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« Le problème, c’est que les humains ont un don pour désirer ce qui leur fait le plus de mal. »
Et c’était vrai pour la matriarche Weasley depuis de nombreuses années.
Une douce musique jouait dans le salon, tandis qu’une Molly très concentrée s’affairait en cuisine. Différentes casseroles et poêles volaient pour atterrir en douceur dans l’évier, quand d’autres reposaient tranquillement sur le feu, une cuillère en bois remuait de temps en temps leur contenu. Les mains dans la farine, à pétrir une pâte entre deux quintes de toux, la matriarche Weasley vieillissante fredonnait une chanson de Noël, absorbée par ce qu’elle était en train de faire.
Malgré toutes les épreuves auxquelles a dû faire face sa famille, cette période de fête reste tout de même très importante pour la tribu. C’était l’occasion d’honorer et de se rappeler les bons moments passés avec ceux qui ne seront plus là. L’occasion de se retrouver tous et de sentir qu’une famille unie les aimait tous autant qu’ils étaient.
Satisfaite de sa boule de pâte, elle posa un torchon dessus pour la laisser reposer et s’essuya les mains tout en se dirigeant vers le salon. Passant devant la cheminée, elle attrapa un cadre photo, et s’assit dans un des fauteuils. Elle passa son pouce doucement sur le verre, un doux sourire nostalgique sur le visage.
« Nous en avons fait du chemin,Arthur, regarde ce que nos enfants sont devenus, nous pouvons en être fiers. »
Il y avait maintenant trois ans qu’Arthur était décédé, et les premiers temps avaient été plus que difficiles pour Molly. Si au fil des années de mariage il n’y avait plus eu de sentiments amoureux, les époux Weasley avaient encore gardé une grande complicité et une douce tendresse entre eux. Au fur et à mesure que les enfants avaient pris leur envol loin de la maison familiale, Molly et Arthur avaient su instaurer une routine à deux qui leur convenait tout à fait, entrecoupée de visites de leur descendance qui, à leur tour, eurent des enfants. Mais quand Arthur avait disparu, Molly s’était retrouvée bien seule dans cette grande maison, sans réellement personne dont s’occuper. Ses enfants avaient beau passer le plus de temps possible avec leur mère, rien ne pouvait remplacer son époux. La première année, elle avait perdu tellement de poids que ses enfants avaient cru devoir l’interner à Sainte-Mangouste.
Mais les visites régulières et la compréhension d’une personne l’avaient aidée petit à petit à remonter la pente. Andromeda Tonks, grande amie depuis des années, passait régulièrement, pour ne pas dire tous les jours, lui remonter le moral et lui occuper l’esprit à travers diverses discussions et activités. Si les premiers mois, Molly avait passé plus de temps à pleurer qu’à parler, les suivants n’étaient n’avaient été que discussions animées et énormes fous rires. Et c’était à partir de ce moment-là, que le cœur de la vieille femme s’était remis à battre, de plus en plus fort, jusqu’à ce qu’elle comprenne au bout d’un an, que le sentiment qui l’animait était vraisemblablement plus que de l’amitié.
Elle avait tenté dans un premier temps de le nier, se cantonnant d’abord à une grande amitié. Il était inconvenant pour elle d’entretenir de tels sentiments pour sa meilleure amie, cela partirait forcément avec le temps. Elle avait vite dû se faire une raison quand elle avait senti le manque de l’autre chaque fois qu’elle repartait chez elle s’occuper de son petit-fils. Pourtant, elle avait gardé le silence, ne voulant pas perdre cette amitié chère à son cœur. Au moins demeurait-elle quand même dans sa vie.
Et puis, sans crier gare, elle avait commencé à surprendre quelques regards sur elle qui ne trompaient pas, certains gestes, certains effleurements, beaucoup de sourires que l’on adressait qu’à l’être aimée. Sans qu’elle ne puisse expliquer comment, elles avaient su toutes les deux aussi certainement que le soleil se couchait chaque soir. Elles n’avaient pas eu besoin de paroles, leur amour transparaissait dans le regard qu’elles portaient l’une sur l’autre.
