Chapter Text
Le lendemain, Katya et Timothy se retrouvèrent dans la salle d’entrainement commune pour une séance de combat avec leur mentore. En sortant de l’infirmerie hier, les deux symbiotiques avait tenter de travailler en commun avec leurs Innocences sur une tâche simple, mais ils manquaient de coordination. Cloud voulait donc leur montrer un combat classique avant qu’ils ne travaillent sur leurs Innocences. La jeune femme n’était pas une experte en combat, mais elle saurait leur en inculquer les bases. Ils devaient l’affronter chacun leur tour, à la fois pour déterminer leur niveau et pour corriger leurs défauts. Katya venait de passer son tour, et observait désormais Timothy se faire taper dessus.
Elle jetait également des coups d’œil à Yû, sur le terrain de sable, combattant Allen. Tous deux faisaient preuve d’un acharnement violent, et elle comprit vite qu’ils se détestait.
« Hey. » La voix de Lavi la fit sursauter alors qu’il s’asseyait près d’elle. Elle lui jeta un regard noir, n’appréciant pas d’être prise par surprise. « Désolé ! lança-t-il avec un sourire, levant les mains en guise d’innocence. Je voulais pas te faire peur.
— Pas grave, répondit-elle avec un haussement d’épaules. J’étais perdue dans mes pensées. Tu es venu t’entrainer ?
— Eh oui. Le panda voulait un punching ball, alors je me suis bravement proposé. Et puis, un peu d’exercice ne fait pas de mal. Et toi ? »
Elle pointa Timothy du menton alors qu’il se retrouvait une nouvelle fois par terre. Ses cheveux étaient tout ébouriffés et on voyait bien qu’il commençait à fatiguer, mais il ne s’arrêtait pas, se relevant encore et toujours avec une détermination sans faille. Sa soif d’apprendre était sans fin lorsqu’il s’agissait de se battre. Lavi laissa échapper un rire en voyant son visage rougis par la fatigue. Ils l’observèrent ensemble quelques secondes alors que Cloud pârait chacune de ses attaques jusqu’à qu’il finisse à nouveau par terre.
« Qu’est-ce qu’il t’est arrivé, hier ? » demanda-t-il finalement.
Katya s’était attendu à la question ; elle avait peut-être les idées floues lors de sa crise de panique, mais elle avait bien reconnu la voix de Lavi. Et comme il était de nature curieuse, il était forcément venu lui poser la question. Elle se demanda même s’il n’était pas venu exprès pour ça.
« J’ai fait une crise de panique, lui répondit-elle. Rien de très grave.
— Et Yû ? »
Evidemment, pensa Katya en lui lançant un regard. Il l’observait de son œil vert sombre, affichant un sourire faux qui ne lui allait pas. Lavi était un mauvais menteur, mais il essayait quand même. Elle le quitta des yeux pour les reposer sur l’épéiste, toujours aux prises avec Allen. Ils avaient commencé à se crier dessus comme deux fous et une petite foule observait le combat qui n’en finissait pas.
« Ça ne regarde que nous, finit-elle par dire. Et ce ne me concerne pas uniquement moi. »
Le roux accepta la réponse d’un hochement de tête, observant à son tour le carnage. Ce n’était plus que ça à présent ; il se tapait dessus sans raison, complètement enragé. Personne n’intervenait. Katya pu même voir Lenalee et Marie sourire. C’était probablement habituel.
« Pourquoi Allen et lui se détestent ? demanda-t-elle.
— Yû a essayé de le tuer la première fois qu’il est arrivé au QG parce qu’ils ont cru que s’était un akuma à cause de sa Malédiction, répondit Lavi comme un dictionnaire.
— Sa Malédiction ? » Qu’est-ce que c’était que ça encore ?
« Tu vois la marque qu’a Allen, sur son œil gauche ? C’est sa Malédiction. Je ne sais pas exactement comment il l’a eu, mais avec cet œil, il peut voir l’âme des akumas. Yû le déteste aussi à cause de ça.
— Pourquoi ? Ça semble plutôt être une bonne chose.
— Pour Allen, tuer les akumas avec l’Innocence, c’est libérer leurs âmes. Pour Yû, on ne peut libérer des démons. »
Ça avait du sens. Chacun semblait avoir raison, mais aucun ne semblait accepter l’avis de l’autre. Mais Katya pouvait comprendre Yû ; il était difficile de concevoir que les ennemis qu’ils avaient toujours combattus puisse être habités par des âmes innocentes.
