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Ce que je ne peux pas dire

Chapter 12: Impatience

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Ce dimanche allait être une torture, je me réveillais tôt, impatiente d’être demain et avec rien de bien intéressant à faire aujourd’hui. Pourtant je devais m’occuper pour pas devenir folle, pour pas penser à lui toute la journée. À l’envie que j’avais de lui envoyer un message, de parler avec lui, de le voir ou même de l'embrasser… je rougis toute seule, rien qu’à cette idée.

 

Je petit-déjeunais, rangeais ma chambre, fis mes devoirs et quand j’eus fini tout ça, il n’était même pas encore 11h. 

 

De Neito à 10:46  

C’est la première fois de ma vie que j’ai hâte d’être lundi. Tu fais quoi toi ? 

 

Un immense sourire s’étala sur mon visage. 

 

A Neito à 10:46 

J’attends

 

De Neito à 10:47

Tu attends ?

 

A Neito à 10:47  

J'attends lundi. 

 

De Neito à 10:48

On peut dire qu’on sort ensemble maintenant ? 

 

Je ne m’y attendais pas, mais en même temps j’aurais dû, venant de lui. Il a toujours été franc et direct et il sait ce qu’il veut, et apparemment c’était moi. Alors oui, bien sûr.

 

A Neito à 10:49

Oui, si c’est ce que tu veux

 

De Neito à 10:49

Comment ça si c’est ce que je veux, bien sûr, c’est moi qui te le demande, c’est nul comme réponse, tu veux pas toi ? 

 

A Neito à 10:50

Si ! Je suis juste... encore un peu sous le choc que tu veuilles vraiment sortir avec moi, c’est irréel pour moi.

 

De Neito à 10:50

Pourtant c’est ce que je veux ! 

 

De Neito à 10:53

Tu m’envoie une photo ? 

 

A Neito à 10:53

Pourquoi ? 

 

De Neito à 10:54

Je sais pas. Pour pouvoir te voir avant lundi. 

 

Je reçu une photo de Neito tenant fermement un gros chat roux qui tentait de s’échapper. 

 

De Neito à 10:56

Je te présente Léon. 

 

Je fouillais ma chambre et pris quelques affaires. Après une très, très longue réflexion, je rentre dans la chambre de ma mère en faisant attention de ne pas laisser de traces, à la recherche d’une robe de soirée simple et noire que j’aimais bien. Je la plie et la cache dans mon t-shirt et traverse le couloir pour m’enfermer dans la salle de bain. Je me maquille, me coiffe, me lisse les cheveux et enfile cette robe. Je me regarde dans la glace, assez contente. Ce n’est pas la première fois que je fais ça et c’est toujours aussi satisfaisant de voir mon reflet dans la glace dans cette jolie robe qui ne me va pas si mal.

 

Je prends plusieurs photos, très critiques sur le rendu mais je fini par en faire quelques-unes qui me conviennent. Je sursaute et lâche mon tel quand ma mère frappe à la porte. 

 

- Tamaki, tu en as pour longtemps encore ? 

 

Mon cœur cogne très fort dans ma poitrine. Qu’est-ce que je dis ? Attends maman, j’enlève ta robe et je me démaquille ?

 

- Heu…. ouais un peu. 

- Tu fais quoi ? Ça fait plus d’une demi-heure que tu es enfermé là dedans ! 

 

Je serre les dents, j’ai presque les larmes aux yeux et le cœur qui bat très vite à la recherche d’une excuse.

 

- S’il te plaît maman, je peux avoir un peu d’intimité ? demandais-je sur un ton désespéré. 

 

Je l’entends râler de l’autre côté de la porte, à propos de facture d’eau ou je ne sais quoi, mais finalement ma supplique à réussi à la faire partir. 

 

Un peu tremblante, je finis de me démaquiller, je range tout et je retourne mettre la robe dans sa chambre, paniquée à l’idée qu’elle me surprenne. Je me réfugie enfin dans ma chambre et m’assoie à mon bureau. Je prends le temps de me calmer, mon cœur bat à mille à l’heure. Je sais que je prends des risques stupides à faire ça en plein jour, quand mes parents sont à la maison. Même s'ils ne vont pas enfoncer la porte de la salle de bain, je fais quoi si ma mère attend que je sorte et m’attrape avec sa robe et mon maquillage en … Je lui dit quoi ? Que je fais ça pour m’amuser ? J’imagine déjà le genre de conversation qui s'en suivrait. 

 

Quand j’ai retrouvé mon calme, je regarde les photos que j’ai prises et je me rappelle pourquoi ça vaut le coup. J’observe légèrement fascinée par ce reflet de moi et même s’il comporte des centaines de petits détails qui me gène, ça m’apaise aussi. J’ai ce sentiment de me reconnaître dans cette photo. Bien plus que quand je regarde les photos de famille, où je porte les habits choisis par ma mère, sans maquillage et pas très bien coiffée, juste assez pour que ça ne paraisse pas suspect.