Leur premier baiser, échangé au coin de la cheminée un soir où aucune d’entre elles ne voulait quitter l’autre, avait été une réelle bouffée d’air frais pour les deux vieilles sorcières. Ça n’avait pas été fougueux, comme cela aurait pu l’être avec quelques années de moins, mais empreint d’une réelle tendresse et d’une promesse d’un amour pur. Ça avait été inattendu, mais c’était aussi ça la magie qui résidait bien caché dans les cœurs des amoureux.
Ce soir-là, les deux femmes avaient dormi ensemble. Elles n’avaient pas eu le besoin impérieux de coucher ensemble et découvrir le corps de l’autre. Le simple fait de sentir la respiration de chacune et de s’endormir dans leur bras leur avait suffi.
Molly sortit de ses pensées et posa le cadre sur la table basse quand elle entendit le réseau de cheminée s’activer. Un grand sourire s’installa sur ses lèvres et ses yeux pétillèrent de joie quand Andromeda en sortit. Les deux femmes se glissèrent dans une tendre étreinte, respirant un instant le parfum de l’autre. Andy, plus grande que Molly, posa son menton sur le sommet de sa tête, fermant les yeux deux secondes profitant de l’instant.
« On dirait que je suis arrivée la première. »
Molly recula, après avoir embrassé sa compagne.
« Oui, les enfants n’arriveront qu’en fin d’après-midi. Il n’y a que Bill et Charlie qui seront absents… Ils n’ont pas pu se libérer pour le réveillon, mais ils viendront dans quelques jours, ce n’est pas grave ! »
« D’accord. Teddy viendra avec Harry, il passe la journée avec lui. »
D’un commun accord, c’est tout naturellement que les deux femmes se dirigèrent vers la cuisine. À elles deux, les plats s’empilaient et quand tout fut près, elles prirent le temps de s'asseoir à la table, une tasse de thé dans une main, se tenant de l’autre discutant tranquillement.
Ginny fut la première à apparaître chez sa mère, suivie d’Harry son mari, de Teddy et de leurs enfants. Si elle surprit les deux femmes les mains liées, elle n’en parla pas pour autant. Ça ne la regardait pas, c’était leur intimité pas la sienne. Si sa mère était heureuse comme ça, alors elle l’était tout autant. Ron arriva ensuite avec Hermione et leur fille, puis ce fut Fleur toute seule ainsi que George et Percy, toujours célibataires.
Les enfants se jetèrent sur Molly, chacun réclamant son attention pour lui raconter leurs exploits à Poudlard. Molly, ravie de les voir enfin, les serra dans ses bras à tour de rôle, puis dans un câlin groupé. La jeune génération leur prouvait chaque jour un peu plus que leur bataille passée n’avait pas été vaine. Teddy lui, discutait tranquillement avec sa grand-mère de ses performances de Quidditch ainsi que de sa journée passée en compagnie de son parrain, Harry.
Ce fut vite un joyeux brouhaha qui prit place dans la maison, et Molly, les larmes aux yeux, était fière de dire que cette joyeuse petite tribu était la sienne.
Bien vite, chacun mit la main à la pâte pour dresser la table, et l’heure du repas enfin venue, ce fut autour d’un verre de champagne et d’un bon repas que tous se réunirent. Molly remarqua deux places libres, alors que tous étaient assis. Elle alla demander à Andromeda si elle attendait du monde, quand un coup retentit contre la porte d’entrée.
« Eh bien, va ouvrir, Molly », lança Andy, cachant un sourire derrière son verre. La vieille femme se leva donc, intriguée, et ouvrit la porte. Il y eut un quelques secondes de flottement avant que Molly ne couvre sa bouche, empêchant un cri de stupeur de franchir ses lèvres. Bill et Charlie se tenaient devant elle, bien habillés et tout souriants.
« Joyeux Noël, maman ! » scandèrent-ils ouvrant leur bras pour recevoir un câlin maternel.