A présent, même Cloud et Timothy observait les deux furies. Malgré leur style archaïque et rageur, cela restait une bonne leçon pour connaître des coups bas contre un adversaire au corps à corps. Et puis, Katya devait bien l’avouer, c’était drôle de les entendre s’égosiller comme des gosses. Ils finirent par s’effondrer sur le terrain de sable, aussi épuisé l’un que l’autre. C’est Marie qui releva Allen, l’emmenant à autre bout de la salle. Yû s’éloigna quelques minutes au bord du terrain, avant d’être accosté par Bookman.
« J’ai une autre question pour toi, Katya, dit Lavi en ne les quittant pas du regard.
— Laquelle ?
— Pourquoi tu n’es venu au QG que maintenant ? Timothy à neuf ans, et il se bat déjà avec nous. Tu es dans les dossiers de la Congrégation depuis que tu as trois ans et c’est seulement aujourd’hui que tu nous rejoins. Pourquoi ?
— Mes parents sont mort en essayant de me protéger des akumas, expliqua-t-elle après un instant de silence. Je ne m’en souviens pas, mais on me l’a raconté. Mon Innocence s’est activé la première fois après leur mort. Fô pense que j’ai eut tellement peur et que j’ai été tellement triste qu’elle s’est activée toute seule pour me protéger. Depuis, elle le fait encore si je ne la contrôle pas. Et puis, ajouta-t-elle, mon Innocence est différente des autres symbiotiques, elle ne modifie pas mon corps, elle y ajoute quelque chose. Bak a toujours été contre, mais on m’a étudiée. Pour essayer de savoir si on pouvait le reproduire artificiellement. Ça n’a jamais marché. » Elle s’interrompit, pensant aux douleurs qu’on lui avait été infligée. Elle dû s’ébrouer pour faire disparaitre les fantômes qui dansaient sur sa peau.
Lavi ne lui dit rien. Il la fixait à nouveau de son œil vert et Katya lui rendait son regard de ses yeux émeraudes. Il avait l’air de prendre conscience de son âge. Il se tourna ensuite vers Timothy, semblant réaliser à quel point il était jeune. Mais après tout, il y avait peu d’adultes Exorcistes. Ils étaient tous plus ou moins des gamins.
Une explosion retentie soudain à l’autre bout de la salle. Ils sursautèrent tous, brutalement tous aux aguets, voyant Allen effondré au pied d’un pilier, son Innocence activée, faisant face à quatre individus habillés de pourpre. Marie était déjà en train de relever l’Exorciste, qui avait l’air blessé à la tête, tandis qu’un des quatre pointait un bras difforme sur eux. En l’apercevant, Katya sentit son dos la chauffer ; l’aura de cet homme lui rappelait celle d’un akuma.
Des cris raisonnèrent contre les murs, trop loin pour être comprit, et la jeune fille avait de plus en plus de mal à contrôler Iron Wing. Puis, soudain, le bras redevint normal et la tension s’envola. Les quatre inconnus disparurent dans la cathédrale, laissant un goût amer derrière eux. Allen fut accompagné par Marie jusqu’à l’infirmerie.
Katya jeta un coup d’œil à Lavi ; son air curieux était toujours là, cherchant à comprendre qui était ces gens, mais il arborait également une expression sérieuse, loin de ses sourires habituels. Le regard de l’adolescente dévia ensuite vers Yû. Ses yeux bleus irradiaient la colère et semblait mieux comprendre la situation que la plupart d’entre eux. Résolue, Katya décida qu’elle allait enquêter sur ses étranges personnes à l’aura d’akuma.
***
Lorsque Katya pénétra dans la cafétéria avec son plateau rempli à ras bord de spécialité chinoise, l’endroit grouillait de monde. Allen était assis en compagnie de Lenalee, Marie et Lavi, un bandage autour du crâne. Plusieurs Trappeurs occupait le reste des tables, discutant entre eux ou mangeant en silence. Seule une table semblait être vide : celle où Yû était en train de manger des sobas.
La jeune fille n’hésita pas une seconde, elle s’y dirigea d’un pas assuré et s’installa face à lui sans même lui demander l’autorisation. Lorsque son plateau heurta la table dans un bruit sec, l’Exorciste suspendit son mouvement, tenant encore ses sobas entre ses baguettes, la bouche ouverte pour les manger, apparemment surpris de la voir là. Il l’observa s’asseoir alors qu’il reposait sa nourriture dans son bol, et il avait clairement l’air agacé par sa présence.
« Qu’est-ce que tu fais là ? fit-il dans un grognement.
— Je viens manger, dit-elle en s’emparant de ses propres baguettes pour manger ses raviolis. Et poser des questions.
— Des questions sur quoi. » Ça ne sonnait même plus comme une question.
« Les types en pourpres, répondit Katya. Peut-être nous. Alma. Le passé. »
Yû secoua la tête, en ayant clairement déjà marre, et commença à se lever pour quitter la table.