 

Je choisis le cliché que je trouve le plus réussi et mets un filtre sur la photo avant d’appuyer sur “partager”... j’hésite encore une bonne dizaine de minutes avant de taper sur “Envoyer”. Que va t-il penser de ça ? Je planque ma tête entre mes bras croisés sur mon bureau, morte d'inquiétude, en attendant le petit son de notification indiquant que Neito aura répondu à mon message. 

 

De Neito The best à 11:48

😳

 

Je souris à cette réaction, soulagée. Puis je remonte notre conversation, ne sachant pas quoi répondre, toujours un peu gênée par ce que je venais de faire. 

 

10 minutes plus tard je reçois une photo de lui, cheveux légèrement mouillé, il porte un T-shirt noir serré et une paire de lunette qu’il tient légèrement en dessous de ses yeux pour lancer un regard charmeur. Mon coeur se brise tellement je le trouve beau, mais je ne lui dirais jamais, il en a déjà bien trop conscience. 

 

A Neito à 11:59

Frimeur !

 

De Neito à 12:00 

C’est toi qui a commencé ! 

 

A Neito à 12:00

C’est toi qui a voulu une photo ! 

 

De Neito à 12:01  

Tu viendras au collège un jour avec cette robe ? 

 

A Neito à 12:01  

Impossible, c’est à ma mère. 

 

De Neito à 12:01 

T’en a pas à toi ? 

 

A Neito à 12:02  

Non 

 

De Neito à 12:03  

On ira t’acheter une robe un de ces jours ;) bientôt.

 

J’aimais sa façon de se projeter avec moi, c’était comme si ma vie allait enfin pouvoir commencer. Tout ce que j’attendais patiemment de pouvoir avoir avec mon changement de sexe officiel, il me l’offrait, maintenant et tout de suite. Et j’avais encore plus envie de vivre selon ma vraie nature maintenant. Le voir m’accepter et m’apprécier me donnait du courage et j’avais presque envie de réessayer de parler avec mes parents. 

 

Je rêverais d’arrêter de me cacher à la maison et mentir tout le temps. Et puis s’ils pouvaient ensuite me soutenir…  J’ai besoin que mes proches soient ce rempart qui me protège en me rappelant que je n’ai pas à avoir honte de la personne que je suis, comme le faisait si simplement Neito. Qu'ils se battent à mes côtés pour que je sois accepté et qu'ils m'aident à ne pas accorder d’importance au regard des autres. 

 

Mais ça pourrait aussi se transformer en cauchemar, ils pourraient m’empêcher d’aller au collège en fille, me couper les cheveux, me prendre mon maquillage, mes habits et… Je tremblais de peur à l’idée de perdre le peu que j’avais réussi à construire. 

 

Je me sentais prise au piège dans ce mensonge qui ressemblait à une bouée de sauvetage me permettant de garder la tête hors de l’eau. Je n’arrivais pas à me hasarder à le faire éclater au risque de me noyer tout en étant régulièrement tentée de m’en libérer pour obtenir un tout petit peu plus. Un peu plus de ce que me faisait entrevoir Neito. Un peu plus d’espace et de liberté pour être moi. 

 

J’hésitais sans arrêt, incapable de lacher cette bombe alors même qu’il m’était insupportable de m’entendre appeler “fils” par les personnes qui sont sensé m’aimer inconditionnelement et m’accepter telle que je suis. Je ne voulais pas les blesser, ni affronter leur regard de honte, de dégoût ou d’incompréhension, pas eux. Et puis, qu’est ce qu’il se passerait s'ils décidaient de ne plus me parler ? De me jeter dehors ? De me faire suivre une horrible thérapie pour me rendre “normal” ? Des récits, des témoignages, j’en avais lu et j’en faisais des cauchemars. 

 

Pas encore, je le ferais quand je serais en mesure d’assurer ma survie et pouvoir choisir ma voix, quand ma vie ne dépendra plus d’eux… Même si cela implique encore beaucoup de mensonges et de résilience.

 

Je sèche quelques larmes qui coulent souvent de mes yeux quand je pense me sent coincé dans cette situation sans solution viable. Le reste de la journée s’écoula doucement, je mangeais avec mes parents et je remontais ensuite dans ma chambre pour dessiner puis lire, régulièrement coupée par quelques messages qu’on s'envoyait avec Neito. 

 

Je me couchais le soir, avec l’impression que je n’arriverais jamais à m’endormir, tellement j'étais impatiente d’être demain. Mais inquiète aussi. Comment ça se passerait ? On sera gênés ? Et est-ce qu’on doit s’embrasser pour se dire bonjour du coup ? Il faut le dire aux autres ou pas ? Le temps défilait et je ne m'endormais toujours pas et soudain le son de mon réveil me tira du sommeil. Je n’avais pas assez dormi et pourtant je saute du lit et entame ma journée comme d’habitude, avec juste un peu plus d’entrain. 

