiens !
- Bouge pas, gronda Michael. J'en ai pas fini avec toi... »
Il s'écarta de Marie et de Jésus avant de tirer l'épée de son fourreau. Il se mit en garde, à la grande surprise de Gabriel.
« Je te donne trois secondes d'avance. Un...
- C'est gentil, mais j'ai plus envie de jouer à...
- Deux.
- Te fâche pas ! C'était juste un tout petit bisou...
- TROIS ! »
Gabriel bougea si vite qu'il sembla disparaître. Michael le suivit de près.
Marie se retrouva seule avec Jésus. Elle n'avait même pas eu le temps de remercier Michael de l'avoir ramenée. Elle n'avait pas osé lui demander de la déposer chez le cousin de Joseph. Elle n'était pas sûre de pouvoir expliquer où ça se trouvait vu du ciel.
Le soleil se levait sur Alexandrie. Après son voyage en Enfer, elle savoura les premiers rayons sur sa peau et la fraicheur de l'air matinal.
À contrecoeur, elle rentra chez Raphaël. Le salon portait encore les traces de la partie de Mehen avec les divinités du panthéon égyptien. La soirée lui paraissait si loin. Elle n'en gardait que l'image du berceau vide et l'angoisse atroce qui s'était emparée d'elle. Elle avait besoin de repos.
Malgré la fatigue, sa colère se réveilla dès qu'elle vit Raphaël sortir de la chambre. Il avait troqué son costume contre une robe de chambre vert sombre et avait toujours l'air aussi calme et détendu, comme si rien ne s'était passé.
« Tu l'as retrouvé ! Sain et sauf en plus, quel soulagement ! Je savais que vous réussiriez très bien sans moi !
- Tu as fini de surveiller Asmodée ? demanda-t-elle d'un ton acide.
- Dans l'état où je l'ai laissé, il ne risque pas de donner l'alerte à qui que ce soit.
- J'imagine bien... »
Elle passa devant lui et entra dans la chambre. Pour soulager ses bras, elle déposa Jésus dans le berceau doré qui y trônait encore. Il se lova sur lui-même et entreprit de poursuivre son somme. Elle n'avait pas l'énergie de lui retirer son costume de diablotin. Il était plutôt mignon avec ses petites ailes rouges.
Raphaël se pencha à côté d'elle :
« Le pauvre, il a du sommeil à rattraper... »
Sans prévenir, elle lui donna un coup de poing dans l'épaule. Elle y avait mis toute la force qui lui restait. Choqué, il ouvrit la bouche pour crier. Pour ne pas réveiller l'enfant, elle le poussa hors de la pièce, tout en le houspillant :
« Ne crois pas que tu vas t'en tirer comme ça. Je t'en veux beaucoup !
- Pourquoi ? C'est Gabriel le fautif, je n'ai rien fait de mal !
- Je ne sais même pas par où commencer ! Je te faisais confiance et tu as été en dessous de tout ! Tu n'es pas un ange, ce n'est pas possible ! Tu es...tu es... »
Elle n'arrivait pas à trouver de mot assez fort pour exprimer sa colère. Ce qui l'énervait encore plus, c'était que Raphaël continuait de jouer les innocents.
« Je comprends...Je sais ce qu'il te faut ! Un bon bain ! J'allais justement en prendre un ! »
Elle n'en croyait pas ses oreilles, il n'avait vraiment honte de rien. Déjà, il écartait une tenture pour lui dévoiler une pièce qu'elle n'avait pas encore remarquée. Elle était décorée de mosaïques aux motifs verts et blancs, et de nombreuses plantes en pot. Au centre, un bassin rempli d'eau fumante, où flottaient des pétales de fleurs, attirait le regard. Elle se demanda si tous les appartements du palais disposaient d'un tel confort ou si c'était seulement celui de Raphaël.
« Si tu crois que je vais laisser mon fils sans surveillance !
- Rassure-toi, Gabriel est loin d'ici. »
Sans crier gare, il plongea la main à l'intérieur du manteau de Marie. Il en tira l'appareil d'Haniel qui émettait de légers tintements. Il lui montra l'étoile qui zigzaguait très loin d'eux, suivie de près par une petite épée.
« Ils traversent la ceinture d'Orion...Regarde ! Michael va le rattraper ! Ah, non, il l'a raté...Il a l'air bien énervé. Il s'est passé quoi en bas ?
- Tu le saurais si tu ne nous avais pas abandonné pour rester avec ton démon !
- C'est ça qui te met en colère ? Ce n'est pas mon démon...Je le connais à peine.
- Oh ! Tu avais l'air de très bien le connaître ! Enfin, je comprends que tu te laisses avoir, c'est une vraie beauté ! Tu devrais aller t'installer en Enfer avec lui !
- Tu voudrais que je sois déchu ? Vraiment ? Tu penses que je ferais un bon démon? »
Il franchit le peu de distance qui les séparait. Il portait encore son maquillage égyptien. Le khôl n'avait même pas coulé, il était toujours aussi beau, ce n'était pas juste.