« Yû, attends ! se précipita l’adolescente en s’emparant de son poignet.
— Ne m’appelle pas comme ça, » lâcha-t-il avec les dents serrer. Il ne se défit pourtant pas de sa prise.
« D’accord, accepta-t-elle en espérant faire passer cette habitude. Reste, continua-t-elle, s’il te plait. Il n’y a personne pour répondre à mes questions ici, à part toi. »
Il la fixa du regard quelques instant, cette colère sourde habitant toujours son regard. Après de longues secondes, il finit par pousser un soupir rageur et se rassit face à elle. La jeune fille ne put retenir un sourire.
« La Pousse de Soja aurait pu répondre à tes questions. »
Parlait-il d’Allen ? Avec ses cheveux blancs, s’était probablement le cas. « Pas pour tout. Il y a des choses que toi seul sais. » Yû- Kanda savait très bien à quoi elle faisait allusion.
Le jeune homme poussa un nouveau soupire, avant de recommencer à manger ses sobas. Katya l’observa faire quelques secondes avant de s’emparer de son propre bol de nouilles de riz. Ils mangèrent en silence pendant quelques minutes, laissant le temps à la jeune fille de se remplir un peu l’estomac et de rassembler ses pensées.
« Donc, commença-t-elle entre deux bouchées. Ces gens en pourpre, c’étaient qui ?
— Des membres du Crow, répondit Kanda sans lever les yeux de son plat.
— Mon Innocence a voulu s’activer quand j’ai vu le bras du plus grand. Il avait une aura d’akuma. Pourquoi ?
— Parce qu’ils ont été transformés en semi-akuma. Merci la Branche Nord-américaine. »
Katya sentit un frisson lui parcourir l’échine. Semi-akuma ? Mais comment ? Ces gens étaient forcément le fruit d’expériences terribles. Comment pouvait-on infligé ça à des humains ? Certains semblaient même être des enfants.
« C’est terrible, finit-elle par dire.
— Oui. » Sa voix de trembla pas, mais la jeune fille sentit au plus profond d’elle que Kanda ne comprenait que trop bien ce qui leur avait été infligé. Elle avait subi des expériences, c’était vrai, mais jamais jusqu’à modifier son corps. Cela avait été tenté, une fois, lorsqu’ils avaient essayé de lui arracher ses ailes. Iron Wing leur avait fait payer.
« Le cauchemar ne s’arrête jamais vraiment, n’est-ce pas ? » dit-elle en repoussant son plateau, ayant perdu l’appétit. Cela reviendrait plus tard.
Kanda cessa lui aussi de manger, scrutant son visage. Pendant une brève seconde, la vue du sang se superposa à nouveau sur ses yeux océan, mais Katya secoua vivement la tête, faisant disparaitre la vision.
« De quoi te rappelles-tu ? demanda-t-il soudain.
— C’est-à-dire ? fit-elle en levant un sourcil.
— D’Alma. Du laboratoire. »
Katya cligna des yeux, surprise. Elle ne s’attendait pas à ce que ce soit lui qui en parle. Mais elle avait peu de souvenir de son passé. Tout semblait flou, hormis cet étrange rêve de cache-cache. Elle n’avait que des impressions, des sentiments qui lui parvenaient par bribes si elle y réfléchissait. Elle avait l’impression d’avoir eu une famille auprès d’eux, différente de celle de la branche asiatique. Elle se rappelait peut-être du bonheur qu’elle avait à vivre dans ce fameux laboratoire dont Kanda parlait, avec tous ces gens. Elle se souvenait des sourires d’Alma, si plein de douceur et de chaleur.
« Pas grand-chose, répondit-elle après de longues minutes. J’avais trois ans, c’est ça ? On ne se souvient pas de grand-chose, à cet âge, rit-elle doucement.
— C’est probablement mieux, » dit Kanda en recommençant à manger.
Katya n’aurait su dire s’il avait tort ou raison. Valait-il mieux ne plus se souvenir et oublier, ou bien était-ce plus simple de se rappeler et de comprendre ?
Le silence s’installa entre eux tandis que Katya se perdait dans ses pensées. Alors qu’elle se demandait vaguement à quoi avait pu ressembler sa vie durant la période qu’elle avait passé avec eux, elle en vint à se demander comment elle y avait atterri. Bak lui avait parlé de ses parents, de la façon dont ils étaient mort. Avait-elle été amener au laboratoire après cet évènement tragique ? Si oui, qui s’était occupé d’elle, l’avait nourrie, logée, aimée ? Ou bien avait-elle été placé là-bas faute de mieux ?
« Pourquoi ? » demanda-t-elle subitement alors qu’elle effleurait son foulard du bout des doigts.