Molly n’aurait pas pu être plus heureuse, ses deux plus grands enfants étaient finalement là pour célébrer avec eux cette nuit de partage. Elle les serra dans ses bras de toutes ses forces, avant de les traiter d’idiots et de les faire entrer immédiatement. Elle se rassit à côté d’Andromeda, essuyant une larme et surpris le petit sourire satisfait de celle-ci.
« Parce que tu étais au courant en plus, cachotière ? »
Andy haussa les épaules, un sourire taquin sur le visage et prit sa main sans se soucier d’avoir un public.
« Je n’étais pas sûre qu’ils pourraient réellement se libérer, mais oui… » Dit-elle avant de déposer un doux baiser sur sa tempe.
Ron, qui buvait dans son verre, faillit recracher par le nez à ce geste d’affection et s’étouffa dans une quinte de toux.
« Attendez… Pourquoi est-ce que vous... Oh non, il se passe quelque chose entre vous deux ? »
Le jeune homme n’était pas rétrograde quant aux relations entre personnes de même sexe, mais il s’agissait de sa maman, qu’il n’avait toujours vue que fréquenter son père.
Aucune des deux femmes ne répondit, mais le regard qu’elles échangèrent à ce moment-là valait tous les aveux de la terre. Ginny jeta sa serviette sur son frère, et leva les yeux au ciel.
« Oh bon sang, Ron, remets-toi ! Ce n’est pas comme si ce n’était pas aussi évident depuis longtemps ! Maman est heureuse, c’est tout ce qui importe ! »
Et sur ces bonnes paroles, ce fut enfin l’heure des cadeaux. Molly, assise au coin du feu, observa ses petits enfants et enfants déchirer les papiers pour découvrir leurs présents. Elle observait satisfaite, leurs mines réjouies et leurs yeux pétiller de bonheur. Elle sentit plus qu’elle ne vit Andy s'asseoir près d’elle sur le bras du fauteuil, passant un bras autour de ses épaules.
« Tu as une famille formidable… »
Molly fit non de la tête.
« Nous avons une famille formidable, Andy… Tu en fais tout autant partie maintenant. …Enfin si tu veux bien de nous, j’admets que les enfants, même les grands sont un peu remuants et très bruyants » ajouta-t-elle en riant doucement
Andy caressa son épaule, affichant un franc sourire.
« Je ne voudrais d’autre famille pour rien au monde, Molly… et puis, au moins, on peut dire qu’il est impossible de s’ennuyer avec tout ce beau monde ! »
Fleur et Bill se raclèrent la gorge, obtenant l’attention de tous. Ils se relevèrent, main dans la main, et Bill entoura d’un bras la taille de sa femme avant de prendre la parole.
« Nous sommes heureux d’être parmi vous pour ces fêtes, et bien sûr, nous ne pouvons pas penser à Noël, sans rendre hommage aux membres qui nous manqueront toujours » dit-il avant de lever son verre.
« Fleur et moi avons quelque chose à vous annoncer… Fleur est enceinte ! Nous allons avoir un enfant au printemps. »
Molly se leva immédiatement pour les prendre dans ses bras, et ce fut littéralement une explosion de joie qui retentit au terrier. Chacun voulurent féliciter les futurs nouveaux parents et tous se mirent à spéculer sur le sexe et le prénom de l’enfant. Cette annonce termina la soirée en beauté.
7 a ns plus tard :
Les deux femmes, maintenant beaucoup plus âgées, se reposaient dans un grand canapé pendant que leurs enfants et petits-enfants s’affairaient autour d’elles pour que tout soit prêt pour le réveillon de Noël. Hermione, Fleur et Ginny, ainsi que la nouvelle femme de Percy, s’affairaient en cuisine, suivant les anciennes recettes, mais en apportant également leur touche en préparant chacune leur spécialité. Les garçons ainsi que les adolescents préparaient la table et mettaient en place les différentes décorations qui n’avaient pas encore été installées. Les plus jeunes, quant à eux, jouaient à se courir après dans le jardin et à se lancer des boules de neige, emmitouflés dans d’épais manteaux, leurs mères espérant qu’ils ne prennent pas froid.