 

Durant le trajet du bus, j’ai du mal à lire mon livre comme je le fais d’habitude, pour une fois ce que je vis me semble plus intéressant que ce qui se passe dans mes bouquins. Je descends du bus et cherche Neito dans la foule, j'aperçois son bus mais quand les portes se referment je ne l’ai pas vu sortir. 

 

A Neito à 7:51 

Salut, tu viens pas aujourd’hui ? 

 

De Neito à 7:52 

Désolé j’ai pas entendu mon réveil ce matin du coup j’ai loupé mon bus, mon père va me déposer, je vais être un peu à la bourre. 

 

Je croise Denki et Eijiro et les suis jusqu’à la salle de cours, à 57, il débarque dans le couloir et me prend par le bras.   

 

- Viens, me dit-il. 

 

Je pointais le doigt vers la porte de la classe, puis vers mon poignet pour lui indiquer qu’il était presque l’heure.

 

- C’est plus important qu’un cours ! insista-t-il. 

 

Il m’entraine dans le couloir de l’escalier. Vide à cette heure.

 

- Je peux t’embrasser ? demande-t-il, ses joues se teintant légèrement de rose.

 

J'acquiesçai d’un signe de tête en souriant. 

 

- C’est ma première fois… avoua t-il. 

 

Je pointais mon doigt vers moi pour lui signifier que moi aussi. 

 

- Ok. 

 

Il s'approche doucement alors que mon cœur palpite si vite que j’ai peur qu’il ne soit plus jamais capable de se calmer et il dépose ses lèvres sur les miennes, c’est rapide, un peu brusque, très maladroit. 

 

Il me regarde, ses joues s’étaient enflammées et je trouvais ça adorable. 

 

- C’était sympa, non ? dit-il, mais je sentais que son ton n’était pas aussi assuré que d’habitude. 

 

Je souris et fis un petit non de la tête. 

 

- Ah, dit-t-il, l'air un peu dépité. 

 

J’ai lu des quantités de bouquins, regardé en boucle des films romantiques. Ce n’est pas ça un baiser, je le sais. Détendue par le fait que je sais qu’il ne me repoussera pas, je prends mon courage à deux mains et je m'approche de lui. Il fronce les sourcils tout en esquissant un petit geste de recul. Alors, je vais encore plus doucement. Je passe mes bras légèrement tremblants autour de son cou et il se laisse faire. Je me penche vers lui et dépose mes lèvres un tout petit peu entrouvertes sur les siennes pour qu’il goûte à l’humidité de ma bouche. Il pose une main timide sur ma hanche. Puis, entrouvre un petit peu sa bouche également, de sorte à ce qu’on puisse enfin se goûter du bout de nos lèvres. 

 

Je relâche mon étreinte et on se sépare. 

 

- Ouais, hum, clairement mieux, dit-t-il avec un petit raclement de gorge. 

 

Je rapproche de nouveau mon visage du sien et dépose mon menton sur son épaule. Je serre fort le tissu de sa veste entre mes mains pour me donner du courage et je chuchote à son oreille. 

 

- Je t’aime Neito.

 

Il recule d’un coup, me forçant à le libérer de l’emprise de mes bras. Il me regarde dans les yeux, clignant plusieurs fois, un sourire béat sur le visage. 

 

- Tu parles ! 

- Je te l’avais dis, murmurais-je, très inconfortable à l’idée de faire entendre ma voix qui n’est pas très féminine en plus d’être étonnée que ce soit ce qui le choque le plus, car je venais quand même de lui avouer mon amour. 

- Woah, je me suis tellement demandé à quoi pouvait bien ressembler le son de ta voix alors, woah. Je veux dire. Elle est très belle. Je veux encore que tu me parles. 

 

J'acquiesçais d’un petit signe de tête. 

 

- On ferait mieux d’y aller avant qu’un pion nous tombe dessus, dit-t-il. 

Il attrape ma main avec un naturel déconcertant et me tire vers la porte, on file à notre cours de français. 

- Tamaki, Neito, c’est à cette heure là qu’on arrive ?! Vous n’avez pas entendu sonner la cloche ?

- Pardon, on a essayé de rentrer dans la salle et là on s’est retrouvé à Narnia, on a eu un peu de mal à trouver le chemin du retour. Mais on a fini par croiser Aslan qui nous a expliqué comment sortir, mais sur le chemin on a rencontré la sorcière blanche et…

- C’est bon Neito, tais-toi et allez vous asseoir, je ne veux plus vous entendre.

On s’assoit à nos tables, restées vides. Il ouvre rapidement son cahier et écrit dans la marge. 

“Au fait, moi aussi je t’aime.”.