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Écarlate

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Ecce homo de Lodovico Cigoli, 1607. Christ au manteau écarlate.

L'écarlate est une teinte d'un rouge vif.

Le terme écarlate s'emploie comme un superlatif de rouge. Au XVIIe siècle, il est synonyme de pourpre, au sens d'insigne d'honneur et de puissance. « On lui mit sur les épaules une robe d'écarlate toute usée, et dans la main un roseau comme à un Roi imaginaire et ridicule[1] » ; « quant au rouge vermeil, ou couleur d'écarlate, encore qu'elle soit composée et artificielle, son excellence & l'estime qu'on en a tousjours fait, & particulièrement les Anciens, parmi lesquels les seuls Roys & Princes en estoient vêtus, nous oblige d'en parler[2] ». Écarlate n'a jamais pris un sens technique précis et généralement accepté.

Étymologie, histoire et grammaire

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La couleur écarlate, du terme perse سقرلات saqerlât, est nommée d'après la teinture correspondante extraite d'un insecte parasite du chêne, la cochenille ou « kermès ». Venu d'Orient par le biais de l’Espagne musulmane, sous le nom d'« alkermès », mais connu dès l'Antiquité gréco-romaine, ce pigment carmin, très onéreux, servait à la teinturerie et à la médecine.

Le processus de teinture exige d'abord le mordançage, et selon le procédé, on obtient des nuances différentes. Avec de l'alun, on obtient des carmins, avec de l'étain, des nuances tirant vers l'orangé[3]. À la fin du XIXe siècle, « les nuances avec reflet jaune portent le nom d'écarlate, celles avec reflet rouge sont connues sous le nom de ponceau[4] ».

Le nom, comme d'autres, est passé, à travers les siècles, de l'indication d'une matière, une étoffe rouge vif[5] à la désignation d'un pigment, puis, dès 1615, à celle d'une couleur[6], qui a pu être obtenue, au cours du temps, par différents procédés, d'abord à partir de la cochenille, mais aussi de la garance, ou par les oxydes de fer des couleurs de Mars[7]. Au XXe siècle, le rouge de cadmium était l'écarlate canonique, l'emportant sur les autres par son pouvoir couvrant et sa stabilité à la lumière. Mais nombre de couleurs vendues comme rouge de cadmium contiennent en réalité des pigments organiques comme la quinacridone[8].

Pour la teinture de textiles, les colorants à base d'aniline et notamment colorants azoïques ont supplanté, au cours du dernier quart du XIXe siècle, les colorants naturels.

En biologie, l'épithète spécifique coccinea signifie « écarlate »[9], comme chez le chêne écarlate (Quercus coccinea) ou parfois cochenille, comme chez l'hygrocybe cochenille (Hygrocybe coccinea).

En français, les adjectifs de couleur qui proviennent de noms d'objets sont invariables (des robes marron, et non pas marronnes) ; « écarlate » est une des exceptions à cette règle (si tant est que écarlate ait jamais désigné autre chose qu'une couleur), et prend donc un s au pluriel : des robes écarlates.

Au XIXe siècle, Chevreul entreprend de repérer les couleurs les unes par rapport aux autres et par rapport aux raies de Fraunhofer visibles dans le spectre solaire. Il indique : « La couleur écarlate, la plus ordinaire, appartient au 3 rouge, et en est le 10° ton » : 3 rouge 10 ton[10].

Le Répertoire de couleurs de la Société des chrysanthémistes de 1905 indique que « le véritable Écarlate provient de la Cochenille traitée par la crème de tartre et le chlorure d'étain. On compte aujourd'hui une vingtaine d'Écarlates fabriqués avec des dérivés de la Houille ». Il témoigne aussi d'une divergence à propos de cette couleur. Elle se vend sous le nom de cinabre de géranium chez Lefranc[11] et sous celui de rouge vermillon chez Lorilleux. La Laque écarlate de Bourgeois est, pour les auteurs, couleur fraise, fraise écrasée pour les tons clairs, et le Rouge écarlate du même marchand leur semble Rouge Brasier, no 79 (RC).

Les marchands de couleurs contemporains proposent 070 Écarlate[12] ; écarlate[13] ; éc. Cadmium, Laque écarlate[14].