Les ados et les hommes sursautèrent lorsque des cris vinrent du jardin. Ils s’y précipitèrent tous, pensant qu’il y avait un problème, pour finalement se faire prendre en embuscade par les plus jeunes qui leur jetèrent une salve de boules de neige, se montrant sans pitié et fin stratège. Une véritable guerre éclata bientôt, pour le bonheur de tous, et les boules volèrent dans tous les sens sous le regard appréciateur des deux plus vieilles sorcières, les observant derrière la fenêtre, depuis leur canapé, bien au chaud. Molly n’aimait pas regarder et donner des directives sans rien faire, pas plus qu’Andromeda, mais ses vieux os protestaient à chaque fois qu’elle voulait bouger pour aider un peu. Alors, se laissant porter par le moment, elle se renfonça dans les bras de sa compagne.
Les deux femmes finirent par décider de vivre ensemble. Après tout, certaines des affaires d’Andy étaient déjà là, et la sorcière passait plus de nuits au Terrier que chez elle. Les sorcières ne voulaient pas se séparer plus que nécessaire, et il leur était apparu très vite indispensable de s’endormir et se réveiller ensemble. Si Molly culpabilisait un peu au début de recommencer une relation après Arthur, elle fit rapidement la paix avec elle-même en se disant qu’il n’aurait probablement pas objecté et lui aurait dit qu’elle serait bien bête de renoncer au bonheur à cause de lui. Elles s’aimaient toujours autant, pensant finir leurs vieux jours ensemble.
C’était une des discussions que les deux amantes avaient souvent, même si cela leur faisait un pincement au cœur : quand l’une des deux disparaîtrait, que deviendrait l’autre ? Aucune des deux ne voulait partir en premier, ne voulant pas abandonner l’autre, mais c’était une des réalités de la vie et il fallait composer avec. Comme le disait si sagement Andromeda, celle qui partirait en dernier serait bien entourée. Et ce ne serait qu’un au revoir, en attendant de se retrouver finalement de l’autre côté.
Le repas se passa tranquillement, composé de discussions sérieuses et de fous rires. Les cadeaux échangés, la soirée se terminant, tous aidèrent à ranger et chaque couple et enfant prirent congé, après avoir embrassé Molly et Andy, avec la promesse de se revoir bientôt.
Les deux femmes montèrent alors se coucher, s’installant dans leur lit, la tête de Molly reposant sur l’épaule d’Andromeda, les bras de celle-ci enroulé autour de la taille de Molly. Andromeda, les yeux perdus dans le vide, fixait sans vraiment le voir le plafond. Elle avait trouvé une famille aimante certes, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de penser depuis un moment à la famille qu’elle avait délibérément abandonnée en épousant Ted Tonks. Depuis quelques années, elle pensait à reprendre contact avec la seule sœur qui lui restait. Narcissa. Mais peut-être par peur d’être encore une fois rejetée, elle n’avait jamais sauté le pas. Peut-être également par ressentiment. Elle ne pourrait jamais lui pardonner de lui avoir tourné le dos du jour au lendemain. Mais malgré cela, elle était tiraillée par cette envie, bien qu’elle sache qu’elle n’en fera rien. Molly, la sentant distante, lui caressa doucement la main.
« À quoi penses-tu ? »
Andromeda battit des paupières et riva son regard à celui de Molly, raffermissant sa prise autour d’elle.
« À Narcissa… Elle me manque, mais… » Commença-t-elle, cherchant ses mots. « Je ne veux pas reprendre contact avec elle… c’est au-dessus de mes forces de lui pardonner. Est-ce que je suis égoïste ? Est-ce que cela fait de moi quelqu’un de mauvais ? »
Molly déposa un baiser dans son cou avant de soupirer en fermant les yeux et de lui murmurer doucement, aux portes de l’endormissement.
« Non, Andy, tu n’es pas égoïste, tu te protèges, c’est tout… Tu n’es pas quelqu’un de mauvais. Tu es quelqu’un de bon à qui il est arrivé de mauvaises choses. »