Exciton
Un exciton est, en physique, une quasi-particule que l'on peut voir comme une paire électron-trou liée par des forces de Coulomb. Une analogie souvent utilisée consiste à comparer l'électron et le trou respectivement à l'électron et au proton d'un atome d'hydrogène. Ce phénomène se produit dans les semi-conducteurs et les isolants.
En 2008, le premier dispositif électronique basé sur des excitons a été démontré, fonctionnant à des températures cryogéniques[1]. En 2018, l'EPFL met au point un transistor basé sur les excitons qui peut fonctionner à température ambiante[2]. Cette technique ouvre la voie à une panoplie de nouvelles possibilités en excitonique, branche de la physique appliquée qui, après celle de la photonique et de la spintronique, s’avère des plus prometteuses pour l'électronique du futur[3].
Le terme est également utilisé en chimie pour désigner des états électroniquement excités des systèmes moléculaires, qui sont délocalisés sur au moins deux chromophores. Cette notion a été popularisée parmi les chimistes par M. Kasha dans les années 1960[4]. Depuis, de nombreux travaux décrivent des excitons dans des systèmes très variées, allant des agrégats H ou J[5] jusqu'aux systèmes photosynthétiques[6] et l'ADN[7].
Caractéristiques
[modifier | modifier le code]On distingue généralement deux sortes d'exciton :
- l'exciton de Mott-Wannier, dont le rayon (l'analogue du rayon de Bohr dans l'atome d'hydrogène) est nettement plus grand que le paramètre de maille du matériau cristallin dans lequel il se produit, et
- l'exciton de Frenkel, beaucoup plus petit, qui se produit quand la constante diélectrique du matériau est plus faible.
L'électron et le trou d'un exciton de Mott-Wannier sont séparés d'environ d~100-400Å tandis que cette séparation est de l'ordre de d<5Å pour un exciton de Frenkel. Il existe toutefois un cas intermédiaire que l'on retrouve dans les cristaux moléculaires organiques et où la distance entre l'électron et le trou correspond à une ou deux fois la distance intermoléculaire du plus proche voisin, on nomme cet exciton : exciton à transfert de charge[8].
Une autre façon de décrire un exciton est de le voir comme étant une onde de polarisation neutre dans le matériau.
Dans les matériaux semi-conducteurs, l'exciton se manifeste par la présence d'un pic d'absorption situé à une énergie plus faible que l'énergie de bande interdite du matériau[9]. La différence entre les deux énergies est l'énergie de liaison de l'exciton, et le pic excitonique n'est observable que lorsque l'énergie de liaison n'est pas négligeable devant l'énergie thermique : . Dans un puits quantique, l'énergie de la transition excitonique peut être modifiée par l'application d'un champ électrique (grâce à l'effet Stark), ce qui est à la base d'un modulateur d'intensité lumineuse : le modulateur à électro-absorption.
Historique
[modifier | modifier le code]Le concept d’excitons a été proposé pour la première fois par Yakov Frenkel en 1931[10], quand il a décrit l’excitation des atomes d’un réseau dans un isolant. Il a proposé que cet état excité soit en mesure de voyager telle une particule à travers le réseau sans transfert de charge apparent.
Références
[modifier | modifier le code]- (en) A. A. High, E. E. Novitskaya, L. V. Butov et M. Hanson, « Control of Exciton Fluxes in an Excitonic Integrated Circuit », Science, vol. 321, no 5886, , p. 229–231 (ISSN 0036-8075 et 1095-9203, DOI 10.1126/science.1157845, lire en ligne, consulté le )
- (en) Dmitrii Unuchek, Alberto Ciarrocchi, Ahmet Avsar et Kenji Watanabe, « Room-temperature electrical control of exciton flux in a van der Waals heterostructure », Nature, vol. 560, no 7718, , p. 340–344 (ISSN 0028-0836 et 1476-4687, DOI 10.1038/s41586-018-0357-y, lire en ligne, consulté le )
- Michel Deprost, « Avec l’exciton, l’EPFL lance l’excitonique, électronique du futur », sur enviscope.com, .
- M. Kasha, H. R. Rawls and M. A. El-Bayoumi, Pure & Appl. Chem. 1965 (11) 371-392
- Modeling the optical properties of excitons in linear and tubular J-aggregates, J. Knoester, International Journal of Photoenergy 2006, DOI: 10.1155/ijp/2006/61364
- Lessons from nature about solar light harvesting, G. D. Scholes, G. R. Fleming, A. Olaya-Castro and R. van Grondelle, Nature Chemistry 2011 (3) 763-774, DOI: 10.1038/nchem.1145
- Dipolar coupling between electronic transitions of the DNA bases and its relevance to exciton states in double helices, B. Bouvier, T. Gustavsson, D. Markovitsi and P. Millié, Chem. Phys. 2002 (275) Pages 75-92, DOI: 10.1016/S0301-0104(01)00523-7
- (en) Martin Pope, Electronic Processes in Organic Crystals and Polymers, United Kingdom, Oxford University Press,
- (en) Gérald Bastard, Wave mechanics applied to semiconductor heterostructures, Les éditions de physique, coll. « Monographies de physique », , 357 p. (ISBN 2-86883-092-7)
- (en) J. Frenkel, « On the Transformation of light into Heat in Solids. I », Physical Review, vol. 37, , p. 17 (DOI 10.1103/PhysRev.37.17, lire en ligne)
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en) Christine Middleton, « Dark excitons outnumber bright ones » [« Les excitons sombres sont plus nombreux que les excitons clairs »], Physics Today, (DOI 10.1063/PT.6.1.20210107a)