Kanda releva les yeux vers elle, Katya sentit son regard, mais le sein était fixé sur les défauts de la table, tâchant de se rappeler des souvenirs qu’elle ne possédait pas. Tout ce qu’elle parvenait à trouver était une maison perdue dans une étendue immense de neige et des murs gris et froid.
« Pourquoi quoi ? finit-il par dire d’un ton exaspéré.
— Pourquoi étais-je là ? » Elle quitta la table des yeux pour fixer ceux de Kanda, qui l’observait avec de la patience au fond des yeux. « Comment est-ce que je suis arrivé parmi vous ? Qui s’est occupé de moi ? Un laboratoire n’est surement le meilleur lieu de vie pour un enfant de trois ans. »
Il la scruta des yeux encore un instant, et Katya s’en sentit profondément agacé. Ou bien était-ce ces révélations, ces questions qu’elle ne s’était jamais posé ? Elle n’aurait su le dire.
« Tu ne vivais pas au laboratoire, répondit finalement l’Exorciste. C’est la famille Chang qui t’as recueilli, tu vivais dans leur annexe.
— Chang ? » répéta-t-elle alors qu’elle se sentait blêmir. C’était le nom de famille de Bak.
Kanda se repencha sur ses sobas, terminant de répondre. « Le professeur Edgard t’emmenait souvent nous voir, à la fois pour te trouver des compagnons de jeu et nous faire oublier où nous étions.
— Est-ce que… s’entendit-elle demander malgré elle d’une petite voix. Est-ce que ça marchait ? »
Il ne daigna même lever à nouveau les yeux vers elle. « Non. »
Katya s’en sentit malade.
Et malgré toutes ces réponses, la jeune fille ne put se poser que plus de question encore. Bak lui manqua subitement, tout comme Fô et la branche asiatique, mais quelque chose venait ternir se sentiment, comme une trahison. Était-il au courant de cette histoire ? Si oui, que lui cachait-il d’autre ?
Katya s’ébroua mentalement, écartant ces questions de son esprit. Personne ne pouvait y répondre pour l’instant, alors à quoi bon s’empoisonner avec ? Elle aurait ses réponses tôt ou tard.
« J’aimerai pouvoir me souvenir, dit-elle tout de même.
— Laisse tomber, l’interrompit Kanda. Se souvenir, c’est souffrir.
Katya aurait voulu le contredire, lui dire que malgré le mauvais, il y avait forcément du bon. Mais elle observa la tension dans la ligne de ses épaules et dans ses gestes et supposa que, parfois, le bon ne suffisait pas. Elle eut un sourire triste en se demandant si cela suffisait pour elle.
Elle fut tentée de lui dire qu’elle était désolée, mais se retint. Katya le sentit, il l’aurait pris comme de la pitié, et il n’avait, de toute manière, rien à lui pardonner. Alors elle changea d’idée.
« Merci, » fit-elle à la place. Kanda releva les yeux sur elle. « D’avoir répondu à mes questions. Tu n’étais pas obligé. »
L’Exorciste la scruta un instant, fouillant son regard à la recherche d’elle ne savait quoi. Puis il hocha la tête, acceptant ce qu’elle lui donnait. Katya lui sourit, sincère, avant de s’emparer de son plateau, le laissant à la tranquillité à laquelle il semblait tant tenir.
Le cœur un peu épuisé, elle rejoignit l’autre groupe d’Exorciste, auquel s’était ajouté trois nouveaux visages : une femme avec de grande cernes, en pleine discussion avec Marie, un jeune homme énergique en plein repas, assis à côté du troisième, un homme pâle qui écoutait attentivement Lavi avec un sourire poli. Katya serait bien aller voir le bookman, mais, préférant le laisser à son ami, elle s’installa prêt de Lenalee, qui observait tranquillement Allen en train de se goinfrer, une tasse de thé entre les mains.
L’adolescente posa son plateau en douceur, mais ceci attira tout de même l’attention de la jeune femme, qui l’accueillit d’un sourire. Katya le lui rendit, mais il ne devait pas être aussi convainquant qu’elle le croyait, car Lenalee eut un léger froncement de sourcil.
« Tout va bien, Katya ? » demanda-t-elle un fois qu’elle fut assise.
Katya poussa un soupire, incapable de mentir devant tant de sincérité.
« Ma vie est devenu bien étrange depuis que je suis arrivé ici, répondit-elle en posant ses coudes sur la table. J’ai l’impression d’avoir du mal à suivre. Mais, continua-t-elle en interrompant la jeune femme, ça ira. Un peu de temps suffira. » Et elle sourit à Lenalee et Allen, qui l’avait également écouté. Ils le lui rendirent avec un éclat de compréhension dans les yeux.
Oui, se dit-elle en recommençant à manger. Tout ira bien.