« Un tentateur peut-être ? »
Marie n'était plus sûre de savoir ce qu'elle voulait.
« Je ne peux pas rester ici plus longtemps...Il...Il faut que je rentre.
- Dans cette tenue ? Crois-moi, tu as vraiment besoin d'un brin de toilette.»
Marie baissa les yeux sur le manteau trop grand qui dissimulait sa robe en partie brûlée et couverte de suie et de sang. Elle devait offrir un triste spectacle. Si elle rentrait dans cet état, il y aurait des questions. Déjà que les proches de Joseph ne la considéraient pas d'un bon œil, ils n'allaient pas la lâcher. Le bassin l'attirait. Si elle laissait la tenture ouverte, elle pourrait surveiller le berceau où Jésus dormait profondément et, même si elle ne savait pas où se trouvait Orion, elle espérait que c'était très loin et que Gabriel était trop occupé pour revenir...Elle pesa le pour et le contre.
« Tu ne peux pas juste me rendre mes vêtements ? Ma robe bleue... »
Il avait dû garder le vêtement qu'il lui avait fait troquer contre la toge blanche pour monter au Paradis.
« Il restera le problème de l'odeur de souffre. »
Après une grimace, Raphaël posa ses mains vers elle. Elle ne réagit que lorsqu'il essaya de lui enlever le manteau de démon.
« Qu'est-ce que tu fais ?!
- Je voulais juste t'aider à te déshabiller. Je commence, si tu préfères. »
Le voyant dénouer la ceinture qui retenait sa robe de chambre, Marie sentit ses joues s'embraser.
« Je...Je ne peux pas prendre un bain avec un homme ! »
Elle se détourna pour ne pas voir le vêtement s'ouvrir. Elle n'avait même pas encore vu son propre mari nu, ce n'était pas convenable. Il fallait qu'elle quitte cette pièce au plus vite.
« Tu n'as pas à te sentir mal à l'aise, je ne suis pas un homme.
- Tu sais très bien ce que je veux dire !
- Je ne suis pas un homme. » répéta Raphaël.
Une soudaine douceur dans sa voix poussa Marie à se retourner. Après la nuit qu'elle venait de vivre, elle pensait que plus rien ne pouvait la surprendre.
C'était toujours Raphaël qui lui faisait face et pourtant, il avait changé. Les traits de son visage étaient plus doux, ses cheveux plus longs, et sa robe de chambre entrouverte laissait deviner des rondeurs féminines.
Marie n'en pouvait plus, c'était trop d'évènements pour une seule nuit. Elle n'arrivait pas à croire qu'il ait changé d'apparence l'espace d'un battement de cils. Elle ne put s'empêcher de tendre la main pour le toucher, afin de s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'une illusion. Elle se retint à quelques centimètres à peine d'un de ses seins. Il avait toujours le même sourire, celui qui n'avait rien d'angélique.
« Je sais que tu m'en veux pour ce qui s'est passé. Laisse-moi une chance de me faire pardonner. »
En tremblant, Marie accepta la main qu'il...elle lui tendait, et elle se laissa entraîner vers le bassin.
***
« Les insectes sont nos amis ! Il faut les aimer aussi! Comme nous ils ont... »
Gabriel entrait dans la chambre de Raphaël en fredonnant quand une lame froide et acérée lui barra le passage.
« Bouge pas ! »
Sans chercher à feindre la surprise, Gabriel leva les deux mains en guise de soumission.
« Michou....Je pensais t'avoir semé autour de Bételgeuse. C'était vraiment marrant quand tu t'es mangé les anneaux de...
- Je me doutais que tu reviendrais !
- J'ai trouvé une berceuse pour Jésus ! »
Gabriel sortit d'une poche de sa toge un objet bien trop grand pour y tenir. Il s'agissait d'une demi-coque en métal lisse, sans rivet ni soudure apparente. Même sans être tenue, elle flottait à un mètre au-dessus du sol.
« Où est-ce que tu as trouvé ça ?
- Je sais pas...Il faisait très chaud, y'avait plein de gens avec des bocaux sur la tête et ils criaient. Je vais juste mettre Jésus dedans et... »
Michael lui interdit de s'approcher du berceau où Jésus dormait à poings fermés.
« Rêve pas ! Je ne te laisserai pas le toucher !
- Oh, t'es pas marrant...Bon, bah je vais aller demander à Raphaël alors.
- Non ! »
Tout en protégeant le berceau avec son épée, Michael étira son bras libre pour bloquer l'accès à la salle de bain.
« Ben ? D'habitude, ça te dérange pas que je l'embête !
- Il...euh...Il est avec Marie.
- Je vois. Ils jouent encore à des jeux d'adultes, c'est ça ? »
La rougeur qui monta aux joues de Michael répondit pour lui.