  • Dans l'armée britannique du XIXe siècle, les hommes du rang et sous-officier portaient une tenue rouge ordinaire, teinte à la garance, tandis que les officiers avaient un manteau écarlate, se distinguant par une teinte plus vive, et une teinture plus chère.
  • L’eau écarlate est le nom commercial, « dénomination de fantaisie » déposée par le droguiste Burdel en 1861[15], d'une composition employée pour enlever les taches de graisse sur les étoffes, contenant de la benzine, de l'éther de pétrole et de l'essence de bergamote, et censée revivifier particulièrement le rouge[16].
  • Comme rouge vif, « écarlate » a été choisi pour exprimer un niveau supérieur de l'alerte sécuritaire en France (plan Vigipirate), plus élevé que jaune, orange et rouge.

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Bibliographie

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  • Philip Ball (trad. Jacques Bonnet), Histoire vivante des couleurs : 5 000 ans de peinture racontée par les pigments [« Bright Earth: The Invention of Colour »], Paris, Hazan, .
  • Christine Pawlowska, Écarlate, Paris, L'Éditeur singulier, (1re éd. 1974), 125 p. (ISBN 978-2-9533467-4-9, lire en ligne).
  • Henri Dauthenay, Répertoire de couleurs pour aider à la détermination des couleurs des fleurs, des feuillages et des fruits : publié par la Société française des chrysanthémistes et René Oberthür ; avec la collaboration principale de Henri Dauthenay, et celle de MM. Julien Mouillefert, C. Harman Payne, Max Leichtlin, N. Severi et Miguel Cortès, vol. 1, Paris, Librairie horticole, (lire en ligne), p. 85.
  • Annie Mollard-Desfour, Dictionnaire des mots et expressions de couleur. Le Rouge, Paris, CNRS Éditions, .
  • Annie Mollard-Desfour (préf. Sonia Rykiel), Le Rouge. Mots et expressions d'aujourd'hui. XXe – XXIe siècles, CNRS Éditions, (1re éd. 2000), 494 p..
  • Georges Roque, La cochenille, de la teinture à la peinture : une histoire matérielle de la couleur, Paris, Gallimard, coll. « Art et artistes »,

Articles connexes

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Notes et références

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  1. Jean-Baptiste Sainct-Jure, Le Livre des éluz. Jésus-Christ en croix, Paris, (lire en ligne).
  2. Marc de Vulson de La Colombière et Denis de Salvaing de Boissieu, La Science héroïque, traitant de la noblesse, de l'origine des armes, de leurs blasons et symboles(…), Paris, (lire en ligne)
  3. Roque 2021, p. 79.
  4. Johann Rudolf von Wagner et Léopold Gautier, Nouveau traité de chimie industrielle, Paris, (lire en ligne), p. 583.
  5. Trésor de la langue française.
  6. Vigenère traite pourpre et écarlate comme synonymes : Philostrate de Lemnos (trad. Blaise de Vigenère), Les Images ou Tableaux de platte peinture des deux Philostrates sophistes grecs et les Statues de Callistrate, (lire en ligne), p. 241.
  7. Jacques Blockx, Compendium à l'usage des artistes peintres : Peinture à l'huile. Matériaux. Définition des couleurs fixes et conseils pratiques suivis d'une notice sur l'ambre dissous, Gand, L'auteur, (lire en ligne), p. 51.
  8. Ball 2010, p. 486.
  9. Lorraine Harrison (trad. de l'anglais), Le Latin du jardinier : plus de 3000 noms de plantes expliqués, Paris, Éditions Marabout, , 224 p. (ISBN 978-2-501-08176-4).
  10. Michel-Eugène Chevreul, « Moyen de nommer et de définir les couleurs », Mémoires de l'Académie des sciences de l'Institut de France, t. 33,‎ , p. 39, 55 (lire en ligne). La couleur est calculée pour un écran conforme à la norme sRGB, pour une longueur d'onde, repérée par rapport aux raies C et D, de 632 nm, avec une saturation maximale.
  11. Le nuancier actuel de Lefranc indique que l'écarlate est « le bi-iodure de mercure », retiré du catalogue.
  12. « Nuancier général web »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur carandache.com.
  13. Pigment laqué d'alizarine azoïque écarlate Sennelier.
  14. Écarlate de Cadmium et Laque écarlate Winsor & Newton. Le sens des termes britanniques homologues des termes français désignent souvent un champ chromatique légèrement différent.
  15. Henri Allart, Traité théorique et pratique de la concurrence déloyale, Paris, (lire en ligne), p. 147sq.
  16. Maurice La Châtre, Nouveau dictionnaire universel, Paris, 1865-1870 (lire en ligne) ; René Cerbelaud, Formulaire des principales spécialités de parfumerie et de pharmacie : Nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée, conforme au Codex 1908, Paris, (lire en ligne).